COUP DE GUEULE : LE « CAS MADAGASCAR »…

Image

« Bol de cristal entre deux pamplemousses géantes » (jipiera) – Reproduction interdite –


                                    COUP DE GUEULE : LE « CAS MADAGASCAR »…

A Madagascar, l’Histoire bégaie !…

Eh oui ! C’est étant couvert d’une certaine honte que j’évoque le « cas Madagascar », car face à l’incrimination d’un désespoir non-intentionnel mais survenu par défaut d’action, c’est l’Histoire qui nous convoque, nous Malgaches, nous Malagasy, devant son tribunal.

Dans ce procès, ce sont pourtant les mêmes, c’est à dire la presse et la communauté internationales, se drapant dans ce rôle, unies dans leur indignation, qui toutes, d’une seule voix, se font procureur :

. comment se fait-il que Madagascar, belle île et terre bénie par Dieu Nature, prodigue de richesses minérales, agricoles, halieutiques, culturales et autres produits, en soit parvenue à être classée parmi les cinq pays les plus pauvres de cette planète Terre, ce jusqu’à réserver à son peuple de près de 25 millions d’habitants des conditions de vie de misère ?

Et comble de malheur, les affres de la très grave crise sanitaire du COVID-19 l’enfoncent de plus bel dans un gouffre insondable.

Le monde, à travers les pays, est ainsi fait que la récurrence des situations historiques semble constituer une loi « naturelle », comme si la mémoire des hommes devait à chaque fois défaillir, alors même qu’ils accumulent tant de savoirs.

Or, loin d’être éternel notre monde a besoin d’évoluer dans ses certitudes. Et, quelque fois, – même, souvent ! -, de les remettre en cause.

Evolution. Renaissance. Résilience. Sursaut. Action. Humilité. Volontarisme.

Ces maîtres-mots semblent viscéralement ignorés à Madagascar parmi ceux qui, sachant par contre s’adonner aux délices du « kabary » (discours, paroles, palabres) et du jeu de postures et autres gesticulations, comme s’il s’agit de sports nationaux, prétendent avec force suffisance diriger le pays et un peuple si paisible et habile…

Je reprends une expression prémonitoire du général de Gaulle, lancée le 22 août 1958 dans le fameux nouvel amphithéâtre du « Lycée Galliéni » d’Antananarivo, aujourd’hui « Lycée d’Andohalo » (cet édifice construit par mon père en 1953), précédant l’annonce de la proclamation de la République de Madagascar.

En politique, disait-il en s’adressant à ceux qui s’apprêtaient à diriger Madagascar dans sa nouvelle destinée, il convient de se libérer du « tumulte des mots » sous peine d’ « être balayé ».

De la part de celui qui dans ses Mémoires de Guerre disait « au début était le Verbe », entendant par là que toute action doit être alimentée par la conception, le conseil prend tout son sens, hier comme en cette époque que nous vivons, où le pays demeure encore la proie à ce tumulte des mots sans que rien n’évolue, sans que rien ne se construise durablement.

De fait, dans ce pays où la nature est si généreuse dans sa diversité, les dévastations de l’homme sont légions parce que face à la misère c’est la survie qui est en cause.  Si le cycle dévastateur n’est pas enrayé, c’est sans doute le sort réservé à l’Ile de Pâques, dévastée par les violences faites à la nature par ses propres habitants et entre eux-mêmes, qui s’annonce.

La quatrième plus grande île du monde devrait-elle ainsi se signaler aussi négativement de façon précoce et prémonitoire au monde entier, lequel d’ailleurs risque de prendre aussi le même chemin tant l’extinction des espèces est désormais inscrite dans les annales ?

Madagascar, à l’image de la première sortie internationale de son nouveau Président de la République en août 2002 en Afrique du Sud à l’occasion de la conférence mondiale sur l’Environnement, devrait au contraire fortement marquer sa singularité et son implication, et se signaler sans tarder en pays modèle dans la lutte en faveur de la préservation de la Nature, de SA Nature.

Et en 2003 devant l’Assemblée générale de l’UNESCO à Paris le même Président avait martelé dans un discours remarquable et remarqué que « Madagascar est un pays RICHE…en biodiversité !… » pour souligner sa volonté d’engager résolument son pays à être une tête-de-pont en la matière…Mais, depuis lors rien n’avait vraiment et fondamentalement bougé…

feuillage abondant « Feuillage abondant », pastel à l’huile – Jipiera – Reproduction interdite –
——————————————-

Sur le plan national comme sur le plan universel, c’est la grande cause qu’elle devrait désormais, résolument, se proposer de faire avancer dans la dynamique issue du Sommet mondial de l’Environnement qui avait annoncé la création de l’Organisation Mondiale de l’Environnement en 2015 à Paris.

De la sorte, Madagascar se relèverait avec un éclat signalé pour être au devant de la scène en vue d’un « Monde nouveau » (cf. notre article en date du .13 mai 2014 sous ce même titre, sur ce même blog).

Aujourd’hui, comme demain sans doute, Madagascar va continuer de se choisir un autre Président de la République et un autre gouvernement, sans doute issus d’une même classe politicienne peuplée de protagonistes qui s’inter-changent au gré des soubresauts d’une vie publique abonnée aux tumultes, de sorte que les errements passés et présents auront encore tendance à se perpétuer…Sauf miracle…sauf rupture salutaire…

On veut croire que malgré une telle récurrence, avec eux ou sans eux la perspective prochaine de pouvoir saluer tous efforts méritoires de prendre nos zébus (symboles par excellence de notre vaillance nationale) par leurs cornes soient couronnés de succès afin de leur tordre le cou, grâce à quoi ils s’acharneraient à labourer cette Terre Madagascar pour la fertiliser à nouveau généreusement.

Que chacune et chacun dans cette salutaire besogne sachent alors prendre leur part respective !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

——————————————–

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

——————————————–

1947, DATE FONDATRICE DE LA NATION MALGACHE DES TEMPS MODERNES

Image

« Rizières en montagne » (jpra)


                                                                         29 MARS 1947

1947. Date fondatrice de la Nation Malgache des temps modernes.

Cette année symbolique pour la conscience collective malgache demeure mal connue, en particulier de nos amis Etrangers.

Mais aussi des Malgaches eux-mêmes, et pourtant il n’est pas une famille qui n’ait connu les affres de ce qui se présente dans l’Histoire d’un peuple comme un marqueur majeur dans la lutte pour l’Indépendance retrouvée de Madagascar.

C’est que, aujourd’hui encore et toujours, les traumatismes ont laissé tant de traces profondes qu’elles empêchent, ou rendent difficile à certains, de faire la part des choses.

1947 se décline au 29 mars, il y a 76 ans en cette année 2023.

                                                                                          *

Posons sur ces graves évènements un regard lucide et débarrassé de tout parti pris…

Ce qui n’est point aisé pour le Malagasy que je suis. Pour bien les comprendre, ces évènements doivent être replacés dans le contexte global d’un grand questionnement – aujourd’hui encore bien vivace – autour des notions complexes, et quelque peu contradictoires entre elles, de « malgachité », de « malgachitude » et de « malgachisation ».

Mais, une chose est certaine, c’est qu’ils interviennent au moment où les formes de négation de l’identité malgache par le pouvoir colonial sont à leur paroxysme.

C’est donc la nuit du 29 au 30 mars 1947 qu’à Madagascar, dans la région du Betsimisaraka (Est de Madagascar), éclatait soudainement une profonde révolte initiée par les opprimés du système colonial français. Le plan d’attaques élaboré par les partis « Jina » et « Panama » pour bouter les Français hors de la Grande Île l’a été à l’insu du principal parti nationaliste « MDRM ». Mais, le pouvoir colonial ayant clairement désigné ce dernier et ses dirigeants, les députés Joseph Ravoahangy, Joseph Raseta et Jacques Rabemananjara comme les véritables instigateurs, ceux-ci sont arrêtés dès avril 1947 en dépit de leur immunité parlementaire. S’en suit une sanglante répression militaire et policière organisée par le pouvoir colonial avec son cortège de tortures, exécutions sommaires, tueries et actes barbares sur toute l’étendue du territoire malgache durant près de eux ans. Les règlements de compte entre Malgaches eux-mêmes, issus des partis politiques divergents tels que le MDRM, le PADESM, le PDM ou le MSM, avec comme toile de fond l’imputation de la responsabilité du déclenchement des évènements sanglants et la quête pour la liberté et l’Indépendance, ne font qu’exacerber la situation insurrectionnelle.

Et les relents de violence destructrice de l’âme malgache se sont étendus jusqu’au tout début des années 1950 avec les vagues successives d’une terrible répression émanant des forces de l’ordre colonial *.

– Sur l’enchaînement  des faits et leur sens général : lire sur ce même blog l’article « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » 10ème partie, daté du 17 octobre 2013. Cliquer sur « Archives octobre 2013 » –.

Ainsi faut-il avoir en tête ce caractère hétéroclite et confus à l’extrême pour bien comprendre le cours des évènements, de même que pour en avoir une juste vision. Les antagonismes malgaches entre eux étaient en effet multiples, avec des motivations mêlées et souvent fondamentalement radicalement contradictoires et antagonistes avec des ressentiments nourris par différentes sources.

Ainsi peuvent-ils être classés respectivement dans les catégories suivantes :

  • ceux qui ont su clairement donner à cette révolte les vertus de la Libération en vue de l’Indépendance retrouvée de Madagascar (le récent film très documenté de Madame Andriamonta-Paes projeté dans les meilleurs salles de cinéma en 2019 , « Fahavalo », leur rend un hommage touchant) ;
  • les autres, se saisissant de l’occasion des troubles pour verser dans une curée générale où, se fondant sur des motivations où se mêlent les considérations les plus diverses, se règlent les comptes de ceux qui s’accusent mutuellement d’être des ennemis intérieurs ;
  • certains allant même jusqu’à se réclamer de noms tristement célèbres de généraux nazis pour mieux faire valoir leur supposée authenticité nationaliste ;
  • d’autres encore, se sentant dépassés par les évènements, tentant tout de même de les récupérer à leur avantage partisan et politique.

Dans ce carnage qui se propageait à très grande vitesse et que venait attiser une rumeur trompeuse, en particulier celle d’une intervention des Américains ou des Anglais aux côtés des insurgés (magnifiquement rendu dans le fameux film « Tabataba » du cinéaste  Rajaonarivelo), de part et d’autre la violence s’est assouvie sous toutes ses formes, la répression des forces dites « de l’ordre » y jouant un rôle provocateur et contribuant très largement avec débordement et férocité, tandis qu’aujourd’hui encore les historiens ne s’accordent toujours pas sur la macabre comptabilité des morts, lesquels se comptaient en tout cas par centaines de milliers.

Mais il est un fait qu’à la répression sauvage et sanglante du pouvoir colonial (par exemple : on lâchait du haut d’un avion en vol des prisonniers, lesquels s’écrasaient sur des villages soigneusement sélectionnés, ceci pour semer la frayeur) s’étaient ajoutés une répression judiciaire aveugle et un climat de terreur civile entretenu par une frange extrêmiste de l’administration française locale, et qui continuent de faire le déshonneur et la honte de leurs acteurs.

En dépit des excès commis – ou à cause d’eux – , la solidarité active de l’immense majorité des Malgaches entre eux, pour la sauvegarde de leur âme et le succès de leur émancipation, fut aussi un marqueur à retenir pour toutes les générations, en particulier celles présentes et à venir.

                                                                                   **

Comme toujours en pareilles dramatiques circonstances, et les Français le savent, et de plus en plus aujourd’hui, étant eux-mêmes instruits par l’histoire de l’invasion allemande de 1940 et par celles de la Résistance et de la Libération, les plaies ne se cicatrisent que très lentement…à condition qu’elles soient pansées, ce qui à l’heure actuelle n’est pas encore véritablement le cas.

Mais, de son côté et en ce qui concerne 1947, lors de sa visite officielle en juillet 2005 à Madagascar, le Président Chirac avait dans un discours à Majunga dûment reconnu les torts de la République française, sans toutefois aller plus loin dans la volonté de réparation.

Les Malgaches lui en savent toutefois gré.

Ils savent aussi, avec le recul du temps, combien douloureuse fut la profonde insulte faite à la mémoire de celles et ceux qui avaient lutté au prix de leur vie, ainsi qu’à la fraternité nationale, au prétexte de divergences régionales, confessionnelles,  partisanes ou politiques.

Car en 1947 et dans les années suivantes, trop de Malgaches eux-mêmes se sont combattus à mort entre eux, et cette réalité est, aujourd’hui encore, couverte d’un voile pudique au nom d’une espèce de « bonne pensance », en l’occurrence de mauvais aloi, car devant l’Histoire la vérité éclate toujours et la cacher ne sert à rien, surtout pour l’édification sereine d’une conscience nationale.

C’est ce regard lucide sur ces évènements, lesquels avaient endeuillé toutes les familles malgaches de toutes les régions de Madagascar, qui doit être posé afin que les leçons à tirer soient définitivement assimilées et qu’elles portent en elles les germes de l’Espérance.

Les martyrs malgaches, du fait des Malgaches eux-mêmes, furent ainsi nombreux, trop nombreux. L’un d’eux, victime expiatoire et exemplaire de ces tueries entre Malgaches eux-mêmes, fut Lucien Botovasoa. Ce martyr, un Catholique revendiqué mais haï par d’irréductibles fanatiques, avait offert sa propre vie pour laver les crimes des siens dans sa région natale (Sa poignante lutte est rappelé dans notre article daté du 19/4/2018 sur ce même blog).

