
Un des vitraux du Palais de Justice d’Antananarivo, l’une de ses oeuvres architecturales. – JPRA – Reproduction interdite –
UNE HAUTE FIGURE DE LA DIPLOMATIE MALGACHE DES TEMPS MODERNES
Au moment où Madagascar tente de réintégrer une communauté des nations que cinq ans d’isolement l’y ont exclue de 2009 à 2013, et qu’actuellement encore elle peine à retrouver ses marques, la 4ème plus grande île du monde ne manque pourtant pas d’expériences internationales, tant en orientations réussies qu’en hommes de valeur des temps modernes en matière diplomatique…mais, pas que…
Parmi ces derniers, une figure emblématique émerge avec exemplarité.
CENTENAIRE DE LA NAISSANCE EN 2014
Ce diplomate multiforme, dont on a fêté le 22 avril 2014 le centenaire de la naissance à Antananarivo dans la maison familiale à Ambohitsorohitra, qui fut un des quartiers dévolus à l’ancienne caste princière des Andriandranando à laquelle sa lignée paternelle appartient, est décédé tout début janvier 1997 à Paris dans la douleur des siens.
Il aurait eu cent neuf ans en cette année 2023.
Il laisse un héritage diplomatique important et malheureusement assez mal connu, sans mentionner ses œuvres de combattant et de bâtisseur de progrès d’un pays, Madagascar, une ancienne et puissante monarchie de l’Océan indien occidental, qui retrouve en 1958 son indépendance au sein de la Communauté Française et, en 1960, sa pleine souveraineté internationale.
UN TRES GRAND PATRIOTE MALGACHE ENGAGE ET COMBATIF
Etudiant à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts et à la Faculté de Droit de Paris, ne voilà-t-il pas que dès 1935 à Paris il fait partie, avec son ami Albert Rakoto-Ratsimamanga, des membres fondateurs de l’Association des Etudiants d’Origine Malgache (AEOM), la pépinière des patriotes malgaches de l’extérieur. De même, avec l’appui indéfectible du gouverneur Réallon, il sera à l’origine de la création fin 1936 du Foyer des Etudiants Malgaches, un prolongement social et culturel de l’AEOM, dont il établira les plans de construction.
Lors de l’Exposition Universelle de Paris de mai 1937, les arrogants pavillons de l’Allemagne nazie et de l’Union Soviétique communiste qui se font face et qui narguent l’avenir le déterminent dans sa conviction d’avoir à mener des combats de résistance à leur encontre.
De fait, durant la période sombre de l’occupation allemande de 1940 à 1944, à Paris en Résistant exigeant et exemplaire qu’il était, avec sa femme, tous deux notamment membres du premier réseau de la Résistance en France – le Réseau du « Musée de l’Homme » créé par Germaine Tillion et le colonel Houët -, entre autres actions périlleuses ils organiseront l’évasion de soldats malgaches emprisonnés dans des camps situés dans le nord de la France et les aideront matériellement et moralement afin qu’ils continuent le combat contre l’horreur nazie et pour l’honneur de Madagascar. Et tout ceci, en dépit de l’opposition, émaillée parfois de sabotages, de certains « nationalistes » malgaches qui, eux, avaient toute honte bue fait le choix d’appuyer une Allemagne nazie dont la victoire souhaitée sur la France coloniale faisait partie de leur plan…!
A la Libération en 1944 et jusqu’à 1946, date de leur départ pour Madagascar afin d’y exercer de hautes fonctions au service du développement de leur pays, notre grand patriote et sa femme redoubleront d’activités au sein du Foyer des Etudiants Malgaches, mais aussi au sein du Foyer des Anciens Prisonniers de Guerre nouvellement créé et dont ils feront partie de l’équipe dirigeante, pour aider à la réinsertion des anciens combattants malgaches désoeuvrés, en particulier pour les former dans différents métiers. Ce qui fait qu’à leur retour à Madagascar, ces derniers formeront un contingent de professionnels aguerris pour le plus grand bien de leur famille et du pays.
L’OFFICIER D’ARTILLERIE, LE GAULLISTE DE LA PREMIERE HEURE ET LE RESISTANT
Après de brillantes études d’architecture à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et à la Faculté de Droit de Paris à l’issue desquelles il est en 1943 diplômé DPLG d’architecture et d’Urbaniste SFU (Société Française d’Urbanisme), mais également de la London Architectural School, et licencié en Droit de la Faculté de Droit de Paris, le vent de la guerre le saisit et il s’engage résolument sous l’uniforme d’officier d’artillerie lourde après s’être formé en 1939 à l’Ecole d’Application d’Artillerie de Fontainebleau.
Entre-temps, c’est donc dès 1935 qu’il fait la connaissance de sa future épouse et c’est dans un rapport fusionnel que le couple se forme rapidement pour se soutenir et formuler leurs nombreux projets d’avenir.

