« Sérénité » (jpra)
Nous sommes en 2016. Nous reprenons ici intégralement nos développements de 2014, il y a … deux ans.
Car, malheureusement depuis lors aucune évolution n’est, hélas, hélas !, intervenue dans ce pays, Madagascar, toujours en proie à ses propres démons.
QUELLES ORIENTATIONS GOUVERNEMENTALES D’URGENCE ?
Madagascar est classée, selon un rapport récent du Fonds Monétaire International (FMI), parmi les cinq pays les plus pauvres du monde. Et, allant de pair avec ce cycle vertigineux de la pauvreté, tout allant de travers et pour le pire, une famine « silencieuse », car elle s’incruste insidieusement dans toute une région et bientôt sur tout le pays, étend ses racines, telle qu’elle est pudiquement relevée par les agents des Nations Unies.
Car à l’évidence, l’économie et la société malagasy sont si déstructurées et si atones qu’il est vain et illusoire de parler de « relance économique » ou de « paix sociale » qui en l’état actuel ne pourraient se baser sur aucun support réel ni moteur.
Pour qu’il en soit autrement, il faudra envisager d’urgence une planification véritable de type DIRECTIF et non simplement incitatif comme actuellement, couplée avec une volonté politique de mobilisation populaire clairement affirmée, assumée et encouragée par des mesures visibles et incluant toutes les forces vives du pays.
Cette planification volontariste intégrera obligatoirement dans un mouvement d’ensemble les quatre pôles économique, social, culturel et environnemental, et ce avec la définition d’objectifs chiffrés, d’articulations systémiques et de programmation législative et règlementaire à court, moyen et long termes.
Car, l’objectif majeur des mois à venir est de faire en sorte que les différents secteurs se restructurent et reprennent vie dans un esprit d’INTEGRATION ECONOMIQUE.
Car une économie comme celle de Madagascar ne peut pas retrouver ses bases ni ses rails si elle n’obéit qu’aux lois du marché et de la concurrence dans le sens libéral de ces termes.
Soyons clair : le tout libéral n’est certainement pas ce qui convient au développement de Madagascar. L’Etat ne doit pas seulement être régulateur ni simplement « facilitateur » ; il doit assumer son rôle, celui bien sûr d’un acteur plein et entier, mais bien au-delà, c’est à dire fixer, désigner le cap et définir les orientations et, à l’intérieur de ces orientations, paver les voies pour atteindre des objectifs.
Ces exigences doivent se retrouver dans un processus systémique et dialectique. Et, ce sera ainsi que les forces vives de la nation, parmi lesquels les acteurs économiques et autres, vont pouvoir s’engager résolument.
C’est une évidence première de bonne gouvernance économique.
QUELLES PRIORITES ?
En premier lieu, il convient prioritairement d’assurer le relèvement des bases mêmes de la société, sur deux ensembles de piliers :
1. la sécurité alimentaire (banque alimentaire + régénération des marchés locaux (« Tsena ») + encouragement aux petits exploitants agricoles et à la pêche artisanale) en étroite coopération avec la FAO, le FIDA et le PAM ainsi qu’avec les organisations caritatives nationales et internationales, et la sécurité sanitaire (réseau de dispensaires + campagnes de vaccination + formation du personnel médical) en étroite coopération avec l’OMS et les organisations caritatives nationales et internationales;
2. le remaillage du tissu économique, déchiré par tant de démantèlements d’industries phares passées aux mains de prédateurs, essentiellement étrangers, par la recomposition des structures sociales de base qui ont volé en éclats, et par l’encouragement à la créativité entrepreunariale et innovatrice. Parallèlement, il serait tout aussi urgent que les régions et les collectivités locales redécouvrent chacune, au moyen d’un Plan Intégré de Développement Régional et Local, leur vocation spécifique au sein de la planification nationale, ce notamment en termes de pôles de développement économique et du système de clustering, par ailleurs la diversité des régions malagasy constituant à cet égard une richesse inégalée qu’il convient de valoriser.
A de telles conditions, le relèvement général et la reconstruction de notre Nation, qui s’accompagneront d’une intégration progressive et incitative du secteur dit « informel » regroupant actuellement une masse misérable (auquel on accorderait par exemple un statut transitoire spécifique de trois à cinq ans basé sur la facilité à l’accès aux micro-financements + « guichet unique » spécial + exonérations fiscales et sociales) dans l’économie globale, ne pourront que prendre un sens réel et non plus incantatoire.
