
« Les nénuphars du Lac d’Ambodiakondro » – Hommage à Claude Monet – (jpra)
MADAGASCAR ET LA FRANCE – LES MALGACHES ET LES FRANCAIS
Si l’on en juge par le sentiment profond des peuples malgache et français, la relation franco-malgache va cahin-caha et se nourrit de trop d’incompréhensions réciproques, voire de certaines rancoeurs réciproques.
La récente tenue à Antananarivo des 2èmes Assises de la Coopération décentralisée début mars 2018 ne doit pas nécessairement prêter à optimisme. D’abord, parce qu’elles interviennent plus de douze ans après la première édition de 2006. Ensuite, parce que les résultats attendus et effectifs sont singulièrement modestes au regard de la dynamique suscitée en 2006 avant, pendant et après les 1ères Assises de la Coopération décentralisées (cf. sur ce même blog l’article intitulé « Les assises de la Coopération Décentralisée France-Madagascar », en date du 6/3/2018)
Une ère nouvelle correspondant à un retour gagnant de Madagascar sur la scène internationale passe par un équilibre relationnel consistant à éviter de donner aux rapports France-Madagascar un caractère trop exclusif , et au contraire, à travailler les ouvertures pratiquées durant la période faste de 2002 à 2008.
Sans revenir sur une histoire relationnelle franco-malgache tumultueuse à bien des égards depuis le XVIIIème siècle jusqu’à la période récente (cf. sur ce même Blog nos articles « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », de la 3ème à la 12ème parties, archives d’octobre 2013), il est intéressant de rappeler ce que furent les actes de considération que le Général de Gaulle à son époque avait su développer à l’égard de Madagascar et que les Malgaches avaient reçu à leur juste mesure.
Il est non moins important de se référer aux derniers actes positifs qui émaillèrent ces rapports franco-malgaches durant la présidence Ravalomanana aujourd’hui tant décriée et, en tout cas, mal comprise, par conséquent mal évaluée.
Car aujourd’hui, puisque de façon incompréhensible, en France même une certaine sphère d’hommes politiques et d’affaires continue de nourrir de très durs sentiments largement injustifiés à l’égard d’un président malgache – Marc Ravalomanana – nullement francophobe mais qui a, certes, commis des fautes diplomatiques, là où pourtant, sans aucun doute, on les aurait excusées s’il s’était agi d’un autre président d’un autre pays que Madagascar, il importe de rétablir des réalités dont assurément l’Histoire s’en chargera.
En effet, bien trop de malentendus et de ressentiments se focalisent et se fixent inutilement.
Or, ceux-ci ne résistent pas aux réalités vécues, et il importe assurément qu’ils se dissipent prestement.
C’est cet exercice difficile que les Présidents français et malgaches devront notamment réussir à l’occasion e leur deuxième rencontre officielle de la fin de ce mois d’août 2021.
DE GAULLE ET MADAGASCAR
La première visite officielle du Général De Gaulle dans les anciennes colonies françaises d’Afrique au sud du Sahara aura lieu à Madagascar le 22 août 1958.
Ce choix est significatif de la haute considération qu’il accorde alors à Madagascar et aux Malgaches, qui le méritaient amplement.
A cet égard, rappelons quelques faits antérieurs qui sans doute expliquent cette haute considération.
A l’appel du 18 juin 1940, cet acte fondateur tant de la Résistance que de ce qui se formulera plus tard comme étant la posture gaullienne, y compris dans le domaine de la décolonisation, des éléments malgaches y ont répondu assez prestement, essentiellement sur la terre de France elle-même, là où ils se sont ralliés à la grande cause proposée par le général De Gaulle pour entrer en résistance dans différents réseaux et en tant que FFI ou FFC.
Des Malgaches de toutes les contrées de la Grande Ile ont participé très activement aux combats pour la Liberté et pour la renaissance de la France éternelle, parmi ceux-là mon père et ma mère, suivant en cela leurs aînés de la Première Grande Guerre.
