Fresque: « Tradition et modernité » (jpra)
Nous sommes parvenus à la phase conclusive de notre longue traversée des siècles.
Le phare Madagascar, celui que nous évoquions (voir précédemment: « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » 12ème partie), doit donc à nouveau se ranimer.
Il est pourtant douteux qu’avec les institutions actuelles ce soit possible, tellement l’action politique actuelle, d’où qu’elle naisse et de quelque parti qu’elle s’inspire, est vouée à l’échec à terme faute d’impulsion forte d’une véritable vision ou faute d’être soutenue par un véritable dessein, c’est-à-dire que les constructions proposées actuellement autour de recettes bien trop normées et technocratiques, certes paraissant répondre à des principes actuels de bonne gouvernance, ne peuvent cependant aucunement satisfaire des aspirations du cœur et de l’esprit qu’une Nation, telle une personne dotée d’une âme propre, se doit d’être porteuse afin qu’elle vive sa vie.
SE RACCROCHER AUX FONDAMENTAUX ET AU SACRE
Or fondamentalement, n’avons-nous pas besoin, en conscience et en cherchant au fond de notre âme, ce par un exercice de refondation de nos valeurs de gouvernance éprouvées par l’Histoire, d’imaginer, d’inventer ou de rêver, de nous raccrocher au Sacré ?
Oui ! de vivre une vision idéale, claire et hautement valorisante de notre destinée, une envolée collective, c’est-à-dire d’être tous habités par un vaste projet vital de nature identitaire puisé aux meilleures sources sans nous jeter corps perdu dans les bras de quelque « leader », d’une figure faussement providentielle ou d’une idéologie « révélée » ?
Parmi les voies possibles, nous voyons le projet « Madagasikara Mijoro» (« Madagascar debout »), dont tout un peuple doit être porteur.
Il ne s’agit pas – et il ne suffit pas – de faire la synthèse de principes supposés avancés avec une approche théorique et technocratique des choses. Il ne s’agit pas et il ne suffit pas, en effet, de construire clé en mains une constitution au bout d’une ingénierie institutionnelle surgie ex-nihilo de nulle part.
Pour ne prendre que cet exemple, en 1997 le Royaume du Maroc avait su opérer une réforme constitutionnelle fondamentale et en profondeur en introduisant un Parlement modernisé. L’opération a réussi sans anicroche grâce à un sérieux diagnostic du corps social et à la faveur d’une stabilité servie par un système institutionnel pérenne.
Etre son propre architecte.
Voilà la seule disposition d’esprit à avoir et à travailler.
Regarder notre destin en face nécessite une vue expurgée de toute pesanteur, car la voie doit être dégagée, visible, qui parle parce qu’elle puise véritablement dans le tréfonds de notre mentalité et de nos ressorts tant civilisateurs que psychologiques forgés par l’Histoire.
Nous en sommes capables…!
Car, aucun Malagasy ne doit oublier que Zanahary, le Dieu-Créateur de Madagascar dans les temps immémoriaux, la divinité créatrice, comme l’est la Déesse Amaterasu pour le Japon, nous a légué notre civilisation dont l’unicité de caractère nous oblige dans le devoir sacré de la mener sur sa voie de progrès. Chaque génération se doit, étant sous le regard de Zanahary et de nos ancêtres, de la paver des meilleures intentions et réalisations. C’est sous ce prisme exigeant et cette conscience qu’en responsabilité chacun, dans sa condition et dans son rôle, a à se mobiliser.
Pourquoi « Madagasikara Mijoro » ?
Disons-le tout de suite, « Madagasikara Mijoro » est appelé à se traduire par une « Monarchie républicaine » de souche originale malagasy !
C’est la traduction d’une innovation en marche pour être au diapason des réalités et des nécessités tant nationales qu’internationales.
L’horizon visé est nécessairement prospectif et se situerait avant la fin de ce XXIème siècle, c’est-à-dire à une échéance réaliste.
Ce qui suppose que préalablement, il soit pavé solidement étape par étape et avec méthode, en commençant par le rétablissement rapide et durable de l’Etat – et de l’état – de droit que l’issue des élections actuelles devrait – et doit – permettre.
En se laissant guider par l’alliance nécessaire entre la tradition et la modernité, il s’agit de changer d’optique afin de donner un vrai visage au régime institutionnel appelé à être permanent.
Or, chaque peuple n’est-il pas dépositaire devant l’Eternel des legs de la nation, dotée de son âme propre et riche de son patrimoine civilisateur, matériel et immatériel ? Il ne s’agit donc pas simplement de la gérer, mais bien d’assurer sa postérité à travers les âges et les générations.
