OPTIMISER LA DEMOCRATIE

plateau fruits Offrande de fruits

« Fructus » (jpra)


                                                        OPTIMISER LA DEMOCRATIE

Démocratisation et bonne gouvernance sont les marques de la fin du XXème siècle et du début du XXIème.

Mais, le fait est qu’il n’existe pas un seul processus démocratique applicable à toutes les situations et à tous les pays. Et c’est tant mieux !

Car, la démocratie doit être vivante, par conséquent portant la marque de la diversité.

Parce que, tant devant la diversification des inspirations nationales que des situations, il est certainement nécessaire de rendre effective l’appropriation des initiatives par les populations concernées au moyen d’une valorisation de leurs propres génies et capacités.

C’est dans cette approche que le Droit et la morale politique doivent jouer leur rôle, et que le transfert de leurs valeurs de même que le partage des expériences sont destinés à leur venir en renfort.

                                                  DEMOCRATIE OU DEMOCRATIES ?

L’idée était déjà en germe chez Platon dans « La République ».

Et Socrate se voyait déjà « citoyen du monde » !…

A la base de cette « science du Bien » qu’est la République, la légalité doit s’imposer. Mais, bien plus encore: la norme juridique  dans son essence et non dans sa simple expression formelle (car, n’oublions pas que les régimes de terreur se réclament également de la « légalité »…).

Car, la légalité peut se fabriquer et s’instrumentaliser, tandis que la norme juridique en puisant dans son essence demeure référentielle.

Or, l’Histoire nous enseigne que les idéologies totalitaires peuvent se servir de la légalité (n’oublions pas: Hitler a accédé au pouvoir par la voie légale et les forces extrêmistes actuelles savent utiliser les voies légales pour s’imposer à travers le monde),  et que la vieille querelle autour du plus d’Etat ou moins d’Etat n’a toujours pas réussi à résoudre l’équation de l’éradication de la pauvreté et de l’épanouissement du citoyen dans un contexte de croissance économique.

Car, la paupérisation est un terreau où se nichent les pulsions totalitaires, tels le fascisme et son enfant, le nazisme ou encore au Japon le militarisme d’antan.

L’Etat de droit, quant à lui, est invoqué comme un leitmotiv qui, devant les difficultés, prend trop souvent une forme quelque peu incantatoire, et souvent sans trop savoir ce que recouvre cette formule…

                 LES TRADUCTIONS CONCRETES POUR PARVENIR A L’ETAT DE DROIT

De quoi s’agit-il ?

Ad minima, de plusieurs notions conjuguées:

. primauté du droit et conformité à la constitution dans l’exercice de tous les pouvoirs ; contrôle de la constitutionnalité des lois et règlements ; contrôle de légalité des actes de l’administration ; possibilité pour tout citoyen de saisir un médiateur ; justice impartiale, indépendante, accessible et efficace ; existence d’institutions et de mécanismes juridictionnels ou non juridictionnels ?

En effet, c’est tout cela à la fois.

Mais, tout cela n’a de sens que si la primauté de l’Homme (et, bien sûr, la Femme y incluse !) est affirmée, valorisée et rendue opérationnelle. Il y a aussi le lien nécessaire et permanent à établir entre bonne gouvernance et développement durable.

Ces références étant réunies et assimilées, la qualité de la démocratie pourra ainsi se mesurer sur cinq critères :

. le degré de mobilisation librement acceptée par la population ;

. l’émergence de nouveaux partenariats entre initiatives publiques et privées aptes à mobiliser tous les acteurs engagés pour la démocratie et les droits de l’Homme ;

. la faculté pour les individus, regroupés au sein d’organisations reconnues, de négocier avec les institutions et les administrations, ou pour peser sur l’action gouvernementale et contrôler le pouvoir de l’Etat ;

. le degré de participation du peuple à l’exercice du pouvoir ;

. le degré de déconcentration des administrations et de décentralisation de l’Etat, afin d’assurer une proximité et une réceptivité plus grandes.

Car, au total et in fine, il s’agit de parvenir à un état de droit, avec un petit « e », c’est-à-dire un état de fait où dans la quotidienneté prime le Droit, la norme juridique et la morale politique, et non pas simplement la légalité.

Deux autres dimensions sont aussi à considérer : le transfert culturel et les formes d’expression de la démocratisation.

Il est admis qu’il n’y a pas de mode d’organisation unique calqué sur un modèle donné et applicable en tous lieux et en toutes circonstances.

Or, l’ingénierie constitutionnelle ou institutionnelle est devenue un  métier répandu pratiqué par les grands juristes de ce monde, lesquels sont nécessairement (trop) imprégnés de leur propre tradition juridique et institutionnelle et sont marqués par la propension à vouloir l’imposer.

Cette réserve de précaution étant dite, pour une large part, quand on parle d’ingénierie constitutionnelle ou institutionnelle, nous sommes dans des opérations d’adaptations ou de « réparations », pouvant aller jusqu’à la mise en place d’un système global.

Parallèlement ou à cause d’elles, la stratégie des affaires comme les nécessités relationnelles étatiques induisent, à travers les produits échangés, les questions débattues et les concepts véhiculés, un transfert d’idées, de savoir-faire et de façon d’être, et entraînent derrière elles un transfert culturel en provenance des sociétés dominantes.

                                                        UN DEFI PERMANENT

Un défi permanent est ainsi à relever :

Comment éviter qu’un tel transfert influe sur d’éventuelles expressions ou applications erronées de la démocratie dans un pays donné ?

Il s’agit tout d’abord de s’extraire d’un déficit local en matière de connaissance et de pratique des droits fondamentaux en se posant deux questions fondamentales :

. d’une part, y a –t-il un véritable consensus sur les principes et critères essentiels de l’Etat de droit tels qu’exposés plus haut ?

. d’autre part et de façon supplétive, ne faut-il pas considérer que, quelles que soient les « spécificités culturelles », chaque culture doit, à sa façon et à son rythme, « se dépasser » elle-même pour retrouver l’essence commune des droits fondamentaux et de la démocratie ?

C’est tout le sens des efforts constants menés au sein des instances des Nations Unies où, faut-il le rappeler, les pères fondateurs et la mère fondatrice de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée à Paris au Palais de Chaillot le 10 décembre  1948, un Chinois (le docteur Chang, représentant la Chine, celle de Taïwan), trois Français (René Cassin, Henri Laugier et Stéphane Hessel), une Américaine (Eleanor Roosevelt, veuve du Président des Etats-Unis), un Libanais (Charles Habib Malik) , un Canadien (John Peters Humphrey), un Belge et un Chilien, ont réussi à faire valoir les concepts de leur culture respective pour parvenir à ce monument référentiel de nature non pas simplement  internationale mais bien universelle.

Tous les grands textes et standards internationaux procèdent de la même manière.

On parvient ainsi à constater que l’Humanité a un patrimoine commun (cf. réaffirmation, par la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme de Vienne en juin 1993, de l’universalité de ces droits, à la suite de laquelle fut créé le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme) et une éthique commune en matière de droits fondamentaux et de Démocratie.

En tout cas, c’est ce à quoi il faut tendre.

Il s’agit dès lors que le peuple trouve les formes idoines de l’exercice de sa souveraineté dans l’universalité.

Dans cette configuration, les valeurs culturelles sont – et doivent être – garantes de la capacité des sociétés à générer le Droit et la Démocratie chez elles.

Se posent maintenant les questions de l’opportunité, de l’adaptabilité, de la sélectivité et du rythme des réformes à engager.

Nature morte

« Offrande de fruits », pastel, JPRA

                                         LES EXPRESSIONS DE LA DEMOCRATIE

Le processus recherché est que la démocratisation, en tant qu’exercice de bonne gouvernance, s’inscrive dans les réalités et les spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque peuple.

A cet égard, se prévalant d’une autre vision des libertés plus inspirée par un système de normes comportementales que par le droit, certains pays, surtout en Asie, avancent une autre conception de la démocratie qui sort du modèle libertaire.

Cela signifie-t-il aussi au niveau institutionnel moins de multipartisme et moins de jouissance de tous les droits, civils et politiques, économiques, sociaux et culturels, assortis de mécanismes de garanties qu’implique le modèle libéral qui tend à s’imposer avec le phénomène de la mondialisation ?

Et, que peuvent signifier le multipartisme et le pluralisme quand on sait que l’un conduit trop souvent à l’émiettement de la vie politique (exemples, entre autres, de l’Italie et du Japon), et que l’autre, reconnaissant certes les différences de tous ordres, y compris les minorités ethniques là où elles existent, aboutit à la création d’une multitude d’organismes publics et privés qui peuvent, à force de pousser loin leurs avantages respectifs, nuire à leur efficacité et à la cohérence d’un système ?

C’est là où il est nécessaire que la qualité de la démocratie passe par des adaptations permanentes aux spécificités sociétales et par le développement combiné d’une démarche particulière devant allier « patrimoine commun » et « éthique commune », tels que vus plus haut, avec le principe de l’ « indivisibilité des droits de l’Homme ».

C’est bien ainsi, par exemple, que des intellectuels asiatiques (notamment originaires de Chine, de Birmanie, d’Indonésie, du Tibet, de Timor oriental et du Vietnam), par ailleurs tous défenseurs des droits humains, avaient manifesté leurs avis à l’occasion de la session annuelle de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU en avril 1998.

Face à la posture adoptée par leur gouvernement respectif marquée par un conformisme confucéen (qui englobe toute l’Asie orientale du nord au sud) ou islamique, soucieux de discipline, ces intellectuels s’appuient, eux, sur les philosophies de l’épanouissement personnel et de la libération spirituelle que sont le taoïsme et le bouddhisme, le représentant tibétain soulignant notamment le principe que « nul ne saurait être heureux aux dépens des autres », et les représentants birman et vietnamien de renchérir en disant : « la Déclaration universelle des droits de l’Homme est partie intégrante de la philosophie bouddhiste ».

