LA GALERIE DE LABODIPLO – II – FRUITS DOUX A NOS PALAIS…

L’une des marques de Madagascar est sa richesse en biodiversité, au nombre de laquelle se comptent les fruits qui font le délice de nos palais. En voici quelques uns…

   LES FRUITS DOUX A NOS PALAIS

Enjoy, every body…!

(Cliquez sur chacune des images pour visionner en grand format).

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« Plateau de fruits » (jpra)

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« Litchi » (jpra)

poire  expo d day 2

« Poire » (jpra)  –  « Ananas et ses amis fruits de la passion » (Jpra)

Image  feuillage abondant

« Fruits-passion » (jpra)        « Bel ananas » (Jpra)  

Image   Sublime repas

« Citron » (jpra)      « Après un sublime repas » (Jpra)

Image   Oranges 21

« Mangues et pamplemousses » (jpra)       « Oranges géantes rouges » (Jpra) 

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« Litchi 2  » (jpra)

poire et raisns    Mangues dans le vent

« Poire et raisins » (jpra)      « Mangues au vent » (Jpra)

Image     Kaki, pomme, citron 2

« Fruits bleus » (jpra)           « Kaki, pomme et citrons »  (Jpra)

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« Plateau de fruits 2 » (jpra)

raisins   Featured Image -- 7964

« Raisins » (jpra)     « La famille citron »  (Jpra)

gros raisins (2)   Plateau de fruits et tasse de thé 4

« Raisins du bonheur » (jpra)       « Plateau de fruits et tasse de thé » (Jpra)

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Douze peintures à l’acrylique sur papier canson.

(Reproduction, même partielle, interdite)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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LA GALERIE DE LABODIPLO – I – MAMY NY AINA

                                                             MAMY NY AINA

L’interculturalité vécue se goûtant également à travers la représentation picturale, j’en offre quelques aperçus aux lecteurs de « LaboDiplo ».

La thématique proposée ici s’exprime par un trait philosophique de la vie tel qu’il est perçu par les Malgaches et que je fais entièrement mien :

« MAMY NY AINA ! », « La vie est douce ! ».

C’est aussi une forme d’hommage que je rends à ce peuple malgache si méritant en bravant la misère, en souriant malgré tout à la vie avec abnégation mais courage, parce qu’il sait qu’au bout du bout la délivrance viendra.

« MAMY NY AINA ê ! »

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« Mamy ny aina 1 » (jpra)

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« Mamy ny aina – La matinale –  » (jpra)

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« Mamy ny aina – verte campagne – » (jpra)

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« Mamy ny aina – Floraison – » (jpra)

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« Mamy ny aina – Feuillages – » (jpra)


montagnes-si-belles
« Mamy ny aina – Ciel d’azur sur les monts –  » (jpra)
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printemps-4

« Mamy ny aina » – Bourgeon – » (jpra)
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Les peintures sont à l’acrylique, sur papier canson.

(Reproduction, même partielle, interdite)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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MADAGASCAR ET LA FRANCE – LES MALGACHES ET LES FRANCAIS

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« Les nénuphars du Lac d’Ambodiakondro » – Hommage à Claude Monet – (jpra)


               MADAGASCAR  ET LA FRANCE – LES MALGACHES ET LES FRANCAIS

 

Si l’on en juge par le sentiment profond des peuples malgache et français, la relation franco-malgache va cahin-caha et se nourrit de trop d’incompréhensions réciproques, voire de certaines rancoeurs réciproques.

La récente tenue à Antananarivo des 2èmes Assises de la Coopération décentralisée début mars 2018 ne doit pas nécessairement prêter à optimisme. D’abord, parce qu’elles interviennent plus de douze ans après la première édition de 2006. Ensuite, parce que les résultats attendus et effectifs sont singulièrement modestes au regard de la dynamique suscitée en 2006 avant, pendant et après les 1ères Assises de la Coopération décentralisées (cf. sur ce même blog l’article intitulé « Les assises de la Coopération Décentralisée France-Madagascar », en date du 6/3/2018)

Une ère nouvelle correspondant à un retour gagnant de Madagascar sur la scène internationale passe par un équilibre relationnel consistant à éviter de donner aux rapports France-Madagascar un caractère trop exclusif , et au contraire, à travailler les ouvertures pratiquées durant la période faste de 2002 à 2008.  

Sans revenir sur une histoire relationnelle franco-malgache tumultueuse à bien des égards depuis le XVIIIème siècle jusqu’à  la période récente (cf. sur ce même Blog nos articles « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », de la 3ème à la 12ème parties, archives d’octobre 2013), il est intéressant de rappeler ce que furent les actes de considération que le Général de Gaulle à son époque avait su développer à l’égard de Madagascar et que les Malgaches avaient reçu à leur juste mesure.

Il est non moins important de se référer aux  derniers actes positifs qui émaillèrent ces rapports franco-malgaches durant la présidence Ravalomanana aujourd’hui tant décriée et, en tout cas, mal comprise, par conséquent mal évaluée.

Car aujourd’hui, puisque de façon incompréhensible,  en France même une certaine sphère d’hommes politiques et d’affaires continue de nourrir de très  durs sentiments largement injustifiés à l’égard d’un président malgache – Marc Ravalomanana – nullement francophobe mais qui a, certes, commis des fautes diplomatiques,  là où pourtant, sans aucun doute, on les aurait excusées s’il s’était agi d’un autre président d’un autre pays que Madagascar, il importe de rétablir des réalités dont assurément  l’Histoire s’en chargera.

En effet, bien trop de malentendus et de ressentiments se focalisent et se fixent inutilement.

Or, ceux-ci  ne résistent pas aux réalités vécues, et il importe assurément qu’ils se dissipent prestement.

C’est cet exercice difficile que les Présidents français et malgaches devront notamment réussir à l’occasion e leur deuxième rencontre officielle de la fin de ce mois d’août 2021. 

                                                                    DE GAULLE ET MADAGASCAR

La première visite officielle du Général De Gaulle dans les anciennes colonies françaises d’Afrique au sud du Sahara aura lieu à Madagascar le 22 août 1958.

Ce choix est significatif de la haute considération qu’il accorde alors à Madagascar et aux Malgaches, qui le méritaient amplement.

A cet égard, rappelons quelques faits antérieurs qui sans doute expliquent cette haute considération.

A l’appel du 18 juin 1940, cet acte fondateur tant de la Résistance que de ce qui se formulera plus tard comme étant la posture gaullienne, y compris dans le domaine de la décolonisation, des éléments malgaches y ont répondu assez prestement, essentiellement sur la terre de France elle-même, là où ils se sont ralliés à la grande cause proposée par le général De Gaulle pour entrer en résistance dans différents réseaux et en tant que FFI ou FFC.

Des Malgaches de toutes les contrées de la Grande Ile ont participé très activement aux combats pour la Liberté et pour la renaissance de la France éternelle, parmi ceux-là mon père et ma mère, suivant en cela leurs aînés de la Première Grande Guerre.

Mon père, lieutenant d’artillerie lourde engagé sur le front hautement stratégique de la Somme, et en tant qu’officier malgache alors le plus élevé en grade, décoré de la Croix de guerre avec étoile de vermeil et de la Croix de la Libération, fut chargé à la Libération par le général De Gaulle et son gouvernement de participer au rapatriement dans l’honneur et dans l’ordre à Madagascar des soldats malgaches engagés sur les différents fronts en France et ailleurs, et dont certains avaient été protégés par lui et son épouse durant la terrible période de la résistance à Paris.

En outre, dès octobre 1945, en tant que président de la commission de l’Océan Indien de l’Organisation Civile et Militaire, mon père s’était fortement engagé au sein des organisations gaullistes et progressistes dans les nécessaires débats visant à assurer aux anciennes colonies, et tout spécialement à Madagascar, un statut de nations disposant d’elles-mêmes, s’inscrivant ainsi dans le sillage du message du général De Gaulle fortement exprimé dans son « discours de Brazzaville » de 1944.

Or, Madagascar sortait à peine d’une situation pour le moins confuse, notamment devant l’attitude de certains « nationalistes » malgaches ouvertement peu concernés par les violations des valeurs perpétrées par la barbarie nazie et relayées à Madagascar par les Vichystes, lesquels virent débarquer en 1942 des Anglais prompts à inclure la Grande Ile dans leur stratégie de contrôle des accès maritimes, ce en mettant en avant la menace nippone.

Cette occupation militaire anglaise ne dura que le temps de la colère du général De Gaulle qui obtint de Churchill que Madagascar fût finalement « remise » à la France Libre…

A l’avènement de la IVème République française en 1946,  la République des partis sans De Gaulle, nourrie par les intenses débats tenus dans le sillage de la Libération, parvient à ouvrir une nouvelle ère pour Madagascar, la nouvelle constitution lui accordant une représentation par quatre députés au Palais Bourbon.

Mais, les incertitudes et les mauvaises réponses à l’égard des revendications malgaches, notamment pour «  la citoyenneté française pour tous » et une représentation plus adéquate au sein des instances politiques, aggravées par la persistance des tensions sociales sur fond prétendument « ethnique », aboutissent au terrible soulèvement populaire de 1947.

De Gaulle lui-même est contraint à la « traversée du désert » et la vague répressive frappant les nationalistes malgaches et les forces patriotiques malgaches,  avec lesquels mon père et ma mère eux-mêmes s’étaient engagés résolument et les avaient défendus sans faille au sein d’une administration française déphasée, fait régner un climat des plus détestables.

Mais, très vite, grâce à la  ténacité de tous, les thématiques majeures de la reconstruction et de l’Indépendance prennent le dessus et les années 1950 voient se profiler un avenir prometteur.

De Gaulle s’en saisit pour effectuer pour la première fois à l’automne de 1953 une visite privée remarquée à Madagascar et, le 10 octobre, s’imprègne à Antananarivo au Rova de « Manjakamiadana » des faits historiques de la royauté malgache.  L’évolution de la Grande Ile dans le monde moderne apportant tous les gages de la postérité pour les Malgaches, De Gaulle y effectue pour la seconde fois une visite, cette fois-ci très officielle, en août 1958.

de gaulle au rova

De Gaulle et son épouse visitent le Rova d’Antananarivo sous la conduite de notre mère. 1953. Reproduction interdite.


Il entend mettre en œuvre sa doctrine de la décolonisation et sa conception de la Communauté Française. C’est sa première visite officielle dans les anciennes colonies françaises d’Afrique au sud du Sahara. A l’Assemblée représentative malgache, puis à Mahamasina il annonce au milieu des acclamations enthousiastes et désignant le Rova :

. « Demain vous serez de nouveau un Etat, comme vous l’étiez lorsque ce palais était habité ! ».

Puis, en 1959, c’est à Antananarivo que De Gaulle et son Premier ministre, Michel Debré (un grand ami de mon père), font tenir le premier Conseil des ministres de la Communauté Française, auparavant le président Tsiranana ayant été nommé ministre en charge de la Défense au sein de ladite Communauté Française.

Voilà des acquis qui, incontestablement, de la part de De Gaulle et de la France,  faisaient grand honneur à Madagascar et aux Malgaches !

Conseil ministres communauté française

Premier conseil de la Communauté Française à Antananarivo sous la présidence de De Gaulle (à sa droite, son Premier ministre, Michel Debré). 1959. Reproduction interdite.


Devons-nous rappeler, d’ailleurs, que dans son fameux discours du 22 août 1958, le Général De Gaulle, connaissant bien les prédispositions des hommes politiques malgaches (qui perdurent aujourd’hui), disait de façon prémonitoire :

. « Je fais appel, ici comme ailleurs, aux hommes de valeur, aux hommes capables, aux hommes qui veulent exercer la responsabilité de diriger le pays…il faut que vous soyez des hommes fermes, droits et loyaux, qui ne se laissent pas emportés par le tumulte des mots…faute de cela, à la première occasion, vous serez, avec tout le reste, balayés !« 

L’avenir national des Malgaches est ainsi scellé.