Si la République offre dans ses principes et valeurs un système institutionnel idéal de type égalitaire, elle se limite par contre à une représentativité bien trop abstraite, voire galvaudée, du peuple et de la nation.
En effet, elle n’a ni visage ni corps identifiés, sauf l’éventuelle énumération chiffrée des régimes successifs qu’elle génère. Elle ne parle pas non plus, puisque ni sa parole ni sa geste ne sont personnifiées. Et surtout, elle n’est nullement incarnée au sommet de l’Etat. Elle n’a pas d’âme identifiée. Mais certes, elle renferme tous les idéaux élevés et permanents d’une bonne gouvernance jamais inventés à ce jour.
« Offrande de fruits ». JPRA
De la nécessité d’une représentation concrète d’un idéal authentique et de tout un système de valeurs.
La notion de Hasina – sacralité – à laquelle les Malagasy sont viscéralement attachés et leur esprit à la fois imaginatif et pragmatique, tout cela appelle donc une incarnation visible et une représentation concrète d’un idéal authentique au plan institutionnel.
Il s’agit ainsi d’insérer les idéaux, principes et valeurs républicains, tout ce qui représente la Res Publica, dans un cadre idéalisé et valorisant et plus concret à l’esprit malagasy qui, à n’en pas douter, a toujours aspiré à une certaine sacralisation de l’institution placée au sommet de l’édifice institutionnel, parce qu’entre autres vertus elle le relie également à l’au-delà, c’est-à-dire précisément à Zanahary, au Dieu-Créateur de Madagascar « Tany Masina » (« Terre Sacrée »), l’esprit suprême et quintessencier.
Mais en l’occurrence, par référence à nos valeurs propres, ce Dieu n’est pas nécessairement et obligatoirement religieux. Nous ne sommes pas dans une démarche théocratique.
Dans notre cas, le rattachement céleste ne revêt pas le souverain d’un quelconque caractère divin; il est par contre dans la position et la posture qui en font un corps d’intermédiation entre le Ciel et la Nation territorialisée. Cela n’a, en effet, rien à voir avec une quelconque religiosité, sinon on tomberait dans le travers confessionnel et théocratique qu’il faut éviter absolument.
C’est ce qui, historiquement, différencie fondamentalement notre projet des dérives qui ont tout particulièrement émaillé les règnes des différentes reines malgaches qui en réalité ne furent, les malheureuses, que les inventions de l’oligarchie dominantes d’antan.
Conformément à la conception malgache de la haute gouvernance des temps et des considérations et non des objectifs matériels, ce rattachement céleste suggère par contre une origine transcendantale qui hisse au-dessus des considérations humaines, lesquelles sont nécessairement contingentes, le devoir et les responsabilités suprêmes assumés par celui qui, par le « Hasina » (sacralité royale), est investi de l’incarnation et de la personnification de toute une nation.
De façon singulière, mais non fortuite, dans un grand pays asiatique qu’est le Japon avec lequel les Malgaches partagent bien des valeurs référentielles, cette conception trouve une illustration moderne en la personne du Tennô japonais dont l’origine céleste est perpétuée au sommet de l’édifice institutionnel.
Ceci nous fait comprendre également qu’il ne s’agit nullement d’infantiliser ou d’aliéner un peuple majeur, vacciné, averti et souverain, mais au contraire de sublimer son existant et son vécu comme un hommage à son sens d’une vie responsable.
C’est dire aussi qu’il convient, par déclinaison, de comprendre et de manier avec adéquation, en la replaçant dans un système de valeurs cohérent, la notion de « Ray-amandreny » – parents, père et mère – en lui restituant son sens originel, non pas paternaliste, mais de référence légataire, et aussi de repère à la fois affectif et respectueux. Ainsi, cette notion peut-elle se réinscrire en lettres de noblesse.
Au-delà de la référence historique évènementielle, ce sont là aussi, entre autres, les leçons fondamentales que nous tirons des contes et légendes malgaches (« Angano ») qui, à travers les traditions merina, betsileo, sakalava ou antemoro, forment le corpus cosmologique sur lequel se sont bâties toutes les dynasties royales et princières malagasy.
Or, également, pour un peuple, comme l’est le peuple malagasy, qui n’a pas encore fait sa révolution ou sa mue dans son esprit, ce dans le sens d’une rupture conceptuelle et sociale sur un passé bien trop chargé d’erreurs, la continuité historique pour une société évolutive veut qu’il ne faut point rejeter les éléments d’un corpus aussi structurant que celui bâti autour de ces contes et légendes, mais par contre elle exige de les traduire dans l’esprit des temps successifs et en vue d’une destinée promise à formuler et à porter sur la bonne voie.