On l’a compris, toutes ces considérations n’impliquent pas le particularisme qui empêcherait la mise en œuvre indivisible des droits de l’Homme dans un esprit universaliste, puisque, comme le soulignait le Professeur Mario Bettati (qui fut mon professeur de Droit en année doctorale…) , « les droits affirmés ne concernent pas des citoyens, ressortissants des Etats, mais des individus appartenant à une même fratrie humaine ».

Mais, il est vrai aussi que pour ménager le principe intangible de la souveraineté des Etats, les traités internationaux contiennent souvent une clause particulière de sauvegarde ou de réserve, permettant à chaque Etat partie au traité d’écarter l’application à son égard de telle ou telle disposition non substantielle dudit traité, ou leur accordant une marge d’appréciation dans la mise en œuvre effective d’autres dispositions.

Pourtant, malgré ces réserves ou cette fameuse marge d’appréciation, le droit d’ingérence est maintenant un principe acquis en droit international en matière humanitaire.

Or, la notion même d' »humanitaire » tend à l’extension en ces temps où la condition humaine connaît de multiples violations…

La notion même de diversité dans l’expression du droit et de la démocratie demeure primordiale, sachant cependant qu’aux termes de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme « toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».

On voit bien que face à toutes ces balises – nécessaires -, la Démocratie réclame de la part des hommes et des femmes auxquels elle s’applique, mais plus encore de la part de leurs dirigeants, des capacités éprouvées de réflexion, d’action et d’ajustements qui ne doivent souffrir aucune approximation.

                                                                         Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

* Résumé d’une conférence que j’ai prononcée dans le cadre de la délégation de l’UNESCO lors du 1er Forum Social Mondial de Porto Alegre (Brésil), janvier 2001, séminaire sur « Démocratie et gouvernance mondiale, les défis du XXIème siècle ».  

LA DIPLOMATIE AVANT-GARDISTE DU SAINT-SIEGE

                               LA DIPLOMATIE AVANT-GARDISTE DU SAINT-SIEGE

En nos temps de grands troubles dans les esprits, il est certainement plus qu’utile de savoir qu’un sujet sui generis du droit international, qui est lui-même né des turpitudes de l’Histoire de cette Europe qui connut les puissants Etats Pontificaux, s’engage quotidiennement partout dans le monde pour tenter de soulager la douleur des hommes et influer sur les grandes décisions sur la condition humaine.

C’est le Saint-Siège, qui a son assise territoriale au Vatican, dont les frontières sont garanties par les Accords de Latran, un traité en bonne et due forme effectivement consacré par le droit international.

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Rosace 9

« Rosasy », maquette de vitrail -JPRA –


                                                   LA DUALITE SAINT-SIEGE ET VATICAN

D’emblée, décrivons cette dualité qui confère à la diplomatie du Saint-Siège sa dimension universelle.

. au Saint-Siège la souveraineté internationale et la direction des relations diplomatiques à travers le Souverain pontife lui-même, son Secrétaire d’Etat, son Secrétaire aux Relations avec les Etats, et son important dispositif diplomatique extérieur;

. à la Cité du Vatican par contre la charge de la territorialisation juridique et institutionnelle de l’Etat, de la protection de son indépendance et de son intégrité territoriale.

Les relations diplomatiques avec le Saint-Siège s’exercent donc avec la souveraineté fonctionnelle et universelle du Saint-Siège dédiée à la spiritualité catholique et à l’Evangile, et non pas au seul aspect territorial en rapport avec la Cité du Vatican.

C’est que, étant dédiée au service de l’Annonce (Evangile), de la centralité du genre humain, du développement, des libertés et de la Paix, et obéissant à des considérations intemporelles où il n’y a point d’intérêts particuliers (voire partisans) à défendre, contrairement aux autres Etats « ordinaires », la diplomatie vaticane se distingue de celle d’un Etat ordinaire pour porter haut et en profondeur les valeurs humaines.

A travers une présence permanente de l’Eglise catholique, elle est servie par un réseau qui est sans doute le plus important au monde, faisant du Saint-Siège l’un des Etats les mieux informés sur cette planète et lui conférant un rôle central dans ce qu’on appelle la « diplomatie feutrée », celle grâce à laquelle peuvent se tenir à l’abri des feux de l’actualité de difficiles négociations, pourparlers, médiations ou autres rencontres sur des sujets qui touchent à l’un des axes rappelés plus haut.

Ceci fait que le poste d’ambassadeur près le Saint-Siège est l’un des plus prestigieux de la carrière diplomatique.

Sujet de droit international public doté d’un statut spécifique, dans les faits le Saint-Siège préserve cette spécificité en choisissant d’être observateur au sein des Nations unies et de ses organisations spécialisées, de même qu’auprès des autres organisations internationales, ce qui lui permet d’influer grandement sur tous les sujets d’importance pour l’humanité, sans être partie prenante dans les délibérations.

Son socle territorial est le Vatican.

Succédant à ce que furent les puissants « Etats pontificaux » alors dotés d’une force militaire, il est aujourd’hui l’expression d’une puissance morale à vocation religieuse, humanitaire et universelle, dont l’indépendance, la neutralité et la souveraineté sont garanties par les Accords de Latran (reconnus comme étant un véritable traité) de 1929.

La diplomatie du Saint-Siège, dont le pape lui-même en est le représentant suprême, est administrée par un Secrétaire pour les Relations entre les Etats (équivalent de Ministre des affaires étrangères) et servie par un corps de diplomates et de nonces essentiellement formés au sein de l’Académie Pontificale Ecclésiastique de Rome (cf. sur ce même Blog l’article « L’Académie pontificale ecclésiastique » daté du 7/1/2014), ces diplomates et nonces exerçant en outre un véritable ministère pastoral auprès des Catholiques de leur pays d’accréditation et doivent rendre « plus efficace les liens d’unité qui existent entre le siège apostolique et les églises locales ».

Mais, cette puissance de la diplomatie vaticane est d’abord fondée sur celle même de l’Evangile qui transcende le genre humain, essentiellement par son « développement intégral » au moyen de l’inculturation de l’Evangile, ceci devant aboutir à promouvoir et garantir le bien-être dans la vérité, l’amour, la justice et la paix.

                                                               DANS LA PRATIQUE

Dans la pratique, doit s’établir un lien indissociable entre ce message évangélique et la notion de développement, lequel étant, selon l’expression du Pape Paul VI, « le nouveau nom de la Paix », qui a vocation à libérer le genre humain de l’aliénation sociale. En tant que tel, le Développement se décline d’ailleurs, à l’initiative du Pape Jean-Paul II en 2005, en « quatre défis » : le défi de la Vie ; le défi du Pain ; le défi de la Paix ; le défi de la Liberté.

Quant au Pape Benoît XVI, sa marque particulière s’est traduite par le « dialogue interreligieux », celui-ci conduisant tout naturellement au « dialogue serein » des civilisations et le « partage des valeurs », le Dieu unique et universel n’excluant d’ailleurs pas la reconnaissance, dans leur nature respective, des authentiques traditions spirituelles.

Bref, c’est à un « nouvel ordre international », comme avant-garde ouvert à la justice, à la Liberté et à la Solidarité auquel l’action diplomatique du Saint-Siège aspire, non pas pour aboutir à une illusoire gouvernance mondiale, mais, par la concertation et le dialogue, à un multilatéralisme, antidote à la « mondialisation » ou à la « globalisation », un multilatéralisme « témoin d’espérance » et faiseur d’accords pour régir la vie internationale dans plus de civilisation.

C’est ainsi, entre autres exemples, que le Pape Benoît XVI et la diplomatie vaticane se sont fortement impliqués dans l’adoption le 18 décembre 2007, au sein des Nations Unies, d’un Moratoire sur l’application de la peine de mort, et que dans son homélie de l’Epiphanie en 2008, il dénonçait la mondialisation qui « attise les conflits pour la suprématie économique et l’accaparement des ressources ».

Quant au Pape François, il poursuit une activité diplomatique intense qui le conduit sur les cinq continents en portant une parole sans fard. Incontestablement, au Saint-Siège les lignes bougent dans les affaires intérieures du Vatican, notamment en ce qui concerne ses finances controversées.

Et cette franchise papale, inhabituelle pour un souverain pontife, déteint également au plan extérieur, et c’est nouveau, car le Pape François dit ses quatre vérités au cercle dominant des pays riches, lesquels osent prôner la Paix tout en vendant des armes les plus diverses et les plus sophistiquées, et ceci avec des bénéfices accrus en ces temps troublés.

François avait entamé en Afrique une tournée qui n’était pas sans danger avec une série d’attentats qui endeuille maints pays en Afrique, tout particulièrement au Kenya où il venait d’atterrir le 25 novembre 2015. Et figurait à son agenda une visite en Centre-Afrique où continuait de sévir une guerre qui ne dit pas son nom mais qui génère en permanence sa cohorte de morts et de blessés de la vie, non seulement à cause d’actes terroristes mais aussi dus à l’extrême misère.

Les « Quatre défis » définis en 2005 par le Saint-Pape Jean-Paul II rappelés plus haut (défi de la Vie; défi du Pain; défi de la Paix; défi de la Liberté) n’en acquièrent que plus de valeur, de pertinence et d’actualité dans cette Afrique et dans ce monde secoués, bouleversés et exposés à tous les dangers.

Pour terminer ce petit exposé, je dois dire qu’au cours de mes missions passées, que ce fut près le Saint-Siège ou auprès des nombreux pays et organisations internationales où je fus accrédité, j’ai toujours eu les meilleurs rapports de compréhension mutuelle et d’amitié, d’une part avec le Secrétaire d’Etat (équivalent du Premier ministre), le Secrétaire pour les Relations avec les Etats (équivalent du Ministre des Affaires étrangères) et l’ensemble des cardinaux du Saint-Siège, et d’autre part avec les nonces apostoliques accrédités ici à Paris et ailleurs, chacun s’appliquant à écouter, comprendre et agir avec une sincérité et une profondeur non feintes quel que soit le sujet concerné.