Mon père, lieutenant d’artillerie lourde engagé sur le front hautement stratégique de la Somme, et en tant qu’officier malgache alors le plus élevé en grade, décoré de la Croix de guerre avec étoile de vermeil et de la Croix de la Libération, fut chargé à la Libération par le général De Gaulle et son gouvernement de participer au rapatriement dans l’honneur et dans l’ordre à Madagascar des soldats malgaches engagés sur les différents fronts en France et ailleurs, et dont certains avaient été protégés par lui et son épouse durant la terrible période de la résistance à Paris.
En outre, dès octobre 1945, en tant que président de la commission de l’Océan Indien de l’Organisation Civile et Militaire, mon père s’était fortement engagé au sein des organisations gaullistes et progressistes dans les nécessaires débats visant à assurer aux anciennes colonies, et tout spécialement à Madagascar, un statut de nations disposant d’elles-mêmes, s’inscrivant ainsi dans le sillage du message du général De Gaulle fortement exprimé dans son « discours de Brazzaville » de 1944.
Or, Madagascar sortait à peine d’une situation pour le moins confuse, notamment devant l’attitude de certains « nationalistes » malgaches ouvertement peu concernés par les violations des valeurs perpétrées par la barbarie nazie et relayées à Madagascar par les Vichystes, lesquels virent débarquer en 1942 des Anglais prompts à inclure la Grande Ile dans leur stratégie de contrôle des accès maritimes, ce en mettant en avant la menace nippone.
Cette occupation militaire anglaise ne dura que le temps de la colère du général De Gaulle qui obtint de Churchill que Madagascar fût finalement « remise » à la France Libre…
A l’avènement de la IVème République française en 1946, la République des partis sans De Gaulle, nourrie par les intenses débats tenus dans le sillage de la Libération, parvient à ouvrir une nouvelle ère pour Madagascar, la nouvelle constitution lui accordant une représentation par quatre députés au Palais Bourbon.
Mais, les incertitudes et les mauvaises réponses à l’égard des revendications malgaches, notamment pour « la citoyenneté française pour tous » et une représentation plus adéquate au sein des instances politiques, aggravées par la persistance des tensions sociales sur fond prétendument « ethnique », aboutissent au terrible soulèvement populaire de 1947.
De Gaulle lui-même est contraint à la « traversée du désert » et la vague répressive frappant les nationalistes malgaches et les forces patriotiques malgaches, avec lesquels mon père et ma mère eux-mêmes s’étaient engagés résolument et les avaient défendus sans faille au sein d’une administration française déphasée, fait régner un climat des plus détestables.
Mais, très vite, grâce à la ténacité de tous, les thématiques majeures de la reconstruction et de l’Indépendance prennent le dessus et les années 1950 voient se profiler un avenir prometteur.
De Gaulle s’en saisit pour effectuer pour la première fois à l’automne de 1953 une visite privée remarquée à Madagascar et, le 10 octobre, s’imprègne à Antananarivo au Rova de « Manjakamiadana » des faits historiques de la royauté malgache. L’évolution de la Grande Ile dans le monde moderne apportant tous les gages de la postérité pour les Malgaches, De Gaulle y effectue pour la seconde fois une visite, cette fois-ci très officielle, en août 1958.

De Gaulle et son épouse visitent le Rova d’Antananarivo sous la conduite de notre mère. 1953. Reproduction interdite.
Il entend mettre en œuvre sa doctrine de la décolonisation et sa conception de la Communauté Française. C’est sa première visite officielle dans les anciennes colonies françaises d’Afrique au sud du Sahara. A l’Assemblée représentative malgache, puis à Mahamasina il annonce au milieu des acclamations enthousiastes et désignant le Rova :
. « Demain vous serez de nouveau un Etat, comme vous l’étiez lorsque ce palais était habité ! ».
Puis, en 1959, c’est à Antananarivo que De Gaulle et son Premier ministre, Michel Debré (un grand ami de mon père), font tenir le premier Conseil des ministres de la Communauté Française, auparavant le président Tsiranana ayant été nommé ministre en charge de la Défense au sein de ladite Communauté Française.
Voilà des acquis qui, incontestablement, de la part de De Gaulle et de la France, faisaient grand honneur à Madagascar et aux Malgaches !