C’est à cet exercice dialectique mêlant l’Histoire, le spirituel, la sagesse, la vision et l’intelligence, qu’on reconnaît les peuples capables de modernité vraie.
Qui prétendrait que le peuple malagasy ne puisse pas en faire partie ?
L’autre dimension à retenir concerne l’attachement viscéral de tout Malagasy au dème, à SA terre d’origine (« Tanindrazana »), gage de son appartenance filiale et familiale. Donc identitaire.
Mais, ici encore il ne s’agit point de transposer dans un habillage républicain sans visage un système de valeurs hérité de traditions féodales. L’âme d’une localité se caractérise par la personnalité des lieux nourris par l’histoire des hommes et, par conséquent, par une conscience collective locale qui, par contre, doit être éclairée par l’altérité.
A cette condition d’ouverture, le désenclavement des esprits ne pourra que libérer des énergies nouvelles, des synergies à l’échelle de la nation tout entière.
Car, il est nécessaire qu’à partir des ressources locales de toutes natures se conjuguent les valeurs intrinsèques, de sorte que se retrouve dans un engrenage commun à l’échelle du pays leur force motrice.
L’autre notion induite de « Firenena » (patrie) prendra ainsi nécessairement, en relais, son plein sens dans un esprit de prolongement positif et valorisant.
L’autre nécessité: distinguer l’intemporel du temporel pour une véritable innovation malagasy.
Tels sont les ressorts spirituels et organiques de l’émergence d’une monarchie constitutionnelle malgache, d’essence républicaine et moderne, où les démons d’antan, faits des rancoeurs tenaces passées, dont abonde trop la vie politique et publique malgache, n’auront plus matière à s’exercer, chacun se reconnaissant dans une voie commune.
C’est pourquoi, il ne saurait s’agir d’une restauration qui ramènerait une dynastie ou un système féodal ou monarchique définitivement révolus.
Bien au contraire, c’est à une véritable innovation à laquelle nous aspirons.
On observe que dans beaucoup de régimes monarchiques de ces temps modernes, l’alliance des principes républicains et démocratiques avec le fait monarchique, loin d’être antinomique, s’avère bénéfique en termes d’ancrage et, par conséquent, de stabilité.
Un Etat ne saurait être un « monstre froid ».
Nous le répétons : il doit être le réceptacle de l’âme de toute une nation conçue comme un corps vivant.
Au-delà des considérations temporelles et catégorielles, il doit être le cadre valorisant de l’intemporel et du permanent.
Il faut donc pouvoir clairement distinguer, parmi les institutions à mettre en place, celles qui ressortent de l’exercice des pouvoirs temporels (exécutif, législatif, judiciaire, autonomie locale) de celles qui sont du ressort des prérogatives de l’ordre intemporel, propres à l’institution monarchique.
L’institution monarchique, parce qu’elle incarne la permanence et l’âme de la nation, l’Etat étant son habitat, ne saurait donc en aucun cas s’immiscer dans aucun des pouvoirs temporels qui sont par nature l’expression de la volonté du peuple souverain.
Car, en effet, dans un Etat moderne et démocratique, la souveraineté appartient au peuple, cette prérogative politique suprême étant la condition même de son autodétermination et de la libre disposition de lui-même.
Ainsi, le monarque, symbole vivant de l’unité de la nation, représentant de son âme, et, en tant que tels, protecteur de ses valeurs, garant de la permanence de l’Etat et de ses institutions autant que de son intégrité territoriale, et, en tant que tel, l’institution immanente d’un peuple au niveau de l’intemporel, est statutairement le Chef de l’Etat mais politiquement dépouillé au profit du chef du Gouvernement des prérogatives et des attributs de chef de l’Exécutif.
Les expériences japonaise, britannique, espagnole, suédoise ou thaïlandaise, pour ne citer qu’elles, démontrent jour après jour depuis leur reconversion ou consolidation démocratique combien une telle construction, parfaitement adaptable à nos réalités d’aujourd’hui, renforce la pérennité des institutions et la prospérité de toute une nation, qui se voit consolidée dans ses propres références spirituelles et dans ses bases morales et sociales.
Par ailleurs, nul n’ignore à Madagascar l’importance identitaire et sociale des clans authentiquement constitués et forgés par l’Histoire à travers les régions malgaches, à l’instar de ces clans dont s’enorgueillissent les Ecossais chez eux et, autrefois, les Japonais sur leur archipel.