Je dois avouer que pratiquer dans un tel esprit de sérénité – et de convivialité – la diplomatie rend presque agréables à traiter les sujets les plus difficiles.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo*

2006: le corps diplomatique près le Saint-Siège autour du Pape Benoît XVI (je suis au 3ème rang, légèrement à gauche du souverain pontife).

*Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, grand’croix de l’ordre de Saint-Grégoire le Grand, au 3ème rang à gauche sur la photo, a été ambassadeur de Madagascar près le Saint-Siège de 2002 à 2008 et avait assuré des conférences en 2008 à l’Université pontificale de la Grégorienne de Rome pour la formation de diplomates africains accrédités près le Saint-Siège.

BenoitXVI et moi 1

Novembre 2008. Le Pape Benoît XVI me reçoit en audience privée au Palais Apostolique du Vatican.

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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LE JAPON: UNE MONARCHIE REPUBLICAINE


fleurs épanouies 7
« Chrysamthèmes » (jpra)


                                    LE JAPON : UNE MONARCHIE REPUBLICAINE

Pour affronter le monde et affirmer davantage son identité, le Japon dans son histoire a toujours fait le choix d’optimiser l’alliance de la modernité et de la tradition, tout autant que la capacité réformiste.

L’année 1868 fut l’année charnière avec la « Restauration Meiji », le retour du gouvernement central du « Tennô » (Empereur) au détriment du shogunat qui avait confisqué le pouvoir dans un esprit féodal pendant près de sept cents ans.

C’est dans une démarche volontaire et non subie que le Japon avait tôt intégré progressivement le système institutionnel et juridique civiliste et romaniste venant de France (Boissonade) et d’Allemagne, auquel s’est greffé par la suite le parlementarisme britannique puis, de façon forcée mais pleinement acceptée après la défaite de 1945, l’apport américain (général McArthur) à travers la constitution de 1946 qui a toujours cours aujourd’hui.

Pour l’essentiel et à très grands traits, un réel équilibre des pouvoirs, entre l’intemporel personnifié par le Tennô et le temporel exercé par l’Exécutif, la Diète, le Pouvoir Judiciaire et les Collectivités Locales, s’est mis en place.

Aujourd’hui, si le Tennô a perdu son statut de chef de l’Etat et de législateur avec l’assentiment de la Diète impériale, il demeure par contre, et ce de façon permanente – d’où la dimension intemporelle de son statut – , le symbole vivant de l’Etat et de l’unité du peuple, bref, la personnification du Japon (référence à l’ascendance sacrée avec la « Déesse Amaterasu »), avec l’exercice exclusif des actes rituels et nominaux du plus haut degré, et en tant que tel c’est lui qui convoque la session ordinaire et annuelle de la Diète.

Le système institutionnel Japonais se caractérisant par un parlementarisme inspiré de la tradition de Westminster, la Diète, divisée entre le « Shûgi-in » (chambre des Représentants) et le « Sangi-in »  (chambre des sénateurs), est investie du pouvoir légiférant, le « Shûgi-in » ayant, comme en France, le dernier mot en cas de vote contraire des deux chambres.

Quant à lui, le pouvoir exécutif (« Naikaku », le « Cabinet », ou « Seifu », le « Gouvernement ») procède de la Diète, le Premier ministre et les principaux ministres étant choisis parmi le membres de la majorité parlementaire ou d’une coalition majoritaire, le Premier ministre (« Naikaku-sôri-daijin ») étant désigné par une « résolution de la Diète » et nommé par le Tennô, tandis que les ministres le sont par le Premier ministre. Ce dernier peut, en cas de nécessité, convoquer la Diète en session extraordinaire.

Au Japon, on peut parler d’un véritable « Pouvoir judiciaire », là où en France la Justice ne dispose que d’une « autorité » trop souvent contestée. C’est la Cour Suprême qui exerce ce pouvoir, un pouvoir d’autant plus grand et rationnel que le Japon a un système unitaire, là où en France à côté de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif se sont développées des juridictions spéciales ou d’exception produisant des jurisprudences variables. Protocolairement – et cela est significatif ! – le Président de la Cour Suprême a le même rang que le Premier ministre. D’autre part, c’est la Cour Suprême qui détermine le budget des tribunaux.

Par contre, sur une proposition de la Cour Suprême, le Premier ministre désigne son Président et c’est le Tennô qui le nomme. De façon permanente, le contrôle de la constitutionnalité des lois est du ressort de la Cour Suprême.

Notons encore que juges, procureurs, avocats et hauts fonctionnaires ont exactement la même formation de base, leur faisant acquérir une même culture propice au respect et à la compréhension mutuels, là où en France de multiples filières (magistrature de l’ordre judiciaire, magistrature de l’ordre administratif et financier, avocature, haute fonction publique, fonction territoriale, etc…), certes renforcent les compétences spécifiques mais tendent à un certain corporatisme professionnel.

Enfin, l’autonomie locale étant un principe constitutionnel fortement affirmée, les collectivités locales bénéficient d’un large pouvoir délibératif et d’une autonomie administrative réelle, dans la limite toutefois de leur compatibilité avec les lois et décrets nationaux. Ceci permet à chacune de ces collectivités territoriales d’entretenir avec leurs homologues étrangères de forts liens de coopération.

Le caractère républicain de ce système institutionnel, outre qu’il ressort avec évidence de l’articulation des pouvoirs et prérogatives ainsi décrite, est bien marqué dans le préambule de la constitution de 1946 où sont proclamés les principes fondamentaux de la démocratie représentative, de la souveraineté du peuple, de la laïcité, du pacifisme, de l’Etat-providence, du libéralisme, des droits fondamentaux et même de l’individualisme.

Le Tennô lui-même, tenu et soumis par les dispositions strictes de la constitution, avait déclaré peu avant son intronisation :

« Je fais le serment d’être toujours uni au peuple et de soutenir la constitution ».

fragment de vitrail (3)
« Fragment de vitrail – Sakura –  » (jpra)

                                                                     Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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PRESENCE CHINOISE EN AFRIQUE: OPPORTUNITES ET CONDITIONNALITES (2ème partie)

Bambou (2)
« Bambou 2  » (jpra)
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L’intérêt de la Chine pour l’Afrique, servi, on l’a vu (voir la 1ère partie de cette série d’articles), par un travail de fond considérable, est bien entendu dicté par des considérations stratégiques.

Dans le nouvel équilibre triangulaire Chine-Afrique-Occident, l’Afrique se doit de maîtriser sa stratégie de développement au risque de perdre tout contrôle sur ses propres richesses tant convoitées…

Posons le diagnostic. 

Et dégageons les lignes directrices d’une optimisation de l’accueil des investissements chinois.

                                                       LES DONNEES STRATEGIQUES

Y a-t-il alors un prix à payer, quand et sous quelle(s) forme(s) par les Africains ?

Car, il est vrai que maintes critiques n’ont pas tardé à se formuler à cet égard et qui tournent autour de la question sous-jacente de l’incapacité africaine à se faire valoir devant ce qui est perçue comme la voracité chinoise .

Il est cependant certain que sur le plan diplomatique, tant par rapport au cas de Taïwan que dans le long processus d’affirmation de l’influence chinoise sur les grandes questions internationales, sur lesquelles la Chine se trouve confrontée souvent aux plus grandes puissances de ce monde, pour l’appui également à ses initiatives au sein des Nations Unies comme des institutions onusiennes, la Chine a besoin des voix délibératives africaines sur le plan international.

Bien entendu, reste que la Chine est fortement intéressée par les énormes réserves de ressources énergétiques de l’Afrique, mais quelle autre grande puissance, y compris la Russie – un « nouveau venu », notamment à Madagascar ! – ne s’y intéresse pas ?

Aux Africains donc de ne point se laisser impressionnés, abusés et d’être suffisamment affûtés pour trouver un équilibre entre leurs différents partenaires…

Les Africains ne gagneraient rien, en effet, à vouloir jouer la Chine contre leurs partenaires « traditionnels », si tant est qu’une telle tentation germe dans certains esprits désireux de s’affranchir du poids des conditionnalités imposées notamment par les Européens et les instances économiques et financières onusiennes, ou pour « se libérer » d’un poids économico-psychologique hérité du colonialisme et du néo-colonialisme.

Ensuite, il convient de considérer que la Chine, en tant que nouveau partenaire important du développement de l’Afrique, offre une réelle chance à l’Afrique, mais à des conditions strictes :

      .   éviter que les investissements chinois créent des situations de conflits sociaux (rappelons le nombre croissant de Chinois vivant et travaillant en Afrique), des positions monopolistiques et aboutissent à imposer, notamment en termes de financements, des conditions contraires à l’intérêt national ;

       .  encourager la création de joint-ventures ou de clusters impliquant différents investisseurs, ce dans un souci d’équilibre et de dividendes économiques,  sociaux et environnementaux au profit des nationaux  et de la population locale ;

      .   intéresser différents bailleurs de fonds d’autres pays partenaires dans les projets à dimension stratégique et structurants pour l’économie sectorielle ;

      .   imposer un plan de développement viable et durable, tout investissement d’envergure devant participer à une meilleure intégration économique, sociale et environnementale ;

       .  éviter que l’Afrique ne devienne l’ « atelier de la Chine », ce qui suppose l’émergence d’une industrie locale fondée sur la valeur ajoutée et la constitution d’un capital technique propre.