Loin de leur avoir été « octroyé » comme une certaine pensée unique entend le marteler, il est le résultat de luttes constantes et mûries par les épreuves du côté malgache, autant que de la clairvoyance d’un De Gaulle précurseur.

C’est bien pourquoi, malgré le vote référendaire du 14 octobre 1958, qui à une écrasante majorité inclue Madagascar « Membre de la Communauté française », l’image de relents néocolonialistes qu’offre cette entité convainquent ses membres de laisser se proclamer les indépendances africaines, dont celle de Madagascar le 26 juin 1960 qui figure parmi les trois premières et qui retrouve ainsi sa pleine souveraineté internationale et ses propres compétences diplomatiques.

                                          UNE CONCORDE RELATIONNELLE RETROUVEE

Il est vain de revenir sur une période stérile de trente ans s’étendant pratiquement de 1972 à 2002 pendant laquelle la relationnelle franco-malgache avait connue bien des épreuves.

Mais dès 2002 où un certain Dominique de Villepin accourt à Madagascar,  un printemps s’ouvre pour échafauder de nouveaux rapports empreints de respect mutuel et d’un nouvel esprit coopératif. Ainsi, rien que dans la seule période 2003-2005, la France et les Français, unis dans la célébration d’une amitié franco-malgache fortement renouvelée, avaient tenus à manifester au Président malgache et à Madagascar les plus hautes marques d’estime.

La plus significative fut l’élévation de Marc Ravalomanana dans la dignité de Grand’Croix de la Légion d’Honneur, devenant ainsi le seul chef d’Etat malgache à être de cette belle manière grandement honoré, ce qui avait rejailli sur le peuple malgache lui-même. Seule avant lui la Reine Ranavalona III avait reçu en 1896 la même dignité, mais dans des circonstances bien moins flatteuses pour le sentiment national malgache, puisque ce fut pour sceller la colonisation de Madagascar. 

Avait été auparavant décerné au même Marc Ravalomanana, en 2003 à l’occasion de sa visite officielle en France, le « Prix Louise Michel pour la Démocratie », une récompense bien connue dans les hautes sphères dirigeantes et académiques francophones, puisqu’elle consacre les actions constantes d’un haut dirigeant francophone en faveur de la démocratie et des droits de l’Homme.

Dans la foulée, Marc Ravalomanana est reçu solennellement à la Fondation Charles-de-Gaulle, étant ainsi le premier chef d’Etat étranger à bénéficier d’un tel privilège, par la suite la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni et le Président chinois Zhang Zemin y étant, chacun à leur tour, pareillement reçus à l’occasion de leur visite d’Etat en France. 

Il est également reçu comme Membre Associé de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, cette prestigieuse institution française jumelée avec l’Académie Malgache, entendant ainsi  reconnaître les hautes vues du Président malgache pour le développement de son pays.

Citons encore le fait qu’en commémoration de la visite officielle du Président malgache en France en avril 2003, une Médaille spéciale confectionnée par la « Monnaie de Paris » avait été gravée dans le bronze, et que devant l’Ambassade de Madagascar en France fut érigée en 2006, dans le Parc du Ranelagh, une stèle – un « Vatolahy » selon la tradition malgache – dédiée à la fraternité d’armes franco-malgache, au total près de 80.000 soldats malgaches étant venus en France même combattre courageusement jusqu’aux victoires finales de 1918 et de 1945 pour la Liberté et les valeurs républicaines, en France et dans le monde, lors des deux dernières guerres mondiales.

Ra8 à la Fondation de Gaulle 7_0002

Le Président Ravalomanana est accueilli à la Fondation Charles-De-Gaulle par Yves Guéna, son président (ici : devant la plaque reproduisant le texte intégral de l’Appel du 18 juin 1940. Je suis à la gauche du Président Ravalomanana, caché sur la photo). reproduction interdite.


Le Président Chirac lui-même et son épouse n’avaient-ils pas eux-mêmes voulu honorer et consacrer par leur chaleureuse présence, par deux fois une telle amitié renouvelée ?

Ce fut d’abord en visite privée en mars 2005, puis en juillet de la même année, cette fois-ci en visite officielle.

Rappelons également la belle manière avec laquelle le nouveau Ministre français des Affaires étrangères de l’époque, Dominique de Villepin, avait tenu à marquer en juillet 2002 par sa venue aussi spectaculaire qu’inattendue la reconnaissance par la France de l’accession du nouveau Président Marc Ravalomanana à la présidence de la République à Madagascar que certains avaient prétendument considérée comme « autoproclamée ».

Tous ces acquis exceptionnels et sans précédent, dont, je le dis au passage sans fausse modestie ni fierté indue, je fus à la source en ma qualité d’ambassadeur, ce moyennant un travail colossal, et toutes ces preuves de haute considération sans équivalent, ont, je veux le croire, un caractère jurisprudentiel.

Devraient-ils tout d’un coup s’effacer dans les mémoires et ailleurs parce qu’à compter de 2006 ce même Président malgache avait pris certaines options fondamentales, certes de façon maladroite,  dans le souci légitime d’assurer le parcours indépendant de son pays, comme avant lui le Général de Gaulle lui-même y avait brillé pour la France ?

De quoi d’ailleurs s’agit-il ?

Parce qu’il a introduit l’anglais comme troisième langue officielle à égalité avec le malgache et le français ?

Or, est-ce qu’un tel ajout, significatif d’une plus grande ouverture internationale de Madagascar, s’est soldé par l’amoindrissement du réseau des écoles de l’Alliance Française à Madagascar, qui demeure au monde celui qui est le plus étendu ? 

Non ! 

Faudrait-il alors aussi faire le même reproche à l’Ile Maurice, qui bien avant Madagascar avait introduit pareillement l’anglais et le français comme langues officielles ?

Bien sûr que non !

La préférence économique donnée aux Américains et aux Allemands au prétexte que certains marchés étaient attribués aux Allemands  par voie d’adjudication sur appel d’offres ? 

On chercherait vainement à Madagascar la moindre  mainmise américaine ou allemande dans l’économie malgache qui serait au détriment des intérêts français.

Par contre, il est incontestable qu’entre 2003 et 2007 pas moins d’une vingtaine de missions économiques françaises (composées au total de près de deux cents  cinquante entreprises françaises de toutes tailles et de tous secteurs venant de la Métropole) est venue, à mon initiative, à Madagascar répondre positivement aux invites générées par le cadre attrayant du « MAP » (« Madagascar Action Plan »), pour y réaliser des investissements directs, répondre à des appels d’offre ou conclure des accords de partenariat (dont, à la satisfaction générale, au moins 8O% furent réussis). 

                                  LES BASES INDISPENSABLES D’UN RENOUVEAU RELATIONNEL

Il est inutile d’allonger la citation des exemples venant conforter l’image responsable, favorable, et voire même sympathique des rapports franco-malgaches tout au long des années 2002 à 2007.

Ce qui est sans doute vrai en revanche, c’est qu’une sorte d’incompréhension mutuelle s’est insidieusement mais lourdement intercalée dans ces rapports après l’amorce du second mandat présidentiel de Marc Ravalomanana, la psychologie ambiante, dans une France empêtrée dans sa crise économique et sociale comme dans un Madagascar qui ne voulait plus s’embarrasser de  repères francophiles, faisant malheureusement le reste.

Or, il est des nations comme des personnes : au-delà des péripéties et des arguties, seule la volonté relayée par une vision positive peut faire justice des rancoeurs inutiles et remettre les pendules à l’heure.

C’est l’effort qui est proposé aux Français et aux Malgaches restés dans cette disposition d’esprit négative, rétive et destructrice, pour s’élever dans des perspectives encourageantes fondées sur des rapports volontaires à la hauteur des intérêts fondamentaux réciproques.  

Car, on l’a vu, le potentiel relationnel est bien là, composé d’éléments consistants et référentiels. Par contre, on sait bien qu’actuellement à Madagascar les intérêts français se sont enlisés ces cinq dernières années, ce au profit d’autres nations promptes à exploiter les failles béantes.

Et force est de constater que le sentiment national malgache pointe de plus en plus du doigt une France incapable de s’ouvrir à lui, sauf au moyen de velléités perçues comme néocoloniales et qui se cacheraient mal derrière des recettes comportementales que lui offriraient notamment des organisations régionales qu’elle a su investir par une « diplomatie d’influence », laquelle ne manque pas d’être performante en Afrique.

Il est donc plus que temps que la barre soit redressée avant que Madagascar ne soit un problème pour la France, un de plus…

IMG_1861

Florilège cosmique. JPRA.


Quant à Madagascar et aux Malgaches, il est temps qu’au lieu que certains se répandent en complaintes anti-françaises ou francophobes, leurs attentions se tournent sur leur propre concentration et mobilisation pour entretenir avec la France des rapports emplis de confiance et de considération réciproques.

C’est une question de bon sens.

Profusion florale

« Profusion florale » (JPRA)


                                                          DONNEES NOUVELLES POUR LA BIENNALE 2018-2019 ?

De bonnes âmes diraient que désormais tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes entre la France et Madagascar, maintenant que ce dernier pays s’est choisi un nouveau Président ouvertement francophile et d’ailleurs prestement congratulé par les hautes autorités françaises, à commencer, c’est diplomatiquement normal, par le Président Macron, et, de façon non surprenante, par l’ancien président Nicolas Sarkozy, celui-là même qui s’était empressé – on sait pourquoi – de recevoir à l’Elysée celui qui, à l’époque, venait de récolter les fruits du coup d’Etat de mars 2009.

Mais aujourd’hui, à Madagascar c’est un Président légitimé par les urnes et, semble-t-il, désormais pleinement disposé à donner libre court aux jeux démocratiques qui s’installe au Palais de Iavoloha.

Ce qui est certain, c’est que la complexité relationnelle entre deux nations amies ne va pas forcément sans problématiques à résoudre, si bénignes soient-elles.

Cependant, pour ne prendre que ces exemples, au titre des dossiers sensibles à solutionner en profondeur il y a à appliquer par la voie diplomatique des voies et moyens appropriés, mais qui soient à l’écoute des aspirations profondes, en particulier à Madagascar où le sentiment durement vécu de tout un peuple est mis de côté avec un certain mépris.

Parmi les sujets qui fâchent figure le statut des Iles Eparses (en malgache : « Nosy Malagasy », les « Iles malgaches »), dont l’acuité doit être appréciée eu égard au principe intangible de la souveraineté exclusive de Madagascar sur ces îles, aux principes tout aussi intangibles du droit international  et au droit de la Mer, ainsi qu’à l’équilibre régional en Océan Indien occidental.

A ces considérations liminaires, mais préalables à tout autre discussion, devrait s’ajouter ensuite une ouverture sur une coopération qui puisse laisser la porte ouverte à une diversification relationnelle fondée sur le principe de partenariats solidaires ou participatifs multipartites, mêlant par exemple Français, Japonais et Malgaches sur un projet majeur de nature stratégique pour Madagascar (dans les domaines énergétique, halieutique, industriel ou agro-alimentaire).

On pourrait également ajouter les voies possibles d’un co-développement avec la France de l’Océan Indien que sont La Réunion et Mayotte.

A cet égard, rappelons que dans une heureuse inspiration, qu’en tant qu’ambassadeur en France nous avions insufflé au Président Ravalomanana, et que bien entendu la partie française avait fort opportunément relayé, un accord de co-développement avait été scellé entre Madagascar et La Réunion en 2005, ce à la grande satisfaction de tous.

Car Madagascar, nous le disions, constitue un point de polarisation dans cette partie du monde, l’Océan indien occidental, pour mettre en œuvre sa vocation afro-asiatique incontestable, et pour la France qui  y marque sa présence, son intérêt est de composer avec ce pays sur des bases à définir communément et sainement.

C’est à dire que, et pour dire les choses aussi clairement que positivement possible, à une certaine visée française passéiste et arcboutée sur des « petits intérêts » dits stratégiques à trop court terme doit s’y substituer une vision qui tienne compte de la vocation d’un pays, Madagascar, qui doit tenir son rôle pilote dans la région.