Elles feront également que ces deux causes nationales du moment soient l’affaire de tous, ce dans le rassemblement des énergies et la liberté d’expression des convictions de chacun.
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« Rosasy ». Maquette de vitrail – JPRA –
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L’ ART DE LA BONNE GOUVERNANCE
C’est pourquoi aussi, il est absolument prioritaire que par des signaux et des engagements sans équivoque, les gouvernements – actuel et ceux à venir, quels qu’ils soient – instaurent dès l’abord un climat de Concorde Nationale fondée non pas sur des calculs politiciens mais sur un engagement d’ordre éminemment moral.
Certes, elle est de la responsabilité politique de tous, responsables politiques comme responsables de la société civile et simples citoyens.
Mais, qui dit « concorde nationale » dit d’abord « Paix et harmonisation sociales », c’est-à-dire qu’elle nécessite un engagement collectif qui se traduirait par un « Pacte social » dans un « Esprit de Participation active » des forces vives de la nation, résultant d’un accord généralisé acquis au bout d’un processus de négociations avec tous les partenaires sociaux, ayant pour objectif de doter Madagascar d’un dispositif social qui ne laisse personne au bord du chemin.
Dans ce contexte global où l’horizon se dégagera clairement, tout naturellement – et en pariant sur leur intelligence – les adeptes de la politique politicienne et de ses délices manœuvriers trouveront à recycler leur énergie positivement et à l’employer dans le plein exercice de la conscience publique, ce pour la « Res publica », à laquelle est appelé tout un chacun.
Tout ceci implique rationalité et rigueur dans la pratique institutionnelle.
Car, autant les rouages de l’Etat demandent un mode de fonctionnement clair et méthodique conformément à la norme juridique, autant la chaîne de commandement et la transmission des informations ne doivent pas s’embarrasser d’approximations.
A ces égards, et sans revenir sur des débats institutionnels frustrants et contre-productifs qu’on a eu l’occasion d’aborder par ailleurs, il faut considérer qu’une réelle hypothèque institutionnelle pèse sur le mandat présidentiel de cinq ans, qui se confond malencontreusement avec celui de la législature, ce qui rend le Président tributaire d’aléas politiciens qu’on constate quotidiennement, et dont il convient absolument qu’il s’en détache suffisamment.
D’autre part, son mandat étant singulièrement court par rapport aux nécessités du redressement et de la reconstruction qui demandent un horizon à long terme, le Président de la République a certainement intérêt à séquencer l’action qu’il entend mener pour mettre en oeuvre ce que nous considérons comme un programme indispensable de gouvernance selon les objectifs définis plus haut.
De plus, une telle clarification est plus qu’utile eu égard à la visibilité et à la crédibilité nécessaires à l’appréciation positive que souhaitent les bailleurs de fonds et nos partenaires de coopération multidimensionnelle.
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« Fleurs épanouies » – JPRA –
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ETAPE DECISIVE A FRANCHIR
Une étape décisive est donc à franchir, que dicte actuellement l’état de Madagascar qui se trouve objectivement dans la situation d’un pays en état de nécessité économique, sociale, sanitaire et environnementale qui, au surplus, a besoin d’un recadrage institutionnel et de regagner la confiance des bailleurs de fonds.
Elle sera suivie, à terme, d’une seconde qui se traduirait par une « normalisation » des rapports avec le Parlement et non pas uniquement dans un dialogue exclusif avec l’Assemblée nationale. Le Sénat, représentatif des collectivités locales et des territoires, se doit également d’assumer un rôle constructif.
Par exemple, plutôt que de s’égosiller dans des débats sans fin ni signification pourquoi l’un ou l’autre de ces chambres représentatives ne prendrait pas l’initiative de lois à caractère économique dans l’esprit de ce que nous préconisons précédemment, ou de proposer des amendements dans le même sens sur des textes proposés par le gouvernement ? C’est aussi ça l’exemplarité des débats parlementaires…
Tout ceci, en considération des deux ensembles de paramètres suivants :
I . Pour assurer l’adoption des mesures d’urgence, et sans nullement court-circuiter le fonctionnement normal des différentes prérogatives institutionnelles, le Président de la République doit pouvoir disposer des moyens politiques nécessaires à la formation immédiate d’un Gouvernement clairement désigné comme, soit de « Salut Public », soit de « Redressement national, mais se caractérisant par un resserrement autour de grands ministères de mission et non de simple gestion des départements.