Il est ainsi impératif qu’aux yeux des Chinois et du monde l’Afrique ne soit point perçue comme un nouvel Eldorado des temps modernes où tout et n’importe quoi est permis. Cette crainte, devenue réalité dans certains pays, comme Madagascar où récemment en 2016 un groupe industriel chinois d’exploitation aurifère a dû plier bagages, doit d’urgence être maîtrisée.

Cela suppose que chacun des pays africains développe une politique économique, sociale, environnementale et industrielle forte, claire, précise, efficace et déterminée sous la forme d’une planification où l’Etat, au-delà de simplement jouer un rôle régulateur et d’orientation dans un contexte de libre et saine concurrence, garde cependant une suffisante maîtrise dans des secteurs stratégiques, ceci étant somme toute tout à fait conforme aux normes communément admises sur le plan de la réglementation internationale de la CNUCED et de l’OMC.

A ces égards, il sera intéressant de mesurer les impacts attendus de l’énorme projet industriel chinois, conclu fin 2016, devant faire du port de Tanger au Maroc un site industriel de haute technologie de première importance, devant permettre à la Chine de rayonner en Afrique bien sûr, mais aussi en Europe. Le site est prévu d’entrer en service d’ici moins de dix ans.

 

Mont fleuri

« Mont fleuri » (JPRA)

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La maîtrise par l’Afrique – les « Afriques » – de sa (leur) stratégie industriel est donc indispensable, sinon primordiale. Or, quel est en effet le pays, parmi ceux qui sont aujourd’hui les plus développés, qui n’ait pas ses « secteurs protégés et/ou stratégiques» fondés sur la nécessité de les mettre à l’abri de tentatives prédatrices extérieures ?.

Dans ce contexte général la marge de manœuvre de l’investisseur occidental tendrait-elle ainsi à se comprimer, et dans le jeu triangulaire Afrique-Chine-Occident un nouvel équilibre serait ainsi certainement à trouver ? 

Il est un fait que le potentiel économique de l’Afrique ne fait que se révéler, et pour faire court il y a lieu de dire que non seulement il y a place pour tout le monde, mais il faut aussi considérer que si l’Afrique, dans chacune de ses régions, se montre en capacité de mettre en place une véritable stratégie efficace de développement, cela ne pourra qu’attirer les meilleurs investissements répondant aux objectifs prédéfinis.  

                                   QUELS CRITERES DECISIONNELS RETENIR ?

Il est donc de plus en plus nécessaire d’avoir certains repères.

A cet égard, chercheurs et spécialistes de la présence chinoise en Afrique s’accordent pour retenir les données suivantes, afin de bien évaluer la présence chinoise en Afrique :

1.    .  non soumis aux conditionnalités édictées par l’OCDE et l’Union Européenne, les investissements chinois offrent des financements plus souples, une expertise, de la technologie et de la formation plus appropriées, des infrastructures abordables et livrées rapidement, des médicaments génériques, des machines et des biens de consommation adaptés (cf. Helmut Reisen, directeur de recherche au Centre de Développement de l’OCDE et J-P. Stijns, économiste) ;

2.     . par ces investissements, les chinois sont capables d’offrir des modes alternatifs de financement du développement africain ;

3.   .   à travers ces investissements, la Chine parvient à offrir aux Africains un modèle d’aide et de coopération qui met l’accent moins sur des considérations de bonne gouvernance économique ou gouvernementale que sur le potentiel commercial et économique en mettant davantage l’accent sur la notion de bénéfices mutuels (« win-win »);

4.    .  à ce dernier titre, les Chinois contribuent de plus en plus à ce que les Africains soient capables d’exporter sur les marchés émergents des produits à valeur ajoutée ou manufacturés à partir d’usines qu’ils ont contribué à créer en Afrique.

Dans ce contexte, et pour conclure, il est donc possible de trouver des formes optimales de coopération avec les Chinois en Afrique, en considérant les éléments suivants :

1.   .   sur de grands projets, la tendance des investisseurs chinois est de rechercher des partenariats avec d’autres investisseurs, notamment occidentaux  (ainsi existe-t-il un « Forum Euro-Asiatique des Affaires »);

2.   .   le partenariat économique et commercial de la France avec la Chine se renforce, y compris en Afrique , sur ce continent une sorte d’harmonisation des politiques d’investissement réciproques pouvant se mettre en oeuvre ;

3.    .  dans ce contexte stratégique global, la constitution de « joint-ventures » franco-chinoises en Afrique est donc une formule appelée à se développer.

On lOn voit par ces courtes évocations que si le continent africain est désormais reconnu comme celui de l’avenir, sachant d’ailleurs que le taux de croissance moyen y est d’environ 6% l’an, mais ce décollage économique ne profitant cependant pas à la masse populaire, la question angulaire pour les dirigeants africains est de parvenir à maîtriser, dans chacun des pays, une planification intégrée afin  de favoriser un développement réellement durable tant en termes de nature qu’en dans le temps.

La La Banque Africaine de Développement dans son rapport 2015 n’avait pas manqué d’insister sur une telle nécessité.

Aux pays africains, donc, de savoir développer une réelle vision holistique afin de permettre la mise en oeuvre d’une planification intégrée comportant en particulier un code des investissements.

Car il faut le souligner, c’est le tout-libéral actuel qui livre à une libre concurrence débridée des pans entiers d’une économie déjà désarticulée à sa base qui permet aux investissements nocifs (quelles que soient leur provenance) de s’introduire,… que ces investissements soient chinois ou pas.

 

*Jean-Pierre RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO, Avocat honoraire au Barreau de Paris, Ancien Ambassadeur de Madagascar en France et auprès de différents autres pays et organisations internationales, récemment Ambassadeur de Madagascar en Italie et auprès de la FAO, est Sinisant diplômé supérieur de Chinois de l’Institut national des Langues et Civilisations Orientales de Paris, ancien enseignant universitaire spécialiste de la Chine et du Japon en matière institutionnelle.

Article soutenu par : « FOCUS CHINE – YING & JP ASSOCIES »

 

PRESENCE CHINOISE EN AFRIQUE: OPPORTUNITES ET CONDITIONNALITES

                                                                   – 1ère partie –

fragment de vitrail (2)
« Xin Hua » – Aquarelle de fragment de vitrail – Jipiera
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La présence de la Chine en Afrique ne laisse personne indifférent, certains allant jusqu’à affirmer péremptoirement que l’Afrique est désormais sous la coupe économique chinoise.

Qu’en est-il ?…

Voyons cela de plus près et en allant au fond des choses.

                                                      LES SOUBASSEMENTS HISTORIQUES

Tout d’abord, l’histoire démontre que la présence chinoise sur ce continent n’est pas un phénomène nouveau.

Le Chinois n’étant pas « que » agriculteur, mais aussi marin, dès le début du 15ème siècle à l’époque faste de la dynastie des Ming et bien avant les découvreurs portugais, le pavillon chinois s’imposait déjà, notamment avec le grand navigateur ZHEN HE, dans les mers de la Sonde, de l’Océan Indien et, à l’ouest jusqu’aux côtes de l’Afrique orientale et australe, aux confins de Madagascar.

Pour le commerce, bien sûr. Mais aussi, et surtout, dans une démarche de découvreur et de messager de la civilisation chinoise que les échanges avec le monde persique et l’Islam vont par la suite accentuer.

Ainsi, très tôt la Chine a-t-elle acquis de l’Afrique une connaissance certaine qu’ensuite les vicissitudes de sa propre évolution historique ont quelque peu atténuée, voire effacée, jusqu’à notre époque contemporaine.

Aujourd’hui, la Chine peut donc se prévaloir d’une « mémoire africaine » qui l’aide à redécouvrir l’Afrique, bien sûr sous un jour nouveau mais pas nécessairement et exclusivement sous le prisme des intérêts économiques.

Car, il y a une véritable approche africaine par la Chine, qui prend différentes formes.

Au départ, certes pour renforcer sa posture stratégique face à l’Occident et à l’ancienne URSS, mais aussi pour se racheter de l’image désastreuse de certains débordements racistes, que risquait notamment de provoquer en Afrique les manifestations hostiles des étudiants chinois de Tian’Anmen contre les boursiers africains.

Avant cela, dès le début des années 1990 les plus hauts dirigeants chinois se mirent en devoir de faire des tournées dans différents pays d’Afrique, à commencer par le Maghreb, ce continent africain étant désormais promu au rang de partenaire d’une Chine en train d’élaborer une nouvelle vision globale des affaires internationales.

Et soulignons que récemment, cette percée diplomatique a largement payé.

Ainsi à titre d’exemple, la Chine a conclu, à la faveur d’une visite officielle à Pékin du Roi Mohammed VI du Maroc à la fin de l’année 2016, un important accord faisant du port de Tanger un site industriel de très grande ampleur puisqu’y sera implanté un ensemble industriel chinois, non plus de manufacture, mais de haute technologie dont les produits sont destinés à conquérir des marchés en Afrique et en Europe.

C’est donc d’abord par le biais diplomatique pur, et en se fondant sur des relations amicales avec les dirigeants africains, que durant pas moins de dix ans, de 1990 à 2000, la Chine a tissé patiemment sa toile relationnelle en Afrique pour y marquer durablement sa présence.

Une telle approche méthodique et patiente a fait en sorte qu’aujourd’hui les relations proprement économiques, se caractérisant par des échanges commerciaux encadrés et des investissements directs chinois sur le continent africain, percent comme une « suite naturelle » mais de façon massive.

                                              LA RENCONTRE DU CHINOIS ET DE L’AFRICAIN

Mais, plus profondément, ira-t-on jusqu’à dire qu’il y a des points de rencontre « naturels » entre l’esprit chinois et l’esprit africain ?

Observons tout d’abord que la Chine comme l’Afrique se caractérisent par la diversité de leurs cultures.

Il y a « des Chines » comme il y a « des Afriques ».

Par contre, il y a certainement des références spirituelles, philosophiques et culturelles africaines et chinoises qui peuvent se mettre en parallèle.