Premier conseil de la Communauté Française à Antananarivo sous la présidence de De Gaulle (à sa droite, son Premier ministre, Michel Debré). 1959. Reproduction interdite.
Devons-nous rappeler, d’ailleurs, que dans son fameux discours du 22 août 1958, le Général De Gaulle, connaissant bien les prédispositions des hommes politiques malgaches (qui perdurent aujourd’hui), disait de façon prémonitoire :
. « Je fais appel, ici comme ailleurs, aux hommes de valeur, aux hommes capables, aux hommes qui veulent exercer la responsabilité de diriger le pays…il faut que vous soyez des hommes fermes, droits et loyaux, qui ne se laissent pas emportés par le tumulte des mots…faute de cela, à la première occasion, vous serez, avec tout le reste, balayés !«
L’avenir national des Malgaches est ainsi scellé.
Loin de leur avoir été « octroyé » comme une certaine pensée unique entend le marteler, il est le résultat de luttes constantes et mûries par les épreuves du côté malgache, autant que de la clairvoyance d’un De Gaulle précurseur.
C’est bien pourquoi, malgré le vote référendaire du 14 octobre 1958, qui à une écrasante majorité inclue Madagascar « Membre de la Communauté française », l’image de relents néocolonialistes qu’offre cette entité convainquent ses membres de laisser se proclamer les indépendances africaines, dont celle de Madagascar le 26 juin 1960 qui figure parmi les trois premières et qui retrouve ainsi sa pleine souveraineté internationale et ses propres compétences diplomatiques.
UNE CONCORDE RELATIONNELLE RETROUVEE
Il est vain de revenir sur une période stérile de trente ans s’étendant pratiquement de 1972 à 2002 pendant laquelle la relationnelle franco-malgache avait connue bien des épreuves.
Mais dès 2002 où un certain Dominique de Villepin accourt à Madagascar, un printemps s’ouvre pour échafauder de nouveaux rapports empreints de respect mutuel et d’un nouvel esprit coopératif. Ainsi, rien que dans la seule période 2003-2005, la France et les Français, unis dans la célébration d’une amitié franco-malgache fortement renouvelée, avaient tenus à manifester au Président malgache et à Madagascar les plus hautes marques d’estime.
La plus significative fut l’élévation de Marc Ravalomanana dans la dignité de Grand’Croix de la Légion d’Honneur, devenant ainsi le seul chef d’Etat malgache à être de cette belle manière grandement honoré, ce qui avait rejailli sur le peuple malgache lui-même. Seule avant lui la Reine Ranavalona III avait reçu en 1896 la même dignité, mais dans des circonstances bien moins flatteuses pour le sentiment national malgache, puisque ce fut pour sceller la colonisation de Madagascar.
Avait été auparavant décerné au même Marc Ravalomanana, en 2003 à l’occasion de sa visite officielle en France, le « Prix Louise Michel pour la Démocratie », une récompense bien connue dans les hautes sphères dirigeantes et académiques francophones, puisqu’elle consacre les actions constantes d’un haut dirigeant francophone en faveur de la démocratie et des droits de l’Homme.
Dans la foulée, Marc Ravalomanana est reçu solennellement à la Fondation Charles-de-Gaulle, étant ainsi le premier chef d’Etat étranger à bénéficier d’un tel privilège, par la suite la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni et le Président chinois Zhang Zemin y étant, chacun à leur tour, pareillement reçus à l’occasion de leur visite d’Etat en France.
Il est également reçu comme Membre Associé de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, cette prestigieuse institution française jumelée avec l’Académie Malgache, entendant ainsi reconnaître les hautes vues du Président malgache pour le développement de son pays.
Citons encore le fait qu’en commémoration de la visite officielle du Président malgache en France en avril 2003, une Médaille spéciale confectionnée par la « Monnaie de Paris » avait été gravée dans le bronze, et que devant l’Ambassade de Madagascar en France fut érigée en 2006, dans le Parc du Ranelagh, une stèle – un « Vatolahy » selon la tradition malgache – dédiée à la fraternité d’armes franco-malgache, au total près de 80.000 soldats malgaches étant venus en France même combattre courageusement jusqu’aux victoires finales de 1918 et de 1945 pour la Liberté et les valeurs républicaines, en France et dans le monde, lors des deux dernières guerres mondiales.