Le nouveau couple s’est choisi un petit appartement rue du Cirque, tout près du Palais de l’Elysée.
Dès le début de la guerre, lui se bat sur le front stratégique de la Somme face aux Allemands, comme lieutenant d’artillerie lourde en mai/juin 1940.
Répondant à l’Appel du Général De Gaulle, il est un Résistant de la première heure en s’intégrant dans les premiers réseaux de Résistance dès octobre 1940, celui du « Musée de l’Homme » créé par son amie Germaine Tillion et celui dénommé « Colonel Houët ».
- Voir sur ce même blog l’article daté du 18 juin 2015 : « Témoignage d’un officier malgache autour de l’Appel du 18 juin 1940 ».
C’est aussi au sein de l’Organisation Civile et Militaire (OCM), une autre formation de la Résistance française de la seconde guerre mondiale d’obédience gaulliste dont il est membre qu’il milite, déjà, pour un processus d’Indépendance de Madagascar, en particulier en sa qualité de vice-président de la commission de l’Océan indien, lui qui, par la force des choses était désormais versé dans le cadre de la réserve, ce qui lui donne l’occasion de s’attaquer aussi aux questions internationales.
En effet, au sein de l’OCM c’est tout naturellement et prioritairement pour préconiser, dans une déclaration solennelle, au bénéfice de son pays d’origine, dès décembre 1945, bien avant les revendications exprimées par les quatre députés malgaches oeuvrant au sein de l’Assemblée nationale française, l’autonomie de Madagascar laquelle devait, selon sa conception, tôt recouvrer son Indépendance en se référant à son passé d’Etat pleinement souverain durant la royauté. Sa profession de foi est adoptée à l’unanimité par les instances dirigeantes de l’OCM et servira de base à la mouvance gaulliste pour préconiser au profit de Madagascar une évolution significative vers l’autonomie réelle.
Auparavant, en qualité de membre des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), il participe activement, révolver au poing, à la libération de Paris en août 1944, sa femme de même en cette même qualité mais dans la logistique.
- Voir sur ce même blog l’article daté du 24 août 2014 : « Libération de Paris : la grâce de la Liberté ».

1939: Sous-Lieutenant à sa sortie de l’Ecole d’application d’artillerie lourde de Fontainebleau
Sa veine patriotique amplement reconnue, ainsi que sa qualité d’officier d’origine malgache le plus élevé en grade, amènent le gouvernement du général De Gaulle à lui confier la responsabilité, conjointement avec les autorités militaires françaises, d’organiser le rapatriement en bon ordre à Madagascar des milliers d’anciens combattants malgaches de la seconde guerre mondiale.
Tout naturellement, ceux-ci l’éliront par la suite Président actif de leur Fédération d’Anciens Combattants nouvellement créée, ce qui l’amène notamment à revendiquer l’amélioration de la condition financière et statutaire de ces combattants méritants injustement marginalisés dans le cadre de la reconnaissance nationale de la nation française, lui-même et son épouse, également résistante et ancien combattant, tous deux d’abord dans les FFC (« Forces Françaises Combattantes ») puis dans les FFI (« Forces Françaises de l’Intérieur »), en étant d’ailleurs victimes.
Patriote ardent et non « nationaliste » au sens extrêmiste et obtus du terme, conscient des valeurs conjuguées représentées par la Patrie, l’honneur, les libertés publiques, le respect d’autrui, l’ouverture sur le monde et le progrès, dans sa position, acquise en 1946, de Directeur de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar au Haut Commissariat de France, le Malgache qu’il est s’est résolument opposé, avec son épouse, elle-même conservateur en chef du Musée du Rova d’Antananarivo, à la violence perpétrée par les forces de l’ordre contre les Malgaches durant les tristes évènements de 1947 et de leurs suites, et s’est engagé avec la même résolution pour la libération et l’élargissement des quatre députés nationalistes malgaches emprisonnés.
Le Haut Commissaire français, de Coppet, non seulement n’a jamais osé lui en tenir rigueur, mais au contraire a tenu à lui rendre hommage dans ses rapports transmis au gouvernement français à Paris.
Il était d’ailleurs mis par des personnalités politiques malgaches à la tête d’une délégation pour porter devant le haut commissaire français les légitimes protestations contre les violences exercées par les forces de l’ordre colonial à l’encontre de Malgaches pacifiques.
La réconciliation retrouvée se traduit par la tenue aux abords du Lac d’Anosy, en 1948, de la Foire-exposition du Progrès Franco-Malgache dont il est l’architecte en chef et certains des aménagements et bâtiments construits à cette occasion forment aujourd’hui encore tout un quartier résidentiel autour de l’Hôpital Befelatanana.
LE PLANIFICATEUR, LE BATISSEUR, L’ACTEUR SOCIAL ET CULTUREL
Premier architecte-urbaniste malgache diplômé en 1943 à Paris et à Londres, il fait d’abord ses premières armes en France dans la conception et la conduite d’un chantier de plusieurs habitations pour l’habitat rural, puis à Paris même dans la construction du siège de l’Office National Météorologique et de la Bibliothèque d’Histoire de la Ville de Paris sous la direction de Jean-Pierre Paquet, architecte en chef des monuments Historiques.
Il devient par la suite, dès 1946, le directeur de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar au Haut Commissariat de Madagascar et Dépendances, planificateur des grandes villes malgaches, Antananarivo, Antsirabe, Tamatave, Majunga, Diego-Suarez, Fianarantsoa, etc…, et des grands axes routiers et ouvrages structurants du pays ; bâtisseur de multiples établissements publics qui ornent ces mêmes grandes villes (parmi tant d’autres : le Lycée d’Andohalo, le Palais de Justice à Anosy, le Palais de Tsimbazaza siège de l’Assemblée nationale, le bâtiment du ministère du commerce à Ambohidahy, la Stèle de l’Indépendance d’Antsirabe, le siège de la direction de l’urbanisme et de l’habitat, la Poste Centrale d’Analakely, la Cité des Fonctionnaires près de l’Ecole de Médecine, la série des tribunaux d’instance à travers Madagascar, etc…,).
Invité par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer de Paris, il expose le 16 février 1951 à ses membres, parmi lesquels figure l’éminent Decary, la philosophie qui caractérise sa conception de l’habitat et de l’urbanisme à Madagascar, pour le présent et l’avenir.
Etant à la tête du dispositif national en matière d’architecture, d’urbanisme et d’habitat, il est formateur de la plupart des architectes, ingénieurs et techniciens malgaches du bâtiment et des travaux publics de la première génération, dont beaucoup seront envoyés en France dans les meilleures écoles.
A la fin de son mandat de Directeur de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar en 1956, désormais versé dans le secteur privé il fonde et préside l’Ordre des Architectes de Madagascar.
Auparavant, en 1953, à la demande du gouvernement soucieux de créer à Paris une Représentation économique de Madagascar, c’est lui qui trouve et propose l’acquisition du bâtiment qui fait l’angle de l’avenue Raphaël et du boulevard Suchet, face au Jardin du Ranelagh à Paris 16ème, qui constitue par la suite depuis 1960 la Résidence officielle de l’ambassadeur en exercice de Madagascar en France.
. Ci-dessous, trois exemples parmi ses très nombreuses réalisations à Antananarivo et à travers Madagascar, rien que pour l’année 1953:

Ledit « Palais Razafy » , actuel siège du Ministère du Commerce. 1953.

Le Lycée Gallieni (aujourd’hui Lycée d’Andohalo). 1953.

La Poste Centrale d’Analakely. 1953 .
Egalement ardent défenseur et promoteur de l’Art malgache, il défend l’artisanat, notamment la tradition du « Lamba » et des métiers nouveaux comme la céramique et le vitrail dont il encourage la création moderne, et est aussi le créateur très inspiré de groupes folkloriques de référence de Madagascar, dont le « Vakondrazana », avec notamment le fameux Odeam Rakoto, et les « Ny Antsaly », avec les non moins fameux frères Randafison et Bernard Razafindrakoto. Il promeut en particulier ces derniers avec des succès inédits en Italie, en Grèce, en Angleterre et en France.

Son projet de Cité des Arts à Antananarivo (non réalisé), conçu dès 1943.
Conscient de l’importance d’une jeunesse malgache promise à la meilleure des destinées, notamment à travers le sport, il est le président de l’AST (« Association Sportive de Tananarive ») qui rafle à l’occasion des championnats de Madagascar les places d’honneur en athlétisme, cyclisme et basket-ball.
C’est encore en faveur de cette jeunesse malgache méritante que l’ancien élève des Ecoles Chrétiennes des Frères qu’il fut, devient le président fédéral de la Fédération malgache des Ecoles Chrétiennes des Frères de Madagascar, et membre du conseil d’administration de la Fédération mondiale de la même mouvance catholique présidée par son ami, Monsieur Sineux .

Il est reçu à l’Hôtel de Ville de Paris, en compagnie du président Sineux (à sa droite), par Monsieur Christian Taittinger, Président du Conseil de Paris.
Et, c’est à ces titres qu’il préside avec Monseigneur Jérôme Rakotomalala la délégation de Madagascar invitée par le Pape Jean XXIII à Rome y participer au Vatican et à Castel Gondolfo en 1959 au Congrès mondial de cette mouvance catholique majeure et que d’emblée il s’y fait apprécier amicalement par le souverain pontife (cf. sur ce même Blog, l’article intitulé « Madagascar et le Saint-Siège).
L’ACTEUR POLITIQUE MAJEUR OUVERT A L’INTERNATIONAL
La politique, bien entendu, n’a pas échappée à son grand intérêt ni à sa vocation, dans l’esprit vrai de l’intérêt et du bien publics.
Leader de la mouvance catholique malgache modérée et fidèle à la conception publique progressiste et humaniste sublimée par ses amis Edmond Michelet, Germaine Tillion ou Michel Debré, il est un conseiller municipal très actif et respecté de la capitale malgache, Antananarivo, tenue d’une main ferme par son ami et néanmoins adversaire politique Stanislas Rakotonirina.
Il est foncièrement nourri par les traditions séculaires issues de sa double appartenance aux maisons princières des Andrianamboninolona (par sa mère) et des Andriandranando (par son père) dont, pour ces derniers, il sera le président-fondateur de l’Association « Terak’ Andriandranando » (le vice-président en étant son beau-frère Emmanuel Razafindrakoto, un leader nationaliste en vue), avec ce souci constant de ne point oublier que dans maintes provinces de Madagascar, notamment en pays Sakalava, dans le Sud-Est en particulier à Vohipeno, dans le Vakinankaratra ou chez les Antemoro, les Andriandranando ont formé et continuent de former la classe nobiliaire régionale.

Son grand-père maternel, Pierre Razafimbelo, 15 Voninahitra (Honneurs), auteur d’un ouvrage de référence sur les Andrianteloray. Il appartenait à la lignée princière des Andrianamboninolona.