A cet égard, ne confondons pas les clans constitués, qui doivent faire partie de ce qu’on appelle les « corps constitués », avec l’esprit clanique issu de considérations de pouvoir. Le fait qu’ils se soient renforcés autour des hameaux en ces temps de crise morale est significatif d’un besoin d’ancrage, d’identification et de reconnaissance.
Tout naturellement, parce que ces clans, dûment reconnus, dont il faudra exclure les regroupements circonstanciels destinés à accorder à leurs membres des avantages et distinctions artificiels, ont vocation à former ensemble les différentes strates et composantes du peuple malgache, dans notre édifice institutionnel ils auront donc, chacun, à désigner ou à élire en leur sein leur représentant afin qu’en toute égalité ces représentants forment, auprès du monarque et au rang des organismes représentatifs, une Chambre des Pairs, une autorité morale de nature consultative et sans pouvoir décisionnel ni de censure, mais pouvant, à l’initiative concurrente du monarque et du gouvernement, donner des avis sur tous les sujets sociétaux et relatifs à la destinée de la nation.
« Offrande de fruits 2 ». JPRA
Mpanjaka Ny…
Quant au mode d’occupation du trône, sujet ô combien délicat !, il faut impérativement éviter qu’il provoque et réinstalle une malsaine concurrence entre des familles aux traditions royales et princières les unes aussi respectables que les autres.
Il sera donc, à l’instar du système monarchique malaisien, de caractère tournant.
C’est-à-dire qu’à la base, en se fondant sur les six provinces actuelles ou sur les vingt et une régions actuelles à Madagascar, chacune de ces provinces ou régions devra d’abord élire parmi toutes les familles princières locales historiquement constituées, réunies en conclave provincial ou régional son monarque local (« Mpanjaka Ny… » – complété par le nom de sa province ou de sa région – ) pour un mandat représentatif, par exemple, de trois ans.
Le caractère tournant de l’occupation du trône provincial ou régional fera que le monarque local ainsi élu est assuré de provenir, une fois tous les trois ans, de chacune de ces familles princières locales.
Chacune de ces familles princières locales est ainsi assurée d’être, son tour venu le souverain de Madagascar, le Roi de Madagascar (« Mpanjaka Ny Madagasikara »), pour trois ans dans le cas envisagé, le temps de son mandat national.
En effet, dans ce système, qui n’a pas besoin d’adopter la forme d’une Fédération, le haut degré d’autonomie locale qu’assure le système unitaire dans sa mouture actuelle suffisant largement, tous les monarques locaux seront réunis tous les trois ans en conclave national afin qu’ils élisent celui – ou celle – de leurs pairs qui, pour trois ans, occupera le trône malgache, et ainsi de suite de sorte que chaque monarque provincial ou régional et que chaque famille princière locale soient certains d’occuper un jour, pour une période donnée, le trône malgache, renforçant ainsi cumulativement les principes et le respect de l’autonomie et de la spécificité locales ainsi que ceux de l’unité nationale.
Quant aux structures sociales, il faudra veiller à ce qu’il n’y ait plus, ni en droit ni en fait, d’aristocratie ou d’oligarchie constituées ni de privilège de source féodale, mais il est sain que les traditions familiales et claniques formées autour des dèmes historiques se maintiennent et soient reconnues.
C’est même un facteur de vitalité locale et rurale certain.
Dans ce sens, la Cour du monarque – tant locale que nationale – sera réduite à sa plus simple expression, c’est-à-dire qu’au niveau national elle sera seulement et temporairement composée de la famille immédiate du souverain et d’un grand chambellan (charge renouvelable attribuée tous les cinq ans par la Chambre des Pairs et placée sous son contrôle exclusif) dont le seul rôle sera d’assurer la bonne continuité du service de la chambre du souverain.
Un Etat solide sur ses bases temporelles – une société mobile.
Certes, les mauvais penchants ont la vie dure, pouvant faire craindre que des privilèges de type féodal renaissent, mais l’essentiel dans tout cela est que parallèlement ou face aux vraies traditions claniques qui, au demeurant, sont essentiellement de nature intégratrice, l’Etat et ses différents pouvoirs temporels (exécutif, législatif, judiciaire, autonomie locale) soient suffisamment forts et respectés pour que la mobilité et la justice sociales soient assurées, s’imposent et se renforcent.