De leur côté, les dirigeants malgaches se doivent une fois pour toute, au risque réel de conduire leur beau pays dans l’abîme profond qui a coulé l’Ile de Pâques à son époque, d’abandonner aux gémonies les mauvais génies qui jusqu’ici n’ont de cesse de hanter les esprits.

La conscience, ici sur les bords de Seine, et là sur ceux de la Betsiboka, devrait à ces égards se laisser s’exprimer avec vigueur afin d’éveiller les esprits.

Un printemps relationnel franco-malgache qui dépasse la simple dimension inter-étatique est ainsi à inscrire dans le proche horizon, en n’oubliant pas la trame des épisodes heureux et malheureux d’une histoire relationnelle intense et faite de certaines erreurs de part et d’autre, que  chacune des parties voudra bien retenir pour ne pas avoir à les répéter (voir la série d’articles « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » à partir de la 5ème partie, sur ce même Blog)

L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française le 7 mai 2017, qui portait la marque signalée de la jeunesse et du renouveau, suivie de la nomination de son tout aussi jeune Premier ministre Edouard Philippe, et de la formation d’une nouvelle majorité présidentielle, étaient en principe autant de données nouvelles annonciatrices, espérions-nous, d’une nouvelle vision des rapports franco-malgaches débarrassés des pesanteurs passées.

A ce jour cependant, rien de telle…ces rapports se limitent à une sorte de normalisation formelle, pas plus… 

De même, du côté malgache, l’installation au Palais de Iavoloha d’un Président ouvertement francophile aurait pu apporter son lot de changement de vision relationnelle, se traduisant dans une certaine rupture, dans le bon sens du terme, si comme beaucoup d’observateurs tendaient à le penser, Andry Rajoelina avait pu retrouver dans le bâton de commandement suprême des ouvertures diplomatiques avec les élans devant permettre à Madagascar de renouer avec son leadership d’antan.

Mais ici encore, rien de telle…

A ces égards, la récente tenue à Antananarivo des 2èmes Assises de la Coopération Décentralisée France-Madagascar début mars 2018 (cf. notre article sous le même titre en date du 6/3/2018) n’a malheureusement pas constitué un marqueur particulier.

En effet, que l’on ne perde pas de vue que :

. sous la présidence de Marc Ravalomanana, de 2002 à 2007, sous la haute autorité de qui j’avais oeuvré fructueusement comme ambassadeur en France et représentant personnel auprès de l’OIF, jamais les relations franco-malgaches n’avaient atteint un aussi haut niveau, en particulier par l’impulsion sans précédent de la coopération décentralisée.

Il y a là donc, une mémoire vivante qu’il convient de remettre au goût du jour et dont il faudrait retrouver les ingrédients pour les travailler à l’avantage mutuel.

En matière de relations internationales, comme en celle des rapports humains, avoir en tête une telle mémoire et la travailler servent à baliser positivement le présent et l’avenir.

 Jean-pierre Razafy-Andriamihaingo

* Conseiller diplomatique du Président de la République de Madagascar nouvellement élu début 2002, puis ambassadeur de Madagascar en France (2002 à 2008) et Représentant personnel du Président de la République de Madagascar auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), membre du Conseil permanent de l’OIF (2002 à 2006). A partir de 2008 jusqu’en 2011, Ambassadeur en Italie et Représentant permanent auprès de la FAO.

    

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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DISSUASION, PRESERVATION DE LA VIE, LEADERSHIP ET AÏKIDO – PORTRAITS DE SENSEI –

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« Bushido » (jpra)


       DISSUASION, PRESERVATION DE LA VIE, LEADERSHIP ET AÏKIDO –  3ème partie  –

                                                               PORTRAITS DE SENSEÏ

En 1ère partie de notre série d’articles nous évoquions la genèse et les débuts historiques de l’Aïkido, et dans la 2ème partie les principes gouvernant la pratique de notre Art.

Vient maintenant la 3ème partie que voici:

Les temps pionniers de l’Aïkido sont certes révolus, mais que de légendes vivantes sont nées ! 

Que d’anecdotes aussi friandes qu’instructives n’ont pas été répandues au-delà même du Japon puisque la propagation fulgurante de l’Aïkido demeure de nos jours encore une réalité quotidienne !

Ceci dit, comme toute discipline largement divulguée, l’Aïkido n’échappe hélas pas au phénomène de la médiocrité humaine qui, s’en saisissant dans un esprit utilitaire, galvaude volontiers de profondes valeurs pour les réduire à de petites recettes prétendument pratiques…et efficaces.

Chacun aura donc à rester vigilant pour ne pas se laisser embarquer dans de tels travers, alors même qu’il est certain que ces mêmes valeurs peuvent, à condition d’être préalablement assimilées par de longues études, pratiques et expériences, se transmettre à l’usage d’activités mettant tout un chacun en confrontation aux dures réalités de la vie.

C’est pourquoi, il est intéressant de diversifier notre compréhension de l’Aïkido par l’agréable exercice consistant à illustrer nos propos précédents par l’évocation, forcément trop succincte, voire réductrice, des parcours de certains grands Senseï qui, étant passés par les enseignements directs, assidus, permanents et éprouvants de Morihei Ueshiba O’Senseï, ont chacun imprimé de leur marque respective les différentes floraisons de l’Aïkido, leur génie propre ayant formé des générations d’Aïkidoka qui aujourd’hui se reconnaîtront eux-mêmes au sein de ce monde d’un art où la fraternité et le respect doivent aller de soi.

                                                  « L’ENFER D’USHIGOME » 

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Quelques uns des talentueux « Uchi-deshi » (élèves-maîtres) du Dojo d’Ushigome. Au centre, debout et le plus grand de tous  au 2ème rang, on reconnaît Rinjiro Shirata alors âgé de 20 ans (voir son portrait ci-après).- Photo tirée de l’ouvrage de Rinjiro Shirata, « Aïkido principles » –

                               L’AÏKIDO S’INTRODUIT DANS LES HAUTES SPHERES

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(Kisshomaru Ueshiba, « Traditional Aïkido »

1933. Le Dojo d’Ushigome n’était pas toujours un « enfer » !…Morihei Ueshiba (ici devant) acceptait volontiers d’enseigner son art  à des membres de la cour impériale ou du gouvernement, ainsi qu’à de charmantes danseuses professionnelles (ici, séance d’Aïki-ken – avec le sabre en bois – pour les professeures de l’Ecole de Hanayagi). – Photo tirée de l’ouvrage de Kisshomaru Ueshiba, « Traditional  Aïkido » – 

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(Ibid)

1963. Morihei Ueshiba avec le colonel John Glenn (à gauche), le premier astronaute américain, et son fils. Ueshiba avait reçu la visite des plus hautes personnalités japonaises et étrangères. Il était également titulaire de nombreuses décorations, dont la plus dignité accordée par l’Empereur du Japon.

                                                  INDERACINABLE UESHIBA !

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(Ibid)

Trois attaquants tentent ici vainement de bousculer Morihei Ueshiba. C’est là une application de la concentration du « Ki » au « Seika-tanden ». – Ibid –

                                         LE 1er DOSHU KISSHOMARU UESHIBA

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„Aïkido Magazine“

Kisshomaru Ueshiba,  fils unique du fondateur de l’Aïkido, actuellement disparu, fut le 1er Doshu (« Maître de la Voie »). L’actuel Doshu est Moriteru Ueshiba, le fils aîné de ce dernier et petit-fils de Morihei. Ce qui frappait chez Kisshomaru c’est, malgré son âge avancé, son extrême mobilité, son souffle et la fluidité de ses mouvements, marques d’un esprit libre, du détachement. J’eus le grand privilège, avec bien d’autres Aïkidoka, de bénéficier en novembre 1975 à Paris d’un stage exceptionnel dirigé par lui. Diplômé de l’Université de Tokyo (« Todai ») et administrateur avisé, il dirigeait le « Hombu Dojo » (centre mondial de l’Aïkido à Tokyo) avec autorité et avait d’autres hautes fonctions dans le domaine culturel.

                                                           KOÏCHI TOHEÏ

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(Koïchi Tohei, « Fondamental Aïkido »)

C’était un immense expert, un Senseï  incontesté, son personnage étant devenu légendaire du temps même où, jeune judoka, il fut « Uchi-deshi »  chez Morihei Ueshiba. Ce dernier le remarqua très vite pour ses qualités physiques et morales, si bien que, chose exceptionnelle, le fondateur de l’Aïkido lui-même lui accorda le grade de 9ème dan jamais atteint par quiconque du vivant de Ueshiba. Tout naturellement, Tohei est devenu le chef-instructeur du « Hombu Dojo ». A la mort de Morihei Ueshiba en 1969, une cohabitation entre le nouveau Doshu et Tohei ne fut pas possible, de sorte que Tohei s’en émancipa pour créer sa propre Ecole, le « Ki no Ken Kyu Kai » où la pratique de l’Aïkido se caractérise par une approche exclusivement axée sur l’étude et la pratique du « Ki ». Sa puissance était phénoménale et c’est grâce à lui que l’Aïkido se développa considérablement aux Etats-Unis où il dut se mesurer victorieusement à de costauds gaillards à travers tous les Etats-Unis, ce qui notamment fut le cas lors des championnats de Judo des Etats-Unis à San-José (Californie) où les cinq judoka nouvellement consacrés champions des Etats-Unis opposés à Tohei furent facilement mis à terre ou projetés par celui-ci. A Hawaï, Tohei fut mis dans une même situation, cette fois-ci contre des hommes rompus à différentes disciplines sportives ou martiales. Démonstration faite de son invincibilité, Tohei accepta d’enseigner l’Aïkido à la police locale hawaïenne. Tohei ne venait que très rarement en France,trois fois je crois,  mais mon extrême privilège fut en 1975 de lui servir de « Uke » (partenaire) lors d’un stage exceptionnel qui s’était tenu à Belfort (Vosges), ayant ainsi eu l’occasion de mesurer personnellement la puissance inimaginable et l’aura qui se dégageaient de ce Senseï hors pair.

                                                          RINJIRO SHIRATA

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(Rinjiro Shirata, « Aïkido principles »)

Descendant du sage et philosophe Sugawara Michizane (déifié à titre posthume sous le nom de Temma Tenjin), Rinjiro Shirata tire son ascendance d’une lignée de grands Samuraï, lui-même, né en 1912, en reçut l’éducation spécifique, notamment dans les Lettres classiques et par la pratique régulière du Kendo et du Judo dans le dojo familial. Très physique et de grande taille, c’est à l’âge de 19 ans que Shirata s’engage avec enthousiasme dans l’étude de l’Aïkido au « Kobukan » de Morihei Ueshiba, où il fut surnommé « la merveille du Kobukan » tant il impressionnait ses condisciples. Là, des judoka, sumotori, boxeurs et kendoka le défièrent tour à tour. Shirata avait beau prévenir qu’en Aïkido le terme « Shiai » (compétition, match, tournoi) signifie réellement Shiai, c’est-à-dire duel à mort et qu’il valait mieux que ses défieurs s’abstiennent, mais ceux-ci ne l’entendant pas ainsi, chacun se lançait avec témérité. Plus d’un eurent un bras fracturé, d’autres furent immobilisés au sol, si bien que Shirata put plaisanter : « qui peut résister à la puissance de la non-résistance ? ». A une autre occasion Shirata fut défié par un karateka qui prétendait l’abattre d’un seul coup de poing, mais l’homme n’avait pas prévu l’esquive et l’enchaînement de Shirata qui, avec détachement et dans la bonne humeur, le mit au sol sans violence. Egalement homme d’affaires avisé, Shirata devenu également  9ème dan et chef-instructeur au « Hombu Dojo » du vivant même de Morihei Ueshiba et à qui furent confié les plus hautes responsabilités au sein del’organisation de l’Aïkido, l’Aïkido de Shirata reflète à la perfection toute la tradition classique de l’enseignement de son fondateur, notamment avec l’utilisation systématique du sabre.

