CANONISATION DE TROIS PAPES DE LA PAIX UNIVERSELLE

                              CANONISATION DE TROIS PAPES DE LA PAIX UNIVERSELLE

Le 21 septembre est « Journée Internationale de la Paix », ainsi les Nations Unies l’ont-elles déclarée en vertu d’une Résolution de leur Assemblée Générale le 30 novembre 1981. Et cette année 2022, la thématique retenue est : « La lutte contre le racisme. Bâtir la Paix ».

Mais, c’est dès 1968 qu’à l’instigation du Pape Paul VI, l’Eglise Catholique déclara le 1er janvier de chaque année « Journée Mondiale de la Paix ». C’est ainsi que dans le cours de son pontificat actuel le Pape François assigna aux Catholiques et aux Chrétiens d’être, pour l’année 2022 et à titre individuel, des « Artisans de Paix » sur leur chemin.

Célébrons donc dans la communion ces journées particulières par l’évocation d’une constance trop peu relevée par les médias, celle dont a toujours fait preuve le Saint-Siège, en particulier en ces XXème et XXIème siècles si chargés de menaces guerrières, c’est à dire l’oeuvre de Paix dont furent les auteurs trois papes, Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II.

Tout d’abord, le dimanche 27 avril 2014 fut jour de toutes les félicités pour les Catholiques, mais aussi pour les Chrétiens et pour l’ensemble de l’Humanité dite « moderne » avec la double canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II.

On peut en dire de même, quatre ans plus tard, ce dimanche 14 octobre 2018 pour celle de Paul VI.

Alléluia !

Car, qui d’autres que Jean XXIII, et Paul VI à sa suite, puis Jean-Paul II, dans le plein exercice de leur mission apostolique de ces XXème et XXIème siècles réunis, ont, avec tant de foi et d’abnégation pour le genre humain, su imposer aux modes de gouvernance des nations, y compris chez les non-croyants, les valeurs universelles et permanentes nées de la Centralité de l’Homme ?

Associer ces trois souverains pontifes résulte aussi d’une concordance heureuse: l’évêque Karol Wojtyla (futur Pape Jean-Paul II) participa très activement aux travaux du concile Vatican II convoqué par le Pape Jean XXIII et le 28 juin 1967 c’est le Pape Paul VI qui l’élèvera au rang de Cardinal.

La messe du 27 avril 2014 fut co-célébrée en la Basilique Saint-Pierre de Rome par le Pape François et par son prédécesseur, le Pape Emérite Benoît XVI, pour Jean XXIII et Jean-Paul II, et, quatre ans après le 14 octobre 2018, pour Paul VI.

Quel triple et significatif symbole que ces canonisations ! Quel message sublime !

Trois papes contemporains réunis dans la canonisation, et deux papes actuels unis dans la célébration de leurs aînés !

Image

« Concilium Oecumenicum Vaticanum II »


LA PAIX

Il se trouve que, s’agissant de la Paix :

. l’un, Jean XXIII, initiateur et inventeur en 1962 des projets qui formeront les orientations du concile Vatican II, lesquelles donneront naissance à l’Eglise moderne d’aujourd’hui telle qu’elle s’ouvre désormais sur le monde réel, a été un inlassable apôtre d’une Paix trop maintes fois bafouée et menacée, à Berlin comme à Cuba ou en Asie, par des armes terrifiantes, particulièrement celles nourries par l’atome , et a réussi à la sauver au bénéfice d’une humanité tétanisée. Son encyclique « Pacem in Terris », adressée en 1963 à la planète entière fait notamment date ;

. son successeur, Paul VI, fut dans les mêmes exigences doctrinales s’agissant de la promotion et de la défense de la Paix à travers le monde ;

. le troisième, Jean-Paul II, n’a pas moins suivi la même mission sacrée (cf. son Message pour la célébration de la Journée mondiale de la Paix 2000, n. 17), notamment en accomplissant au pas de course et au prix de sa santé le tour du monde, affrontant ici et là tous les défis posés par la sottise humaine, et s’en est donné les moyens, notamment en renforçant significativement les capacités, déjà grandes, du dispositif diplomatique du Saint-Siège afin que l’Eglise soit présente là où la Paix est brisée, menacée ou chancelle, et en définissant à l’usage de tous comment cette Paix tant recherchée doit concrètement se décliner par des formules porteuses d’espérances à vivre et encadrant les actions correspondantes.