Ceci est d’autant plus nécessaire qu’on enregistre une cacophonie institutionnelle, et qu’il n’est actuellement pas possible d’attendre quoi que ce soit de la part de l’Assemblée nationale dont le tumulte inquiète d’autant plus que personne ne sait, exactement et clairement, quelle est l’articulation entre ses prérogatives et celles du Président de la République quant au choix du Premier ministre et aux modalités du contrôle parlementaire sur la politique gouvernementale.
L’extrême cafouillage sur ces plans comme sur d’autres est source réelle de paralysie institutionnelle si l’on ne procède pas à la nécessaire clarification institutionnelle à laquelle nous avions consacré nos développements antérieurs sur ce même Blog. Même dans le contexte politique actuel, l’hypothèse d’une majorité constituée, claire et stable au sein de l’Assemblée nationale ne pourrait se profiler, même à moyen terme, car dans le climat actuel, on le constate avec tristesse, les surenchères et les marchandages vont leur train au gré des circonstances et finissent toujours par occulter les questions essentielles et les engagements sincères sur le long terme.
Ce « Gouvernement de Salut Public » ou de « Redressement national », serait composé seulement d’une dizaine de ministres, choisis sur le seul critère de leurs compétences, en charge de départements concentrés (Economie et Finances ; Affaires étrangères et Coopération ; Intérieur et Collectivités locales ; Justice et Libertés publiques ; Affaires sociales et Jeunesse ; Culture et Patrimoine ; Environnement et Développement durable ; Education, Sciences et Technologie ; Transports Aménagement du Territoire; Agriculture et Pêche).
Au besoin, moyennant préalablement un exposé des motifs strictement ajusté, un tel Gouvernement pourrait agir provisoirement et/ou partiellement par ordonnances sur délégation expresse de l’Assemblée nationale, avec pour mission principale d’urgence de mettre sur pied les structures décrites plus haut, le Premier ministre ayant auparavant demandé la confiance de l’Assemblée sur la présentation de sa politique générale qui ne se résumerait pas à une pétition de principes. Et, devant la gravité de la situation autant que pour honorer l’Assemblée, après son vote de confiance le Président de la République lui adressera solennellement un message, lequel rejaillira également sur toute la nation.
II. Une fois ces réformes structurelles seront mises en place, l’Assemblée nationale pourra retrouver la plénitude de ses prérogatives, et il sera temps pour le Président de la République de former un gouvernement « normal » sur la base de la majorité qui se dégagera bien plus clairement qu’actuellement.
Tout ceci doit profiter du fait que désormais le Parlement existe dans sa pleine composition, c’est-à-dire que l’Assemblée nationale et le Sénat sont enfin opérationnels. Le Président de la République et son Gouvernement peuvent ainsi s’appuyer alternativement ou selon des séquences à déterminer, sur la représentation nationale(Assemblée nationale) ou sur la représentation territoriale (Sénat). De la sorte, aux noms de l’équilibre et de la stabilité des institutions, ainsi que d’une visibilité politique travaillée par la sérénité retrouvée des débats, la pratique institutionnelle se conformera mieux au principe démocratique de la représentativité, et le Gouvernement serait ainsi autant le reflet réel du choix du peuple que celui des orientations du Président de la République.
Mais, davantage encore, et devant l’extrême fractionnement des appartenances dites « politiques » des uns et des autres au sein du Parlement, ce schéma est susceptible d’éviter toute paralysie provoquée par les marchandages et les surenchères autant que par la fragilité de la cohésion nationale, une cohésion pourtant absolument indispensable.
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Au bout de ce processus de recadrage institutionnel, la vie politique normale est appelée à prendre le relais d’une période charnière et probatoire à tous égards qui, certes, n’aura que trop durée, mais qui n’aura strictement rien à voir avec une quelconque réminiscence des atermoiements vécus lors de la « Transition » de 2009 à 2013, que d’aucuns semblent faire revivre mais qu’il convient pourtant de vite jeter dans les oublis de l’Histoire.
Nous sommes convaincus qu’il s’agit du bon tempo à adopter, indispensable pour imprimer le bon rythme à la démocratie, surtout qu’elle doit actuellement renaître de ses cendres.
Ni précipitation, ni lenteur, ni crispation, ni relâchement.
Parions ainsi que la pratique du « mora mora » malagasy, qui n’est point de l’indolence mais l’équivalent du « take it easy » anglo-saxon, du « rien ne sert de courir, mais de partir à temps » français et du « just in time » japonais, prendra ainsi son vrai sens originel.
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
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