                                                          KISABURO OZAWA

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(Kisshomaru Ueshiba, « Traditional Aïkido »)

Kisaburo Ozawa fait partie de ces Senseï légendaires qui ont connu les différentes phases évolutives de l’Aïkido moderne d’après-guerre. Tohei ayant quitté le Hombu Dojo pour développer sa propre Ecole d’Aïkido, c’est Ozawa qui fut choisi pour en devenir le directeur technique et être ainsi au côté de Kisshomaru, lui plus axé sur l’administration du Hombu. Que cent fleurs s’épanouissent, l’ouverture d’esprit de Ozawa le conduisit à inviter au Hombu différents autres grands Senseï de styles particuliers, faisant acquérir à ce centre mondial de l’Aïkido son caractère éminemment universel. Lui également 9ème dan, c’est sous sa supervision qu’annuellement se tenait à Tokyo la démonstration d’Aïkido qui continue de drainer une foule de spectateurs attentifs.

                                                         GOZO SHIODA

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(« Aïkido Magazine »)

Voici un autre « très grand » de l’Aïkido, disciple assidu de Morihei Ueshiba du temps de l’ « enfer d’Ushigome » et dont il a gardé la marque indélébile. L’Aïkido de Shioda se caractérise en effet par une rudesse rigoureuse digne de la pratique des anciens temps et qui continue d’attirer des adeptes d’arts martiaux friands d’un certain « esprit traditionnel du Budo ». Son style a donc vite évolué vers la création de sa propre école, le « Yoshinkan », ce qui ne l’a jamais empêché de maintenir des liens filiaux avec le Hombu Dojo de Kisshomaru Ueshiba. Son Ecole continue de former régulièrement policiers et militaires japonais et le « style Shioda », réputé d’une efficacité redoutable, attire beaucoup de pratiquants étrangers d’Aïkido et d’arts martiaux. Actuellement disparu, il faisait partie du club très fermé des 9ème dan d’Aïkido jouissant d’un prestige qui dépasse largement le cercle de sa discipline.

                                                       HIROSHI TADA

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(« Aïkido Magazine »)

Voici, à l’instar de Rinjiro Shirata, un autre « Lettré », cette fois-ci juriste diplômé de Waseda (le Harvard japonais), qui a atterri dans le monde de l’Aïkido dès son jeune âge, étant attiré par la fertilité de cet art. Né en 1929 d’une famille issue de grands Samuraï, sa vocation pour les arts martiaux et pour l’Aïkido en particulier en tant que discipline héritière des traditions martiales de la prestigieuse Maison des Takeda, allait de soi. Toutefois, c’est d’abord vers le Karate de Funakoshi Senseï, le fondateur de cette discipline, que le jeune Tada se tourne, ce jusqu’à 1952, date à laquelle il commence l’Aïkido sous la direction de Morihei Ueshiba. A force d’entraînements intensifs, sa progression est fulgurante puisque c’est dès 1954 qu’il devient instructeur au Hombu Dojo en ayant sous son monitorat de jeunes experts que furent à son époque Noboyoshi Tamura, Kazuo Chiba ou Masamichi Noro. Dès cette époque, Tada enseignait également l’Aïkido aux forces armées et à la police japonaises. En 1956, il est déjà 6ème dan, puis c’est en 1969 qu’il est élevé au grade de 8ème dan, l’année même où son propre Maître, Morihei Ueshiba, meurt. Aujourd’hui, Tada est 9ème dan. Initialement destiné à chapeauter l’Aïkido européen, il s’était finalement cantonné à lancer cette discipline en Italie où il continue d’animer régulièrement des stages internationaux, mais au niveau mondial la pureté autant que le souffle de son Aïkido en imposent et il est depuis plusieurs années un des membres éminents du Conseil Supérieur de la Fédération Internationale d’Aïkido.

                                                          MINORU SAÏTO

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(Minoru Saïto, « Takemusu Aïkido »)

C’est en 1946, à l’âge de 18 ans, que Saïto débute en Aïkido. Sa chance est d’être né et d’habiter dans la préfecture d’Ibaraki à Iwama, là où après la dernière guerre mondiale Morihei Ueshiba décida de mettre à profit sa formule « Aïkido-fermage », sublimée par l’édification du Temple de l’Aïkido comprenant un dojo attenant (devant lequel on voit ici Saïto Senseï) et un dojo en plein air. Saïto accompagnait souvent Morihei Ueshiba dans la campagne et la forêt environnantes, tous deux munis de leur sabre et bâton, à tout instant Morihei Ueshiba imposant à son privilégié compagnon des épreuves spécifiques en dehors des séances normales d’entraînement. C’est en particulier ainsi que Saïto put par la suite consigner dans une série d’ouvrages de référence, ce avec un sens didactique rare, quelques unes des nombreuses techniques de sabre et de bâton assimilées dans ces circonstances exceptionnelles. Et, tout naturellement à la mort de Morihei, Saïto fut désigné conservateur du Temple et des dojos de l’Aïkido à Iwama. Auréolé d’une notoriété incontestée, Saïto, actuellement lui-même disparu, croulait sous les innombrables invitations à enseigner l’Aïkido émanant d’universités et, sans surprise, des forces armées japonaises, en particulier de l’Ecole Spéciale Inter-armes des Forces d’Autodéfense Japonaises de Tsuchiura (le Saint-Cyr japonais). C’est en 1985 qu’il vient pour la première fois en France et les Aïkodoka, assoiffés de « modèles » d’un art puisé aux meilleures sources que nous étions à l’époque, savouraient les enseignements qu’il voulait bien nous dispenser. Il en fut particulièrement ainsi de l’Aïki-ken (application du sabre en Aïkido) et de l’Aïki-jo (application du bâton) dont nous absorbions avec délectation les formidables enchaînements. Saïto fut également élevé dans la dignité de 9ème dan. Son fils assure aujourd’hui dans les mêmes lieux avec fidélité sa succession. En France, le « style Saïto » est bien représenté par Maître Daniel Toutain, 7ème dan, un « ancien » de chez Noro et Tamura Senseï .

                                                  SAÏGO YAMAGUCHI

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(« Aïkido Magazine »)

Avant d’être un formidable Aïkidoka, ce Senseï d’une créativité aussi débordante que « déroutante » pour les apprentis que nous étions, était déjà un expert reconnu en Kendo et au Iaï (technique du katana). Il avait fait sensation en France au début des années 1980 où, sur une heureuse inspiration de Maître Christian Tissier (son ancien disciple, lui-même en tant que récent  8ème dan étant considéré comme l’un des meilleurs experts d’Aïkido non japonais au monde), Yamaguchi put nous démontrer et enseigner les mille facettes d’un art appris auprès de Morihei Ueshiba, et dont lui seul détenait le secret. Sans aucun doute, le fait qu’il fut aussi un grand expert reconnu au sabre faisait acquérir à son Aïkido cette sobriété et ce dépouillement qui ne s’embarrassaient pas de grands déplacements puisque, à l’instar des autres grands Senseï, son « Ma-ai » (distance-temps) était tout simplement parfait à chaque fois…Son « style » très dynamique attirait beaucoup de monde au Hombu Dojo de Tokyo. Actuellement disparu, il détenait le grade de 8ème dan.

                                                     NOBUYOSHI TAMURA

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(«Aïkido Magazine »)

L’Aïkido en France et en Europe lui doivent énormément, et pour cause, car c’est lui que le Hombu Dojo choisit à la fin  des années 1960 pour y chapeauter le développement de cette discipline, et ce avec grande réussite malgré les multiples dissensions ambiantes, et qui lui vaut largement la reconnaissance de tous. Nous en étions nous-même témoin direct puisqu’au sein de l’Union Nationale d’Aïkido (seule instance fédérale d’alors en France au début des années 1980, où nous étions membre du conseil d’administration en charge des questions juridiques), et un peu plus tard dans les instances de la Fédération Européenne d’Aïkido (auprès de laquelle nous étions le conseiller juridique), Tamura était la cible indirecte d’ambitions contradictoires. Morihei Ueshiba avait beaucoup d’affection pour lui et on le voyait systématiquement à ses côtés comme « uke » (partenaire). Formidable pédagogue, Tamura qui vivait dans le sud de la France, très proche de ses élèves et d’une jovialité communicative, a développé un Aïkido d’une rare fluidité avec une agilité de chat, ses mouvements respirant l’intuition et s’illuminaient comme l’étincelle. Une de ses grandes spécialités était le travail au sol où il se déplaçait aussi facilement que debout, et au sabre l’évolution de son art se voyait à vue d’œil dans un perfectionnement aussi étonnant que plaisant de finesse. On se souvient encore des démonstrations époustouflantes qu’il nous avait offertes lors du IIème Congrès Mondial de l’Aïkido qui s’était tenu à Paris en 1980 au Stade Pierre de Coubertin, à l’occasion duquel d’ailleurs Tamura reçut des mains du Doshu Kisshomaru Ueshiba la dignité de 8ème dan. Tamura meurt en 2010 au désespoir de ses nombreux fidèles (parmi lesquels je voudrais citer ici mes amis Daniel Toutain et Jacques Bonemaison, tous deux 7ème dan), des suites d’une longue maladie. Mon regret personnel est de n’avoir pas eu l’occasion de le faire venir à Madagascar, ainsi qu’il m’en avait manifesté le désir au moment où je devais partir occuper mon nouveau poste diplomatique à Rome…  

                                                         KAZUO CHIBA

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(« Aïkido Magazine »)

Voici un condisciple de Tamura Senseï, camarade de chambrée et sur les « tatami » du Hombu Dojo des années 1950 à la fin des années 1960 où, peu après, il arrive en Europe dans le sillage de Tamura Senseï pour s’établir au Royaume-Uni comme Représentant de l’Aïkikaï So Hombu. Sa pratique de l’Aïkido se renforce par celle du « Zazen » (méditation Zen) avec des séjours réguliers dans des monastères Zen au Japon, et c’est sans doute ainsi qu’il continue de cultiver une folle énergie (« ki ») qui se déverse « généreusement » dans son style d’Aïkido ; « trop » au goût de certains qui, en Europe et ailleurs, eurent à en subir les manifestations en effet parfois « surprenantes », nous pouvons en témoigner nous aussi pour les avoir connues personnellement. Mais, quel souffle ! Et que Chiba impressionne par sa puissance, par sa souplesse et par son agilité ! Lui-même disait en plaisantant avec emphase vouloir « crever le mur » avec son énergie !…Son « Iaito » (Katana d’exercice pour le « Iaï », l’art de dégainer) et son « Bokken » (sabre en bois) ne le quittent jamais, y compris dans sa chambre ! Et c’est dans une époustouflante maîtrise technique qu’il exécute les enchaînements d’Aïki-ken et d’Aïki-jo, comme en ce mois de novembre 1975 lors d’une formidable démonstration à un Gala d’Aïkido tenu à la Salle Pleyel à Paris. Face à l’impressionnant personnage, son « uke » anglais était terrorisé à l’idée de l’ « affronter », si bien qu’il se figea un moment avant de pouvoir se muer face à Chiba…Très impliqué dans le développement de l’Aïkido en Europe avec son ami Tamura Senseï, cumulativement à sa fonction à la tête de l’Aïkido au Royaume-Uni, Chiba fut secrétaire général adjoint de la Fédération Internationale d’Aïkido dans les années 1980 (dans le cadre de laquelle je travaillais avec lui en ma qualité de Conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido). Dernièrement basé aux Etats-Unis (à San Diego), Chiba,  8ème dan depuis plus d’une quinzaine d’années comme le fut Tamura, ne se déplacait plus que rarement sur le Vieux Continent. Pour notre grande tristesse – et pour moi particulièrement – il meurt en 2018.