L’EPANOUISSEMENT DE LA PERSONNALITE

Il se trouve aussi que, s’agissant de l’épanouissement de l’Homme, inséparable dans l’exigence de Paix :

. l’un, Jean XXIII, a tôt engagé l’Eglise, notamment dans son encyclique « Mater et Magistra », à inciter les hommes à se libérer du carcan des mécanismes idéologiques ou matérialistes et à aller au contact de la misère, de la faim et de la désespérance pour, au-delà de la miséricorde, réconforter et soulager par des actions concrètes la souffrance d’hommes, de femmes et d’enfants portés à ne plus croire en eux ;

. Paul VI s’est inscrit dans la même veine doctrinale;

. quant à lui, Jean-Paul II, également dans la même veine, exalte les vertus familiales porteuses de moralité et de sociabilité (cf. Exhortation apostolique Familiaris consortio, n.42) et les vertus libertaires du travail et de la propriété privée, pour ces dernières pourvu qu’elles se pratiquent, non dans la recherche du profit égoïste, mais au bénéfice de tous, prolongeant ainsi l’élan impulsé par Jean XXIII qui, en son temps, pourfendait la colonisation et donnait à ouvrir les yeux sur la nécessaire montée des pays dits du « tiers monde », Jean-Paul II n’hésitant pas à, déjà, dénoncer les effets pervers d’une mondialisation castratrice des personnalités des peuples, pour appeler à l’émergence d’un « nouvel ordre international » fondé sur le respect des diversités et des droits fondamentaux.

L’EGLISE AU MILIEU DU PEUPLE

D’aucuns déplorent encore que l’Eglise soit « toujours » trop éloignée des préoccupations des hommes ici-bas sur terre.

Cette impression n’est vérifiée que si l’on ferme les yeux sur la réalité des actions des nombreuses congrégations au service de toutes les catégories sociales et de tous les peuples.

Par contre, tout ne serait-il pas encore soldé quant à certaines incapacités de l’Eglise face à d’infernaux fléaux humains que furent, pour ne considérer que l’époque moderne, l’extermination des Juifs par Hitler, les dictatures sud-américaines ou, plus près de nous, Malgaches, la sorte de complaisance qu’elle a eue pour des auteurs du putsch de 2009 à Madagascar… ?

D’aucuns diront que l’Eglise n’est pas là pour éteindre les incendies provoqués par les hommes.

Certes, mais pour être constamment au diapason de l’Annonce et de la paix des cœurs comme de la réconciliation des esprits, cette Eglise-là ne devrait-elle pas aussi savoir pratiquer l’expiation, à bon escient, opportunément et avec humilité et animée d’une certaine spontanéité, et à sa propre façon ?

Car n’est-ce pas aussi à cet exercice, certes difficile, auquel d’ailleurs Jean XXIII et Jean-Paul II tout spécialement, chacun à sa manière et en son temps, se sont adonnés, que l’Eglise doit se consacrer sans crainte ?

On note que leurs successeurs successifs, en particulier les papes Benoît XVI et François, n’ont pas hésité à s’y adonner également sur certains sujets. Il en était de même du pape Paul VI.

C’est à ces aunes, au fond, que semble-t-il les fidèles pourraient mieux apprécier le précepte qui veut que l’Eglise soit au milieu du Peuple. Ceci étant, l’intemporalité qui caractérise les considérations ecclésiales ne fait-elle pas que le tempo de l’Eglise ne puisse être confondu avec celui de la gouvernance humaine, matérielle et temporelle ?

SOUVENIRS

Ces considérations étant entendues, le fait est que les souvenirs personnels que Jean XXIII et Jean-Paul II, de même que Benoît XVI nous laissent nous sont personnellement impérissables, et désormais sacrés (voir ci-dessous).

Ils sont gravés dans nos cœurs et dans nos esprits.

Mon propre père était accrédité, en sa qualité de premier ambassadeur de Madagascar près le Saint-Siège en 1961, auprès de Jean XXIII puis de Paul VI, tandis que moi-même, quarante ans plus tard début 2002, je le fus auprès de Jean-Paul II puis de Benoît XVI.

Notre filiale reconnaissance leur est infinie.