Ce sont là également les conditions nécessaires à l’ascension sociale par l’éducation, la promotion, l’encouragement, l’esprit d’entreprise, la créativité, l’inventivité, les services rendus, l’exercice signalé d’une compétence ou la reconnaissance d’un talent particulier, marques de toute société ouverte, et que tout ceci soit possible pour tous et au bénéfice de toutes les couches sociales.
Enfin, nous sommes convaincus que cette mobilité sociale nouvelle, gage de ressourcement et d’éclosion, contribuera, comme un pendant naturel, à la re-générescence des arts et des lettres, des métiers, de toutes les œuvres de l’esprit, des pratiques spirituelles vraies (pas celles des sectes, malheureusement actuellement florissantes, crise des consciences aidant).
Car ce qui manque le plus à nos sociétés de consommation ou de connexion artificielle, où le factice tient lieu de lien existentiel, c’est précisément que, la vie publique étant monopolisée par les « mass media », le matérialisme dialectique et les faiseurs de rêves, la vraie communication individuelle, elle, a besoin de la libération et de rencontres des esprits autant que de la vitalisation d’une société civile responsable.
Or, le devenir humain d’un peuple commence et se développe par la mobilisation de toutes ses énergies, le raisonnement gestionnaire qui consiste à atteindre des cibles grâce à la performance, certes utile, ne suffisant pas à satisfaire le sentiment de plénitude dont a fondamentalement besoin une société saine, équilibrée et sécurisée.
Les monarchies constitutionnelles actuellement en place à travers le monde, en Europe ou en Asie, allient toutes, à des degrés différenciés il est vrai, démocratie et modernité, tradition et progrès, permanence et évolution. En tout cas, devraient le permettre idéalement.
Cette triple alliance doit se faire au bénéfice exclusif du peuple, seul souverain réel en son pays, et tant son authenticité que son caractère éternel, portés au sommet par la personne même du monarque – ou plutôt, devrions-nous dire pour être exact, « par l’institution monarchique » – sont préservés. Le monarque lui-même n’est là que par la volonté du peuple.
« Alliance ». JPRA
L’alliance de la monarchie et des principes républicains à travers le monde.
Le Japon allie de façon quasi idéale ces exigences. Le Japon de l’après-guerre est resté lui-même malgré le terrible traumatisme de sa défaite grâce, en grande partie, au maintien de l’institution de l’Empereur, le Tennô demeuré sacré même si sa personne est quelque peu démythifiée et rendue accessible, un empereur qui, cependant, est dépouillé de tout pouvoir.
La Malaisie, qui il est vrai est une Fédération mais de type unitaire, assure par l’institution monarchique une réelle démocratie et une stabilité institutionnelle remarquables, le seul bémol à apporter étant la récente montée inquiétante d’un « islamisme » qui se veut impératif.
En Espagne, en 1981, le roi Juan Carlos a pu, en s’imposant à tous et sans jamais verser dans l’autoritarisme, écarter les affres d’un coup d’Etat militaire.
En Thaïlande, près de dix ans après, le roi, se faisant le défenseur de la patrie et de la pérennité nationale, a sommé les partis politiques de parvenir à résoudre une crise de régime trop souvent attisée par des politiciens seulement soucieux de clientélisme.
La royauté britannique, ébranlée en 1997 par l’onde de choc provoquée par la tragique disparition de la princesse Diana, avait fait sa mue avec les actions conjuguées du prince Charles et du premier ministre Tony Blair, pour mieux s’enraciner dans le peuple et accompagner durablement la modernité britannique.
De Gaulle, un moment donné après le désastre de la seconde guerre mondiale, avait sérieusement pensé à assurer la pérennité de la France et de ses institutions par le transfert au chef de la Maison de France, le comte de Paris, de l’héritage d’un Etat français redevenu pleinement républicain et stable mais dont les fondements risquaient de se fissurer à nouveau dangereusement sous les coups de boutoir auxquels est périodiquement soumise la société française.
Une « Monarchie Républicaine » donc !
Une formule extrêmement parlante émise à propos du Japon par le professeur Fukase, éminent constitutionnaliste japonais, pour caractériser la nature du régime japonais actuel.
Nous la lui empruntons bien volontiers pour caractériser le système institutionnel de nos vœux pour Madagascar, qui, nourri par les leçons du passé et des inspirations positives de nos valeurs et de celles des autres, fera en sorte, espérons-le, que la Grande Ile vive à nouveau des années de lumières.
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
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* Résumé de mon manuscrit « Madagascar, la marche des siècles, du XVIème au XXIème siècles ». Inédit. Droits réservés pour tous pays. Reproduction, même partielle, interdite.