                                                      MASAMICHI NORO

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(« Aïkido Magazine »)

Certains l’appelaient « le Tigre », tant il était véloce et paraissant ne jamais s’épuiser ! Il a formé beaucoup des meilleurs professeurs français d’Aïkido qui, aujourd’hui encore s’enorgueillissent à juste raison d’avoir été « anciens élèves de Noro ». Il est arrivé en France en 1962 presque en même temps qu’un autre grand expert d’Aïkido, Tadashi Abe Senseï, ce dernier étant considéré comme étant le précurseur¨de l’Aïkido en France. A Paris, il crée l’ « Institut Noro », une véritable pépinière de l’Aïkido, où nous avions pu être initié par son fécond enseignement et où nous fîmes la connaissance de Daniel Toutain, actuel 7ème dan en France et qui fut à l’époque sans doute le plus proche des « uke » préférés de Noro Senseï. Le style de Noro Senseï ne cadrant pas avec celui de l’Aïkikaî dont il détenait pourtant le haut grade de 7ème dan à l’égal de Tamura Senseï à l’époque, finalement vers 1975 il s’en détacha de plus en plus, pensant un moment s’allier avec l’Ecole « Ki no Ken Kyu Kaï » de Toheï Senseï, mais très vite il divorcera d’avec le Hombu Dojo en créant le « Ki no Michi » et s’envolera de ses propres ailes, Noro senseï avouant d’ailleurs que son art n’a plus rien à voir avec l’Aïkido…Dommage, car nous avons toujours connu de son Aïkido d’origine le dynamisme d’un travail ample, respirant l’énergie du « Ki » et du « Kokyu », et s’alimentant aux meilleures sources des principes permanents de l’Aïkido.

                                                        AUTRES SENSEÏ

Sous cette formule quelque peu lapidaire, je veux parler de ces « autres Senseï » qui méritent tout autant le profond respect que ceux cités plus haut. Tout simplement, autant faute de place nous ne pouvons malheureusement pas leur consacrer davantage de lignes, autant nous tenons à les citer, façon de leur rendre hommage pour les enseignements qu’ils nous ont prodigués.

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(« Aïkido Magazine »)

.   MITSUNARI KANAÏ : ladiscrétion et la modestie naturelles de ce Samuraï des temps modernes m’ont frappés. Détenant le grade de 7ème dan, l’Aïkido est sa discipline principale, mais il cumule également de hauts grades en « Iaïdo » (art de dégainer) – auquel j’ai pu me consacrer avec enthousiasme en 1972 -, en Judo et au Karate. Il est installé aux Etats-Unis (principalement à Cambridge dans la Nouvelle Angleterre).

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.    SAOTOME (1), YAMADA (2), ASAÏ (3) ET KANETSUKA (4) SENSEÏ – « AïkidoMagazine » – :  respectivement, de haut en bas.Les deux premiers d’entre ceux-ci sont installés aux Etats-Unis, tandis que le troisième est en Allemagne et le quatrième au Royaume-Uni.  Leurs styles d’Aïkido, Saotome étant dans une constante recherche fructueuse comportant des applications très originales, Yamada dans le classicisme carré, Asaï dans une calme harmonie, et Kanetsuka (décédé fort malheureusement en 2019) s’inscrivant, pour sa part, dans la continuité de l’enseignement de son propre Maître, Chiba Senseï, sont les reflets de personnalités hors pair, tous croquant la vie à pleine dent.

                                                                                                             ***

                                                                                         SOUVENIRS PERSONNELS…

Tous ces senseïs forment le panthéon de mes références .

L’envie me taraude de citer encore d’autres Senseï, comme Fujita, Kobayashi ou Suzuki Senseï, qui m’ont tous enchantés, et bien d’autres senseï exceptionnels que je n’ai pas connus (je pense en particulier à Nishio senseï, un maître impressionnant, dont l’enseignement basé sur le sabre, qu’il manie avec une extraordinaire précision, est d’une richesse sans égale), mais je ne voudrais pas abuser de votre attention.

Par contre, qu’il me soit modestement  permis ici d’évoquer mes jeunes années d’enseignement de l’Aïkido, en tant que professeur titulaire, à la Cité Internationale Universitaire de Paris où des experts comme Kanetsuka Senseï et un des fidèles assistants du grand Tohei Senseï , Suzuki, nous avaient gratifiés de leur visite et enseignement, et où les élèves de différentes nationalités ont enrichi ma pratique d’un art merveilleux devenu universel. 

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(jpra) –  J’affectionnais particulièrement les techniques « koshi nage » (ici: projections au-dessus des épaules), ici sur attaque « shomen uchi » (mon Uke : Patrick Coulomb) dans le parc de la Cité Internationale Universitaire de Paris.                                                          

   

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Kaiten-nage sur gyaku-hanmi

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Exercice au Iaï.

aikiken
Aïkiken (escrime de l’Aïkido)

  Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien président de la commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido, ancien conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido

* Cet article est un résumé tiré de mon fascicule « Principes fondamentaux de l’Aïkido » destiné à mes élèves des clubs « Sanbu », de la Cité Internationale Universitaire de Paris, et « Langues O’ Arts Martiaux », de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris.

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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DISSUASION, PRESERVATION DE LA VIE, LEADERSHIP ET AÏKIDO (2ème partie)

                   DISSUASION, PRESERVATION DE LA VIE, LEADERSHIP ET AIKIDO

– 2ème partie –

        Les origines et les développements historiques de l’Aïkido étant connus (cf. 1ère partie sur ce Blog en date du 5/2/2014), nous pouvons maintenant aborder les principes fondamentaux qui sont à la base de cet art martial qui, bien au-delà de l’aspect technique, renferme à lui seul, ainsi que nous le disions :

. les principes d’une véritable posture de dissuasion,

. les qualités intrinsèques d’une philosophie de préservation de la Vie,

. et les valeurs porteuses de leadership par la stimulation de la personnalité.

L’un de mes maîtres, Tamura Senseï, disait de l’Aïkido qu’il ne s’apprend pas mais se pratique ! Belle formule, en effet, pour une discipline, un art total, qui révèle ses réalités dans un flot continu où tout est Energie.

Un autre grand maître, Nakazono Senseï, résume notre art de cette belle façon :

. « l’Aïkido se situe avant la forme, le reste n’est que technique ».

C’est dire que ce qui importe c’est d’atteindre le cœur de la matière, en saisir le souffle vital et en suivre la voie.

Rien ne sert, comme c’est malheureusement le cas de trop d’experts auto-proclamés ou fraîchement promus, d’inventorier, de multiplier ou d’étaler à l’envi l’éventail des techniques et exercices, quitte à en inventer d’autres pour se démarquer, pour y parvenir, l’essentiel étant d’en maîtriser les fondamentaux, qui sont d’ordre mental, psychique et physique.

Au centre, se trouve le « Ki » (le souffle vital, l’énergie) sans quoi rien, et surtout pas la puissance (à ne pas confondre avec la « force »), n’acquiert la substance ni la dimension requises.

En Aïkido le « Ki » se manifeste essentiellement dans les quatre principes du « Seika-tanden-Hara », du « Ki-no-Nagare », du « Kokyu » et du « Chikara-no-Dashikata », dont il convient d’en comprendre et maîtriser les combinaisons respectives par leur pratique assidue et permanente.

Ceux-ci s’accompagnent des positions et déplacements tout aussi fondamentaux, qui donnent toute leur ampleur aux principes précédents.

Peuvent ainsi s’appliquer les bases d’une véritable posture de dissuasion et d’une stratégie d’action qui se traduisent par la neutralisation de l’agression.

C’est ce qui fait que l’Aïkido est une arme pacifique ! Toutes proportions étant gardées, dans ce sens nous osons ainsi le comparer à l’arme nucléaire, instrument par excellence de la dissuasion et, éventuellement, en dernier recours uniquement, à la neutralisation de l’agression au moyen de son anéantissement…

                                         A –  LE KI ET LES QUATRE PRINCIPES

                                                      Idéogramme du « Ki »

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Idéogramme de notre ami Yoshio Abe – Reproduction interdite – *

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Le « Ki », résultante d’une dialectique infinie des deux éléments composants de la nature que sont le « Yin » et le « Yang », est l’âme de toute chose de cette nature, l’énergie potentielle nécessaire à sa vie, à l’animation de son corps et, dans la cas de l’Homme, de son esprit, c’est-à-dire la manifestation de leur puissance, « le souffle de la vie », le « bon Ki ».

Dans l’Aïkido, il s’agit de le fixer, le maîtriser, et de l’optimiser.

Selon le défunt Doshu Kisshomaru Ueshiba, fils du créateur de l’Aïkido, le foyer du « Ki » se trouve dans le « Hara », tandis que son point de concentration se situe au « point central » de notre corps : le « Seika-tanden ». Le « Ki » à partir de là prend deux expressions fondamentales : l’énergie mentale (« Ki-no-Nagare ») et l’énergie physique (« Kokyu »).

Ces deux énergies combinées confèrent au mouvement d’Aïkido toute sa puissance. Le moyen de délivrer cette puissance est de laisser s’écouler le flot énergétique du « Ki » par l’extension du corps, ce qu’exprime la notion de « Chikara-no-Dashikata » («extension de la puissance »).

   Ci-dessous : schéma du principe de centralisation du « Ki » (dessin de Roberta Faulhaber)

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Dessin de Roberta Faulhaber et Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo  *

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Le « Ki » restera prisonnier dans le « Seika-tanden » et le jeu dialectique du « Yin » et du « Yang » ne se fera pas pour recréer l’énergie vitale si le corps et l’esprit sont contractés, bloqués et tendus.

Le « Seika-tanden » est aussi le centre de gravité du corps, la stabilité étant acquise tant dans l’immobilité comme dans la mobilité grâce à une centralisation au niveau du « Hara », cette centralisation évitant toute désarticulation et tout élan inconsidéré, mais permettant des mouvements contenus.

Ainsi, tout l’art de l’Aïkido réside en substance dans la maîtrise de l’état de concentration du « Ki » afin qu’en toutes circonstances, comme nous y invite l’extraordinaire Koïchi Toheï Senseï, l’esprit guide librement  le corps, lequel doit s’adapter aux différents changements de situation sans qu’à chaque fois l’intention (la volonté réfléchie) ait à intervenir.

Et, c’est ici que nous évoquons le « Kokyu » :

. l’énergie physique.

Pour reprendre une formule chère à Tamura Senseï,  « Kokyu » est l’expression extérieure de l’énergie potentielle du corps en étroite harmonie avec la respiration abdominale.

Avoir du « Kokyu » signifie savoir utiliser et coordonner son « Ki » avec sa capacité respiratoire pour contrôler, déplacer, diriger et projeter son adversaire. 

Le « Ki » qui se manifeste ainsi propage un train d’ondes énergétiques qui jaillit à travers les cheminements privilégiés de notre corps : jambes, bras et mains essentiellement. Tamura Senseï disait qu’après l’explosion du « Ki » « l’esprit doit…continuer à le guider en le projetant à l’infini ».

Le plus célèbre sabreur japonais, Miyamoto Musashi (cf. notre article« Gorin-no-Sho » sur ce même Blog, en date du 27/1/2014), ne disait pas autre chose quand il conseillait à ses disciples :

. «votre sabre est dirigé vers l’œil gauche de votre adversaire mais votre regard doit traverser ses yeux et apercevoir au loin la montagne… ». 

Ainsi s’exprime la notion de « Chikara-no-dashikata », l’extension de la puissance.

     Ci-dessous : schéma de l’extension de la puissance (dessin de Roberta Faulhaber).

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Dessin de Roberta Faulhaber et Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo  *

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                                        B   –  EXERCICES FONDAMENTAUX

La mise en application des principes fondamentaux ci-dessus nécessite, bien entendu, pour le débutant une pratique guidée, idéalement sur le « tatami » à travers une sélection d’exercices, cependant  malheureusement impossible à simplement exposer ici.

Ce qui est bien frustrant, mais tout au moins peut-on déjà en avoir ici un aperçu général…

Nous avons procédé à un classement de ces exercices fondamentaux, basé sur une progression croissante de dynamisme, en trois catégories :

. une première série met l’emphase sur le principe « Seika-tanden-hara » ;

. une seconde sur la combinaison  du «seika-tanden-hara » avec le « Ki no Nagare » et le « Kokyu » ;

. et une troisième sur le principe combiné du « Ki no nagare » et « Chikara no dashikata ».