Et fort justement, le Pape François l’a béatifié par décret du 2 mai 2017.

                                                                                      ***

fraicheur-nocturne-2

« Pensées en hommage » (JPRA)


Mais aujourd’hui, et d’une année sur l’autre, il est, tout d’abord, de rendre aux authentiques combattants de la Liberté et de la dignité nationale le profond hommage unanime qui leur est dû.

Qu’on porte à ces valeureux combattants le « Hasina » !

Et que de son côté devant l’Histoire et au nom de cette humanité et de la défense des droits fondamentaux dont elle s’enorgueillit la France assume enfin ses responsabilités en portant plus loin les prémices courageusement et dignement posées par le Président Chirac en 2005 lors de sa visite officielle à Madagascar !

Ensuite, du côté malgache comme du côté français, il s’agit de leur reconnaître concrètement leur lourd sacrifice qui, aujourd’hui et demain, pave toujours la voie de notre destinée pour le pire et le meilleur.

Il est, enfin, de savoir reconnaître aux uns et aux autres, aux leaders politiques et aux acteurs publics, qui ne se limitent pas aux seuls quatre députés malgaches d’alors, comme aux simples combattants, les mérites contributifs de chacune et de chacun dans ce qui fut, en substance et hors les atrocités commises, une grande cause commune et nationale.

C’est dans cet esprit général où l’honneur et la mémoire se mêlent qu’en notre qualité d’ambassadeur, nous avions organisé en 2006 dans les salons de la Résidence de Madagascar à Paris, une conférence commémorative suivie d’une projection de l’excellent film « Tabataba » du fameux cinéaste Rajaonarivelo, sur le thème de 1947.

Lire la suite

ELEVER LE DEBAT

eImage

« Demie poire sur collier de jaspe » (jpra)


                                                            ELEVER LE DEBAT

Plus que jamais, en cette époque où face aux défis, dangers et agressions de tous ordres la qualité de l’homme – et de la femme – est de ne point se laisser aller aux facilités comportementales et de langage, l’assignation d’élever le débat, public comme intérieur, constitue une exigence morale.

C’est encore plus vrai dès lors qu’il s’agit de celles et ceux – bien trop nombreux – qui exercent ou ont la prétention d’exercer des mandats publics.

CARESSER L’ELECTORAT DANS LE SENS DU POIL ?…

Pour ne prendre que cet exemple qui m’avait frappé à l’époque, je me souviens qu’un « grand » homme politique malgache qui sait caracoler aux plus hautes fonctions de l’Etat malgache et s’y maintenir, m’avait martelé sans rire un jour de 1997 que « la politique, c’est caresser l’électorat dans le sens du poil », c’est-à-dire, en fait et dans l’occurrence du moment, à faire plaisir aux bas sentiments des gens !…

Une telle « profession de foi » de sa part, – qui somme toute est une façon de faire très largement partagée dans la classe politique quel que soit le pays -, était en l’occurrence censée répondre au profond regret que je lui avais exprimé, sans doute naïvement dans son esprit, de cultiver et d’encourager les relents séparatistes et racistes d’une frange grandissante de la population Merina à l’égard des Provinciaux, ce au détriment de la cohésion nationale et de la considération que chacun se doit de garder vivace dans son comportement vis-à-vis de tous.

Tout aussi vertement, je lui répondis en guise d’adieu : «Désolé Monsieur le…mais nos routes se séparent donc ici ; la noblesse de l’homme politique est précisément d’élever le débat et de ne pas rester au raz des pâquerettes !».

Je me remémore souvent cette anecdote pour déplorer ici et là, à Madagascar comme partout, en particulier en Europe actuelle, et plus précisément encore à l’occasion des dernières élections présidentielle de 2016 et de 2017 successivement aux Etats-Unis et en France, ou en Italie dernièrement début mars 2018, ainsi qu’à travers les récentes envolées mesquines qu’offre la vie politique animée par ce que j’appelle les « managers politiques », la banalisation des bas sentiments et de la haine de l’autre pourvu que « ça paye »…

De plus en plus, parce que les sentiments de frustrations économiques et sociales poussent certains dans des réflexes de repli sur soi, la classe politique se peuple dangereusement d’éléments incultes oublieux des leçons de l’Histoire et adeptes d’un prétendu « parler vrai » et d’une non moins prétendue « attitude décomplexée ».

Un exemple « exemplaire » nous est récemment venu des Etats-Unis où un certain candidat à la présidentielle américaine de novembre 2016, devenu le Président de la première puissance mondiale, avait assené l’électorat et le monde entier de propos outranciers…et il est en la matière un multirécidiviste !

Que dire aussi d’un Président philippin qui n’hésite pas à insulter ses pairs étrangers, dont le Président Obama, et faire si peu de cas de la vie humaine pour sonner l’hallali et appeler aux meurtres contre les drogués de son pays ?

Ne parlons pas d’un « Front National », en France, qui sème de son venin les paroles et actes, qui empoisonnent si dangereusement le débat politique et public qu’ils pénètrent l’esprit de trop de gens oublieux des valeurs, de la mémoire et des bases de la culture.

L’EROSION DES CONSCIENCES. 

Mues par les élans populistes friands de visées matérialistes, et façonnées par le consumérisme ambiant, y compris dans les idées supposées en vogue, les problématiques sociales sont aujourd’hui allégrement requalifiées dans des considérations raciales, ethniques ou religieuses, tandis que le monde du sport lui-même s’alimente à la source des comportements cocardiers pour déborder dans la castagne.

Les exemples de raisonnement expéditifs fondés sur un égoïsme triomphant ne manquent pas, du genre : l’insécurité et la criminalité sont nécessairement le fait d’immigrés ; les immigrés ne font que profiter des avantages sociaux au détriment de ceux qui travaillent ; la considération des origines ethniques ou religieuses commence subrepticement à refaire son apparition dans certains documents administratifs pour mieux catégoriser les « populations à risque »; les stades deviennent de vastes défouloirs racistes pour peu que des gens de couleur s’y produisent ; l’« homogénéité ethnique » est recherchée comme étant une panacée pour être entre soi ; etc…

Mais, arrêtons ici l’évocation d’exemples de situations sidérantes pour ne pas verser dans la litanie.

Le succès des partis extrémistes, qui profitent de la démission des consciences intellectuelles ou spirituelles, ne se limite plus aux classes défavorisées, il gagne toutes les couches sociales jusqu’aux plus aisés, et certains idéologues revisitent ouvertement les thèses nazie, fasciste ou radicale qui, en leur temps, faisaient les beaux jours des régimes de terreur et du triomphe nationaliste.

Ce sont là le résultat de l’érosion des consciences, du déficit culturel, du culte de la puissance, de l’illusion identitaire, et de la banalisation de la médiocrité, contre lesquels de moins en moins de politiciens se sentent concernés. Ils se mettent de plus en plus en marge de la catégorie des authentiques « responsables politiques » et des hommes et femmes de conscience.

« HOMO CONUS » Vs. « HOMO DEUS » ?…

S’écartant de plus en plus du cercle de l’authentique « gente politique », ils ne pensent qu’à constituer et à renforcer ce qu’ils considèrent comme leur clientèle politique. Et à cette fin, leurs armes préférées sont le marketing et la communication, pourvu seulement qu’ils leur permettent de coller aux grandes tendances contingentes de l’électorat, de même qu’ils sont en permanence en chasse pour se constituer des fiefs électoraux.

Qu’il est loin ce moment où les hommes et les femmes sont « si attrayants dans l’action pour une grande cause », comme disait le Général de Gaulle (cité par le professeur Jean-Paul Pancracio dans son excellent ouvrage « Droit et institutions diplomatiques » – editions A. Pedone) !

paravent 13

« Nature sereine à Ambodiakondro » , maquette de paravent – JPRA –


Ne soyons pas « Homo conus », cette espèce humaine sans conscience seulement rivée à la seule satisfaction de ses pulsions et qui excelle seulement dans le « fake » pour se faire valoir que, malheureusement, permet l’envolée de la technologie.

Ne prétendons pas non plus être « Homo deus », cette autre espèce humaine – paraît-il actuel d’après un « savant » contemporain…! -, plein de savoir et de capacité inventive qui tendrait à prospérer sur cette planète Terre, et qui se croit maître de la matière…ce jusqu’à la dénaturer et à parvenir à l’éteindre, comme c’est ce qui se profile dès maintenant ?

Que tout cela est si petit et minable !…

L’ART DE L’ESPERANCE VRAIE EN POLITIQUE

Ceux qui veulent élever le débat pour ouvrir des perspectives sont ainsi happés par ces pratiques de captation et par les phénomènes de masse et d’uniformisation.

Mais loin de se décourager, ils se doivent de persister de plus fort dans le rappel, la promotion et la défense des valeurs, en particulier celles de la Démocratie qui consistent à élever les consciences, à cibler le cœur des nécessités, à ne pas oublier les leçons de l’Histoire, à faire évoluer les traditions et à valoriser toutes les formes de l’humanisme.

Il n’est pas un seul sujet qui doive échapper à cette pensée humaniste.

Pour ne prendre que deux exemples :

. le sentiment national n’est pas l’apanage du nationalisme (l’égoïsme national qui s’ouvre à tous les extrêmes et nourrit le sentiment de haine), ni de l’esprit cocardier (brandir à tout bout de champ son emblème ou le drapeau national pour narguer autrui et exprimer son autosuffisance…), par contre il l’est du patriotisme (le sentiment d’amour pour sa patrie qui favorise l’ouverture aux autres) ;

. les civilisations meurent dans leur splendide isolement, mais au contraire prospèrent dans leur capacité à sélectionner et à assimiler les apports exogènes, à condition d’être en disposition morale de les considérer.

A ces égards, affirmons que la notion de progrès n’est pas une vilaine référence !

Au contraire.

Que ce soit dans la philosophie linéaire chère à la chrétienté ou dans celle de la pensée chinoise ou asiatique des évolutions cycliques, le genre humain ne conçoit son devenir que dans l’avenir, mais pour que cet avenir ait un sens, le devenir doit s’alimenter des sèves porteuses d’espérance et non d’un simple espoir enjolivé par quelque artifices.

Le proche XXème siècle passé nous a apporté des icônes incontestées en la matière.

Elles portent les noms évocateurs de De Gaulle pour l’effort sur soi et le refus de l’abandon devant l’ignominie ; de Churchill pour l’abnégation et le sacrifice patriotique ; de Mandela pour le pardon et la réconciliation des hommes ; de Gandhi pour le culte de la non-violence et du don ; et de Kennedy pour repousser le carcan des frontières afin que vive la Liberté.

Autrement dit, si la politique veut atteindre sont but, il se doit fondamentalement d’être un art de l’espérance vraie, qui se traduit par un sentiment et une réalité de plénitude existentielle, et ne pas se limiter à la matérialité des choses qui, elle, se caractérise par l’exclusivité et l’instantanéité et tend inexorablement à maintenir la politique au raz des pâquerettes.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

——————————————

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

——————————————

LES ILES EPARSES EN QUESTION

Image

« Avocat et grenat-Améthyste » (jpra)


                                                  ILES EPARSES EN QUESTION

La question est si épineuse qu’elle mine durablement et profondément les rapports franco-malgaches…depuis le transfert en 1960 des compétences de la souveraineté internationale de Madagascar aux nouvelles autorités nationales de la Grande Île.

Sous ce titre « Iles Eparses en question », par un article paru dans « Madagascar Magazine » (n° 14 du juin 1999) nous avions eu dès cette époque à analyser les différentes données de ce qui se présente objectivement comme un différend territorial franco-malgache en Océan Indien occidental.

Ce différend n’a toujours pas trouvé sa solution. Celle-ci était pourtant prévue, si l’on en croît les engagements réciproques en France et à Madagascar, pour juin 2020 à l’occasion de la Fête nationale malgache…

Voici comment se présente ce profond différend, tel que nous l’exposions objectivement en 1999. Les éléments de notre réflexion d’alors sont toujours d’une brûlante actualité.

Voici donc les données permanentes de l’épineuse question des Iles Eparses dans toutes leurs dimensions juridiques.                                                                                 *

DONNEES GENERALES A CONSIDERER

Les Iles Eparses sont un ensemble disparate de cinq petits îlots disséminés près des côtes malgaches, les quatre premiers, les Glorieuses, Juan-de-Nova, Bassas-da-India et Europa, tout au long du canal du Mozambique, et le dernier, Tromelin, au large des côtes nord-est de Madagascar.

Voilà des noms de rêve pour une destinée pourtant incertaine et indécise du fait des hommes, du fait des conflits d’intérêts entre trois Etats, puisque la souveraineté de ces îles est revendiquée à la fois par Madagascar, la France et l’Ile Maurice, la revendication de cette dernière se limitant toute fois à l’île Tromelin.

La dispute territoriale, qui n’a heureusement jamais pris des proportions comparables à un conflit ouvert que connaissent actuellement les îles Spratley dans la mer de Chine du Sud, a tout de même connu son moment fort en 1973, et n’a à ce jour pas trouvé de solution.