Le Président Ravalomanana est accueilli à la Fondation Charles-De-Gaulle par Yves Guéna, son président (ici : devant la plaque reproduisant le texte intégral de l’Appel du 18 juin 1940. Je suis à la gauche du Président Ravalomanana, caché sur la photo). reproduction interdite.
Le Président Chirac lui-même et son épouse n’avaient-ils pas eux-mêmes voulu honorer et consacrer par leur chaleureuse présence, par deux fois une telle amitié renouvelée ?
Ce fut d’abord en visite privée en mars 2005, puis en juillet de la même année, cette fois-ci en visite officielle.
Rappelons également la belle manière avec laquelle le nouveau Ministre français des Affaires étrangères de l’époque, Dominique de Villepin, avait tenu à marquer en juillet 2002 par sa venue aussi spectaculaire qu’inattendue la reconnaissance par la France de l’accession du nouveau Président Marc Ravalomanana à la présidence de la République à Madagascar que certains avaient prétendument considérée comme « autoproclamée ».
Tous ces acquis exceptionnels et sans précédent, dont, je le dis au passage sans fausse modestie ni fierté indue, je fus à la source en ma qualité d’ambassadeur, ce moyennant un travail colossal, et toutes ces preuves de haute considération sans équivalent, ont, je veux le croire, un caractère jurisprudentiel.
Devraient-ils tout d’un coup s’effacer dans les mémoires et ailleurs parce qu’à compter de 2006 ce même Président malgache avait pris certaines options fondamentales, certes de façon maladroite, dans le souci légitime d’assurer le parcours indépendant de son pays, comme avant lui le Général de Gaulle lui-même y avait brillé pour la France ?
De quoi d’ailleurs s’agit-il ?
Parce qu’il a introduit l’anglais comme troisième langue officielle à égalité avec le malgache et le français ?
Or, est-ce qu’un tel ajout, significatif d’une plus grande ouverture internationale de Madagascar, s’est soldé par l’amoindrissement du réseau des écoles de l’Alliance Française à Madagascar, qui demeure au monde celui qui est le plus étendu ?
Non !
Faudrait-il alors aussi faire le même reproche à l’Ile Maurice, qui bien avant Madagascar avait introduit pareillement l’anglais et le français comme langues officielles ?
Bien sûr que non !
La préférence économique donnée aux Américains et aux Allemands au prétexte que certains marchés étaient attribués aux Allemands par voie d’adjudication sur appel d’offres ?
On chercherait vainement à Madagascar la moindre mainmise américaine ou allemande dans l’économie malgache qui serait au détriment des intérêts français.
Par contre, il est incontestable qu’entre 2003 et 2007 pas moins d’une vingtaine de missions économiques françaises (composées au total de près de deux cents cinquante entreprises françaises de toutes tailles et de tous secteurs venant de la Métropole) est venue, à mon initiative, à Madagascar répondre positivement aux invites générées par le cadre attrayant du « MAP » (« Madagascar Action Plan »), pour y réaliser des investissements directs, répondre à des appels d’offre ou conclure des accords de partenariat (dont, à la satisfaction générale, au moins 8O% furent réussis).
LES BASES INDISPENSABLES D’UN RENOUVEAU RELATIONNEL
Il est inutile d’allonger la citation des exemples venant conforter l’image responsable, favorable, et voire même sympathique des rapports franco-malgaches tout au long des années 2002 à 2007.
Ce qui est sans doute vrai en revanche, c’est qu’une sorte d’incompréhension mutuelle s’est insidieusement mais lourdement intercalée dans ces rapports après l’amorce du second mandat présidentiel de Marc Ravalomanana, la psychologie ambiante, dans une France empêtrée dans sa crise économique et sociale comme dans un Madagascar qui ne voulait plus s’embarrasser de repères francophiles, faisant malheureusement le reste.