Son père, Pierre Razafindramanana, 15 Voninahitra (Honneurs), notamment constructeur de la Gare centrale d’Antananarivo et de l’Hôtel des Thermes d’Antsirabe, l’architecte français Fouchard en étant le concepteur. il appartenait à la lignée princière des Andriandranando.
Sur le plan social, sa participation active au sein du mouvement international des Classes moyennes, tout particulièrement de l’Institut International des Classes Moyennes, le conduit partout en Europe, notamment au congrès international de Nice en 1959 en présence de ministres européens, ce qui lui permet d’attirer l’attention générale sur les problématiques du développement de Madagascar, notamment autour du rôle central qu’il attribue à la Femme et à la Jeunesse.
Dans sa considération de la Femme malgache, il est amicalement appuyé à l’international par son amie Hélène Lefaucheux, connue durant la Résistance à Paris, devenue la présidente du mouvement féministe français de l’époque.
Dans la même veine, cette fois-ci sur le plan de ce qui se qualifie aujourd’hui comme étant l’Interculturel, en tant que membre de l’Institut International des Civilisations Différentes (l’ « INCIDI ») de Bruxelles présidé par le Roi des Belges, il est en belle compagnie puisqu’en particulier il y siège avec son ami Jacques Rabemananjara et son camarade et co-résident de la Cité Universitaire Internationale de Paris, Léopold Sedar Senghor, futur Président de la République du Sénégal, et François Luchaire, éminent juriste français qu’il apprécie.
Il s’agit pour lui, bien entendu, d’y faire mieux connaître son pays, Madagascar, et que ce pays insulaire s’il en est, intègre pleinement la communauté internationale.

1956: PapaBe et Senghor en pleine conversation (MamaBe au premier plan) à Antananarivo lors d’une réception aorganisée à la « Villa Dieudonnée » à Antsofinondry.
Cet enracinement d’ouverture nationale, internationale, sociale et culturelle transparaît constamment dans son engagement politique et public.
Il est d’abord le président intransigeant de l’UDIM (« Union de Défense des Intérêts Malgaches ») face aux extrêmistes de tous bords, tant sur sa droite représentée par les thuriféraires de la « Présence française », que sur sa gauche, soutenue et parfois animée par le Parti communiste français, en une période de la vie nationale malgache placée sous le régime issu de l’ « Accord-Cadre » de 1956 ayant octroyé aux anciennes colonies françaises un statut de relative autonomie interne.
Ses soutiens portent des noms prestigieux comme ceux des docteurs Ranjeva ou Ramamonjy-Ratrimo, Louis Rakotomalala, ou encore ceux de messeigneurs Sartre et Rakotomalala du haut clergé catholique, mais se recrutent également dans la classe populaire.
Président-fondateur du Comité Malgache du Secours Catholique, il contribue grandement à aider les victimes des malheureux évènements de 1947 dont les séquelles perdurent.

Philibert Tsiranana et Papa’Be (à droite). Début 1959. A l’extrême gauche: son ami Louis Rakotomalala, Ministre des Relations extérieures.
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Puis début 1958, dans le combat s’ouvrant dans la perspective de l’Indépendance de Madagascar, et face au PSD (« Parti Social-Démocrate ») de Philibert Tsiranana qui prône pour Madagascar un régime présidentiel très affirmé à caractère vertical, avec son ami Norbert Zafimahova il crée l’UDSM (« Union des Démocrates-Sociaux de Madagascar ») dont il est vice-président national, sa préférence allant vers un régime parlementaire tempéré par une présidence tenue par une forte personnalité.
Faisaient notamment partie de l’UDSM des personnalités notoires comme Albert Sylla et André Raondry qui feront plus tard défection pour rejoindre Tsiranana parvenu à accéder en août 1958 à la Présidence de la République malgache naissante.
Alors même qu’étant déjà en fonction en qualité d’ambassadeur accrédité auprès de différents pays et organisations internationales, le président Tsiranana et son gouvernement n’oublient pas en lui l’ « architecte national ».
De sorte que quand en 1963 il s’était agi de faire tenir à Tamatave la première Foire Internationale devant promouvoir à l’International les capacités de Madagascar et des Malgaches, c’est naturellement, pour ainsi dire, qu’il est fait appel à ses compétences inégalées d’architecte pour superviser la maîtrise d’œuvre de la conception et de la réalisation de ladite Foire internationale.

1963: le Président Tsiranana reçoit PapaBe au Palais d’Andafiavaratra.
TOUS LES CHEMINS MENENT A ROME – LE DIPLOMATE INCONTOURNABLE
Tout cela est mené parallèlement avec l’enthousiasme, le courage et la détermination que tous lui reconnaissent.
Mais, s’agissant de sa carrière internationale publique à proprement parler, c’est-à-dire en représentation étatique officielle, c’est dès 1957 qu’il est sélectionné pour devenir un haut représentant de Madagascar à l’étranger, que sans doute ses amitiés forgées à l’extérieur de son pays, bien sûr en France, mais aussi en Angleterre, au Japon, ou en Turquie, vont accentuer.
D’ailleurs, à Madagascar même, en qualité de Conseiller spécial, il représente officiellement à diverses occasions son ami et aîné Louis Rakotomalala, chargé par le président Tsiranana dès 1958 des affaires extérieures dans le gouvernement de la République malgache avec le titre de Ministre des Relations Extérieures.

A l’extrême droite sur la photo, il reçoit avec Louis Rakotomalala (au centre), Ministre des relations extérieures, le 1er Ambassadeur de l’Inde à Madagascar (juillet 1960). Photo ci-dessous : il reçoit aussi (à l’extrême-droite sur la photo), aux côtés du Président de la République malgache (au centre) et du Ministre des Relations extérieures (au centre droit) le 1er Nonce Apostolique accrédité à Madagascar (juillet 1960).