Elles se situent essentiellement dans le rapport à la société et à l’Humain.

A titre d’exemple, il apparaît qu’en Chine comme en Afrique la notion d’ « individu » ne se conçoit traditionnellement que par rapport à sa place, à son rôle, dans la collectivité, soit familiale, soit sociale. C’est ainsi que traditionnellement il n’est pas de mise que l’ « individu » ait une posture le distinguant de trop de son groupe « naturel » d’appartenance.

Cette sorte de conformisme moral et social est nécessaire à la cohésion sociale et à un code comportemental utile à une forme d’harmonie recherchée.

Quant au genre humain, notion moderne s’il en est, il constitue une référence commune, tant le Chinois que l’Africain s’y retrouvent à leur aise. En effet, l’interpénétration du genre masculin et féminin se conçoit parfaitement dans les deux mentalités, l’un allant de pair avec l’autre, et l’un se construisant avec l’autre.

Ici également, l’opposition et la contradiction ne sont pas de mise. Tout est dans tout (le Yin et le Yang ne se contredisent pas mais fonctionnent dans un cycle dialectique).

Ceci étant, loin de nous l’idée qu’à travers ces notions apparemment communes se dégagent des conceptions forcément communes, la Chine et l’Afrique ayant développé des civilisations si différentes et de façon si séparée et décalée.

Par contre, il faut souligner qu’à travers leur histoire respective, la Chine et l’Afrique ont assimilé différents apports allogènes à une source commune, en particulier par l’Islam, et ceci constitue certainement autant de facteurs de rapprochement culturel, voire spirituel et civilisationnel dans une large part. 

A cet égard, on évoquera les liens existant entre le monde chinois  – et, par extension asiatique, sachant que ce monde asiatique est fortement imprégné par la civilisation chinoise, y compris jusqu’en Asie du Sud-Est –  et l’Afrique orientale.

On se réfèrera à nouveau aux incursions maritimes chinoises dans l’Océan Indien occidental initiées par le navigateur ZHEN HE depuis le 15ème siècle pour souligner le fait qu’à travers le commerce avec certaines contrées africaines baignées par cet océan, des transferts culturels chinois ont eu lieu.

 

fleurs épanouies 3

« Fleurs épanouies » – Jipiera – 

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Des découvertes archéologiques en témoignent. Le sens inverse est moins certain. Toujours est-il qu’à propos notamment de ces contrées, spécialement les îles de l’Océan Indien occidental, il n’est pas exagéré d’évoquer une forme de culture afro-asiatique bien vivante et dont certaines populations s’en prévalent d’ailleurs actuellement au quotidien sur le plan culturel.

Sur un autre plan, cet « esprit afro-asiatique » a trouvé une traduction éminemment politique puisque c’est sur cette base qu’à l’occasion de la Conférence de Bandoeng en 1955 a pris racine le mouvement dit des « Non-Alignés » et de la lutte contre le sous-développement, dans lequel pays asiatiques – avec à leur tête, la Chine – et africains se sont retrouvés unis dans une solidarité idéologique qui, de façon spectaculaire, s’est retrouvé récemment revitalisée à l’occasion du Premier Forum sur la Coopération Sino-Africaine qui s’est tenu à Pékin en Octobre 2000.

C’est dire que pour toutes ces raisons, au niveau de la conscience vécue nous inclinons à penser qu’en effet il y a des points de rencontres culturels – dans le sens le plus large du terme – entre l’esprit africain et l’esprit chinois.

      TRADUCTIONS CONCRETES ET ACTUELLES DE CETTE « RENCONTRE DES ESPRITS »

Comment, alors, imaginer l’avenir de la Chine en Afrique sous ses différents angles : économique, politique, culturel… ?

Il est indéniable que les relations de la Chine avec l’Afrique  se sont renforcées très rapidement. C’est avec patience, méthode et intelligence que la Chine a su gagner la confiance des Africains, en ayant par ailleurs posé tous les jalons d’une relation durable.

A l’issue du Premier Forum sur la Coopération Sino-Africaine de 2000, qui avait réuni tous les pays du continent africain, une « Déclaration de Pékin » a été adoptée à l’unanimité des participants aux termes de laquelle les parties s’engagent à promouvoir des programmes de coopération dans des domaines-clés : économie, commerce, finance, technologie, transport, environnement et tourisme.

C’est ainsi qu’un processus de suivi des décisions prises a été mis en place au moyen de différents comités d’action, de conférences ministérielles ou de réunions d’ambassadeurs et d’experts. A cet égard, en Novembre 2002 s’est tenue à Addis-Abeba une rencontre très importante avec des résultats tangibles : institutionnalisation des forums sino-africains ; accentuation et extension, notamment en lien avec le NEPAD, des programmes de coopération sur le plan économique et social. Parallèlement, la Chine a annulé unilatéralement les dettes des pays africains les plus pauvres et réduit certaines autres.

L’intensification de la coopération sino-africaine s’est poursuivie avec une autre étape de grande importance : le Sommet Chine-Afrique de Novembre 2006 au cours duquel le Président HU JINTAO a pu annoncer solennellement l’offre par la Chine d’un véritable partenariat stratégique à l’Afrique, manière également de conjurer les reproches sur un supposé néocolonialisme chinois en Afrique.

Cette offre a immédiatement trouvé sa traduction dans la mise en place d’un Fonds de Développement Chine-Afrique doté de un milliard de dollars US, destiné à financer le commerce et l’investissement des entreprises chinoises en Afrique.

Autre étape importante : en Mai 2007 la Chine a nommé un « Monsieur Afrique » en la personne de LIU GUIJIN, visant spécialement à concurrencer en Afrique la coopération européenne. Celui-ci a, de façon significative, affirmé que la Chine, également pays en développement et pays du Sud, « comprend mieux les besoins » des Africains et y répond donc de façon plus adéquate par une forme de coopération Sud-Sud.

Ajoutez à cela que l’aide et la coopération chinoises ne s’embarrassent pas de conditionnalités politiques ou par référence aux droits de l’Homme ou aux principes de la Bonne Gouvernance démocratique tels que traditionnellement conçus en Occident, et que sa pratique des taux d’intérêts bancaires défie toute concurrence.

Signalons au passage que la conception chinoise de la Démocratie et des droits de l’Homme, qui récuse toute forme d’universalisme, obéit à d’autres critères inspirés par ses propres standards philosophiques.

Pour ne prendre qu’un exemple, c’est grâce à un prêt chinois de 4 milliards de dollars à des taux d’intérêts très bas que l’Angola, gros producteur de pétrole, s’est affranchi de l’étau du Fonds Monétaire International.

Bambou
« Bambou » (jpra)
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La Chine s’est ainsi forgée en Afrique un avenir certain, même si on note de la part des Africains des questionnements bien légitimes par rapport à la manière dont les investissements chinois « déferlent » sur leur continent.

La Chine est devenue, dès 2011, le premier partenaire commercial et le premier investisseur en Afrique. Le montant des échanges économiques avec l’Afrique se situait à plus de 120 milliards de dollars. Les investissements directs chinois en Afrique ont augmenté en moyenne de 46% par an durant la dernière décennie.

Et on comptait en 2013 environ près de un million de Chinois vivant et travaillant en Afrique, essentiellement dans les secteurs suivants : construction, pétrole, chemins de fer, télécommunications.

La réalité force donc, pour l’instant, à considérer que la présence chinoise en Afrique est bien ancrée, reste à savoir si à long terme elle sera durablement perçue par les Africains favorablement, les Chinois maintenant tant bien que mal leur effort pour une compréhension bienveillante, comme ils déclarent  s’y atteler, étant récemment conscients de certaines réticences manifestées ici et là, ce qui en particulier est le cas à Madagascar.

Quels sont les fondements de tels réticences ? C’est ce que nous verrons dans la seconde partie de notre article.

                                                            – 2ème partie : à suivre –

*Jean-Pierre RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO, Avocat honoraire au Barreau de Paris, Ancien Ambassadeur de Madagascar en France et auprès de différents autres pays et organisations internationales, récemment Ambassadeur de Madagascar en Italie et auprès de la FAO, est Sinisant diplômé supérieur de Chinois de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris, ancien enseignant universitaire spécialiste de la Chine et du Japon en matière institutionnelle.

Article soutenu par : « FOCUS CHINE – YING & JP ASSOCIES »

 

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Reproduction, même partielle, interdite. Tous droits réservés sur le texte et les illustrations.
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EXTRATERRITORIALITE, PRIVILEGES ET IMMUNITES DIPLOMATIQUES


Voninahitra
« Voninahitra » (jpra)
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                                               BREVES CONSIDERATIONS SUR LA QUESTION

La seconde guerre mondiale et la guerre froide, avec leurs affres, ont finalement abouti à la nécessité d’une codification des relations interétatiques, jusque là seulement régies par divers instruments et par les usages internationaux.

Il aura fallu que la Conférence des Nations Unies sur les relations et immunités diplomatiques se réunisse à Vienne au printemps de l’année 1961, pour que, enfin, le 14 avril de cette même année soit adoptée la Convention de Vienne portant le même nom.

Désormais, certaines pratiques d’un autre âge sont bannies et deviennent des fictions juridiques. Mais, ce n’est pas pour autant qu’elles ne perdurent pas dans l’esprit de certains.

Il en est notamment ainsi de la notion d’ « extraterritorialité ».

Mais, bien d’autres notions mériteraient d’être considérer tant la vie diplomatique, face à la diversité des relations d’Etat à Etat, et avec son cortège de complexités, est florissante.

Ce qui fait que le droit diplomatique, loin d’être figé, vit une vie parfois « agitée »…

Voyons cela à travers ces quelques cas…

DE L' »EXTRATERRITORIALITE »

D’aucuns, jusqu’à certains juristes (et non des moindres, puisqu’il s’agit de magistrats de la plus haute juridiction d’un pays que je ne nommerai pas ici – ce qui est pour le moins « inquiétant » – ), appliquent aux locaux d’une ambassade, perçus par eux comme une enclave territoriale étrangère ou une extension territoriale étrangère dans le pays où ils se situent.