Or, il est des nations comme des personnes : au-delà des péripéties et des arguties, seule la volonté relayée par une vision positive peut faire justice des rancoeurs inutiles et remettre les pendules à l’heure.
C’est l’effort qui est proposé aux Français et aux Malgaches restés dans cette disposition d’esprit négative, rétive et destructrice, pour s’élever dans des perspectives encourageantes fondées sur des rapports volontaires à la hauteur des intérêts fondamentaux réciproques.
Car, on l’a vu, le potentiel relationnel est bien là, composé d’éléments consistants et référentiels. Par contre, on sait bien qu’actuellement à Madagascar les intérêts français se sont enlisés ces cinq dernières années, ce au profit d’autres nations promptes à exploiter les failles béantes.
Et force est de constater que le sentiment national malgache pointe de plus en plus du doigt une France incapable de s’ouvrir à lui, sauf au moyen de velléités perçues comme néocoloniales et qui se cacheraient mal derrière des recettes comportementales que lui offriraient notamment des organisations régionales qu’elle a su investir par une « diplomatie d’influence », laquelle ne manque pas d’être performante en Afrique.
Il est donc plus que temps que la barre soit redressée avant que Madagascar ne soit un problème pour la France, un de plus…

Florilège cosmique. JPRA.
Quant à Madagascar et aux Malgaches, il est temps qu’au lieu que certains se répandent en complaintes anti-françaises ou francophobes, leurs attentions se tournent sur leur propre concentration et mobilisation pour entretenir avec la France des rapports emplis de confiance et de considération réciproques.
C’est une question de bon sens.

« Profusion florale » (JPRA)
DONNEES NOUVELLES POUR LA BIENNALE 2018-2019 ?
De bonnes âmes diraient que désormais tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes entre la France et Madagascar, maintenant que ce dernier pays s’est choisi un nouveau Président ouvertement francophile et d’ailleurs prestement congratulé par les hautes autorités françaises, à commencer, c’est diplomatiquement normal, par le Président Macron, et, de façon non surprenante, par l’ancien président Nicolas Sarkozy, celui-là même qui s’était empressé – on sait pourquoi – de recevoir à l’Elysée celui qui, à l’époque, venait de récolter les fruits du coup d’Etat de mars 2009.
Mais aujourd’hui, à Madagascar c’est un Président légitimé par les urnes et, semble-t-il, désormais pleinement disposé à donner libre court aux jeux démocratiques qui s’installe au Palais de Iavoloha.
Ce qui est certain, c’est que la complexité relationnelle entre deux nations amies ne va pas forcément sans problématiques à résoudre, si bénignes soient-elles.
Cependant, pour ne prendre que ces exemples, au titre des dossiers sensibles à solutionner en profondeur il y a à appliquer par la voie diplomatique des voies et moyens appropriés, mais qui soient à l’écoute des aspirations profondes, en particulier à Madagascar où le sentiment durement vécu de tout un peuple est mis de côté avec un certain mépris.
Parmi les sujets qui fâchent figure le statut des Iles Eparses (en malgache : « Nosy Malagasy », les « Iles malgaches »), dont l’acuité doit être appréciée eu égard au principe intangible de la souveraineté exclusive de Madagascar sur ces îles, aux principes tout aussi intangibles du droit international et au droit de la Mer, ainsi qu’à l’équilibre régional en Océan Indien occidental.
A ces considérations liminaires, mais préalables à tout autre discussion, devrait s’ajouter ensuite une ouverture sur une coopération qui puisse laisser la porte ouverte à une diversification relationnelle fondée sur le principe de partenariats solidaires ou participatifs multipartites, mêlant par exemple Français, Japonais et Malgaches sur un projet majeur de nature stratégique pour Madagascar (dans les domaines énergétique, halieutique, industriel ou agro-alimentaire).
On pourrait également ajouter les voies possibles d’un co-développement avec la France de l’Océan Indien que sont La Réunion et Mayotte.
A cet égard, rappelons que dans une heureuse inspiration, qu’en tant qu’ambassadeur en France nous avions insufflé au Président Ravalomanana, et que bien entendu la partie française avait fort opportunément relayé, un accord de co-développement avait été scellé entre Madagascar et La Réunion en 2005, ce à la grande satisfaction de tous.