En mettant à part le cas de l’Ile Maurice dont les visées ne concernent que l’Ile de Tromelin, la dispute territoriale met donc essentiellement en face la France et Madagascar. A ce jour, c’est la France qui, en ayant fait administrer les Iles Eparses par le ministre chargé des départements d’Outre-Mer, semble la plus soucieuse d’ « occuper » le terrain. Mais en 1973, Madagascar a officiellement contesté la souveraineté française considérant que ces îles ont toujours été et demeurent malgaches

Ce qui est en jeu, ce sont une question de principe (car on ne transige pas sur une question de souveraineté), un intérêt économique et écologique (puisque cet archipel possède un plateau continental vaste et riche en ressources naturelles, ainsi qu’une réserve de tortues marines sauvages uniques au monde), et un intérêt stratégique (puisque les Iles Eparses constituent, en différents points du canal du Mozambique et de l’Océan Indien occidental, autant de points de contrôle sur une zone appelée à connaître un développement de la circulation maritime).

Déjà, en violation de la Convention de Washington du 3 mars 1973 sur la protection des espèces rares, des exploitants européens sans scrupules s’abattent sur la colonie de tortues sauvages des Iles Eparses pour faire un commerce lucratif de leurs écailles, de leur peau, de leur viande et de leur carapace, notamment transformées pour la maroquinerie de luxe. De leur côté, les « Tours Operators », les randonneurs ou autres industriels du tourisme ne tarderont pas à exploiter cet autre paradis naturel dont décidément Madagascar est abondamment pourvue.

Seulement, au regard du droit international la situation juridique de ce que d’aucuns désignent sous le doux nom d’ « Archipel des Eparses », qui s’entoure d’une imprécision et d’une curiosité qui ajoutent à l’attrait scientifique et écologique, – et sans doute, bientôt, touristique -, des îlots le composant, est pour le moins incertaine. Dans cette histoire, il faut bien admettre que la position française, par son manque de transparence, par son ambiguïté et le défaut de base juridique solide, paraît difficile à comprendre.

                                                                            **

DONNEES JURIDIQUES ET DE DROIT INTERNATIONAL

Madagascar peut légitimement se prévaloir de la notion de la continuité ou d’unité géographique car ces îles gravitent comme en orbite autour de son territoire continental et, partant, peut également se prévaloir de la notion de continuité historique. Faut-il ajouter également la continuité et la cohérence ethniques, ce même si ces îlots n’ont jamais été habités de façon stable, encore qu’à travers les vicissitudes de l’Histoire malgache, en particulier à travers des expéditions maritimes des siècles passés et surtout du début du XIXème siècle, ils ont reçu et continuent de recevoir, de façon certes décousue, la visite et l’établissement momentanés de populations malgaches limitrophes.

Précision doit cependant être faite qu’au milieu du XVIIIème siècle, de par les vicissitudes de l’esclavage, près d’une centaine de Malgaches ont échoué sur l’Ile de Tromelin (qui ne portait pas ce nom à l’époque…) et y avaient survécus tant bien que mal, y ayant même établi des sépultures avec les restes d’au moins quelque quatre-vingt individus, hommes, femmes et enfants, attestant ainsi un établissement permanent.

Or, en héritage de cette Histoire, de fait les Iles Eparses ont toujours été incluses dans l’ensemble territorial malgache et, tout logiquement elles ont donc été administrées par le gouvernement général de Madagascar pendant la période coloniale. D’autre part, et par la voie normale de la succession juridique, ces mêmes îles étaient partie intégrante du territoire malgache résultant de l’accession de Madagascar, le 14 octobre 1958, au statut d’Etat Indépendant mais dont les compétences internationales étaient fondues dans l’ensemble de la Communauté Française.

On notera d’ailleurs que le gouvernement malgache de l’époque, poursuivant une activité essentielle au développement économique du pays, avait répertorié sur la « Carte minière de Madagascar » l’île Juan-de-Nova et faisait exploiter les importantes réserves de phosphate de cette île par une société privée dont les produits sont distribués sur le marché intérieur malgache, à la Réunion, à l’Ile Maurice et à l’Afrique du Sud.

A une situation juridique sans équivoque née de la succession d’Etat s’ajoute donc au regard du droit international, et au profit de Madagascar, une effectivité de sa présence sur les Iles Eparses conçues comme constituant un ensemble géographique, ce qui fait dire à tous que les Eparses, malgré leur dispersion – d’où leur nom d’ « éparses » – forment un Archipel.

Ce qui fait que, quand le 24 juin 1960 Madagascar allait accéder à la pleine souveraineté internationale, des accords ont été préalablement conclus le 2 avril 1960 avec la France aux termes desquels notamment, et conformément au droit international, Madagascar devait en l’occurrence non pas recouvrer sa souveraineté internationale mais être confirmée dans cette souveraineté, ce sur l’intégralité géographico-historique de son territoire et sans aucune exception ni réserve de la part de la France.

C’est ainsi que dans le silence d’une formelle exception territoriale – qui cependant aurait nécessité l’assentiment malgache, ce qui n’a pas été le cas – et en l’absence de réserves que la France aurait pu émettre sur l’Archipel des Eparses, – ce qui était devenu impossible du fait même du droit acquis par Madagascar et, en tout état de cause, de l’effectivité de la présence malgache aux Eparses -, cet Archipel doit nécessairement être considéré comme inclus dans le vaste territoire malgache. La souveraineté internationale acquise par Madagascar le 24 juin 1960 devait définitivement inscrire en droit et en fait cette situation.

Seulement, sciemment et entendant s’approprier les Iles Eparses , la France avait subrepticement et en catimini pris une initiative unilatérale le 1er avril 1960, c’est-à-dire la veille des accords franco-malgaches conclus le 2 avril 1960, matérialisée par un simple décret N° 60-555 qui place l’Archipel des Eparses directement sous l’autorité du ministre chargé des Départements d’Outre-Mer, le Préfet de La Réunion recevant, quelques années plus tard, délégation pour l’administration de ces îles. Il est à noter qu’en agissant ainsi les autorités françaises n’ont pas, contrairement à une exigence institutionnelle française, fait entrer ces îles dans l’une ou l’autre des catégories des collectivités locales ou territoriales limitativement définies au titre IX de la constitution française et cette situation subsiste aujourd’hui.

Ce fait doit être souligné comme étant déterminant quant au défaut de statut juridique de ces Iles Eparses en droit interne français.

La question de la territorialité même des Iles Eparses par rapport à l’organisation territoriale française pose donc, en droit français, question, laquelle, à ce jour, n’a toujours pas été résolue malgré l’intervention d’une Circulaire du 21 avril 1988 par laquelle le Premier ministre français précise d’ailleurs que « les Iles Eparses…n’ont pas de statut déterminé… » (sic) !

Et tout ceci contrairement à une jurisprudence et à une pratique légale bien établies puisque, au cas particulier de terres sur lesquelles, pour diverses raisons, et notamment au regard du droit international, la souveraineté française pourrait être jugée « incertaine » ou pourrait être contestée, le législateur est systématiquement intervenu, en application de l’article 53 de la constitution française, pour bien marquer et matérialiser par une loi spécifique que telle ou telle terre fait partie du territoire français.

C’est le cas des Terres Australes et Antarctiques françaises (par une loi du 6 août 1955), de Wallis et Futuna (par une loi du 29 juillet 1961), de Mayotte (par une loi du 24 décembre 1976), de la Polynésie française (par une loi du 6 septembre 1984), de la Nouvelle-Calédonie (par une loi du 6 septembre 1984), et de Saint-Pierre et Miquelon (par une loi du 11 juin 1985).

Faut-il ajouter aussi que le rattachement de ces Iles Eparses au territoire français, alors qu’elles ont un statut territorial indéterminé au regard de l’organisation territoriale elle-même, pose problème. En effet, l’article 53 de la Constitution française pose en principe que le consentement des populations intéressées est obligatoire avant toute cession, tout échange ou toute adjonction de territoire. Or, ce consentement fait ici défaut.

                                                                        ***

LA NECESSAIRE REVISION DE LA POSITION FRANCAISE

C’est dire que même du point de vue du droit interne français, et au regard de la territorialité des Iles Eparses, c’est toute la question de la réalité de la souveraineté française sur ces îles qui se pose.

De rares juridictions françaises ont, à travers leurs décisions, constaté la souveraineté française sur ces îles en se référant au décret du 1er avril 1960, mais bien entendu, parce que de telles décisions ne sont opposables qu’aux parties aux litiges qui leur avaient été soumis, cela ne résout pas le problème de droit international que nous exposons et est, de toute façon, sans emport quant à la question fondamentale sur la réalité juridique de la souveraineté française sur ces îles tant en droit interne français que, a fortiori, en droit international.

En dernier lieu, faudrait-il alors croire, comme l’avancent certains, qu’en fait les Iles Eparses avaient donné lieu, avant la conclusion des accords du 2 avril 1960, à un marchandage entre Français et Malgaches aux termes duquel Madagascar obtiendrait la souveraineté sur l’Ile Sainte-Marie dont la majorité des habitants aurait semble-t-il voulu demeurer française en contrepartie du lâchage des Iles Eparses ? Mais, à notre connaissance aucun document diplomatique (échange de lettres ou de notes, démarches, etc…) ne permet de prendre une telle supposition pour vraisemblable, et les accords du 2 avril 1960 eux-mêmes ne font aucune allusion à un tel « arrangement ».

De plus, si marchandage ou arrangement il y avait eu, c’est logiquement au plus tard le 14 octobre 1958, date de la proclamation de la République malgache membre de la Communauté Française, qu’il aurait dû intervenir. Cette hypothèse transactionnelle paraît donc invraisemblable.

Se pourrait-il donc que nous nous trouvions, dans le cas des Iles Eparses aux noms si enchanteurs et évocateurs, dans la situation fâcheuse d’un territoire sur lequel le fait colonial français s’est quelque peu oublié ?

En d’autres termes, la France a-t-elle espéré, par le fait du prince, matérialisé ici par le rattachement par voie de décret un territoire apparemment non revendiqué – mais il est désormais, au moins depuis 1973, formellement revendiqué par Madagascar -, imposer et opposer le principe de l’effectivité qui, en droit international, signifie qu’une situation de fait, parce qu’elle existe et persiste sans contestation, donne naissance, sans autres conditions, à une situation de droit ?

Mais, par rapport à ce principe coutumier du droit international, l’on sait par ailleurs que les conséquences d’un simple décret, si elles ne s’accompagnent pas de faits sociaux significatifs permanents et stables (par exemple, l’établissement d’une colonie d’hommes et de femmes installés à demeure, l’implantation d’installations en dur, etc…) qui engagent le devenir du territoire, ne suffisent pas à créer cette effectivité recherchée. De ce point de vue, en particulier par référence aux éléments que nous exposions plus haut, Madagascar a, en plus du droit, plus de raison d’invoquer l’effectivité d’une présence permanente, stable et sans équivoque sur les Iles Eparses.

L’on sait aussi que ce principe de l’effectivité doit s’effacer devant une norme internationale impérative. Or, figurent parmi ces normes le principe de l’autodétermination et de la décolonisation consacré par la charte des Nations Unies et dont on voit mal comment la France pourrait s’en estimer déliée au cas particulier.

Comme on le voit, la question des Iles Eparses est épineuse et, a priori, la position de la France, dont la souveraineté aux Eparses semble s’envelopper d’un caractère virtuel, nous paraît difficilement soutenable…Madagascar ne semble d’ailleurs pas s’en émouvoir outre mesure…et à notre connaissance, ses autorités n’ont jamais entendu porter cette difficulté – sinon ce litige – devant la Cour Internationale de Justice des Nations Unies de La Haye, seule juridiction compétente dès lors qu’il y a entre Etats un litige territorial qu’ils souhaitent voir tranché juridiquement.

Autre élément déterminant : en 1975, se conformant au droit de la mer, Madagascar a étendu son plateau continental à 200 miles englobant les Iles Eparses.

                                                                               ****

EVOLUTION ACTUELLE ET MODES DE RESOLUTION

Depuis que nous avions fait paraître cet article en juin 1999, dont nous ne faisons qu’en reproduire ici les termes, la question centrale n’a guère changée, et les éléments du dossier, puisque désormais la question des Iles Eparses constitue un contentieux à résoudre, demeurent et doivent être solutionnés, soit sélectivement, soit globalement.

En effet, les éléments du différend, tant sur le plan juridique qu’eu égard aux normes internationales, demeurent fondamentalement les mêmes, ceci en dépit des trois faits complexes suivants intervenus ultérieurement :

. ce n’est que par une loi du 21 février 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, que le statut des Iles Eparses (Bassas-da-India, Europa, Glorieuses, Juan-da-Nova et Tromelin) a été « régularisé », mais au seul regard de la Constitution française, par leur rattachement organique aux Terres Australes et Antarctiques françaises ;

. la présence permanente à Juan-da-Nova d’un détachement militaire français d’une quinzaine d’éléments, renforcé par des installations en dur, a par la suite été décidée d’autorité par la France seule pour un objectif bien précis: pouvoir, à toutes fins, revendiquer une présence effective qui, en l’occurrence et dans les circonstances de la cause, ressemble fort à une occupation ;

. la France et l’Ile Maurice ont, de leur côté, en prenant soin de ne point inviter Madagascar à la table des négociations, récemment conclu par la formule de la cogestion l’administration de l’Ile Tromelin, et dont la ratification, côté français, pose problème.