Commence alors une carrière diplomatique aussi intense que diversifiée, nourrie par ses expériences de combattant des Libertés en France et à Madagascar, de concepteur public et de bâtisseur infatigables.
Il effectue fin 1957 un stage de plusieurs mois au Quai d’Orsay, le ministère français des affaires étrangères, ce qui complète sa formation de haut fonctionnaire acquise auparavant en 1950-51 au Centre des Hautes Etudes Administratives de l’Ecole Nationale d’Administration de France, cet établissement qui forma aussi dans une promotion antérieure Georges Pompidou, ancien président de la République française.
Fin 1956 il était libéré de sa charge à la tête de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar et c’est tout naturellement qu’il crée à Madagascar l’Ordre des Architectes de ce pays, exerçant sa présidence jusqu’en 1958, tout en suivant jusque là son stage au Quai d’Orsay.

1951 à Paris : PapaBe au Centre des Hautes Etudes Administratives de l’ENA (visage cerclé au 2ème rang à droite), dans la même promotion que son ami le ministre et écrivain Edmond Michelet (au premier rang à gauche).
C’est en effet à Rome que se noue définitivement sa carrière diplomatique.
Le voici dès 1958 nommé 2ème conseiller, chargé des affaires économiques à l’Ambassade de France en Italie, à cette époque la diplomatie malgache étant intégrée dans celle de la Communauté Française, il est à ce titre également le représentant officiel de Madagascar, rôle parallèle qui lui permet de promouvoir en Italie son pays d’origine, spécialement en matière économique et culturelle.
Les coïncidences nécessaires de l’histoire font qu’à Rome, au magnifique Palais Farnese, siège de l’Ambassade de France en Italie, il est placé sous l’autorité très amicale de Gaston Palewski, Compagnon de la Libération, ancien directeur de cabinet du Général De Gaulle, qu’il avait connu durant la guerre et qu’il retrouve avec grand plaisir.
De là est née l’origine féconde des relations italo-malgaches, car le sachant ambassadeur virtuel de son pays d’origine, l’ambassadeur français de ce diplomate malgache « atypique » laisse ce dernier quasiment libre de ses mouvements au service de Madagascar !
Le voici, en particulier, qui organise à Rome en 1960 la première exposition d’envergure de connaissance de Madagascar à l’étranger, le maire de Rome, de hautes personnalités italiennes et du monde diplomatique assistant à son inauguration, ce qui lui vaut un article remarqué dans le quotidien « Le Figaro » du 18 novembre 1960…

PapaBe et le Maire de Rome lors de l’inauguration de l’exposition sur Madagascar (1960) qu’il fit tenir.
Lui-même devenu par la suite officiellement ambassadeur de Madagascar, il intensifiera ces relations avec une vitesse inégalée dès 1961, année où il sera nommé ambassadeur de Madagascar dans ce pays, l’Italie. Pays qui m’est cher, puisqu’il est celui de mon papa, moi l’Italo-Malgache…
Sont notamment à son actif la présence à Madagascar du groupe pétrolier italien « Aggip », l’établissement d’une liaison aérienne directe Rome/Antananarivo par « Alitalia » ou la découverte par les Italiens des trésors touristiques de Madagascar, tandis que sur le sol italien lui-même se découvrent et s‘apprécient la bonne viande bovine (provenant du Zébu) malgache, l’artisanat, la culture ou les richesses minières d’un pays aux potentiels multiples.
Et, voici qu’à l’occasion d’un double évènement exceptionnel, l’ouverture du Concile Vatican II de novembre 1962 et le 80ème anniversaire du Pape Jean XXIII, à nouveau il est placé par le Président de la République de Madagascar à la tête de la mission diplomatique spéciale de son pays.
Il pénètre à nouveau dans la Basilique Saint-Pierre de Rome et est, à nouveau, reçu par le souverain pontife (cf. sur ce même Blog l’article intitulé « Madagascar et le Saint-Siège »).
HAUTES MISSIONS AU ROYAUME-UNI, EN GRECE ET EN ISRAEL
En cette époque du début des années 1960, tant par économie de moyens que pour optimiser son dispositif diplomatique, Madagascar fait le pari, en l’occurrence gagnant, de miser sur ses trois seuls « super-ambassadeurs », respectivement accrédités aux Nations Unies et aux Etats-Unis, en France et en Allemagne Fédérale, et au Royaume-Uni et en Italie.
Cependant, dès 1959, alors que Madagascar n’était encore qu’Indépendant sans maîtriser pleinement ses relations internationales, Tsiranana avait pensé à envoyer « le premier des Malgaches », ainsi que le président malgache le qualifiait au vu de ses nombreuses compétences, représenter Madagascar aux Nations Unies.
Le président malgache n’avait pas oublié que celui qu’il choisit ainsi fut le premier à préconiser pour Madagascar, l’intégration au sein de la représentation permanente française à l’ONU d’un représentant malgache à un rang élevé tant que Madagascar était intégrée au sein de la Communauté Française.
Seules les sourdes et obscures oppositions de certains, dont les noms seront tus ici, feront échouer ce projet. Il en était de même pour ce qui était de le nommer à quelque haute fonction, soit ministérielle, soit institutionnelle, largement à sa mesure.
De telles oppositions ne pouvant cependant ni se justifier ni tenir longtemps, lui-même imposant sa stature, sa vocation à l’International s’imposa pareillement.
Cumulativement avec les chemins qui l’on fait converger à Rome, le voici donc engagé également sur une voie enfin dégagée auprès de la Cour de St-James, c’est à dire auprès de la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni.
Londres, la capitale britannique où son lointain aïeul, l’ambassadeur Andriantsitohaina, avait été reçu en 1836 par les souverains britanniques, lui est promise.
C’est sa résidence principale, d’où il se déploiera cumulativement dans d’autres pays européens et auprès d’organisations internationales du système des Nations Unies.