Car Madagascar, nous le disions, constitue un point de polarisation dans cette partie du monde, l’Océan indien occidental, pour mettre en œuvre sa vocation afro-asiatique incontestable, et pour la France qui y marque sa présence, son intérêt est de composer avec ce pays sur des bases à définir communément et sainement.
C’est à dire que, et pour dire les choses aussi clairement que positivement possible, à une certaine visée française passéiste et arcboutée sur des « petits intérêts » dits stratégiques à trop court terme doit s’y substituer une vision qui tienne compte de la vocation d’un pays, Madagascar, qui doit tenir son rôle pilote dans la région.
De leur côté, les dirigeants malgaches se doivent une fois pour toute, au risque réel de conduire leur beau pays dans l’abîme profond qui a coulé l’Ile de Pâques à son époque, d’abandonner aux gémonies les mauvais génies qui jusqu’ici n’ont de cesse de hanter les esprits.
La conscience, ici sur les bords de Seine, et là sur ceux de la Betsiboka, devrait à ces égards se laisser s’exprimer avec vigueur afin d’éveiller les esprits.
Un printemps relationnel franco-malgache qui dépasse la simple dimension inter-étatique est ainsi à inscrire dans le proche horizon, en n’oubliant pas la trame des épisodes heureux et malheureux d’une histoire relationnelle intense et faite de certaines erreurs de part et d’autre, que chacune des parties voudra bien retenir pour ne pas avoir à les répéter (voir la série d’articles « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » à partir de la 5ème partie, sur ce même Blog)
L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française le 7 mai 2017, qui portait la marque signalée de la jeunesse et du renouveau, suivie de la nomination de son tout aussi jeune Premier ministre Edouard Philippe, et de la formation d’une nouvelle majorité présidentielle, étaient en principe autant de données nouvelles annonciatrices, espérions-nous, d’une nouvelle vision des rapports franco-malgaches débarrassés des pesanteurs passées.
A ce jour cependant, rien de telle…ces rapports se limitent à une sorte de normalisation formelle, pas plus…
De même, du côté malgache, l’installation au Palais de Iavoloha d’un Président ouvertement francophile aurait pu apporter son lot de changement de vision relationnelle, se traduisant dans une certaine rupture, dans le bon sens du terme, si comme beaucoup d’observateurs tendaient à le penser, Andry Rajoelina avait pu retrouver dans le bâton de commandement suprême des ouvertures diplomatiques avec les élans devant permettre à Madagascar de renouer avec son leadership d’antan.
Mais ici encore, rien de telle…
A ces égards, la récente tenue à Antananarivo des 2èmes Assises de la Coopération Décentralisée France-Madagascar début mars 2018 (cf. notre article sous le même titre en date du 6/3/2018) n’a malheureusement pas constitué un marqueur particulier.
En effet, que l’on ne perde pas de vue que :
. sous la présidence de Marc Ravalomanana, de 2002 à 2007, sous la haute autorité de qui j’avais oeuvré fructueusement comme ambassadeur en France et représentant personnel auprès de l’OIF, jamais les relations franco-malgaches n’avaient atteint un aussi haut niveau, en particulier par l’impulsion sans précédent de la coopération décentralisée.
Il y a là donc, une mémoire vivante qu’il convient de remettre au goût du jour et dont il faudrait retrouver les ingrédients pour les travailler à l’avantage mutuel.
En matière de relations internationales, comme en celle des rapports humains, avoir en tête une telle mémoire et la travailler servent à baliser positivement le présent et l’avenir.
Jean-pierre Razafy-Andriamihaingo
* Conseiller diplomatique du Président de la République de Madagascar nouvellement élu début 2002, puis ambassadeur de Madagascar en France (2002 à 2008) et Représentant personnel du Président de la République de Madagascar auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), membre du Conseil permanent de l’OIF (2002 à 2006). A partir de 2008 jusqu’en 2011, Ambassadeur en Italie et Représentant permanent auprès de la FAO.
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