Au cours de notre mission diplomatique en France, de 2002 à 2008, la question de ces Iles Eparses, qui n’avait alors pas connu ces derniers développements, avait été abordée dans la discrétion voulue par les voies diplomatiques appropriées, ce dans la décrispation et dans un parfait esprit de dialogue compréhensif et de bonne volonté réciproque. La position malgache consistant à faire admettre le principe de la souveraineté exclusive de Madagascar avait été réaffirmée comme étant un préalable à toute autre évocation de solution à négocier mutuellement. Et cela avait été dûment noté par la partie française.

Depuis, et étant donné l’acte unilatéral français constitué par l’adoption de la loi du 21 février 2007 visée ci-dessus, aggravé par une présence militaire d’occupation, il faut reconnaître que non seulement le dossier n’avait pu se débloquer, mais il s’est au contraire complexifié à cause des trois faits français relevés plus haut.

En l’état actuel, l’évolution – voire la révision – du côté français est donc fortement souhaitable afin de parvenir à une solution mutuellement satisfaisante conforme au droit international et dans un esprit de coopération fondée sur des bases saines. L’opportunité de rouvrir les négociations sur des bases mutuellement acceptables est donc à susciter et à saisir à bon escient. Pour y parvenir, il n’y a toutefois pas lieu, comme s’y risquent certains esprits prompts à s’enflammer, à d’emblée placer la question des Iles Eparses devant le tribunal des revendications et à coup d’invectives.

Par contre, il appartient très certainement à la France de sérieusement envisager de considérer préalablement avec l’attention requise la juste position malgache.

Nous ne souhaitons pas que l’adage « Fraus omnia corrumpit » trouve application…

Cela lui évitera qu’à propos des Iles Eparses elle n’apparaisse point devant l’Histoire comme étant objectivement complaisante et prise à défaut devant les différents modes d’annexion territoriale accompagnée ici d’une occupation militaire, ce au moment même où elle a raison de dénoncer fortement un Président Poutine qui, lui, ne s’est pas embarrassé pour annexer par la force armée la Crimée, ce à la mode d’un très fâcheux «Anschluss » allemand des années noires précédant la seconde guerre mondiale.

Dans le cas précis des Eparses en effet, là où par référence à l’article 53 de la Constitution française il est question d’ « adjonction » territoriale, cette subtilité sémantique ne doit pas faire illusion pour conclure à un mode d’annexion, en tout état de cause contraire aux dispositions mêmes du dit article 53 puisque manque un élément essentiel : la nécessité du consentement populaire, sans bien entendu parler d’une infraction au droit international en vigueur, au moins depuis l’adoption de la charte des Nations Unies…Sur ce point particulier, sont en cause, entre autres considérations, les principes intangibles suivants : l’intégrité territoriale qu’impliquent les règles de la succession d’Etat et, accessoirement, celles résultant du droit de la Mer, s’agissant particulièrement des limites de la zone économique spéciale, mais aussi de l’unicité résultant de l’appartenance au plateau continental.

Concernant le seul point de vue du droit de la mer, une récente décision datée du 7 juillet 2014 de la Permanent Court of Arbitration des Nations Unies, basée à La Haye, a tranché en faveur du Bengladesh, au regard de la Convention internationale sur le Droit de la Mer, un litige vieux de dizaines et de dizaines d’années entre ce pays et l’Inde dans le Golfe du Bengal, la souveraineté et l’exploitation d’une vaste zone riche en pétrole et sources marines et sous-marines d’énergie et de pêche.

A la suite de cette décision, les deux pays ont retrouvé une nouvelle sérénité relationnelle.

Faut-il ajouter aussi que la même Cour a très récemment en ce mois de juillet 2016 rejeté les prétentions chinoises, lesquelles évoquaient des « droits historiques » qu’en fait la Chine s’est elle-même arrogée artificiellement (Taïwan adoptant la même position en appui), en multipliant sur les Iles Paracels de la mer méridionale du sud de la Chine des installations qui se veulent « permanentes » et  significatives d’une effectivité territoriale.

La voie de l’arbitrage international, sous l’égide de l’ONU, est donc également une voie possible à explorer…

In fine, nous sommes convaincus que la position française est en train de bouger. A cet égard, nous vous invitons à lire nos deux autres articles parus sur ce même blog : « Recul français à propos des Iles Eparses ? », daté du 17/1/2017; et « La souveraineté des Iles Eparses, Ny Nosy Malagasy : point de la question », daté du 1/10/2017.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo ©

Image

Carte parue dans « Madagascar Magazine » n° 14 de juin 1999


————————————————-

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

————————————————–

LA DIPLOMATIE AU COEUR DU DEVELOPPEMENT DE MADAGASCAR

souveraineté

« Souveraineté » – huile – (jpra)


« Prêcher dans le désert »…!

L’expression, ici comme ailleurs fort malheureusement, prend tout son sens.

Il y a près d neuf ans (!), le 18 mars 2014, nous voulions appuyer par un texte d’une facture raisonnablement optimiste et confiante les premiers pas à l’international du nouveau Président de la République de Madagascar.

Et le 23 juillet 2014, dans la même veine, mais en axant nos propos davantage sur le plan de la pratique institutionnelle et politique, nous développions dans l’article « remettre notre navire à flot » certains autres principes fondamentaux de bonne gouvernance.

Mais, depuis lors, et neuf ans après (!), à l’observation objective de la situation actuelle à Madagascar, nous devons toujours et encore déchanter amèrement, car à l’évidence aucune des options fondamentales préconisées n’est décidée.

On se contente de surfer sur les vagues sans aller au fond des choses ni s’avouer leur grave réalité.

Nous rappelons ces options fondamentales ici à nouveau, ce que nous disions huit ans auparavant (!), car ce que nous développions le 18 mars 2014 dans le présent article et le 23 juillet 2014 dans l’autre article « remettre notre navire à flot », demeure valable et devient d’une dramatique urgence.

Les Malgaches comme nos principaux partenaires s’alarment de cette inaptitude, qui devient maladive, du Président de la République et de son gouvernement.

C’est pourquoi, en cette année 2023 nous reproduisons ici ces écrits sans rien changer des précédents…Nous ne pouvons que maintenir ces écrits sans rien changer tant, « non rien de rien… » comme dirait la chanson, rien n’a toujours point changé, les réalités négatives ont la vie vraiment dure à Madagascar avec de hauts dirigeants si peu conscients…

                                                                            ***

           LA DIPLOMATIE AU CŒUR DU DEVELOPPEMENT DE MADAGASCAR

Le caractère fondamental de la question conduit à imprimer le nécessaire tempo présidentiel par des actes séquencés (cf. notre développement en date du 1er mars 2014 à cet égard sur ce même Blog), notamment dans le domaine diplomatique, ceci afin que les grandes lignes du projet de développement prôné par le Président se dégagent avec la clarté indispensable.

FAIRE SA MUE ET POSER UN DIAGNOSTIC SANS CONCESSION POUR CONVAINCRE ET EMPORTER L’ADHESION

L’un des premiers messages diplomatiques primordiaux à faire passer pour convaincre et emporter l’adhésion de nos partenaires, et afin que ceux-ci sachent bien combien nous maîtrisons notre sort, est de tout d’abord qualifier à sa juste mesure l’ampleur de cette crise et, par conséquent, de définir et ajuster la tâche à accomplir conséquemment.

A ces titres, il faut être conscient que, certes, Madagascar ne sort pas d’une guerre civile ou d’une catastrophe à l’échelle apocalyptique, mais ce pays ne sort pas moins d’une crise latente sans précédent dans son Histoire, qui ne se résume pas « simplement » à un effondrement de ses données ou capacités économiques comme tendent à le faire croire certains esprits qui se « contentent » de parler de « relance » et de prôner la « croissance » comme s’il suffisait de réactiver une machine en réalité totalement déréglée et de toute façon dépourvue de moteur.

Ceci vaut pour tous les acteurs politiques et publics malgaches.

Il est impératif qu’ils cessent de toujours rester dans la posture, de toujours jouer dans la cour médiatique et de cultiver une bonne pensance hypocrite.

Car dans la triste réalité, Madagascar souffre d’une terrible conjonction d’érosions qu’il faut là aussi qualifier à leur juste mesure:

. effondrement des rouages étatiques et référentiels, dévoiement des principes de gouvernance, application erronée des valeurs juridiques, non assimilation par les acteurs politiques des principes élémentaires de la Démocratie, déstructuration du tissu économico-social, paupérisation galopante, qui induisent une aggravation sans précédent de l’état psychologique, sanitaire et alimentaire de la population, un effondrement du système éducatif, perte des références culturelles, un démantèlement des rares industries et des secteurs traditionnels d’exportations,

. le tout dans un contexte de déliquescence morale et éthique généralisée, favorisant toutes les pratiques prédatrices de trop d’acteurs nationaux et internationaux.

C’est donc un pays, ainsi que nous le disions dans nos précédentes écritures, en état actuel de nécessité quasi absolue sur tous ces plans et il ne faut ni le cacher ni l’exagérer mais en prendre l’exacte mesure sur le plan politique.

IMG_5028

« Fructus » (JPRA).


                                                LE NEW DEAL MALAGASY

Les orientations en termes de mobilisation nationale en dépendent.

Et disons-le tout de suite, là aussi en répétant ce que nous préconisions maintes fois : il ne faut point se tromper de point de vue pour ne pas se tromper de diagnostic.

La « réconciliation nationale », notion clamée à tort et à travers tant par les acteurs politiques que par nos partenaires internationaux, qui ne concerne que lesdits partis politiques émiettés et nullement représentatifs, n’a dans ce contexte général aucun sens, là où par contre c’est la re-mobilisation de toutes les forces vives qui est à rechercher ardemment.

Elle induit la « concorde nationale », qu’il convient de susciter et d’instaurer comme étant fondée sur un sentiment collectif de participation à l’effort national. 

Et très rapidement il faut lui donner une traduction institutionnelle, ce au moyen de l’ouverture d’une concertation de tous les acteurs sociaux en vue d’adopter ce qui se présentera comme le « New deal Malagasy ».

A l’issue de ce processus de concertation nationale impliquant les forces vives de la nation tout entière, et dans ce cadre, sera décidé l’« état de nécessité sociale » qui devra se traduire, soit par le vote en urgence absolue d’une loi spéciale de la même dénomination, soit par l’adoption d’ordonnances, et quelle que soit la voie adoptée il faudra poser en principe que :

. dans une durée déterminée à définir, la mobilisation générale sera décrétée pour qu’en termes matériel, financier et logistique, l’Etat dans toutes ses composantes soit mis à même de parer aux urgences sociale, sanitaire et alimentaire sur l’étendue du territoire national,

. ce qui suppose l’adoption de lois de programmation d’urgence correspondantes sur une durée de trois à cinq ans,

. et parallèlement d’une loi de restructuration socio-économique visant prioritairement l’intégration de l’économie dite informelle et la revitalisation des métiers et des très petites et moyennes entreprises.

                                                  PRESENTER UN PACKAGE

En dehors de cet état de nécessité sociale, l’ensemble des nécessités relevées par ailleurs, qui n’entrerait pas dans le cadre de la loi spéciale d’urgence absolue, le « New deal malagasy » devra être complété dans un projet global – un « package » – à défendre avec conviction devant l’Assemblée nationale en engageant la responsabilité du gouvernement.

Ceci pour verrouiller les débats et responsabiliser les uns et les autres.

Il s’agira de présenter solennellement une déclaration de politique socio-économique générale devant le Parlement, impliquant ici aussi des lois de programmation sectorielle en cohérence avec les dispositifs visés plus haut.

Le tout vise à pérenniser l’ensemble du dispositif législatif et règlementaire du « New deal malagasy ».

D’où la nécessité de définir en amont une  stratégie de développement cohérente devant être traduite elle-même par une planification nationale, de caractère essentiellement directif (et non plus simplement incitatif comme c’est le cas actuellement), qui se décline régionalement, localement et par secteur.

Nous avions eu à maintes reprises l’occasion de marteler les nécessités impératives d’une telle  planification servie par une juste vision globale et holistique, qui, au contraire des plans de développement jusqu’ici servis et qui se présentent dans l’esprit de « business plan », suppose que les orientations ne se résument pas à de belles formules incantatoires ni à des objectifs ponctuels semblant s’appuyer sur des leviers au demeurant pris isolément.

En lieu et place d' »orientations », il s’agira de décisions qui doivent se traduire clairement par des engagements programmés, séquencés, chiffrés et intégrateurs, conçus en application d’une politique économique mûrement pensée et définitivement arrêtée.

En la matière, Madagascar possède une expérience réussie durant les années 1950 et 1960 où une tradition planificatrice s’est instaurée avec des résultats tout ce qu’il y a de plus probants (par la suite, on le sait, les excès idéologiques d’une planification autoritaire de la « période ratsirakienne », de mi-1970 jusqu’à la fin des années 1990, a fait perdre à Madagascar les atouts d’une planification intelligente).

Pour qu’elle soit pleinement opérationnelle et efficace dans ses effets macro-économiques, cette planification doit toutefois mêler un double caractère :

prioritairement directif pour tout ce qui concerne les objectifs structurels et infrastructurels,

. et sélectivement incitatif pour tout ce qui concerne les visées sectorielles.