1961 : Papabe, ambassadeur, à Londres. Il fut un grand marcheur.
Comme à Rome où il est le premier ambassadeur accrédité de son pays, au Royaume-Uni il initie également avec le même enthousiasme des relations fécondes, ce malgré l’appartenance de Madagascar au monde francophone que le gouvernement anglais voit d’un oeil suspicieux en ces temps de tension relationnelle franco-britannique due à la raideur des vues françaises vis-à-vis d’une Angleterre penchant de trop vers les Etats-Unis, l’Atlantique et l’OTAN.
Mais, il réussit de par sa propre personnalité à s’attirer tout particulièrement les amitiés du Secrétaire d’Etat au Foreign Office, Lord Douglas-Home et de Lord Marrivale, un « MP » influent, membre de la Chambre des Lords.
Dans le cercle diplomatique francophone de Londres, il tient aussi une place de choix pour l’animer, ceci ne l’empêchant pas d’entretenir avec ses collègues asiatiques, notamment les hauts commissaires de la Malaisie, les ambassadeurs du Japon, de l’Indonésie, du Viet-Nam, du Laos et du Cambodge, des liens très étroits.

PapaBe et et son ami Lord Douglas-Home, Secrétaire d’Etat au Foreign Office, qui sera plus tard Premier ministre britannique

1964: PapaBe en conversation avec le Prince Souvama Phouma, Premier ministre du Royaume du Laos
Les produits malgaches commencent néanmoins à s’introduire au Royaume-Uni, notamment le pois de cap et les œuvres et produits artisanaux, tandis que des échanges mutuels au niveau des industries sont initiés.
La culture et l’histoire, avec ce pays avec lequel Madagascar avait noué des relations solides tout au long du XIXème siècle, font l’objet d’un soin particulier, spécialement avec deux faits significatifs :
. la création de l’« Anglo-Malagasy Society », une institution culturelle et d’échanges aujourd’hui bien pérennisée, l’ambassadeur malgache qu’il est en étant vice-président, et Lord Marrivale en étant président ;
. et le don à Madagascar, par la puissante « London Missionnary Society », d’un imposant tableau représentant les ambassadeurs malgaches reçus par la Reine Adélaïde en 1836 au Château de Windsor.

1964. La remise au Rova d’Antananarivo du tableau de H. Room donne lieu à une cérémonie exceptionnelle dans la salle du Trône, présidée par P. Tsiranana (à droite en second plan, Papabe étant à la gauche du président malgache, trois quart de profil sur la photo). Le groupe « Ny Antsaly » s’apprête à entonner les hymnes nationaux britannique et malgache.
Quant aux locaux de l’ambassade de Madagascar et à la Résidence de l’ambassadeur, ils sont établis non sans difficultés dues à la complexité et à l’étroitesse du marché immobilier londonien, dans les meilleurs quartiers de Londres, l’une à South-Kensington (la chancellerie) face au Musée d’Histoire Naturelle et non loin de Knightsbridge, l’autre (la résidence de l’ambassadeur) à Hyde Park Gate non loin de la résidence de Churchill et du « Royal Albert Hall ».

Grand salon de la Résidence de l’Ambassadeur à Londres (ici lors d’une réception à l’occasion de la Fête de l’Indépendance), tel qu’il avait été conçu et aménagé selon les plans établis par PapaBe. Les éléments de décor sont également de sa conception et exécutés par des artistes malgaches et français.
Le groupe « Ny Antsaly » gagne en 1964 le second prix international d’un concours folklorique au Pays de Galles, tandis qu’un livre de référence, « Zoo quest to Madagascar » de Lord Attenborough, rapidement publié, fait mieux connaître aux lecteurs anglo-saxons les richesses endémiques de Madagascar.
En Grèce, autre pays avec lequel Madagascar a décidé de développer des relations suivies, en particulier en raison de la présence à Madagascar d’une petite mais très active communauté grecque, le même ambassadeur malgache y est accrédité.
Très vite, il réussit à séduire personnellement le Roi Paul Ier et son gouvernement et très vite Madagascar caracole sur les crêtes diplomatiques dans les domaines culturel (conférence à l’Académie d’Archéologie d’Athènes en la présence personnelle et très exceptionnelle du Roi des Hellènes), économique (introduction en Grèce de la viande bovine du Zébu et des chapeaux de paille malgaches) et historique (cérémonie et rapatriement à Madagascar des dépouilles mortelles des soldats malgaches morts au combat en Macédoine durant la première guerre mondiale).