Or, si ces locaux échappent d’une certaine façon au contrôle ou à l’autorité de l’Etat accréditaire où ils se situent, c’est parce qu’ils bénéficient seulement d’une certaine inviolabilité (article 22 de la Convention) que leur confèrent les privilèges et immunités mutuellement consentis, que la Convention de Vienne est venu codifier, ce « quelle que soit la diversité des régimes constitutionnels et sociaux des Etats ».

Ces prérogatives diplomatiques sont rendues nécessaires, non pas pour avantager ces locaux ou le personnel qui s’y abrite, mais bien « pour assurer le fonctionnement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des Etats », ainsi que le proclame le préambule de la Convention de Vienne.

Mais, pour autant, lesdits locaux demeurent soumis aux lois et règlements d’urbanisme et d’habitat, ainsi qu’à certaines taxes, de l’Etat accréditaire, c’est-à-dire du lieu de leur situation. Et, ces mêmes locaux ne peuvent en aucun cas être utilisés à d’autres fins que celles nécessaires à l’accomplissement des missions diplomatiques auxquelles ils sont affectés exclusivement.

On est donc très loin de l’ « extension territoriale » permettant à un Etat accréditant d’exercer sur ces locaux situés à l’étranger sa pleine souveraineté.

Une telle fiction juridique viendrait au surplus à bien des égards en flagrante contradiction avec les principes de « non-ingérence », d’ « égalité souveraine des Etats » et de « relations amicales entre les nations » proclamés par la Charte des Nations Unies.

Une autre illustration inquiétante de cette sorte de dérive juridique d' »extraterritorialité » vient très récemment de pratiques induites par la « loi du marché », en particulier sur le plan financier, que beaucoup trop de spécialistes auto-proclamés, qu’on retrouve souvent dans les médias, supposent comme « incontournables ». C’est l’application hors des frontières nationales de règlementations économiques, et l’exemple le plus frappant nous est donné par les sanctions économico-financières que l’administration américaine du Président Trump a décidé d’appliquer à toutes entreprises ou établissements financiers ayant des intérêts dans certains pays jugés par elle comme des « Etats voyous » ou à bannir.

Ici non plus il ne saurait y avoir de loi ou de règlementation nationale ou internationale qui juridiquement le permettrait, sauf dispositions contraires résultant d’un traité international ou d’une convention internationale.

Or, en matière économique, commerciale ou financière, la « loi du plus fort » tend trop souvent à se substituer à la norme et à la règle juridiques, et c’est ici où les Etats, de même que chaque citoyen et toutes organisations quelconques se doivent de se le rappeler afin de ne pas se laisser entraîner ou impressionner par les vains attributs que savent s’arroger les adeptes des rapports de force…

QUID DE L’IMMUNITE DES AGENTS DIPLOMATIQUES ?

Ici également, trop de raccourcis concluent à ce que cette immunité serait totale.

En principe, dans le domaine civil elle couvre tant les actes officiels que privés de l’agent diplomatique, ansi que les membres directs de sa famille présents avec lui sur le territoire de l’Etat accréditaire.

La Convention de Vienne, qui est une sorte de bible du droit diplomatique, définit cette notion de telle sorte qu’il faut nuancer et catégoriser. Il faut aussi se référer à la Convention sur la prévention et la repression des infractions commises contre des personnes internationalement protégées des Nations Unies (adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973).

Il convient donc de nuancer. Car dans l’exercice de leurs fonctions, d’une façon générale les diplomates dans leurs comportements – qu’ils soient hors ou dans l’exercice de leurs fonctions – doivent respecter les lois et règlements du pays accréditaire.

Ceci est un principe constant, de sorte qu’en cas d’abus de l’immunité diplomatique, si des poursuites sont théoriquement impossibles (immunité subséquente de juridiction) de la part des autorités judiciaires de l’Etat accréditaire à l’encontre de l’agent diplomatique ayant commis des actes illégaux, délictueux ou criminels, celui-ci peut:

– en cas de délit particulièrement grave ou de crime, se voir levée son immunité diplomatique, soit par son chef de Mission, soit par le ministre des affaires étrangères de son pays d’origine, afin qu’il soit poursuivi et jugé selon les lois du pays accréditaire ;

– être, en tout état de cause, poursuivi par ses victimes devant le tribunaux de son pays d’origine;

– être sanctionné comme « persona non grata »;

– être expulsé par les autorités du pays accréditaire ou être rappelé par son ministre des affaires étrangères.

Ceci étant, en cas de délits de contrebande ou de trafic de stupéfiants, ou encore de crime de guerre, de génocide ou de crime contre l’humanité, les autorités judiciaires de l’Etat accréditaire sont en droit d’exercer des poursuites à l’encontre de l’agent diplomatique auteur de tels actes. Dans de tels cas d’ailleurs, spontanément, à moins de risquer d’envenimer les relations étatiques d’Etat à Etat du seul fait dudit agent diplomatique, son chef de mission ou son ministre des affaires étrangères aura levé son immunité et l’immunité de juridiction y attachée.

Mais, il faut aussi catégoriser.

Car, si tout ce qui a été dit ci-dessus concerne les agent diplomatique investi de missions proprement diplomatiques à des grades et degrés divers, n’est pas concerné le personnel d’exécution (dactylographe, huissier, agent administratif, etc…), lequel ne possède d’ailleurs pas de titre de séjour en qualité de diplomate mais d’un simple permis de séjour « spécial ».

Par ailleurs, il convient de préciser quel est le statut du Consul et de l’agent consulaire.

Car, trop souvent l’on confond agent diplomatique et agent consulaire.

Au sens strict, un Consul n’est pas un diplomate…sauf si ledit consul est diplomate de condition …mais exerce la fonction de consul.

C’est bien pourquoi la Convention de Vienne distingue bien les fonctions diplomatiques de celles consulaires.

En gros, n’étant pas adossé à la représentation d’un Etat, l’immunité dont bénéficient le consul et ses agents est réduite, de telle sorte que, par exemple sur le plan civil ils ne pourraient se prévaloir de l’immunité consulaire que si l’acte visé entre dans l’exercice de leur fonction, et qu’en matière pénale ils peuvent être poursuivis par les autorités du pays accréditaire, de même qu’ils peuvent être condamnés par les juridictions de ce même pays accréditaire.

Rappelons la définition de la fonction de consul: un agent officiel nommé par l’Etat pour s’établir dans une ville ou une circonscription qu’il délimite dans un autre Etat avec pour mission d’y protéger ses ressortissants et d’y exercer à leur égard certaines compétences d’état-civil, de délivrance de visas et de pièces d’identité, de légalisation de signatures, d’actes notariés, d’exécution de commissions rogatoires, etc…Pour pouvoir exercer effectivement ses fonctions, le consul doit recevoir de l’Etat accréditaire un « exequatur ». D’autre part, le consul est « de carrière » (fonctionnaire de l’Etat accréditant) ou un « honoraire » (accessoire d’une activité professionnelle principale là où l’impétrant réside).

Le consul est placé sous l’autorité de l’ambassadeur.

*

* *

Tels sont les principes applicables dans les cas rencontrés ici.

Bien entendu, bien d’autres cas de figure sont à envisager, appelant sans doute des réponses nuancées, voire différenciées…

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, ancien Ambassadeur, Avocat honoraire au Barreau de Paris, Expert en Bonne Gouvernance

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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MADAGASCAR EN EMERGENCE DANS LE CONCERT DES NATIONS

Profusion florale 2

« Profusion florale » (jpra)


            

NOTA PREALABLE IMPORTANTE: l’emploi, ici, du terme « émergence » ne doit prêter à aucune confusion par rapport à l' »Initiative Emergence pour Madagascar » (IEM),  programme économique défendu par le candidat Andry Rajoelina durant la campagne pour l’élection présidentielle malgache de décembre 2018/janvier 2019, et qui constitue désormais la charte économique du nouveau régime.

Il y a d’autant moins de confusion que mon article ci-dessous fut rédigé bien antérieurement à l' »IEM », le 23 septembre 2013…c’est à dire, plus de cinq ans auparavant ! – JPRA –

                        MADAGASCAR EN EMERGENCE DANS LE CONCERT DES NATIONS

Madagascar, ce « pays d’avenir » comme le disait le Général De Gaulle lors de son fameux discours de 1958 au stade de Mahamasina à Antananarivo, le demeurera-t-il, uniquement en potentiel, sans jamais le réaliser ?

Pour l’heure, c’est bien mal parti.

L’émergence, précédée d’un relèvement durable est pourtant possible…fort heureusement !

A condition qu’une gouvernance plus éclairée, plus volontariste, et plus mobilisante, se mette en place.

LA PREUVE PAR LES RECENTS PRECEDENTS, PROPULSANT L’EMERGENCE DU PAYS

A titre référentiel, la période faste de développement continu de Madagascar, de 2002 à 2009, a été largement amplifiée avec l’adoption, en 2006, d’un plan quinquennal.

Il se déclinait en huit engagements majeurs, et est connu sous le nom de « Madagasikara AmPerin’Asa » ou « Madagascar Action Plan », ou plus communément appelé le « MAP », le premier du genre en Afrique qui ait été articulé de façon précise avec chiffrages, évaluations et programmations, ce contrairement au « NEPAD » imaginé par le Président Wade du Sénégal, lequel n’avait aucun caractère opérationnel.

Cette planification, qui a été précédée très opportunément d’une série de grands travaux infrastructurels et sectoriels, et qui devait durer de 2007 à 2012, s’intégrait elle-même dans une véritable vision de développement « rapide et durable » (une expression qui avait fait un grand effet !) baptisée « Madagascar Naturellement », répondant ainsi à un souci majeur de protection et de valorisation d’un pays riche de sa biodiversité et de sa diversité culturelle.