Pour ne prendre qu’un exemple entre mille autres, le « tourisme durable » (« éco-tourisme ») est un excellent choix s’agissant de Madagascar, par ailleurs si riche en biodiversité.

Il est conforme non seulement à cette vocation bio-diverse de Madagascar, mais doit participer d’une volonté économique qui intègre les populations locales dans une même vision de développement durable :

. la préservation de l’environnement et des richesses endémiques, couplée avec le développement d’un réseau local et régional d’accueil (par exemple : valorisation des « hôtely gasy » couplée avec un programme de formation) et celui de l’artisanat local,

. ces secteurs complémentaires, ô combien riches en diversité, pouvant potentiellement servir d’autant de leviers économico-sociaux au niveau local ou régional et contribuer à l’intégration progressive du secteur dit « informel » à l’économie globale .

A ces égards, on évoquera ici qu’en notre qualité de Représentant permanent de Madagascar auprès de l’Organisation Mondiale du Tourisme à Madrid, en 2005 nous avions obtenu de cette organisation internationale du système des Nations Unies son accord de principe pour aider financièrement et techniquement Madagascar à développer un programme national allant dans ces directions.

Malheureusement, l’absence de confirmation du côté gouvernemental malgache avait fait perdre à notre pays cet appui au profit du Burkina-Faso…

Mais, rien n’étant jamais perdu pour toujours, tout reste possible à condition de faire les bons choix avec la sûreté décisionnelle voulue.

Voilà donc, entre autres bases, l’ensemble des messages diplomatiques sur la base desquels notre diplomatie aura à se mobiliser et à s’activer, sachant qu’au-delà des aides budgétaires sollicités et qu’il convient d’obtenir à bon escient, il s’agit aussi, et surtout,  d’attirer considérations, investissements et coopérations en faveur d’un pays qui a déjà, dans un passé récent, de 2002 à 2008, fait la preuve de ses capacités signalées et qu’avait relevé l’ensemble des organisations internationales.

montagnes-si-belles

« Montagnes bleues » (JPRA).


         UNE PROFESSIONNALISATION ACCRUE EN MATIERE DIPLOMATIQUE

Mais, ce n’est pas tout.

Encore faut-il ne point improviser ni abonder dans l’autosuffisance ou l’arrogance.

La diplomatie comme la politique ont horreur de l’amateurisme, de l’improvisation et de la fanfaronnade.

La personnalité et les capacités de notre pays doivent se refléter dans celles d’un corps diplomatique compétent et aguerri. Les postes diplomatiques ne doivent pas être considérés comme des voies de garage ou des lots de consolation pour des recalés de la politique politicienne intérieure.

La compétence et la personnalité du diplomate sont des données permanentes au vu desquelles les hautes autorités accréditaires évaluent la pertinence et le niveau relationnels que la diplomatie malgache entend faire valoir.

Rien n’est plus dommageable que les erreurs d’appréciation et les comportements inadéquats à ces niveaux.

Une autre donnée d’importance à considérer est la continuité relationnelle.

Autant il est normal que le personnel diplomatique se renouvelle périodiquement selon les nécessités, autant au niveau des chefs de mission diplomatique cela ne doit pas influer négativement sur le devoir de poursuivre avec les autorités accréditaires des rapports de respect, de confiance et de considération réciproques que doit favoriser la stabilité relationnelle qu’apporte la continuité dans les objectifs réciproques et dans ses propres orientations.

Ceci, bien entendu, n’interdit nullement des changements sur ces derniers points, mais à condition qu’ils soient dûment et correctement expliqués, présentés et compris, le tout dans un  esprit de dialogue fructueux et de respect mutuel, en faisant preuve de capacité de présentation, quelque fois de plaider avec talent (en particulier dans ce qu’il est convenu d’appeler la « diplomatie parlementaire » au sein des organisations internationales où souvent les débats sont ardus et complexes).

La diplomatie ayant également ses propres règles, nos diplomates devront faire preuve d’un professionnalisme certain, ce qui suppose non seulement la maîtrise de ces règles avec leurs pratiques jurisprudentielles acquises par l’expérience, mais bien sûr une connaissance suffisante des réalités du pays d’accréditation, une faculté à se confronter à des réalités diverses, ainsi qu’une capacité certaine à entretenir les meilleurs rapports individuels avec les responsables du pays accréditaire comme des autres missions diplomatiques.

D’expériences, je sais concrètement combien, à bien des égards, ces nécessités manquent terriblement à nos diplomates…

Il y a là donc, sur ce terrain particulier, un très gros effort spécial à fournir !

                    UN DEPARTEMENT MINISTERIEL A LA HAUTEUR DES ENJEUX

Enfin, pour en revenir au plan structurel, notre dispositif diplomatique au niveau gouvernemental, qui a été particulièrement performant dans les années 2002 à 2009, aura à se redéployer et à se renforcer significativement pour soutenir une politique volontariste de développement durable et de démocratisation.

Ce n’est pas dénigrer notre corps de diplomates que de dire la sorte de sclérose dans laquelle il se complaît. Au contraire, ici encore pour avoir vécu des expériences auprès d’eux, au demeurant enrichissantes, je sais combien intrinsèquement compétents ce corps est. Mais, de par la sclérose des structures et dispositifs propre au département ministériel lui-même, il manque terriblement à ce corps les occasions de briller et d’exercer réellement ses compétences…

Cependant, on se garderait bien d’étaler ici des propositions structurelles concrètes dont la primeur ne saurait qu’être réservée au Président de la République et à son gouvernement s’ils le souhaitent.

Mais, il nous paraît certain que le Département des Affaires étrangères actuel mérite d’être redéployé en incluant d’autres missions en rapport étroit avec les nécessités d’une authentique ouverture internationale que se doit de pratiquer la quatrième plus grande île du monde, dont les potentiels sont aussi immenses que le sont ses vocations à la jointure entre l’Afrique, l’Océanie et l’Asie, en tant que vigie de l’Océan indien occidental, à son appartenance à l’ensemble économique des Afriques australe et orientale, et à sa qualité de bastion de la francophonie dans sa région.

N’oublions pas, à cet égard, qu’en novembre 2005 c’est à Antananarivo, après un intense travail diplomatique que nous avions accompli, que fut adoptée la nouvelle charte de la Francophonie – fort justement baptisée « la Charte d’Antananarivo » – qui fait de l’OIF actuelle une « véritable » organisation internationale de type universel et que, dans la foulée, dès 2006 il était convenu qu’en 2010 le sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie devait se tenir à Madagascar – formellement décidé lors du sommet de 2008 au Québec -, …mais le coup d’Etat de 2009 a tout anéanti !.

En d’autres termes, la géographie comme l’histoire de Madagascar doivent déterminer ses perspectives  diplomatiques.

A ces égards, à nos dirigeants d’en trouver les récurrences positives et porteuses autant que d’en détecter les pesanteurs qui risquent de nous faire rebrousser chemin.

La diplomatie, à l’instar de l’art militaire, s’anime d’une stratégie déterminée et adaptée aux moyens disponibles, déteste la position statique d’attente, mais obéit à une dynamique manoeuvrière planifiée que traduisent des mouvements tactiques conséquents, dosés, sensés et pavés .

perspective infinie

« Perspective infinie » – Huile – (jpra)


                                                                        ***

La « perspective infinie » de notre ambition commune tant souhaitée traduit la liberté retrouvée d’un vécu de lumière.

La voie pour y accéder est actuellement introuvable.

Elle pourrait pourtant être à portée de main si tant est qu’on s’en donnait les moyens par un exercice sans fard de la bonté d’âme, de l’ouverture et de la pénétration d’esprit, ainsi que de la hauteur de vue, au lieu de se répandre en simulacres de maîtrise et en excès d’autorité à la moindre difficulté.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

—————————————————-

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

—————————————————-

LA PENSEE CHINOISE

Image

« Orange, mangue, citron » (jpra)


                                 LE TRIPODE DE LA PENSEE CHINOISE

Il y a, assurément, de la prétention de notre part à vouloir ainsi résumer l’immense étendue et profondeur de la pensée d’un peuple, au demeurant fort diversifié, qu’est celle des Chinois.

Mais, par ce qui suit, et malgré les « risques » réducteurs ou de la tentation à la magnificence, nous souhaitons simplement rappeler quelques repères.

Pour résumer dans la synthèse, nous dirions que la pensée chinoise repose sur un tripode composé du confucianisme, du taoïsme et du bouddhisme. Se nourrissant d’une philosophie de l’action sociale, d’une spiritualité mystique et d’un culte de la négativité, elle se manifeste ainsi globalement pour :

.  atteindre le « Bonheur de l’Homme » ;

. rechercher « la paix dans l’ordre » ;

. et accorder toute son importance à « la nature humaine ».

Pour autant, l’influence de la pensée occidentale n’a pas été sans effet sur les concepts sociaux, mais il est vrai, sans doute beaucoup moins sur l’éthique personnelle.

A cet égard, il est significatif que tout récemment le Président Xi Jin Ping ait rappelé, pour mieux justifier sa lutte actuelle contre la corruption, que les Chinois doivent se référer à leurs propres valeurs éthiques, ceux qui ont fauté en se laissant entraîner dans l’appât du gain facile par la corruption ayant été « nourris » aux pratiques occidentales…

La Chine continentale, à l’instar de Taïwan qui, lui, a gardé et cultivé avec constance le fonds civilisationnel chinois hérité d’une tradition plurimillénaire, est-elle en train de renouer avec celui-ci, signifiant ainsi que le communisme à la chinoise n’en est qu’un avatar ?

                                              CONFUCIUS ET LE CONFUCIANISME

Nous sommes au cœur de la philosophie de l’action sociale et de la conscience collective chinoises.

A l’origine Confucius s’attachait surtout à commenter la tradition des Anciens, c’est-à-dire essentiellement :

. le respect dû au Ciel (à l’ordre cosmique) ;

. le respect des notions classiques du Yin et du Yang, ainsi que de la notion supérieure du Tao avec le doublet Tao-Tö (« le Tao de la vertu »),

le tout devant constituer un « idéal de perfectionnement moral».

La doctrine de Confucius se présente ainsi comme une « doctrine d’action », et son enseignement comme une « morale agissante ».

De là sont nés les préceptes confucéens qui tournent autour de la notion de « Jen » (l’Homme), en somme la « primauté de l’Homme », ce qui implique : sentiment d’humanité envers autrui ; et sentiment de dignité humaine envers soi-même.

Ces préceptes donnent à leur tour naissance à des vertus secondes : la magnanimité, la bonne foi et la bienfaisance.

L’ensemble va se traduire par un système comportemental bientôt érigé en idéologie par les propagateurs de ce qui est désormais admis comme étant les « préceptes et valeurs confucéens ». Il s’agit essentiellement :

. du contrôle constant de soi-même,

. du respect des rites,

. de la politesse formelle qui doit être le reflet de la politesse du cœur,

. de l’idéal chevaleresque,

. de la recherche du perfectionnement en mêlant indissociablement morale individuelle, civique et sociale.

Au stade final de son accomplissement, ces valeurs et préceptes sont destinés à faire atteindre au sommet une « Bonne gouvernance » par l’ « accord des vertus du Prince » avec l’ « Ordre du Ciel ». Et, c’est bien là la finalité recherchée qui se retrouve dans la Chine éternelle, y compris – sans se l’avouer – dans la « Chine communiste » actuelle, mais aussi partout en Asie extrême-orientale…

.  

Planètes 3

« Cosmos », maquette de vitrail -JPRA –


 

                                                       LE TAO ET LE TAOÏSME

Ici, nous pénétrons dans le domaine de la spiritualité mystique, qui est du niveau individuel.

Le « Tao » du Philosphe Lao-Ze (VIème siècle avant J.C), c’est la « Substance cosmique » avant toute spécification. C’est le « Néant de forme ». Rien de ce qui est, n’est en dehors de lui. Il pénètre tout.

Le « Tao » est une force. Il est l’ « Elan vital ».

Mais, le Taoïsme d’origine se référait aux antiques recettes de sorcellerie (la croyance aux esprits) se traduisant par des pratiques sur le contrôle de la respiration (« la gymnastique respiratoire »), afin de conduire l’initié à l’état d’extase et de lévitation spirituelle.

Le Taoïsme est par la suite devenu une voie mystique, qui cependant ne s’apparente point à une « religion », et qui comprend certains principes :

. l’ascèse intellectuelle pour parvenir « à n’être plus qu’une puissance pure, impondérable, invulnérable… ». Bref, à l’état de transcendance ;

. la culture de la sagesse, le sage devant être au-dessus des contingences.

Le but ultime est de s’unir à l’essence même de la Nature pour ainsi s’associer à l’ « élan cosmique ». Pour cela, il faut abolir la « raison raisonnée » (« vomir son intelligence » préconise le taoïsme) et retrouver en soi l’ « Homme naturel ».

Par l’approfondissement de la notion de Tao, le taoïsme a donné à la pensée chinoise une mystique doublée d’une sorte de métaphysique.

                                                LA REVELATION DU BOUDDHISME

Le culte de la négativité est ce qui doit se pratiquer afin d’être prêt pour le stade ultime de la vie.

Bouddha commande d’éteindre « la soif du moi ».

Sa doctrine, métaphysiquement fondée sur la négativité, aboutissait dans la pratique à une « Morale de renoncement, de chasteté, de charité, de douceur ».