PapaBe et le Roi Paul 1er de Grèce (père de la reine Sophie d’Espagne) à la sortie de l’Académie d’Archéologie d’Athènes (en arrière plan, le ministre grec des affaires étrangères) où PapaBe venait de prononcer une conférence consacrée à Madagascar.
Israël est un autre pays de prédilection pour le président Tsiranana, celui-ci en bon socialiste étant séduit par la formule des « Kibboutz ».
Le président malgache y accrédite son « ambassadeur préféré », immédiatement apprécié par Madame Golda Meïr, la figure de proue de ce pays de pionniers, avec qui il saura créer des liens amicaux.
Très vite Israël apporte ainsi à Madagascar sa compétence signalée en matière agricole, en particulier par l’introduction à Madagascar des techniques coopératives qui ont fait leurs preuves dans les « Kibboutz », et de façon moins heureuse, en matière sécuritaire (avec la création des controversées « FRS » – « Forces Républicaines de Sécurité » placées sous l’autorité de André Resampa, ministre de l’Intérieur, et qui bénéficient de la coopération israëlienne).
REPRESENTATION AUPRES D’ORGANISATIONS SPECIALISEES DE L’ONU
Mais, étant basé principalement à Londres, le même ambassadeur malgache étend également son champ d’action à l’Organisation Maritime Consultative Intergouvernementale (OMCI, mère de l’actuelle Organisation Maritime Internationale, OMI), ainsi qu’au Comité de Planification et de la Construction du Conseil Economique et Social de l’ONU, également basés à Londres même, mais aussi à la Conférence de l’UNESCO sur les constructions scolaires, ce en qualité de Représentant permanent.
Pour le jeune Etat malgache en construction, ces organisations spécialisées offrent des possibilités de coopérations techniques que le diplomate malgache sait exploiter à bon escient au bénéfice de son pays et de ses nationaux.
Ainsi, intervenant en pleine tentative américano-soviétique de domination conjointe des océans, des accès maritimes et des installations portuaires au sein de l’OMCI en 1963, le Représentant permanent de Madagascar qu’il est, bataille durement et parvient à faire accéder son pays au rang de puissance maritime majeure et de le faire élire au conseil exécutif de l’OMCI aux côtés des super-puissances et des grandes nations maritimes de cette planète qui, à l’époque, se réservaient cette enceinte de direction.
Cette audace plaît tant à De Gaulle qu’il fait attribuer de suite au représentant malgache qu’il est le grade d’officier du Mérite Maritime français…
L’ALLIAGE DE LA DIPLOMATIE ET DE LA CONSTRUCTION
La fin 1965-début 1966 est la terrible époque de rupture avec l’Etat malgache qui soudainement l’évince avec brutalité et de façon attentatoire à ses droits statutaires comme aux droits fondamentaux, ce pour des motifs d’une triste futilité mais en rapport avec la jalousie maladive de certains « hauts dirigeants » qui, à force de menaces, finirent par forcer la décision du président malgache…
Le combattant demande justice et après d’âpres et longues batailles la Cour Suprême de Madagascar finit par condamner l’Etat malgache, lequel cependant, drapé dans ce qu’il considère comme son statut d’impunité, ne s’est jamais exécuté de ses obligations (notamment pécuniaires, puisque l’Etat malgache fut condamné à lui régler différentes sommes au titre de ses salaires et avances diverses qu’il avait faites pour l’aménagement des locaux de l’Ambassade de Madagascar à Londres).
Le constructeur et le diplomate ne font qu’un en lui, comme le forgeron sait maîtriser dans un alliage suprême le fer et le feu pour donner naissance au métal de son choix. Libéré de ses missions officielles au service de la diplomatie étatique malgache, le gouvernement malgache n’ayant pas voulu lui proposer d’autres fonctions à sa mesure, c’est sur d’autres terrains qu’il exerce désormais ses talents.
Sur proposition d’Edgard Pisani, ministre français de l’Equipement, en 1967 il est Chargé de mission, de liaison et de coopération internationale au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment français (CSTB), un établissement public de recherches et d’études, ce qui lui permet de mener des missions d’architecte et d’urbaniste au nom de la France dans les pays en développement, notamment africains.
Il est notamment amené à participer à la réalisation du Plan marocain de développement du Tourisme en répondant à l’appel du Ministre marocain de la planification.
Egalement professeur, durant trois ans il enseigne l’Aménagement de l’Espace à l’Ecole Spéciale des Travaux Publics de Paris, qui forme des ingénieurs parmi les meilleurs en matière d’ouvrages publics, est membre du Jury des Concours à son école d’origine, l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, et siège au conseil d’administration de la « Société des Architectes Diplômés par le Gouvernements », les fameux « Architectes DPLG ».
Ainsi replacé dans l’orbite professionnelle de l’acte de bâtir, avec ses confrères français architectes et urbanistes, mais aussi ingénieurs des travaux publics, il s’active beaucoup dans les débats et réformes en cours afin que la profession d’architecte épouse les dernières évolutions technologiques et être ainsi en phase avec ces temps hyper-industriels où les éléments préfabriqués imposés par les grands groupes du bâtiment font désormais partie intégrante de l’architecture moderne soucieuse d’économie d’échelle et de restriction budgétaire imposées par les maîtres d’ouvrage.
Son retour à Madagascar le fait vivre activement la révolution de mai 1972 à Antananarivo, sa notoriété auprès de la jeunesse étant intacte, lui qui de même, et déjà à Paris en mai 1968, avait sympathisé avec les étudiants assoiffés de respiration nouvelle.
La destruction par l’incendie du Palais d’Andafiavaratra et de la Mairie d’Antananarivo sur l’avenue de l’Indépendance le fait réagir spontanément en vue de leur réhabilitation, ce avec un soutien populaire enthousiaste, mais décidément l’Etat malgache fait la sourde oreille.
A un moment, le général Ramanantsoa, le « nouvel homme fort » du pays, pense lui confier un vaste ministère de la construction et des travaux publics, mais ici encore de sournoises manigances de dinosaures « hauts responsables » politiques font capoter le projet…
Le planificateur en lui ne reprend pas moins du service pour la conception et la réalisation de maints projets d’envergure programmés par l’Etat, comme c’est le cas pour l’aménagement de la vaste zone rurale de Laniera dont établit le plan.
Il bâtit également villas et édifices divers entrant dans différents programmes publics et privés.
LE RETRAIT
Mais, voilà qu’en 1985, en pleine déliquescence économique, sociale et morale générée par un régime impitoyable imposé depuis plusieurs années par l’ « amiral rouge » qui prône un socialisme avilissant, un drame surgit. En effet, lui et son épouse sont sauvagement agressés nuitamment chez eux par des « Madinika » – « les miséreux » – surexcités et manipulés par des potentats du régime socialiste au pouvoir.
Lui, est laissé pour mort par ses agresseurs, mais le corps et l’esprit de l’homme prennent le dessus pour survivre !
Une retraite forcée lui est ainsi imposée par cette tragédie survenue dans un contexte d’un autre âge qui ramène au moyen-âge et à la pure sauvagerie.
Il ne reconnaît plus son pays, pour qui il a tant fait, tant donné, dans le plus pur esprit d’abnégation. Madagascar va à la dérive. Il se retire définitivement de la scène publique, sans oublier sa famille ni le peuple malgache dont la souffrance croissante l’attriste tant.