Un tel retour gagnant de Madagascar dans le concert des nations, pays en émergence, qui rappelle son envolée des années 1960, s’est accompagné d’une nouvelle affirmation de sa spécificité et d’une excellente intégration internationale et régionale, en particulier dans le domaine économique et social.

Ainsi :

1. de la finalisation en mars 2005 du fameux « FRPC » (programme de « Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance »), accompagnée des améliorations apportées à la gestion des dépenses publiques, aboutissant notamment à l’annulation de la totalité de la dette de Madagascar en 2006 et, parallèlement, à l’approbation par le FMI d’une enveloppe de 80 millions de dollars pour la relance de l’économie ;

2. de l’importance de l’aide budgétaire de la banque Mondiale à travers la « BIRD » (Banque Internationale pour la reconstruction et le développement), qui avait atteint 160 millions de dollars en 2005, avec une rallonge de 30 autres millions de dollars en 2007 pour de grands projets agricoles dans quatre régions malgaches ;

3. de l’aide financière déterminante apportée par l’ « IDA » (International Development Association) pour l’accès aux services financiers des catégories de population à faible revenus, à laquelle s’ajoutait en avril 2007 le financement d’un programme régional d’infrastructure de communications ;

4. du 10ème volet du « FED » (Fonds Européen de Développement) dont la part pour Madagascar était prévue de doubler par rapport à sa part dans le 9ème « FED », ce dernier parvenant à son terme en 2007 ;

5. de l’adhésion de Madagascar à l’ « APE » (Accord de partenariat Economique) avec l’Union Européenne prévue pour 2008 ;

6. de l’accroissement substantiel et continu des avantages accordés dès 2002 à Madagascar dans le cadre de l’ « AGOA » (African Growth and Opportunity Act) des Etats-Unis ;

7. de la revitalisation de la participation de Madagascar aux programmes d’intérêt commun des îles composant la « COI » (Commission de l’océan Indien), essentiellement financés par la France et l’union Européenne ;

8. du renforcement de la participation de Madagascar au « COMESA » (Common Market of East and Southern Africa), ainsi que de son appartenance à la Zone de libre Echange regroupant des pays aussi divers que l’Egypte, Djibouti, le Kenya, l’ile maurice, le Soudan, la zambie, le Rwanda et le Burundi ;

9. de l’adhésion de Madagascar en 2005, suivie du renforcement de sa participation, à la « SADC » (Southern African Development Community).

Profusion florale 3.jpg

« Profusion florale 2 » (JPRA)


LES EFFETS D’ENTRAINEMENT AVEC LES PRINCIPAUX PARTENAIRES

Tout naturellement, cette percée internationale comportait sa traduction au plan bilatéral.

Il en était notamment ainsi pour ce qui concerne les cinq principaux partenaires de Madagascar soucieux de soutenir l’effort de développement d’un pays promis à un bel avenir que réserve le statut annoncé de « pays émergent » :

1. en premier lieu avec la France : sur le continent africain, c’est avec Madagascar que la France signait en 2006 le premier « DCP » (Document Cadre de Partenariat) avec un financement de 250 millions d’euros sur quatre ans dans des projets ciblés concernant l’éducation, l’agriculture, les infrastructures et la santé. Ce DCP s’ajoutant à d’autres programmes et projets financés par la France, avec lesquels il fallait aussi compter les différentes contributions françaises aux programmes de différentes institutions multilatérales (Union Européenne, Banque Mondiale, FMI, OIF) ;

2. avec les Etats-Unis : en 2005 ils choisissaient Madagascar comme premier pays bénéficiaire du « MCA » (Millenium Challenge Account) avec 110 millions de dollars destinés à la sécurisation foncière, à la réforme du système financier dédié au monde rural, à l’identification des opportunités d’investissements en infrastructure, récompensant ainsi ce pays pour ses efforts en matière de bonne gouvernance et de réduction de la pauvreté. A ces financements s’ajoutaient ceux accordés par l’ « USAID » (Agence des Etats-Unis pour le Développement) consacrés spécifiquement à la bonne gouvernance, au renforcement des pratiques démocratiques et au soutien de la société civile ;

3. avec le Japon : la « JICA » (Japan international Cooperation Agency) renforçait sa présence à travers l’établissement à Madagascar de son siège régional pour l’Océan indien  et dans le cadre du « TICAD » (Tokyo international Conference on Africa Development), dans ses 3ème et 4ème éditions (2003 et 2008), le Japon consacrait à Madagascar un intérêt particulier dans les domaines de l’éducation, de la pêche, de la santé, de l’environnement et de l’agriculture (spécialement le riz) ;

4. avec l’Allemagne : elle se plaçait en troisième position des bailleurs de fonds de la grande ile après la France et les Etats-Unis, son engagement pour accompagner Madagascar dans son développement se renforçant notablement en 2007 ;

5. avec la Suisse :  sa coopération avec Madagascar, à travers la « DDC » (Direction du Développement et de la Coopération) et le projet « SAHA » consacré au développement rural, se prolongeait avantageusement dans le domaine proprement économique avec la signature en 2007 d’un accord de protection et de promotion des investissements.

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« Dialogue » (JPRA)


DISPOSITIONS A PRENDRE POUR UNE PLANIFICATION AUTHENTIQUE

Ces réalisations économiques, qu’il est important de rappeler, s’accompagnaient d’une réelle et remarquée stabilité sociale qui amplifiait l’attractivité d’un pays dont les immenses potentiels en termes de sources d’énergie, de gisements miniers ou de richesses rares commençaient cependant à susciter de dangereuses convoitises de la part de prédateurs de tous acabits.

Il est inutile de revenir sur les supposées erreurs et fautes, d’ailleurs largement fabriquées et exagérées, de celui sous la présidence duquel ces réalisations ont été rendues possibles en si peu de temps.

Il suffit de constater avec consternation l’incommensurable gâchis que continuent de provoquer le coup d’Etat de mars 2009 et ses avatars à long terme, dont Madagascar continue d’endurer aujourd’hui encore, qui mettent brutalement fin à un élan qui ne demandait qu’à prospérer avec le temps puisque le « MAP » devait s’appliquer jusqu’en 2012 et devait être reconduit avec des amendement, notamment par l’inclusion d’un volet social plus affirmé.

Nul besoin non plus de revenir sur l’incapacité de la communauté internationale à ajuster son traitement de la grave cirse malgache et, par conséquent à aider Madagascar à une résolution juste de la grave crise institutionnelle, économique, sociale, morale, sanitaire qui continue de sévir à Madagascar. Nous en parlions dans nos précédents propos sur ce même site.

Dans l’imputabilité distributive des responsabilités, l’Histoire jugera aussi, bien sûr, ce qui revient en priorité aux politiciens malgaches qui ne savent que se tirer mutuellement dans les pieds.

Désormais, il est aussi impératif qu’urgent et vital que les Malgaches se réapproprient les vertus d’une planification de conception holistique et qui a fait ses preuves, c’est à dire d’un instrument de pilotage doté d’un gouvernail, qui n’a rien à voir avec une sorte de « super business plan » qu’on a trop tendance à imaginer et à concevoir en ces temps de culte entrepreunarial.

Nous le disions, et nous y avions œuvré en son temps en 2008 avec un  a priori favorable des partenaires de Madagascar, le « MAP » devait s’amender dans l’urgence par : un volet social important et comportant, entre autres considérations :

. une politique de distribution des revenus,

. la participation des travailleurs et salariés aux résultats des entreprises,

. la généralisation d’un système adapté de sécurité sociale,

. un encouragement aux métiers d’art et à la jeunesse,

. une intégration progressive du secteur informel à l’économie globale.

La reprise de cette œuvre planificatrice authentique constitue le socle du redressement de toute une nation, de la cohésion territoriale et du ré-enracinement des populations dans leur terreau respectif.

C’est cette nécessité absolue qui doit être au cœur des préoccupations prioritaires et d’urgence absolue actuelles, ce dans un esprit directif nettement affirmé, la simple vision incitative ne suffisant plus en l’état actuel de Madagascar, ni la multiplication de plans, programmes ou autres stratégies  de sources différentes et conçus dans l’éparpillement.

Car, les nombreux et dramatiques défis qui ne cessent de se présenter, mais jamais relevés depuis 2009, réclament une maitrise pleine et entière des rouages et des instruments.

Ils réclament également, dans un esprit de rassemblement, la mobilisation de tout ce que Madagascar compte d’hommes et de femmes de conscience, de compétence et d’esprit d’ouverture capables de dépasser les contingences partisanes et confessionnelles.

Car, au bout du compte et eu égard aux troubles qui guettent dans la région de cet océan indien occidental, tout le monde a intérêt à ce que Madagascar retrouve, sans délai ni hésitation, ses marques pour un nouveau départ dans l’émergence et pour une réelle réinsertion dans le concert des nations.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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QUEL MESSAGE AUX AFRIQUES ?

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« Les afriques en coeurs » (jpra)

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Le Président Hollande se prépare à recevoir à Paris, en principe avant la fin de cette année 2013, une réunion au sommet de tous les chefs d’Etat africains, ce qui, entre autres considérations, peut se présenter comme une consécration pour celui qui, au Mali, vient de se voir célébré comme le sauveur d’un subcontinent en proie à l’emprise terroriste et à la misère. Les sujets abordés tourneront autour des questions de sécurité, donc de considérations stratégiques et géopolitiques.