Les Chinois crurent au début de la pénétration du Bouddhisme en Chine, que c’était une secte taoïste. De fait, pour traduire en langue chinoise les concepts indiens, les propagateurs du Bouddhisme utilisaient la terminologie taoïste.

Quant aux Confucéens, ils prononcèrent contre «  la religion étrangère » une condamnation sans appel : le Bouddhisme était dénoncé comme anti-social parce qu’il éteignait la famille en laissant péricliter le culte des ancêtres, et que le moine bouddhiste, égoïstement préoccupé de son statut individuel, se montrait indifférent au sort de l’Etat.

Cette querelle devait durer jusqu’aux temps modernes, de sorte que le Bouddhisme continue d’occuper une place relativement marginale bien que réelle, essentiellement dans certaines couches populaires et auprès de personnes âgées…Mais pour autant, bien d’autres personnes appartenant à la classe aisée ou dotées d’une haute conscience intellectuelle et spirituelle viennent bien volontiers au bouddhisme.

                                            UNE  VISION SYNCRETIQUE CHINOISE

On pourrait ainsi rassembler ces enseignements par le fait que les Chinois se voient essentiellement comme en situation de devoir social, tant en termes de responsabilités familiales que collectives et communautaires.

Ce qui, au niveau individuel, n’exclut pas un fort humanisme fondé sur le tripode évoqué ci-dessus, tempéré il est vrai par un réalisme que traduit la vue dialectique inspirée par le Yin et le Yang, la distinction de ces deux éléments fondamentaux doit être reconnue et leur opposition n’étant qu’apparente puisque naturellement ils agissent toujours en symbiose dans une même cause. Ceci induit également une forme – très prononcée actuellement – de matérialisme pleinement assumé, dans ce sens où les biens matériels sont les produits de cette conjugaison et font partie d’un tout et qu’il n’y a pas de honte à les accumuler… 

D’où le fait que dans la vision chinoise, si l’idéal est de rechercher l’harmonie des rapports, les situations de conflit font partie de la « normalité », le tout étant de faire se coexister les oppositions et les faire se conjuguer au lieu de se contredire ou de les mettre en contradiction. Cette conception suggère également, sur le plan de l’Histoire, l’idée du cycle, l’évolution étant une succession de cycles, lesquels peuvent éventuellement nous faire revenir à des situations déjà vécues sans qu’elles soient identiques parce que le contexte présent diffère de celui d’avant…

Je ne saurais terminer sans évoquer mon ancien professeur de philosophie chinoise des années 1970 à l’Institut National des langues et Civilisations Orientales de Paris, le très regretté Père François Huang, membre de la congrégation catholique de l’Oratoire. Ses cours et son enseignement étaient un véritable délice, et ce n’est pas peu dire. Car, l’homme d’Eglise, bien sûr demeuré foncièrement Chinois, mais si imprégné de la religiosité du Christ, des interrogations philosophiques de Pierre Teilhard de Chardin et de la culture occidentale, avait le bon goût de nous faire comprendre la pensée chinoise à travers…la gastronomie chinoise et ses fines subtilités !

Quoi de plus attrayant et de plus nourrissant en effet, surtout que ses explications s’accompagnaient quelques fois de dégustations dans les rares restaurants chinois de la capitale française, dignes d’éloges !

Les amateurs de cuisines et de mets chinois peuvent très bien imaginer les correspondances à établir entre la richesse, la subtilité, la profondeur et la capacité d’emport de ceux-ci et leurs équivalents dans la pensée chinoise…          

      Jean-Pierre Razafy-AndriamihaingoDiplômé Supérieur d’Etudes Chinoises de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) de Paris.

* Résumé de mes cours et conférences donnés, de 1989 à 2001, dans le cadre d’un module « Stratégie des affaires en Chine et au Japon » au sein d’universités et d’écoles de commerce françaises.

 

Article soutenu par : « FOCUS CHINE – YING & JP ASSOCIES »

 

————————————————————————-

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

——————————————————————–

HARO SUR LES CATASTROPHES ECOLOGIQUES D’ORIGINE HUMAINE

Image

« Bananes sur bol de cristal » (jpra)



PROPOS LIMINAIRES

Cet article fut écrit le 11 mars 2014, mais plusieurs mois – voire années – après, puisque absolument rien n’a changé, ses termes demeurent toujours d’une brûlante et terrifiante actualité.

Car, la très récente catastrophe écologique de Tianjin (Chine) en 2017 s’ajoute à une liste désormais extensible à l’infinie au train où vont les choses.

Et que dire de l’actuelle pandémie d’une extrême gravité qu’est le CODIV-19 dont on ne connait pas encore les terrifiantes conséquences sur les conditions de la vie humaine. Car, désormais on a bien conscience que rien ne sera plus comme avant  et au moment où nous écrivons ces lignes, personne ne peut encore imaginer comment et dans quelles conditions l’humanité tout entière pourra se réorganiser pour revivre normalement, si tant est qu’elle puisse jamais se relever pour vivre « normalement »…

En tout cas, nous avons une conviction. Qu’il s’agisse de catastrophes écologiques ou de fléaux pandémiques et autres dangers sanitaires, tous ont un dénominateur commun:

. le fait de l’Homme, par des pratiques prédatrices, de surexploitation et de manipulation insensée de la nature et de la biodiversité…

Et c’est nécessairement l’écosystème au sein duquel Homme et Nature, créatures biologiques interdépendantes, qui est plongé dans un dérèglement fatal et dans la souffrance…

              HARO SUR LES CATASTROPHES ECOLOGIQUES D’ORIGINE HUMAINE

La catastrophe nucléaire de Fukushima, intervenue le 11 mars 2011, nous rappelle qu’il ne suffit pas à l’espèce humaine de subir les affres de la nature : tsunami, tempêtes, ouragans, tornades, tremblements de terre, incendies, inondations, retombées de météorites, et autres fléaux ; il faut encore qu’elle y ajoute ses propres erreurs, inconséquences et bêtises.

LES PRECEDENTS

Sans aller chercher aussi loin que notre époque actuelle, la liste de ces catastrophes est beaucoup trop longue d’une année sur l’autre, avec la horde des victimes inconsolables, depuis que l’ère de l’industrialisation, de la mondialisation et du profit pousse l’Homme à exploiter sans limite une nature perçue comme une simple matière première …supposée inépuisable.

. En 1953, en plein essor économique le Japon avait connu la première grande catastrophe écologique par la contamination des eaux nourricières d’une région entière due au déversement chimique d’une importante usine ;

. l’année suivante les essais nucléaires de Castle Bravo aux Etats-Unis irradiaient tout un ensemble d’archipels à Rongelap, et 25 ans après, un accident nucléaire endeuillait à nouveau ce pays à Three Islands ;

. l’Italie, 22 ans après le Japon, connaissait également sa première catastrophe chimique à Seveso ;

. en Inde l’explosion en 1984 d’une usine de pesticide à Bhopal semait la mort partout ;

. et voilà qu’en 1986 à Tchernobyl, la plus grande catastrophe nucléaire de tous les temps, en attendant sans doute d’autres à venir, continue de nos jours à étendre ses effets néfastes sans que l’on puisse savoir exactement comment en évaluer l’étendue sur l’Europe entière;

. en France, en 2001, les explosions meurtrières de l’usine AZF à Toulouse hante encore les esprits quant à l’incapacité de l’Homme à maîtriser suffisamment les éléments chimiques qu’il manipule;

. la Chine conquérante ne cesse de multiplier les « exploits anti-écologiques » en milieux urbains comme ruraux avec des usines qui tournent à fond et qui broient l’Homme lui-même jusqu’à atteindre des proportions inouïes, le tout aux noms de la richesse et de la prospérité de ses habitants…

QUID DE L’AFRIQUE ?

Quant à l’Afrique, et pour ne citer que ces exemples, on n’oublie pas qu’au large du Nigeria et de la Côte d’Ivoire des superficies entières de nappes de pétrole envahissent littoraux et bras de mer, sans parler des dévastations écologiques, environnementales et humaines provoquées par les terrassements quasi sauvages de montagnes entières pour l’exploitation minière, y compris à Madagascar.   

Au résultat, c’est tout l’écosystème mondial, y compris le renouvellement de toutes les espèces vivantes, l’équilibre végétal, le milieu de vie, la qualité environnementale, et la santé qui sont en danger.

Devra-t-on constater qu’à cause des pesticides notamment, les abeilles disparaissent à tout jamais sur terre, pour enfin prendre conscience que c’est tout un pan de la vie qui est d’ores et déjà irrémédiablement menacé dans de multiples régions du monde ?

Devra-t-on attendre d’enregistrer un « seuil limite » d’intoxications alimentaires pour interdire l’inclusion à l’échelle industrielle de composants chimiques dans de plus en plus d’aliments, et dont on connaît pertinemment la toxicité ?      

2015, L’ANNEE DES ESPOIRS DECUS ?

Sur un plan global, 2015 se profile comme étant l’année onusienne des grandes décisions environnementales avec l’accord de Paris issu de la COP21.

Mais, qu’en attendre de sérieux quand on sait que les mêmes protagonistes vertueux ont érigé en système de protection de la couche d’ozone la possibilité d’acheter des permis de polluer à coups de dollars ?…

Que dire également quand on sait que des pays membres à part entière des Nations Unies, que sont certaines petites îles du Pacifique ou de l’Océan indien, de même que des régions entières, risquent tout simplement de disparaître de la mappemonde sous les flots à brève échéance, notamment à cause de la montée des eaux principalement due au réchauffement climatique ?

Dans le système de valeurs de l’action publique comme dans la conscience collective de tout « citoyen du monde », où que l’on se trouve dans ce bas monde, la dimension écologique a encore d’énormes progrès à accomplir.

Or, signe de ces temps où le blasphème et la provocation se disputent la primeur de la publicité, ne voilà-t-il pas que l’industrie et le commerce se sont largement emparés de la marque écologique pour en faire des arguments de vente et de concurrence…loyale ?  


N’en déplaise à M. Nicolas Hulot, devenu ambassadeur français chargé de préparer la Conférence mondiale sur le Climat qui s’était tenue à Paris en 2015, le « moment clé » pour l’humanité, comportant comme objectif de réduire de 2°c le réchauffement climatique d’ici la fin du XXIème siècle, sera certainement déçu.

A moins d’un sursaut, ainsi que l’assignent les dispositions pertinentes de l’Accord de Paris.

Mais à ce niveau, au lieu que les nations les plus riches de cette planète Terre se renvoient la balle et fassent la leçon aux nations émergentes, elles feraient mieux, préalablement, de commencer par remplir la caisse décidée au dernier Sommet de Copenhague et promise à hauteur de cent milliards de dollars à l’horizon de…2015.

Or, Dieu seul sait combien de dollars sont engrangés dans cette caisse à ce jour, seule semble-t-il la France avait pu annoncer le versement de un milliard de dollars à l’occasion du Sommet de New-York sur le Climat en 2014…

La dimension écologique doit impérativement dépasser la sphère politique, industrielle ou commerciale et investir celle de la morale et de l’éthique, seul niveau qui permettra de dépasser clivages, hésitations et exploitations.

Certes, cela suppose assurément que la pensée politique, économique et sociale de ces temps modernes se mette à l’œuvre, sans doute dans la suite de Keynes (eh oui !…), pour inventer dans l’esprit d’un « rapide développement durable » un autre ordre socio-économique adapté aux besoins de l’Homme d’aujourd’hui et des siècles à venir…

Utopie ?

Songeons que, ainsi que l’influent World Wildlife Fund (WWF) l’indique sous forme d’alerte générale, plus de 52% de la population mondiale de poissons, d’oiseaux et de mammifères ont définitivement disparu de la planète Terre entre 1970 et 2010, la palme destructive revenant aux habitants des richissimes royaumes du Golfe arabique, des Etats-Unis et de pays émergents à forte croissance économique…

Au jour d’aujourd’hui, nul doute que cette oeuvre de destruction humaine de la biodiversité de laquelle dépend l’Homme biologiquement, se poursuit avec une inconscience criminelle.

L’actuelle catastrophe sanitaire du CIVID-19 commande à l’humanité entière, ses hauts responsables en tête, de se mobiliser sans délai pour mettre un terme aux pratiques actuelles et parvenir à ce nouvel ordre socio-économique auquel en son temps Keynes avait appelé ses prédécesseurs…à l’époque des bouleversements provoqués suite aux guerres mondiales du XXème siècle…

En ce début du XXIème siècle, il est temps qu’un Monde Nouveau émerge…sinon, la fin de l’Humanité s’annoncera inexorablement à vitesse grand V.

                                                                                            Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

————————————————————-

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

————————————————————-

HYMNE A LA PAIX, A LA GENEROSITE ET A LA CONCORDE – HOMMAGE A CLAUDE MONET.

Image

« Nénuphars du Lac d’Ambodiakondro » (jpra)


                         LA GALERIE DE LABODIPLO – III –

  HYMNE A LA PAIX, A LA GENEROSITE ET A LA CONCORDE

En peu de mots, mais par le cœur et par l’énergie de l’esprit, je souhaite rendre un hommage particulier à mon « peintre préféré », à l’inventeur de l’Impressionnisme, mais aussi à celui qui, étant un ami intime du « Tigre », Georges Clemenceau, le vainqueur de la Grande Guerre de 1914-18, doit lui être associé :

Claude Monet !