Lui et son épouse, ancienne chargée de mission auprès du Conservateur en chef du Musée de Versailles et des Trianons de 1942 à 1946, retrouvent avec bonheur le château de Versailles.

En famille à l’été 1990 au Château de Bourbonsais en Bretagne (sur la photo: à gauche au 1er rang, mes cousines Laurence junior et Anne; au second rang : à gauche, notre oncle Jean-pierre, MamaBe, PapaBe et Laurence senior notre tante.

Avril 1992 à Paris. Il fête joyeusement en famille l’anniversaire de sa petite-fille aînée, Anne (ici, de gauche à droite : PapaBe, Anne, MamaBe, ma cousine Laurence junior et ma tante Laurence senior, Roberta, notre tante).

Ses noces d’or avec son épouse sont fêtées le 27 janvier 1992 à la Mairie du XVIème arrondissement de Paris sous la présidence de son ami Christian Taittinger, le Maire. De même que lors des noces d’or de ses propres parents en 1953, l’évènement est gravé dans le bronze.
Ainsi est allée sa vie, dans la joie familiale et entouré de tous les siens, jusqu’à son décès le 3 janvier 1997.
Dans son édition du 7 janvier 1997, le journal « Le Monde » n’a pas manqué de rendre hommage à l’homme et de souligner sa qualité de « gaulliste de la première heure » et de « vétéran de la diplomatie malgache ».
SON IDENTITE
Les uns le reconnaîtront donc sans peine, les autres le connaîtront désormais mieux, et certains le découvriront, mais tous en saluant sa mémoire :
il s’agit de Pierre RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO.
Il est mon grand-père maternel.
Il était fidèle à l’assignation du Roi Ralambo qui disait : « C’est à la source des Andriana que les Merina ont trouvé des princes à servir ».
Mais, pour lui, le service s’étendait aux Malgaches dans leur ensemble, sans distinction d’origine provinciale.
Homme de culture, la formule d’André Malraux lui va bien : « ce qu’on appelle la culture, c’est d’abord la volonté de retrouver, d’hériter et d’accroître ce qui fut la noblesse du monde ».
Sa personnalité très attachante et si vivante, pour ceux qui l’ont connu, s’identifie incontestablement à cette période faste de toutes ces années de fin 1950 et de 1960 où Madagascar, unie dans un esprit constructif, pratiquant la cohésion sociale sans dissimuler les spécificités régionales, avait au final un niveau économique et social supérieur à celui de la Thaïlande.
Son exemplarité n’était certes pas unique, mais elle était, est et demeurera, je n’en doute pas, exemplaire pour les générations passées, présentes et futures.
Il est bien attristant de constater qu’à ce jour, sans aucun doute pour des sentiments nourris par la jalousie qui n’honorent nullement les personnes visées, au vu de ses immenses mérites aucun hommage solennel ou officiel ne lui ait jamais été rendu de la part des hautes autorités malgaches ni de hautes personnalités de la société civile.
Mais, peu importe l’ingratitude de l’espèce humaine malgache, les faits sont là…
L’ASCENDANCE DE PIERRE RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO
Ci-dessous sa généalogie, faisant apparaître sa double ascendance princière Andriandranando (de par son père) et Andrianamboninolona (de par sa mère), les deux plus vieilles maisons nobiliaires de Madagascar, en particulier de l’Imerina, à l’origine de la monarchie malgache.

SES DECORATIONS
- A titre militaire:
. Croix de Guerre 39-45 avec Etoile de Vermeil et citation à l’ordre du Corps d’Armée (France)
. Croix de la Libération (France)
. Croix du Combattant Volontaire de la Résistance (France)
. Croix d’Ancien Combattant (France)
2. A titre civil:
. Grand’Croix de l’Ordre de Saint-Grégoire le Grand (Saint-Siège)
. Grand’Croix de l’Ordre Royal de Grèce
. Commandeur de l’Ordre National Malgache (Madagascar)
. Officier du Mérite Maritime (France)
. Chevalier de l’Ordre Royal des Comores, Etoile de la Grande Comores
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Tel fut mon grand-père, que j’adorais et dont la mémoire me reste et restera vivace.
Toute ma profonde et reconnaissante affection à mon très cher grand-père !
Profonde et reconnaissante affection dans laquelle mes cousines, Anne et Laurence Razafy-Andriamihaingo, petites-filles de Pierre Razafy-Andriamihaingo, s’associent très volontiers.
Julien BERGAMIN-RAZAFY ANDRIAMIHAINGO
Gérant de Société à Genève (Suisse)
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