Tous ces exercices combinant énergies mentale et physique doivent être distingués :

. d’une part, des exercices purement physiques, ces derniers, tout aussi nécessaires dans l’Aïkido, consistant en de mouvements de gymnastique et d’assouplissements : « Junbi-Undo » ;

. et d’autre part, des exercices préparatifs à la technique Aïkido tels que : « Tekubi junan undo », « Ukemi », « Shikko » ou « Si tai dosa ».

                                              C –  POSITIONS ET DEPLACEMENTS

L’Aïkido est, par excellence, la voie du sabre sans le sabre…et, on l’a compris, la voie du sabre… avec les pleines ressources du corps et de l’esprit !

Ceci est vrai des positions et des déplacements et, d’une façon générale, de tout le sens des techniques de l’Aïkido.

Car, il s’agit de placer et de faire mouvoir le corps et l’esprit de façon optimale.

A cet égard, les postures élémentaires sont :

. « Te-gatana » (« la main-sabre »), la main emplie de « Ki » étant une arme en soi, ce à la manière d’un sabre « Katana ») ou d’un couteau («Tanto »), en défense comme en attaque ;

.  « Kamae » (« position-posture »), étant assis ou debout, une position et un placement conformes prennent, comme à la manière de la posture d’un escrimeur japonais, la forme oblique et  triangulaire, en garde basse « gedan », normale « chudan » ou haute « jodan », en position symétrique « Aihanmi » ou asymétrique « Gyakuhanmi » par rapport à l’adversaire ;

. « Ma-aï » (« espace-temps »), c’est savoir manœuvrer en prenant avantage de l’espace et en se ménageant le temps idéal pour dominer l’adversaire, donc être à bonne distance en temps opportun !;

. « Irimi » (« entrée dans l’angle mort »), il s’agit d’entrer hors de la ligne d’attaque adverse et simultanément d’attaquer soi-même dans son angle mort, ce qui a pour effet de décupler une force débordante utilisant celle de l’adversaire et de la sienne propre pour neutraliser l’agression adverse ;

. « Taï Sabaki » (« rotation de corps ») est l’art d’amener l’adversaire dans une sorte de tourbillon de déséquilibre, de façon positive (« omote ») ou négative (« ura »), donnant à « Irimi » un surcroît de puissance.  

           D  –  LA STRATEGIE DE L’AIKIDO : NEUTRALISER L’AGRESSION

                                                    ET POSITIVER LA VIE

L’Aïkido ignore les chocs et les rapports de force sans discernement.

Contrer l’attaque adverse effrontément c’est non seulement entrer dans son jeu, dans sa stratégie, accepter de le combattre selon ses méthodes, sa tactique, mais également de lui permettre et l’encourager, par le jeu des échanges, de persévérer dans son agression.

L’Aïkido recycle l’agression dans ce que d’excellents auteurs, A. Westbrook et O. Ratti (in « Aïkido and the dynamic sphere »), appellent des « circuits de neutralisation », l’attaque étant rendue totalement inefficace et inopérante par une puissance débordante ; à moins que l’attaque ne soit déviée pour la ramener dans sa vacuité…

Quatre types de neutralisation sont ainsi disponibles : horizontal, vertical, diagonal et en spiral.

Donnons la parole à Tamura Senseï (in « L’Aïkido, Méthode nationale ») :

. «  Comme la toupie ou la vague, le corps décrit un mouvement circulaire ou sinusoïdal, parfois les deux à la fois, de façon à déplacer le centre de gravité de l’adversaire et pouvoir ainsi manœuvrer et projeter ce dernier avec facilité » au moyen d’un enchaînement technique.

Ici encore, faisons le parallèle avec la stratégie militaire : il n’y a aucune exclusivité entre l’attaque et la défense, seule la bonne combinaison dans le temps et dans l’espace des deux alternatives constitue la règle.

Dans sa posture comme dans sa position, l’Aïkidoka doit être à même de dissuader toute attaque.

Au deuxième degré seulement, et si l’attaque est imminente, il doit la sentir et la tuer dans l’œuf.

Ce n’est qu’en troisième degré que viendra, au moment de l’attaque effective, sa neutralisation par une puissance débordante et qui la submerge.

Rien n’interdit donc l’attaque en Aïkido.

Ce d’autant plus que sont compris dans sa panoplie les coups portés (« Atemi »), le sabre (« Katana » ou « Bokken »), le bâton (« Jo ») et le couteau (« Tanto »).

L’attaque se traduit par le fait de prendre l’initiative pour acculer l’adversaire à délivrer son agression par un moyen prévisible.

Elle peut aussi consister à créer le vide devant l’adversaire, comme elle peut se graduer pour épuiser la capacité agressive adverse.

Elle peut enfin se manifester par des coups portés en des points sensibles ou vitaux, ce avec plus ou moins de puissance, un Aïkidoka étant entraîné à ces coups (« Atemi »), à mains nues ou avec arme, tout au long de sa pratique.

Certes, il se peut que l’anéantissement de l’agression puisse impliquer la destruction même de sa source, c’est-à-dire celle du corps ou d’une partie du corps adverse.

C’est la dimension purement martiale originelle de l’Aïkido qu’on préfèrera tenir pour le cas ultime de l’ultime…

Les expériences des plus grands Senseï formés par le fondateur de l’Aïkido, Morihei Ueshiba O’Senseï, illustrent les différents aspects exposés dans les lignes de nos articles.

Elles feront l’objet de développements à suivre.

(A suivre)

  Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien président de la commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido et ancien conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido

* Résumé d’un fascicule dont je suis l’auteur et qui était destiné à mes élèves des clubs « Sanbu », de la Cité Internationale Universitaire de Paris (CIUP), et « Langues O’ Arts Martiaux » (LOAM), de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris.

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Reproduction, même partielle, strictement interdite des textes et des illustrations

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  • * P.S : Malgré la claire mention ci-dessus, certains lecteurs peu délicats – pour ne pas dire plus…- se sont permis d’extraire ces dessins tirés directement de cet article (ou du fascicule dont je suis l’auteur et dont la teneur est à la source directe du présent article) sans mentionner aucunement leur source. Une attitude déplorable et condamnable…

DISSUASION, PRESERVATION DE LA VIE, LEADERSHIP ET AIKIDO

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Morihei Ueshiba et son ode à l’Aïkido


            DISSUASION, PRESERVATION  DE  LA VIE, LEADERSHIP ET AÏKIDO

Le véritable art martial dans son essence a toujours fasciné en tant qu’Ecole de vie.

Car, bien au-delà des théories qui forment son corpus et des techniques qui le caractérisent, c’est une véritable philosophie d’action qui est à sa base, qui l’anime et qui le pérennise.

Ceci est sans doute la marque privilégiée de l’Aïkido, qui préserve l’âme même de la Vie, la sublime et la valorise en toutes circonstances.

Ce n’est point exagéré de le dire ainsi ; il n’est que de parcourir la vie de son créateur pour s’en persuader et il n’est que de savoir en tirer la substance de ses leçons pour en goûter l’ampleur.

Car, à n’en pas douter, nous sommes au cœur d’une discipline ascétique par excellence dans laquelle il n’est toutefois point question de mépriser le corps, bien au contraire, mais de fondre dans une même dynamique l’esprit et ce corps, tous deux attributs solidaires de la personne.

A partir de là, il est stupéfiant de constater combien les applications de cette discipline sont aussi nombreuses et bénéfiques pour maîtriser et dominer les tumultes d’une vie semée d’embûches, tant sur le plan de sa propre défense que dans sa vie professionnelle, et à laquelle est confronté l’être humain au long de sa courte existence.

                                                              GENESE

« Le ciel et la terre sont si beaux et sereins. Cet univers se révèle comme une même famille créée par Dieu omniprésent ».

C’est par cette ode, incrustée dans la pierre à la gloire de l’Aïkido, que Morihei Ueshiba, son fondateur, immortalise sa devise. Son contemporain Maître Kano, le fondateur du Judo, disait de la nouvelle discipline créée par son confrère que voilà l’art martial idéal !  

L’Aïkido tire ses origines lointaines des traditions martiales fondées par Minamoto Yoshimitsu, descendant à la 6ème génération de l’Empereur Seiwa et connues sous le nom de « Daito-Ryu » dont le jeune Morihei Ueshiba sera plus d’une dizaine de siècles plus tard l’héritier moderne.

Cette école, créatrice des terribles techniques de combat individuel connues sous le nom de « oshi-uchi » enseignées aux plus grands Samuraï de la Maison des Aizu,  était l’exclusivité du puissant clan des Takeda, ceux-là mêmes qui, étant solidement installés au XVIème siècle à Aizu (actuelle préfecture de Fukushima), seront les protagonistes de l’unité future d’un Japon féodal  en pleine effervescence.

Au XVIIIème siècle, Soemon Takeda reçut le « Daito-Ryu » en héritage sous le nom de « Aïki-in-yo-ho » (« le système aïki du yin et du yang » »), un système ensuite transmis à Tanomo Saigo, chef de la garde du Daimyo (grand seigneur) de Aizu.

Les samuraï de la Maison Aizu étaient les derniers détenteurs des traditions martiales japonaises qui ont par la suite étaient mises de côté avec la nouvelle armée créée par l’Empereur Meiji en 1868.

Tanomo Saigo se convertit en moine tout en adoptant un fils en la personne de Shida Shiro. Ce dernier étant devenu un instructeur du Kodokan de Jigoro Kano en tant que spécialiste des techniques « oshi-uchi », c’est grâce à un autre homme talentueux, Sokaku Takeda,  à qui Tanomo Saigo avait également transmis le « Aïki-in-yo-ho », que vont se transmettre dans la durée ses redoutables techniques. Saigo dit à Takeda : « …fais que ces merveilleuses techniques se répandent ».

Demeuré fidèle à son serment, Takeda donna à son école le nouveau nom de « Daito-Ryu Aïki-jutsu ». Parmi ses premiers élèves figurait un Américain du nom de Charles Perry, lequel convainquit le Président Roosevelt d’introduire aux Etats-Unis l’Aïki-Jutsu en y invitant l’expert japonais Harada Shinzo.

Sur ces entrefaites et pour l’heure, étant encore tout jeune, Morihei Ueshiba se nourrissait de littératures classiques chinoises et de rites bouddhistes en vue de devenir moine, mais son père l’arracha tôt à ses rêveries pour le diriger vers la pratique du Sumo et de la nage, tout en lui vantant les exploits de son grand-père Kichiemon, un fameux Samuraï.

Installé à Tokyo à son adolescence dans l’intention  de faire du commerce, le jeune Morihei découvre le monde des arts martiaux avec la pratique assidu du Ju-Jutsu et du sabre.

Engagé comme fantassin dans l’armée japonaise lors de la guerre russo-japonaise du début des années 1900, Morihei se signale par ses immenses qualités physiques et son habileté à manier la baïonnette. A 25 ans, il devient dans la foulée un expert confirmé en arts martiaux de l’Ecole « Yagyu-Ryu ». Démobilisé à 29 ans du service militaire, Morihei se consacre corps et âme à la pratique des arts martiaux et part comme fermier pionnier dans la presqu’île de Hokkaido, le « Far-west » – en l’occurrence plutôt le « Far-north » – japonais de l’époque, très précisément dans le village de Shirataki dont il est devenu le leader incontesté.

C’est à Hokaido, à Engaru, que Morihei Ueshiba fait sa rencontre déterminante en la personne de Sokaku Takeda, déjà au faîte de son prestige en tant que grand expert de l’Ecole « Daito-Ryu ». L’estime réciproque joue à fond. Ueshiba construit un Dojo (lieu de pratique) permanent pour Takeda et se met à son entière disposition pour recevoir de lui de façon permanente son enseignement.