Cet hommage a pris un sens particulier en 2018, année du Centenaire de la fin de la Grande Guerre de 1914-18 et de la victoire finale à laquelle les combattants malgaches avaient pris leur juste part.

C’est pourquoi, l’autre sens que j’avais donné, en cette année 2018-là à cet hommage était aussi en rapport avec cette importante contribution de Madagascar et des Malgaches à l’effort de guerre, aux combats décisifs sur tous les fronts, y compris aériens, à la logistique et à la santé des armées, bien trop oubliée, voire occultée.

Ainsi, m’étant inspiré bien modestement des « Nymphéas » de Claude Monet, j’avais consacré à cet hommage à ces Malgaches courageux et couverts de gloire ma série intitulée « Nénuphars du Lac d’Ambodiakondro » (ce lac est un lieu mémoriel de mes terres ancestrales). – voir les reproductions ci-après -. 

Au Musée de l’Orangerie à Paris, chacun peut savourer en permanence l’immense œuvre murale de Claude Monet, « Les Nymphéas », un hymne à la Paix, à la Générosité et à la Concorde qu’il offrit à la France de son ami intime Georges Clemenceau au lendemain même de la signature de l’Armistice du 11 novembre 1918 dont « le Tigre » fut le maître d’oeuvre.

En l’année 2018 qui avait marqué en novembre le centenaire de la fin de la grande déflagration mondiale, où près de quarante mille combattants malgaches étaient venus jusqu’en Europe défendre la Liberté dans une inédite fraternité d’armes mondiale, ce message du Peintre garde tout son sens car les périls nés de la bêtise humaine n’ont pas disparu, et sans doute jamais.

C’est pourquoi, d’année en année, à travers le temps ce message demeure.

Voici donc, à travers quelques figures faisant partie d’un grand triptyque de mes modestes « Nénuphars du Lac d’Ambodiakondro » (qui se présente comme un paravent à la manière japonaise) et de deux autres de mes tableaux exposés ci-après,  mon hommage à ce grand visionnaire universel que fut Claude Monet, et à travers lui, à tous ces combattants de mon pays, Madagascar, dont les sacrifices furent immenses.

                                                                         Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

                                   (Acryliques sur papier Canson – JPRA – reproduction interdite)

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Ces figures font partie d’un même triptyque, par conséquent conçues, soit pour s’aligner à la manière d’un paravent à la japonaise, soit pour s’agencer en panneaux muraux à la manière de ceux de Claude Monet au Musée de l’Orangerie à Paris.

J’y ajoute ce tableau « Tatamo » (acrylique sur toile) qui évoque la luminosité retrouvée, et les « Bleuets sur les monts » (acrylique sur papier doré) évoquant la reprise de possession des terres par une nature renaissante sur les lieux de bataille :

Tatamo

Mont fleuri

Bon visionnage.

Et que Paix,

Générosité

et Concorde

se conjuguent toujours !

                                                                               Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

————————————————————————————————————-

REPRODUCTION, MEME PARTIELLE, INTERDITE DES TEXTES ET ILLUSTRATIONS

——————————————————————–

AUX FEMMES ET A LA FEMME MALAGASY

Image

« Hommage à la femme malagasy » – Acrylique sur toile – Jipiera – Reproduction interdite –


Comme pour les années précédentes, ce 8 mars c’est très volontiers que nous célébrons LA FEMME dans ses droits, sa dignité, ses combats, au quotidien comme en permanence et dans l’espace, surtout dans un contexte international dramatique pour trop de femmes, notamment dans des pays rongés par le mal terroriste ou plongés dans l’obscurantisme d’un autre âge.

Une telle célébration doit être l’occasion d’un renforcement des consciences au-delà même des droits auxquels la femme n’a toujours pas accès dans certaines régions du monde ou dans certaines circonstances. Une telle célébration nous donne plus spécifiquement l’occasion d’avoir une pensée profondément reconnaissante aux femmes de Madagascar, si diverses dans leurs personnalités (voir sur ce même Blog l’article daté du 16/11/2014 intitulé « Portraits de femmes malagasy »).

Or, elles vivent actuellement des moments particulièrement difficiles au milieu des tracas de la vie quotidienne dans un pays traversé par divers troubles, auxquels s’ajoutent ces derniers temps et en ce moment même, ici les dévastations de la sécheresse, là celles d’inondations les plus graves qu’ait connu le pays, et ailleurs d’invasion de criquets ravageurs ou autres dérèglements de la Nature.

C’est pourquoi, bien au-delà de la célébration d’un jour, aussi faste doit-il être, c’est dans la permanence qu’il convient assurément de défendre, promouvoir et pérenniser les droits et la condition de la femme, partout et avec détermination

                       AUX FEMMES ET A LA FEMME MALAGASY

J’emprunte bien volontiers les passages suivants de l’intervention remarquée (dont le quotidien « Nice Matin » s’en était fait l’écho) de mon regretté père, représentant de Madagascar lors du Congrès mondial de l’Institut International des Classes moyennes, qui s’était tenu début novembre 1960 à Nice avec la présence de nombreux ministres européens, dans laquelle il rendait ainsi hommage aux femmes malagasy au moment où Madagascar venait de recouvrer la souveraineté internationale :

« …Madagascar est avec ses partenaires de toutes les nations du monde soucieuses du progrès humain dans l’épanouissement des valeurs morales et spirituelles…Il faut ajouter que l’évolution de la femme est indispensable au développement d’un jeune pays indépendant. Un pays où la femme n’évoluerait pas est un pays voué à un handicap dangereux. Ce n’est heureusement pas le cas de Madagascar où, depuis longtemps déjà, les rangs des classes moyennes comptent un grand nombre de femmes ».

C’était aussi pour lui une manière de rendre hommage à sa femme, ma regrettée mère, qui venait elle-même, dans le même cadre mondial, de faire un exposé sur la condition féminine à Madagascar.

En rétrospective, ce double hommage vient opportunément en la « Journée mondiale de la Femme » du 8 mars, jour de célébration de ses droits, en ces moments où dans d’autres contrées sa souffrance quotidienne scandalise, notamment en cette période de crise latente à Madagascar, pays dans lequel la Femme malagasy, dans quelque activité qu’elle s’adonne, fait preuve d’un courage extraordinaire pour s’ouvrir à l’espoir.

Il rappelle combien le combat pour la vie comme celui de la dignité et la culture de la sagesse doivent fondamentalement à la Femme, matrice première et vers laquelle et en qui tout finalement se ramène puisqu’en ce bas monde tout doit se renouveler et se réinventer.

A l’heure de la pandémie de la Covid-19, ici et là dans ce bas monde, et à celle de la sempiternelle reconstruction à Madagascar, il n’est point de projet qui tienne, tant sur le plan économique que social, culturel ou moral, sans que le rôle de la Femme soit à souligner, voire à s’imposer. 

En France même, là où par exemple, au pire des moments et au-delà des armes il fallait se dresser et résister ardemment contre toutes les formes d’avilissement durant la seconde guerre mondiale, et faire revivre les valeurs, des femmes d’honneur, de caractère, de courage, d’intelligence, de droiture et de générosité telles les Geneviève Anthonioz-De Gaulle, Germaine Tillion ou Edmonde Giscard-d’Estaing, ont été de grandes figures de proue, et auxquelles il convient aussi d’ajouter Hélène Lefaucheux, femme admirable qui avant-l’heure était aux avant-postes pour défendre dans le contexte de la guerre mondiale de 39-45 et dans les années suivantes, l condition féminine à travers le monde.

Les deux premières d’entre elles sont désormais, sur le tard et enfin, admises en cette année 2014 au Panthéon des héros français à Paris. Ma mère, une jeune Malagasy fraîchement diplômée de l’Ecole du Louvre, fut leur fidèle compagnonne comme Résistante à Paris durant ces années de braises, se consacrant notamment au péril de sa vie, avec son mari et malgré la naissance de leur toute jeune fille, à la libération et aux soins de nombreux prisonniers malgaches et réunionnais, puis aux combats pour la libération même de Paris.

Elle ne s’acquittait pas moins de sa fonction de chargée de mission au Musée de Versailles et des Trianons  sous la direction du conservateur en chef Maurichaud-Beaupré, non sans revêtir par la suite l’uniforme des fameuses Forces Françaises combattantes (FFC) dans la logistique, ce jusqu’à la fin de la guerre, avant de prendre, dès 1946, la direction de la conservation du musée du Palais de la Reine, aujourd’hui connu sous son nom de « Rova d’Antananarivo », ce jusqu’à fin 1961.

A cette date, c’est le Président Tsiranana lui-même qui voulut qu’elle soit le conseiller culturel de l’ambassade de Madagascar au Royaume-Uni où son mari venait d’être nommé ambassadeur.

Ses éminents services lui valurent de nombreuses distinctions et décorations françaises à titre militaire et civil, ainsi que malgache.

Image

Ma mère entourée de ses deux filles Laurence et Monise, de ses neveux Marius Razafindrakoto et Maurice Razafindratsima (Saint-Cyrien), et de son mari, lors du Bal des Débutantes au Palais Garnier de Paris le 29/11/1962, placé sous la présidence de S.A.R la Princesse Pia d’Orléans-Bragance – Archives personnelles – Reproduction interdite –


L’occasion m’est ainsi donnée de lui rendre un hommage tout filial, affectueux, ému et vivement reconnaissant.

Curieusement, la France,  la patrie putative des libertés républicaines et des droits de l’Homme, devra cependant attendre les lumières de l’après-guerre du Général de Gaulle pour instituer le droit de vote pour les femmes. Et dire également que vous, femmes françaises, vous n’avez obtenu le droit d’ouvrir un compte bancaire en votre nom propre et pour vous-même qu’en 1965…!.

Par ailleurs, en considération de l’Histoire mouvementée de Madagascar, je ne peux que rendre un hommage particulier et profondément respectueux à ces femmes historiques malagasy, toutes bousculées par la violence des réalités ambiantes mais tenant ferme la barre royale, à commencer par nos fameuses reines de la période de fondation de la royauté que furent Rafohy et Rangita à la fin du XVème siècle, celles aussi, à des fortunes diverses, du XIXème et du XXème siècles, à l’exception de Ranavalona 1ère  « la terrible », mais avec des sentiments compatissants pour  Rasoherina, Ranavalona II et Ranavalona III qui eurent plus à subir la volonté de ceux qui les avaient installées sur le trône.

A des fortunes diverses et à des mérites divers, elles ont au final contribué à bâtir une nation confrontée aux dures réalités d’un monde agressif et masculin sans cesse en recomposition.

Bien entendu, et de façon hautement distinctive, comment ne pas citer Victoire Rasoamanarivo, notre Sainte (Labodiplo lui consacre par ailleurs une série de trois article sous le titre générique « Victoire Rasoamanarivo, notre Sainte », datés respectivement du 23/7/2015, 2/8/2015 et 11/1/2016). Et dans les temps modernes et pour ses combats au niveau politique, citons Gisèle Rabesahala…

Et partout et de tous temps, tant à Madagascar que dans d’autres contrées, elles sont si nombreuses et de plus en plus actives, qui font l’admiration de tous et de l’humanité. Je citerais bien volontiers Simone Veil, Gisèle Halimi, toutes celles qui continuent de combattre au quotidien comme de façon ciblée pour faire avancer la cause humaine. Oui ! Femmes ! On vous aime et on vous soutient dans vos combats si justes !

En tout cas, toutes bénéficient de l’affection des leurs et c’est si amplement mérité ! 

Quant aux « miennes » – passez-moi l’expression -,  à celles de mon cercle familial : à ma très regrettée défunte épouse, à mes deux filles, à mes deux sœurs, à ma belle-mère, à mes belles-sœurs, à mes tantes, à mes cousines, à mes amies…, bref à toutes, dont j’apprécie les œuvres respectives dans leurs domaines d’excellence : Bonne Journée, bonne continuation et que Dieu vous garde ! 

                                                    DIVERSITE DES FEMMES MALAGASY

Mais, au sujet de la diversité de ces femmes malagasy, je me dois ici avec grande émotion de t’évoquer ma très chère et tendre épouse Roberta, toi qui nous a quittés le 10 juin 2018. Tu avais assuré avec enthousiasme ton rôle de représentation auprès de moi en ma qualité d’ambassadeur de Madagascar auprès de maints pays et d’organisations internationales, toi Roberta Faulhaber – de ton nom de jeune fille –  qui fut peintre, tu avais tenu en 2004 à dessiner les portraits de quelques femmes Malagasy de différentes régions de Madagascar, lesquels ornaient joyeusement des pans de murs de la Résidence de Madagascar à Paris.

En voici des exemples (Reproductions interdites)  :

femmes gasy 1

femmes gasy 2

femmes gasy 3

femmes gasy 4

 Les régions d’origine de ces femmes figurent au bas de chaque portrait.

Enjoy !

Pour terminer, – « last but not the least » comme diraient nos amis English, –  l’héritage du beau et juste combat des femmes ne doit, me semble-t-il, pas être édulcoré, voire dénaturé, par une certaine forme de ce « féminisme » guerrier qui adopte bien volontiers certaines méthodes agressives ou provocatrices qui, me semble-t-il également, ne servent pas nécessairement la cause de la Femme.