Oui, c’est entendu, la France demeure une puissance majeure sur ce continent africain où ses positions stratégiques comme ses intérêts économiques, commerciaux et culturels sont dominants. Mais, à cela doit s’affirmer davantage encore une volonté d’effacer définitivement les fâcheuses réminiscences de la république laïque et colonialiste de Jules Ferry, des réquisitions abusives pour venir au soutien des efforts de guerre de 14-18 et de 39-45, des dures répressions destinées à empêcher l’autodétermination des territoires colonisés, des oublis de reconnaissance des sacrifices humains et matériels consentis par l’Afrique pour la libération des Français, ou de certains réseaux affairistes.

A cette condition, l’héritage tant vanté des Lumières et des Libertés dont la France se déclare porteuse prendra un tout autre visage.

C’est dire que ses références et ses preuves doivent être encore plus visibles sur le plan diplomatique en ces temps de quête démocratique et de promotion des droits fondamentaux, comme sur le plan éthique et moral le Saint-Siège s’y attache à sa manière pour ce qui concerne les affaires de la conscience.

Ce faisant, dans sa vision africaine comme dans le traitement des dossiers africains, la France ne doit pas appliquer des schémas préconçus et doit davantage être en capacité de diagnostic et de thérapeutique, sachant que l’Afrique, du Nord au Sud et d’Ouest à l’Est, du Centre ou du Littoral, affirme avec autant de fierté sa diversité que peut le faire l’Europe, l’Asie ou les Amériques à travers les étendues de leurs régions respectives.

Les diplomates doivent être autant fins connaisseurs des Afriques que férus dans l’art de pénétrer les réalités complexes de pays et peuples qui ont leur propre histoire, ont un vécu différent et aspirent à des valeurs spécifiques qui souvent n’ont rien à voir avec les vertus supposées de la mondialisation ou de la globalisation telles que conçues sur des critères matérialistes et systémiques.

Si, ici dans les hautes sphères on parle volontiers de « diplomatie d’influence », là-bas on perçoit une telle maxime comme une forme déguisée de volonté de domination. Pourquoi la capacité d’influence se traduirait-elle nécessairement par un message qui nie autant la vocation des autres à affirmer leur propre personnalité ? Ce que renferme par exemple la Francophonie, telle que nous l’avons vécu, en termes de dialogue des civilisations et de valeurs partagées, constitue une bonne référence de considération réciproque, cette pratique de l’altérité qui, en diplomatie comme dans la vie civilisée, respecte et sait optimiser les différences.

Il est révolu ce temps où la République laïque prônait l’assimilation ou l’intégration comme les valeurs sûres d’une société supposée apaisée et parvenue à son accomplissement. Sans verser dans un communautarisme berceau de fléaux sectaires, la vie internationale a besoin que les diversités s’épanouissent dans un cadre maîtrisé.

Car, l’Afrique, à travers le développement de chacune de ses régions, affirme à la face du monde ses propres exigences. Sa vocation supposée, résultant d’une vision dépassée, de n’être que cet immense réservoir humain et de matières premières exploitables à loisir procède d’une conception rétrograde amplement révolue.

Si ses besoins restent immenses, il n’en est pas moins vrai que la conscience que cette Afrique a de peser de plus en plus dans les affaires du monde, au-delà même de ses voix majoritaires dans les instances délibératives des organisations onusiennes, la conduit à juste titre à revendiquer avec raison une position diplomatique à la mesure de son poids.

A la France, dans son rôle promotionnel et d’avant-garde qui lui sied bien, lequel se conforme à une certaine tradition gaullienne de sa politique étrangère, de toujours se  tourner vers les valeurs, le progrès et les considérations prospectives, comme en son temps le général de Gaulle avait su éveiller les consciences notamment dans ses discours fondateurs prononcés à Brazzaville ou à Pnom-Penh.

Si elles veulent être mieux suivies et comprises, la voie, la voix  et l’action de la France se doivent d’être clairement identifiées par la marque pénétrante de sa grandeur d’esprit et non par les signaux réducteurs de petits calculs de contingences temporelles. Alors, les coeurs de l’Afrique – des Afriques – lui seront plus largement ouverts encore.

                                                                             Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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DIPLOMATIE ET ACTEURS INTERNATIONAUX

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« Abondance de raisins » (jpra)


La diplomatie, en tant qu’art relationnel et de négociation autant que de valorisation, réunit l’ensemble des concepts, moyens et capacités consacrés à l’optimisation des rapports internationaux d’un Etat souverain ou d’une entité internationale.

Bref, de façon classique elle concerne tous les sujets de droit international public dans leurs rapports mutuels.

Et la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires en régit les règles essentielles.

Il s’agit là d’une conception traditionnelle, certes fondamentale, mais qui connaît ses limites, et doit être élargie en ces temps modernes où la communication et l’implication des différents acteurs de la vie publique s’étendent.

Car en effet, la communauté internationale comprend aussi tous les autres acteurs internationaux, sujets, eux, du droit international privé, mais auxquels sont également conférés directement des droits statutaires.

En son sein on retrouve toutes les entités privées, personnalités morales ou individuelles, qui influent ainsi de plus en plus dans le cours des faits et de la normalisation internationaux.

Et, nécessairement, comme en droit interne, il y a interpénétration croissante entre droit public et droit privé en matière internationale, entre intérêts étatiques et intérêts catégoriels, sectoriels ou particuliers.

Parallèlement, les standards internationaux, certes résultant d’accords signés entre les Etats, confèrent directement de plus en plus de droits, libertés et obligations aux peuples, accordant à chaque individu un véritable statut de « citoyen du monde ». Celui-ci peut, en vertu des dispositions ainsi adoptées, faire valoir des droits directement opposables, et même saisir, quand la possibilité lui en est offerte par une convention internationale, une juridiction internationale dont les décisions, sur une saisine privée, peuvent s’imposer aux Etats.

Que dire également de certaines ONG – Organisations Non-Gouvernementales – qui, se saisissant de causes ou de thématiques délaissés par les instances étatiques, intergouvernementales ou internationales, agissent et font adopter des dispositions qui font référence ou sont formellement opposables au plan international dès lors qu’elles viennent en application-même de dispositions normatives internationales. Figure dans cette catégorie le fameux « droit d’ingérence humanitaire » dont certaines ONG se prévalent avec légitimité.

A ce sujet, à titre d’exemple on doit se féliciter de certaines actions et orientations du Comité International Olympique qui, notamment pour dépasser certains blocages générés par les rigidités de la diplomatie étatique, parvient à ménager des plages d’actions internationales à travers les seules considérations de la Charte Olympique. Il en est ainsi au sujet de la Corée du Nord, pour ne citer que cet exemple.

Que dire aussi de ces dispositions « extra-territoriales » que certains Etats dominants et dominateurs adoptent pour régir hors de leurs frontières des intérêts économiques ou financiers ? Elles dépassent ainsi les frontières du droit formel (car en droit international il ne saurait y avoir de dispositions extra-territoriales), que le phénomène de la mondialisation, aidé de la dérive du principe de la liberté des échanges, favorise. Et l’un des effets conjugués entend paradoxalement engendrer des formes d’uniformisation règlementaire pour des intérêts particuliers. Il s’agit là de dérives juridiques résultant en l’occurrence de trous béants de la règlementation internationale et que, curieusement, tant l’Organisation Mondiale du Commerce que la jurisprudence internationale semblent singulièrement négliger….

UNE NECESSAIRE VISION HOLISTIQUE POUR EMBRASSER ET COMPRENDRE LES REALITES

Pratiquement donc, la diplomatie, qui ne se résume pas à une maîtrise technique de ses règles, qui ne peut plus être considérée comme un « domaine réservé » aux seuls professionnels de la diplomatie étatique, ne peut plus ignorer cet état de fait, de sorte qu’elle doit admettre de prendre en compte tous les paramètres et les différentes dimensions, notamment humaines et environnementales, d’une question donnée.

De la même façon, tout « citoyen du monde » est en droit de faire valoir et d’exprimer son opinion, voire de la défendre, en particulier quand la question posée le concerne directement dans son existence et dans ses intérêts légitimes.

Dans ce sens, les relais que sont les organisations non-gouvernementales (les ONG) et les  opinions publiques nationales et internationales relayées par les médias, constituent de puissants vecteurs dont tant l’écoute que  la maîtrise deviennent un enjeu majeur.

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« Abondance de raisins 2 » (JPRA)


Il est un fait qu’au côté de la « diplomatie politique et étatique », pratiquée sur instructions gouvernementales par un corps de diplomates professionnels, se sont développées des « diplomaties spécialisées » (financière et économique, agricole, spatiale, culturelle, technique, scientifique, parlementaire, sportive, etc…).

Et, il faut désormais parler de plus en plus  de cette « diplomatie civile », qui accorde à des groupes représentatifs de la société civile, autres que les « lobby » d’intérêt économique, la possibilité de défendre des intérêts catégoriels au niveau international.

Reste ainsi à tout citoyen du monde d’exercer ses droits en s’emparant de plus en plus des questions internationales et des faits à résonance internationale, directement ou par média interposé (cf. notre article « Réflexions sur la citoyenneté mondiale », daté du 22 février 2015, sur ce même blog).

C’est certainement là une des manifestations modernes de la démocratie, de plus en plus exigeante, et dont les Etats doivent tenir compte pour ne pas perdre la main ni, paradoxalement, perdre le contrôle de leurs propres prérogatives régaliennes.

Reste donc à la « diplomatie politique et étatique » à avoir une vision holistique et à embrasser tout cet ensemble, ou du moins à le maîtriser, pour être au diapason de la compréhension du monde et afin d’éviter de se couper des réalités ou, pire, de laisser filer les erreurs d’appréciation.

Les courtes considérations évoquées ici n’ont aucune autre prétention que d’attirer l’attention sur la nécessité d’éveiller l’esprit par le dépassement des considérations purement techniques ou trop spécialisées.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

Ancien Ambassadeur de Madagascar et président d’organisations internationales, Avocat honoraire au Barreau de Paris.

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« Abondance de raisins 3 » (JPRA)


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