S’enclenche ainsi le premier rouage d’une véritable mécanique de fabrication d’un génial inventeur d’un art martial moderne englobant les valeurs sublimes de la civilisation japonaise ; le second rouage, plus spirituel celui-là, venant avec un moine, Deguchi Onisaburo.

                                                   LA NAISSANCE D’UN ART NOUVEAU

Dans sa quête pour la puissance et la connaissance, Morihei Ueshiba aurait pu se limiter à la seule maîtrise de l’Aïki-jutsu. Mais, la dure loi des épreuves grandit.

Le destin de Morihei n’y échappa pas. Agé de 36 ans en 1919, Morihei est saisi d’une profonde tristesse au su de la grave maladie d’un père aimé et respecté proche de la mort.

Il rencontre à Ayabe le fondateur d’une nouvelle religion, l’ « Omoto-Kyo », une construction syncrétique alliant la mythologie Shinto, le Chamanisme et un certain culte de l’ « Amour pour le Bien » dans l’esprit du « Retour au Divin », dont les enseignements séduisent d’autant plus immédiatement Morihei que deux de ses trois fils, Takamori et Kuniji, meurent quasi simultanément un an après.  

Le « Retour au Divin ».

Tel est devenu l’unique raison de vivre et l’unique raison de la pratique martiale pour Morihei Ueshiba, ce à travers la maîtrise de l’énergie spirituelle. Sa maîtrise de l’art n’a point d’égale et au printemps de 1925 un expert de Kendo est mystifié dans ses attaques incessantes au bokken (sabre en bois) contre Morihei, si bien que cet « Amour pour le Bien » qu’enseigne l’ « Omoto-Kyo » et qui l’habite désormais lui révèle la véritable nature du Budo (la voie martiale). Mûr pour mener sa propre expérience et maintenant nanti du titre envié de « Shihan-Dai » (grand instructeur) dans le « Daito-Ryu », il fonde son Dojo personnel à Ayabe, le « Ueshiba Juku ».

Tant Takeda que Onisaburo encouragent Ueshiba dans sa nouvelle voie. Morihei décuple sa puissance et multiplie les exploits face à l’adversité en ces temps nouveaux où il est assez souvent défié, Takeda son ancien maître ne manquant point de lui rendre souvent visite dans son Dojo au « Ueshiba Juku ».

A 42 ans, la notoriété de Morihei Ueshiba est chose solidement établie. Les disciples, beaucoup provenant d’autres disciplines martiales, affluent au « Ueshiba Juku », parmi lesquels un nommé Kenji Tomiki, judoka plein de talent mais un peu moqueur jusqu’à l’instant où par trois fois l’imprudent récidiviste fut immobilisé au sol, puis projeté à l’autre bout du Dojo, et enfin plaqué au sol, le tout en un clin d’œil par Morihei…

C’est ainsi que Tomiki est devenu l’un des plus fervents disciples de Morihei, en développant par la suite un style particulier d’Aïkido incluant la compétition. Un autre élève assidu, l’amiral Takeshita, entreprend avec succès d’introduire Morihei dans les hautes sphères de la société japonaise, ce qui décide ce dernier à ouvrir à Tokyo même, à Mejiro, des cours spéciaux avec l’appui matériel du prince Shimazu, de la Maison impériale.

A nouveau Jigoro Kano, le fondateur du Judo, s’émerveillant devant les développements de l’Aïkido en disant « voilà mon Budo idéal ; le vrai judo », décide de placer comme disciple chez Morihei l’un de ses meilleurs éléments, Minoru Mochizuki, qui développera plus tard lui aussi son propre style d’Aïkido, le « Yoseikan Budo ».

C’est le début d’un succès foudroyant pour l’Aïkido de Morihei Ueshiba, né sous les meilleurs auspices.

Un nouveau bâtiment spécialement dédié à l’Aïkido est ouvert en 1931 dans le quartier d’Ushigome et très vite s’y fixent les sources de nouveaux exploits dignes des meilleures légendes avec une nouvelle génération de disciples logés au Dojo même, les « Uchi-deshi ».

Parmi eux de grands maîtres qui sont des gloires vivantes de l’Aïkido moderne bien qu’ils soient tous actuellement disparus : Kisaburo Ozawa, Rinjiro Shirata ou Gozo Shioda.

Morihei lui-même n’est pas épargné par le scepticisme d’un ancien camarade de chambrée à l’Ecole « Daito-Ryu » en la personne de l’amiral Miura qui l’invite à l’Académie militaire de Toyama démontrer aux féroces cadets comment esquiver et désarmer des combattants attaquant seul ou en groupe.

La démonstration de Morihei fut si concluante que l’Académie de la Police Militaire puis le Quartier-Général de la Police d’Osaka le réclament, et à chaque fois Morihei stupéfie ses attaquants par ses capacités hors pair.

Le Dojo d’Ushigome, surnommé « l’enfer d’Ushigome » avec une quarantaine d’Uchi-deshi et d’élèves provenant du Karate, du Judo, du Sumo ou du Kendo, prend alors le nom officiel de « Kobukan » et, parallèlement, une « Association pour la Promotion du Budo » est créée dont Morihei Ueshiba, considéré comme étant le plus grand expert du Japon moderne, en est le chef instructeur.

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Ueshiba Juku à Ushigome

                                     LE CŒUR ET L’UNIVERSALITE DE L’ART

La rudesse des temps de guerre et l’environnement peu favorable aux idéaux de Paix tels que prônés par Morihei Ueshiba n’entament pas la détermination de l’homme.

Certes, les rangs des Uchi-deshi s’éclaircissent avec leur dispersion sur les différents fronts durant la seconde guerre mondiale. Mais, Morihei n’en poursuit pas moins son œuvre. Il quitte le Dojo d’Ushigome, confié désormais à son fils unique Kisshomaru, pour s’installer en pleine campagne pratiquer une nouvelle formule d’ « Aïkido-fermage » dans la nature à Iwama, idéal selon son goût pour encore faire évoluer son art et atteindre le coeur même de l’Aïkido.

Un Temple dédié à l’Aïkido est également édifié avec un Dojo attenant. Nous sommes aux sources de l’Art parvenu à son accomplissement.

Ici, l’esprit domine la technique.

Les démons de la guerre font se replier Morihei sur lui-même, mais cette situation l’amène à creuser au fond de son puits pour faire jaillir un art supérieur et en avance sur son temps.

L’Aïkido est « La Voie de l’Harmonie des Energies », conception nouvelle d’un art martial plus que millénaire qui est apparu pour la première fois dans les profondeurs de l’histoire du Japon. Morihei Ueshiba se lève tous les jours aux aurores, prie et médite des heures durant avant de manger, puis en alternance travaille la terre et pratique son art, seul ou accompagné, avant de diriger, tous les soirs, les séances d’entraînement collectif des Uchi-deshi et de prendre son bain afin de se purifier jusqu’à la prochaine journée.

Parmi ces Uchi-deshi, Morihiro Saïto, qui sera par la suite le conservateur du Temple et du Dojo d’Iwama, vit ces moments avec intensité.

L’Aïkido de par sa nature survit à la défaite japonaise de 1945. Les vainqueurs américains eux-mêmes, sans doute déjà instruits par l’introduction  aux Etats-Unis des enseignements de  l’Aïki-jutsu de Sokaku Takeda, comprennent très vite la véritable nature constructive de l’Aïkido et ne l’interdisent pas contrairement au sort réservé aux autres arts martiaux porteurs de l’esprit guerrier, si bien que l’évolution de l’Aïkido ne connaît aucune coupure.

C’est ainsi que Morihei Ueshiba crée en 1948 l’ « Aïkikai »,  l’organisation universelle de promotion de l’Aïkido, dont l’administration est confiée à son fils Kisshomaru avec comme futur chef instructeur un certain Koïchi Tohei, une véritable légende à lui seul, qui développera plus tard un autre style d’Aïkido mettant l’accent sur la concentration au foyer central de l’énergie, le « Ki-no-michi » (« la voie du Ki »).

Un Dojo central, le « Hombu Dojo » est installé en lieu et place du Dojo d’ushigome.

Avec ces deux pôles de l’Aïkido à Tokyo et à Iwama, plus qu’une pépinière, c’est une véritable université de l’Aïkido qui se met en place à partir des années 1950, regroupant tous les styles de l’Ecole de Morihei Ueshiba, devenue ainsi l’une des composantes du patrimoine culturel japonais, le titre envié de « Trésor national vivant » ayant été décerné par les hautes autorités japonaises à ce fondateur de l’Aïkido.

Morihei meurt le 26 avril 1969.

Dialoguant souvent avec Dieu et parlant souvent par paraboles, car son esprit s’élevant de plus en plus et son inspiration étant permanente, il s’en est allé non sans livrer son dernier message en ces termes : « L’Aïkido appartient au monde entier. Entraînez-vous pour le Bien de tous et non pour vous-même ».

Personne n’atteindra jamais le niveau suprême de son art, mais il lègue une discipline pleine d’enseignements par la pratique de la quintessence des arts martiaux.

(A suivre: 2ème partie)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien président de la commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido et ancien conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido

* Le texte ci-dessus est le résumé d’un fascicule que j’avais écrit en 1982 et spécialement destiné à mes élèves du Club « Sanbu » de la Cité Internationale Universitaire de Paris (CIUP).

 

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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LES ARCHIVES DE LABODIPLO – DECEMBRE 2013

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« Little bonsaï suspendu » (jpra)

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                                                              LES ARCHIVES DE LABODIPLO

Les articles contenus dans les archives de « LaboDiplo » se comptent à ce jour à quatre-vingt et un, répartis sur des sujets diversifiés en lien avec les réalités du monde, ce autour de :

. questions internationales spécifiques,

. thèmes institutionnels et juridiques majeurs,

. interactions des cultures,

. aspects des cultures chinoise et japonaise,

. et des problématiques malgaches réintroduites dans l’ensemble de ces contextes globaux.

Afin de faciliter votre recherche, vous verrez ci-dessous un répertoire, qui a commencé le 9/1/2014 par celui correspondant à la période de création de ce Blog, c’est-à-dire le mois de Septembre 2013 ; quant au répertoire du mois d’Octobre 2013, il est paru le 16/1/2014 et celui du mois de Novembre 2013 est paru le 21/1/2014.

Voici maintenant la liste des articles du mois de Décembre 2013.

Merci de votre attention et de votre fidélité…et bonne lecture !

                                                                                                          JPRA

                                                      DECEMBRE 2013

. Messages des Afriques à la France et au monde (1er déc.)

. Optimiser la démocratie (3ème partie)- La Chine  (3 déc.)

. Optimiser la démocratie (4ème partie) – Le Japon (2)  (5 déc.)

. Adieu « Madiba » !  (6 déc.)

. Les Fleurs du Bien  (10 déc.)

. Optimiser la démocratie (5ème partie) – La Chine (2) (11 déc.)

. Un nouveau chapitre de notre Histoire  (13 déc.)

. L’Epilogue  (17 déc.)

. Optimiser la démocratie (6ème partie) – La Francophonie  (22 déc.)

. Noël 2013 – An Nouveau 2014  (24 déc.)

. Optimiser la démocratie (7ème partie) – La Francophonie (2)  (25 déc.)

. Optimiser la démocratie (dernière partie)- Conclusion générale  (25 déc.)

. Sites sacrés de Ambohibe-Manankasina-Ambohipotsy  (28 déc.)

. Sites sacrés de Ambohibe-Manankasina-Ambohipotsy (2ème partie)  (30 déc.)

. Taona Vaovavo 2014 – Année Nouvelle 2014  (31 déc.)

 

MADAGASCAR SUR SES RAILS

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« Fructus » (jpra)

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                                                              MADAGASCAR SUR SES RAILS

Dans notre précédent article « Quelles orientations gouvernementales d’urgence ? » (cf. sur ce même Blog en date du 29/1/2014), nous soulignions la nécessité pour Madagascar de disposer d’un véritable Plan de Développement Intégré.