Avec respect mais fermeté, j’ai envie de dire: Femmes, restez femmes, soyiez fortes, déterminées, exigeantes et dures contre la bêtise, l’ignorance, la violence, l’irrespect, mais de grâce n’adoptez pas les méthodes brutales de certains hommes en mal de virilité…!

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

————————————————————————————————————————————————–

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
———————————————————————

OPTIMISER LES RAPPORTS ECONOMIQUES ET D’AFFAIRES AVEC LE JAPON ET LES JAPONAIS

Image

« Nature » (Jipiera) – Reproduction interdite – 


OPTIMISER LES RAPPORTS D’AFFAIRES AVEC LES JAPONAIS

 

La Chine est encore en pleine expansion, ce sur tous les plans, et sans doute encore pour longtemps, et impose son expansionnisme avec « Les nouvelles routes de la soie ».

Par comparaison le Japon, jadis en tête des performances économiques jusqu’à l’orée de ce XXIème siècle, multiplie actuellement les difficultés.

Cette conjoncture n’entame cependant pas les structures demeurées solides d’une société et d’une économie japonaises dont les ressorts, en dépit d’une population vieillissante, sont intacts.

Et depuis l’année 2019, à la double faveur de l’intronisation du nouvel Empereur Naruhito et de la nouvelle « Ere Rei Wa » qui accorde un rôle croissant à la Femme et qui constitue désormais la réponse japonaise à l’expansionnisme chinois, le relèvement annoncé du Japon est pleinement assumé par tout un peuple à nouveau mobilisé.  

De plus, les défis que le Japon a décidé de relever stimulent sa capacité à surmonter ses handicaps, aidé en cela par ses expériences historiques d’un pays qui jamais n’a connu de domination étrangère, à l’exception notoire de la défaite de 1945 face aux Américains, provoquée par la dévastation nucléaire.

C’est dire combien les Japonais, spécialement à travers leurs réalisations, continuent de fasciner et combien il est important de savoir entretenir avec eux des rapports mutuellement fructueux en termes économiques ou culturels, surtout si l’on envisage ces rapports sur le long terme.

                                                         L’INTERÊT DE LA QUESTION

Il faut ajouter que la relationnelle Japon-Afrique, et en son sein celle entre le japon et Madagascar, prennent actuellement un  relief particulier avec les nouvelles orientations de coopération contenues dans le « TICAD VI » dont les assises ont, pour la première fois, eu lieu en Afrique même, à Nairobi.

Cette relationnelle du Japon avec l’Afrique prend de l’ampleur et les éditions suivantes, « TICAD VII » et « TICAD VIII », se suivent à un rythme régulier tous les trois ans. Cette relationnelle fondée sur des projets structurants contre-balance un face-à-face pesant de l’Afrique avec les investissements massifs chinois…

Une approche globale est d’autant plus nécessaire, que voir la relationnelle avec les Japonais à travers le seul prisme des intérêts matériels et mercantiles est voué à l’échec.

Au-delà des aspects juridiques sur lesquels on pourra revenir, il est fort utile de connaître quelques clés pour la négociation et l’établissement de bons rapports avec les Japonais.

Elles sont de quatre ordres.

Ma petite expérience des années 1980 comme Conseil du secteur français de la Patisserie-Boulangerie (ô combien représentatif du « french way of life » !) désirant « exploiter » le marché japonais m’a beaucoup appris et confirmé dans mes connaissances vécues.

On relèvera que l’ensemble de ces clés, ou certaines d’entre elles, ont servi, et peuvent toujours et encore servir, globalement ou sélectivement, comme autant de références à une économie moderne en construction ou à la recherche de leviers normatifs, en Occident et ailleurs. Au demeurant, la plupart d’entre ces références a fini par régir nos économies modernes et nos modes de consommation actuels.

Japonimse 9

« Japonisme », acrylique sur papier doré (Jipiera) – Reproduction interdite –                                                      

                                                 LES FACTEURS SOCIOLOGIQUES

Une trajectoire personnelle ou personnalisée de type individualiste du genre « do it yourself » ou procédant d’un esprit de conquête à l’américaine n’est pas recommandée au Japon.

Mais, ce n’est pas pour dire que le facteur humain n’intervient pas. Au contraire, il se manifeste à travers l’importance des liens interpersonnels générés par une étroite interdépendance existant entre les différents acteurs à l’intérieur d’une chaîne économique où chacun tient son rôle.

Bien choisir et bien connaître son circuit économique, sa chaîne de distribution, et établir avec lui, avec elle, des liens de confiance réciproque constitue donc une clé majeure. D’une façon générale, chaque circuit, chaque chaîne est « parrainé(e) » par un établissement financier ou par une structure commerciale répartitrice. 

Une autre dimension d’importance est la règle du « triple zéro », le chiffre zéro étant conçu comme représentatif de l’absence d’aspérité dans le sens négatif de ce terme.

Tout d’abord le « défaut zéro » : la qualité intégrale (du produit, des services, etc…) est exigée.

S’agissant des délais de livraison, leur adéquation avec un temps minimum de stockage et avec une bonne logistique est d’autant plus nécessaire que d’elle dépend maintes satisfactions et qu’elle permet de réduire les coûts d’immobilisation, ce qui se traduit par le « stock zéro ».

Mais, on l’a compris, ni « défaut zéro » ni «stock zéro » n’étant synonymes de vitesse ou précipitation, il s’agit toujours d’assurer sa présence « just in time », c’est-à-dire à bon escient, ce qui induit une bonne connaissance et une maîtrise du temps, de l’espace et du marché : « délai zéro ».

Au Japon, sans doute plus qu’ailleurs, le consommateur est « cultivé », ce qui le rend très exigent, notamment en termes de : qualité intrinsèque du produit, mais aussi du service après-vente ; qualité de présentation (emballage, étiquetage, notice d’information) ; d’adaptation du produit au goût local (taille, couleur, symbolique, etc…) ; d’obsolescence rapide du produit (d’où nécessité au Japon d’innovation et de renouvellement de gammes) ; d’anticipation sur les tendances nouvelles ; de confort d’utilisation et d’esthétique.

Une autre caractéristique à retenir est l’importance de la communication. Le Japonais a soif d’informations. Disposer d’un réseau performant et diversifié d’agences de publicité et de média est donc indispensable.

                          LES PARTICULARITES MENTALES ET PSYCHOLOGIQUES

Il n’est un secret pour personne qu’il existe au Japon une culture d’entreprise très développée. Encore faut-il savoir ce que cela recouvre.

C’est tout d’abord la stabilité de l’entreprise : sûreté du projet, stabilité des structures, prestige de la marque induit par le sérieux de l’entreprise et la qualité de ses produits. Mais, cette stabilité doit également être le résultat du dévouement, de l’attachement et de l’efficacité.

Qui ne sait pas que le respect de la hiérarchie au Japon est fondamental ? Là également, il faut savoir ce que cela signifie. Pour l’essentiel, ce respect est la traduction d’un souci permanent d’harmonie. C’est la base d’un fonctionnement harmonieux de toute structure humaine. Ceci se matérialise structurellement par une typologie relationnelle à l’horizontal, c’est dire le rôle central joué par le dirigeant, tant au sommet de la hiérarchie où les directeurs sont à la fois des animateurs et des médiateurs, qu’aux niveaux intermédiaires où les cadres moyens jouent leur rôle de transmetteurs en amont et en aval.

Quant au processus décisionnel, il obéit au principe consensuel. Tant au sein de l’entreprise qu’au sein du même circuit ou de la même chaîne de distribution auquel ou à laquelle on appartient, la concertation est permanente. Par le « Ringi », tous les responsables signent et formalisent sur un même document leur accord atteint par consensus, ce même si les discussions qui l’ont précédé ont traînés en longueur. Car, les confrontations directes ne sont pas de mise, la recherche de l’harmonie étant la règle, tout comme la capacité d’écoute et l’attitude coopérative, le tout dans la sincérité ou dans l’abnégation si nécessaire.

Tout ceci a un objectif partagé : créer un climat de confiance mutuelle. Ce qui suppose, pour le non Japonais, de d’abord s’intéresser à la culture japonaise, éviter l’attitude conquérante ou de confiance ostensible de soi, mais créer un contact personnalisé. Concrètement, cette confiance peut être précédée d’un « exercice » de test par lequel, par exemple, vous serez jugé par votre capacité à tenir des délais ou à respecter des conditions de livraison.

Quant au recours à un interprète (même si vous parlez le japonais) et aux intermédiaires pour obtenir des introductions, cela fait partie des « rites des affaires » au Japon. Car, des « rites » comme des coutumes, il y en a beaucoup dans ce pays, ce qui souvent fait son charme à condition de les respecter !

Qu’il s’agisse de formules de salutation, de présentation de cartes de visite, de comprendre les sous-entendus ou les signes non verbaux, les Japonais en jouent quelques fois. Dans tous les cas, il faut savoir distinguer les « tatamae » (comportements ou expressions visibles et directs, ou de façade) des « honne » (sens profond ou sous-entendu ou intention réelle).

Enfin, il faut savoir que les cadeaux (de bon goût…) et autres « rites » de bonne convivialité font partie intégrale de la culture japonaise aussi bien dans la vie privée (signe d’estime et de remerciement) que dans la vie professionnelle (obligation : « giri ») où, souvent, il faudra aussi consentir au « rite » (non systématique) de la tournée des bars et des chants (du moins pour les hommes)… !

Et donc, d’y faire bonne figure sans trop en faire…car il y va de votre image, voire de votre « réputation ».

                                               LES JEUX D’INFLUENCE

Tout ce qui précède participe de ces jeux d’influence caractéristiques des sociétés asiatiques.

Au Japon, le « nemawashi » (« étendre ses racines ») s’exerce quotidiennement. Par exemple, pour optimiser une réunion ou tenter d’emporter l’adhésion d’un interlocuteur ou d’un groupe d’interlocuteurs, il sera utile de mettre certaines personnes au courant d’un projet afin de tâter le terrain, de les rallier au projet ou de le modifier.

Quant au « kone » (« piston » ou faveur matérielle), il s’agit de savoir pratiquer à bon escient les « rites » précédemment décrits pour l’obtenir.

Mais, bien entendu, tout étant question de tact, de sincérité et de respect mutuel, la limite de ces jeux d’influence est la corruption, pratique qui de toutes les façons grillera pour toujours quiconque serait tenté de s’y adonner.

-Mon katana et ses pommes 2

« Le Katana et ses trois pommes », pastel sec – Jipiera – Reproduction interdite –

                             LES PARTICULARITES DU SYSTEME COMMERCIAL

Chacun sait, même confusément, que le système commercial du Japon  a toujours fait la force de ce pays à la fois inventeur, innovateur, entrepreneur, investisseur et bailleur de fonds.

Les « maisons de commerce » japonaises sont de deux sortes : les « sogo-shôsha » et les « senmon-shôsha ».

Les premières font fonctions de commerce, de financement, d’information et de transport et disposent d’un réseau de distribution et d’une force de vente remarquables.

Certes, s’y intégrer suppose un coût onéreux et, de plus, pour l’étranger se pose le problème du choix de la « maison de commerce » japonaise et le contrôle de la distribution, surtout que la plupart des « sogo-shôsha » appartient à des groupes industriels de grande taille.

Les secondes sont plus spécialisées avec des activités plus concentrées sur les produits eux-mêmes. Ceci suppose que pour l’étranger il s’agira de bien négocier ses activités en fonction de la nature du produit.

L’étude des aspects structurels et juridiques de tel ou tel marché japonais fait prendre conscience du poids considérable du circuit de distribution, avec des coûts de stockage élevés attisés par la nécessité de concentrer les stocks à cause de l’exiguïté de l’espace au Japon, avec une complexité notoire de la chaîne de distribution, et avec la multitude de magasins détaillants dont il faut tenir compte.

Last but not least, comment ne pas évoquer également le rôle prépondérant des banques japonaises ? Elles sont de toutes tailles et sont pleinement intégrées dans chaque circuit sectoriel ou chaîne de distribution.

Contrairement à la France où les banques sont essentiellement des banques de dépôt, au Japon elles sont avant tout des banques d’affaires pleinement impliquées dans la création, la marche et le sort des structures qu’elles soutiennent financièrement, impliquant bien entendu leur participation active et déterminante dans la gestion même de ces structures.

                                                                        *

Ce petit tour d’horizon n’a évidemment aucune prétention à traiter au fond la question, mais du moins aura-t-il permis de toucher du doigt quelques aspects essentiels.

Ce qui frappe, c’est la grande concentration du tissu industriel et économique japonais, qui va de pair avec une cohésion sociale et une intégration remarquables, ces dernières dimensions étant aussi le résultat conjugué d’un système syndical obéissant au même souci, tant au niveau patronal qu’au niveau des travailleurs.

Un parallèle peut à ces égards être fait avec le système allemand, tandis que la France et l’Italie partagent une vision plus axée sur la créativité et la distinction des rôles productifs, lesquels pêchent souvent par un manque de coordination.   

                                                                  Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

* Extraits de cours et conférences consacrés à « Stratégie des affaires avec le Japon et la Chine », que j’avais eu l’occasion de développer pendant une quinzaine d’années au sein d’universités et d’écoles de commerce françaises avant d’assumer des fonctions diplomatiques.  

 

———————————————————————–

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

————————————————————————