Une telle nécessité se signale également eu égard à l’immensité du territoire malagasy et, sans doute surtout, pour pérenniser un essor qui a besoin d’appuis structurels forts et un désenclavement des régions.

                                                                      *

Or, certains croient encore incontournables, voire exclusives, les recettes du capitalisme financier, pourtant actuellement usé par les effets néfastes de la spéculation dont on sait où se trouvent les centres névralgiques, et les contraintes outrageantes des bourses de marchés qui, à l’évidence et depuis l’ère coloniale, vident nos pays de leurs ressources premières sans qu’ils puissent en tirer un légitime profit.

Certes, désormais Madagascar est dotée d’un Plan National de Développement (PND) auquel s’adjoint un Plan de Mise en Oeuvre (PMO). Mais en réalité ce PND est loin de répondre aux valeurs intégratrices d’un véritable plan directif et incitatif.

Or avant tout, par ses vertus d’intégration, la planification économique directive et incitative vise à restituer au pays et à son peuple leurs richesses tout en développant des rapports sains avec leurs partenaires étrangers. Historiquement, aucune des grandes nations actuelles, y compris les Etats-Unis et le Japon, sans parler de la France ou même de l’Allemagne, n’a pu se relever sans une forme de planification plus ou moins contraignante.

Quant à Madagascar, son développement économique et social de l’ère moderne, débuté dans les années 1950, a toujours correspondu avec l’adoption de plans successifs de développement, le dernier en date étant le « MAP », un plan quinquennal de type incitatif se déclinant en huit engagements majeurs et connu sous le nom de « Madagasikara AmPerin’Asa » ou « Madagascar Action Plan », le premier du genre en Afrique qui soit articulé de façon précise avec chiffrages, évaluations et programmations (ce contrairement au « NEPAD » imaginé par le Président Wade du Sénégal, lequel n’avait aucun caractère opérationnel).

Cette planification, qui devait durer jusqu’en 2012, s’intégrait elle-même dans une véritable vision de développement « rapide et durable » (une expression qui avait fait un grand effet !) baptisée « Madagascar Naturellement », répondant ainsi à un souci majeur de protection et de valorisation d’un pays riche de sa biodiversité et de sa diversité culturelle.

Madagascar était sur ses rails et son développement était une réalité vécue avec un horizon visible, celui d’un futur « pays émergent » ainsi baptisé par les organisations internationales. Tout ceci, qui rappelait l’envolée progressiste de notre pays dans les années 1960, s’était accompagné d’une nouvelle affirmation de sa spécificité et d’une excellente intégration internationale et régionale, en particulier dans le domaine économique et social.

Aujourd’hui, devant les nécessités du moment, il y a davantage encore matière à revenir, sans obligatoirement en réitérer les termes, avec une mise à plat des besoins et des moyens, aux diverses dispositions urgentes grâce auxquelles Madagascar sera à même de rattraper le temps perdu et de reconstituer son capital économique, matériel, technique et humain.

Ainsi pourrait-on en citer quelques unes par le truchement de financements multilatéraux :

. à nouveau, un vaste programme de « Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance » aura à être défini d’urgence pour assurer prioritairement la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire, les deux fléaux du moment, accompagné des améliorations à la gestion des dépenses publiques, pouvant aboutir à court terme à l’annulation de la dette de Madagascar et, parallèlement, à l’approbation par le FMI et par le « Fonds Européen de Développement » d’enveloppes financières importantes pour la relance de l’économie, secteur par secteur ;

. une aide budgétaire massive (de la Banque Mondiale, notamment à travers la « BIRD », Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement, mais également d’autres bailleurs spécialisés tels que le FIDA, Fonds International de Développement Agricole, ou d’autres partenaires bilatéraux) est appelée à se concentrer sur de grands projets agricoles et ruraux, ainsi que de désenclavement des régions malgaches par voies routières, ferrées, fluviales et de cabotage ;

. une aide financière déterminante que pourrait apporter l’ « IDA » (International Development Association) ou d’autres organismes financiers dédiés, pourrait servir à développer l’accès aux services financiers des catégories de population à faible revenus, pouvant ainsi constituer un des leviers de la politique d’intégration progressive du secteur dit « informel » à l’économie globale, dont nous signalions la nécessité à terme ;

. un accroissement substantiel et continu des avantages accordés dès 2002 à Madagascar dans le cadre de l’ « AGOA » (African Growth and Opportunity Act) des Etats-Unis, ce au moyen d’un remaillage de secteurs pilotes selon les prévisions du Plan (textile, agro-alimentaire, pêcherie, etc…) ;

. la revitalisation de la participation de Madagascar aux programmes d’intérêt commun des îles composant la « COI » (Commission de l’océan Indien), essentiellement financés par la France et l’Union Européenne, notamment en matière de transports maritimes inter-îles et, pourquoi pas, d’accords de co-développement ;

. le renforcement de la participation de Madagascar au développement régional en Afrique, en particulier à travers la SADC et le « COMESA » (Common Market of East and Southern Africa), ainsi que de son appartenance à la Zone de libre Echange regroupant des pays aussi divers que l’Egypte, Djibouti, le Kenya, l’Ile Maurice, le Soudan, la Zambie, le Rwanda et le Burundi, pour envisager des « joint ventures » dans le cadre de coopérations multidimensionnelles impliquant plusieurs pays membres  (cf. exemples du « Ticad » et du « Forum économique Africain » animé par la Chine) et/ou s’ouvrir des débouchés de proximité aux produits malgaches.

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Tout naturellement, de telles percées multilatérales s’accompagneraient en parallèle d’engagements sur le plan bilatéral, notamment avec les cinq principaux partenaires de Madagascar, qui ont toujours été soucieux de soutenir l’effort de développement d’un pays promis à un bel avenir, annoncé avant 2009 de « pays émergent » :

. en premier lieu avec la France, notamment à travers le « Document Cadre de Partenariat » pour des financements de projets ciblés concernant par exemple l’éducation, l’agriculture, les infrastructures et la santé. Le « DCP » pouvant s’ajouter à d’autres programmes et projets financés par la France, avec éventuellement des relais assurés par différentes contributions françaises aux programmes de différentes institutions multilatérales (Union Européenne, Banque Mondiale, FMI, OIF) ;

. avec les Etats-Unis : rappelons qu’en 2005 Madagascar était le premier pays bénéficiaire du « MCA » (Millenium Challenge Account) avec 110 millions de dollars destinés à la sécurisation foncière, à la réforme du système financier dédié au monde rural, à l’identification des opportunités d’investissements en infrastructure, récompensant ainsi ce pays pour ses efforts en matière de bonne gouvernance et de réduction de la pauvreté. A ces financements s’ajoutaient ceux accordés par l’ « USAID » (Agence des Etats-Unis pour le Développement) consacrés spécifiquement à la bonne gouvernance, au renforcement des pratiques démocratiques et au soutien de la société civile ;

. avec le Japon : ici également, il est bon de rappeler que la « JICA » (Japan international Cooperation Agency) avait renforcé sa présence à travers l’établissement à Madagascar de son siège régional pour l’Océan indien  et dans le cadre du « TICAD » (Tokyo international Conference on Africa Development), dans ses 3ème et 4ème éditions (2003 et 2008), le Japon avait consacré à Madagascar un intérêt particulier dans les domaines de l’éducation, de la pêche, de la santé, de l’environnement et de l’agriculture (spécialement le riz) ;

. avec l’Allemagne : elle se plaçait en troisième position des bailleurs de fonds de la Grande Ile après la France et les Etats-Unis, son engagement pour accompagner Madagascar dans son développement s’étant renforcé notablement dès 2007 ;

. avec la Suisse :  sa coopération avec Madagascar, à travers la « DDC » (Direction du Développement et de la Coopération) et le projet « SAHA » consacré au développement rural, s‘était prolongée avantageusement dans le domaine proprement économique avec la signature en 2007 d’un accord de protection et de promotion des investissements.

Bien entendu, ces précédents relationnels ne sont pas exclusifs de rapports appelés à se développer notablement avec d’autres partenaires bilatéraux connaissant déjà bien Madagascar, parmi lesquels nous y voyons particulièrement l’Italie (agriculture, nouvelles énergies, textile, tourisme), l’Espagne (textile, tourisme), la Chine (énergies, mines), le Royaume-Uni (environnement, artisanat) et Israël (agriculture, technologie); venant ensuite des ouvertures intéressantes à opérer avec de nouveaux partenaires comme l’Inde, la Turquie, la Corée du Sud, la Malaisie et l’Indonésie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

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Le développement étant une marche sur ses deux jambes avec une bonne articulation de ses autres composantes, toute avancée économique doit s’accompagner d’un réel progrès social et de la valorisation environnementale, ce qui amplifiera l’attractivité de Madagascar, dont les immenses potentiels en termes de sources d’énergie, de gisements miniers ou de richesses rares ne doivent pas laisser de portes ouvertes aux convoitises de prédateurs de tous acabits. C’est pourquoi également, ainsi que nous le soulignions dans nos précédentes écritures, une planification sans un volet social et environnemental affirmé serait vaine.

Désormais, il est donc aussi impératif qu’urgent et vital que les Malgaches se réapproprient les vertus d’une planification qui a fait ses preuves, mais récemment brisée. Le volet social important dont il devrait s’agir, comporterait, entre autres considérations, une politique de redistribution des revenus, la participation des travailleurs et salariés aux résultats des entreprises, la généralisation d’un système adapté de sécurité sociale, un encouragement aux métiers d’art et à la jeunesse.

Quant à la dimension environnementale, entrent en ligne de compte non seulement les aspects proprement écologiques, mais aussi d’ordre patrimonial, dans le sens des notions développées par l’UNESCO et l’ICCROM, auxquels il faut ajouter tout le secteur de l’artisanat qui constitue le poumon même du souffle vital d’un terroir et d’une région.

Précisément, les régions, les collectivités territoriales et locales malgaches forment une riche diversité dont il convient absolument d’en exploiter les immenses potentiels. Dans une conception globale de l’économie, en 1825 le roi Radama 1er avait déjà eu à son époque l’idée de faire du « grand Ouest » malgache un immense grenier agricole et un vaste espace d’élevage, mettant ainsi en avant la notion même de spécialisation régionale.

Sans aller jusqu’à une telle extrémité conceptuelle, dans le cadre de la planification de nos vœux il y a certainement lieu de mettre en exergue la nécessité d’encourager chaque région, collectivité territoriale ou locale dans sa vocation propre.

Ainsi, pour ne citer que des exemples :

. Antsiranana devrait pouvoir reconstituer la sienne en tant que site industriel tourné vers la construction navale et ses activités annexes, mais peut s’y ajouter l’implantation d’une « Pépinière technologique » (des projets anciens dans ce sens méritent d’être remis au goût du jour), le tout pouvant s’intégrer en particulier dans la perspective du développement de la coopération inter-îles mascareignes ;

. Toamasina devrait accentuer sa vocation maritime internationale et de port de marchandises de gros tonnage, s’y ajoutant le développement d’une industrie mécanique, la culture fruitière, maraîchère et la pisciculture ;

. Mahajanga et Toliara retrouveraient dans le tourisme, le commerce international de bétails et l’industrie de l’agro-alimentaire et la pêcherie, un rôle moteur ;

. Tolagnaro, en plus de sa vocation actuelle de port dédié au commerce des minerais, développerait naturellement une activité industrielle tournée vers l’industrie lourde et de transformation ;

. Antananarivo et l’Alalamanga développeraient un secteur tertiaire, un tissu d’industries légères, la riziculture et la haute technologie ;

. Fianarantsoa serait le centre de développement d’activités tournées vers les métiers d’art, l’agro-alimentaire et les énergies alternatives.    

La reprise de cette œuvre planificatrice de nature incitative au plan sectoriel, et à caractère directif pour tout ce qui concerne l’aménagement territorial, constitue le socle du redressement de toute une nation et de son ré-enracinement.   

C’est cette nécessité absolue qui doit être au cœur des défis qui se présentent avec la formation très prochaine du nouveau gouvernement.

                                                            Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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