MENTION PARTICULIERE S’AGISSANT DE PAUL VI ET LE CONCILE VATICAN II

Incontestablement Paul VI doit être associé dans le même sillage quasi-révolutionnaire que son illustre prédécesseur le pape Jean XXIII dans les accomplissements du concile Vatican II qui s’ouvrit solennellement en 1962 (voir sur ce même blog l’article intitulé « Jean XXIII et le concile Vatican II », daté du 23/1/2017).

Paul VI, intronisé Pape le 30 juin 1963 eut à gérer les remous soulevés par les difficiles travaux du Concile Vatican II, le groupe d’avant-garde ne voulant rien céder aux traditionalistes réfractaires à tout changement doctrinal et rituel. Paul VI tint bon et entre septembre 1963 et septembre 1964 il lui avait fallu réunir deux sessions pour parvenir à la Déclaration de Marie comme « Mater Ecclesiae », Mère de l’Eglise.

Et ce n’est que le 8 décembre 1965 qu’à l’issue d’une dernière session du Concile Vatican II fut adoptée la Déclaration « Nostra Aetate » par laquelle en particulier il est dit que les Juifs ne peuvent en aucun cas, ni hier du temps de Jésus, ni après, être tenus pour responsables de la mort de Jésus que les Romains ou les Chrétiens eux-mêmes.

Paroles et décision d’apaisement, assurément, qui font du Pape Paul VI, à l’instar de son illustre prédécesseur Jean XXIII et de son non moins illustre successeur Jean-Paul II, un incontestable faiseur de Paix Universelle !

PENSEE PARTICULIERE ET PERSONNELLE POUR SAINTS JEAN XXIII ET JEAN-PAUL II

Jean-Paul II a visité Madagascar mi-avril 1989, spécialement pour honorer Victoire Rasoamanarivo, qu’il a élevé à la condition privilégiée de Bienheureuse le 30 avril 1989.

Victoire Rasoamanarivo est née le 21 août 1848, a  été une héroïne qui s’est dressée contre la barbarie anti-chrétienne du début de règne de la reine Ranavalona 1ère.

Elle est morte en martyre mi août 1894. Sa dépouille mortelle repose en paix en la Chapelle du Parvis de la Cathédrale d’Andohalo à Antananarivo, la capitale malgache.

Image

Echarpe de la dignité de grand’croix de l’ordre de Saint Grégoire Le Grand du Saint-Siège


Image

Jean XXIII, que notre père appelait affectueusement « le Bon Pape Jean XXIII », le salue chaleureusement, lui étant venu célébrer le 80ème anniversaire du souverain pontife au Palais Apostolique


Image

Jean XXIII, accompagné par notre père, circule au milieu des missions diplomatiques spéciales venues assister en novembre 1962 à l’ouverture du Concile Vatican II à la Basilique Saint-Pierre de Rome


Image

Notre arrivée, conduit par un gentilhomme de la cour papale, dans l’enceinte du Palais Apostolique, pour saluer le Pape Jean-Paul II (2003)


Image

Novembre 2002 : cérémonie de présentation de lettres de créances au Pape Jean-Paul II (la délégation de Madagascar conduite par son ambassadeur que j’étais, à gauche en lamba face au pape). Etaient présentes à mes côtés ma très regrettée épouse Roberta, ma très regrettée soeur aînée Laurence, et ma chère fille aînée Anne. – Photo « Osservatore Romano » –


Jean-Paul II, le souverain pontife, nous avait notamment dit lors de cette cérémonie de présentation de mes Lettres de créances en novembre 2002 :

1.   concernant la Paix :

« La paix est un devoir pour tous. Vouloir la paix n’est pas un signe de faiblesse mais de force »;

2.   concernant les misères et les injustices :

« un soutien plus important à l’organisation des économies locales permettrait sans doute aux populations autochtones de prendre davantage en main leur avenir. Dans l’esprit de la Conférence internationale de Vienne de 1993 sur les droits humains, (la misère) est une atteinte à la dignité des personnes et des peuples. Il faut reconnaître le droit de chacun à avoir le nécessaire et à pouvoir bénéficier d’une part de la richesse nationale ».

3.   et, s’adressant personnellement à moi, et en réponse à mon propre discours de présentation de mes Lettres, Jean-Paul II, évoquant à ma grande émotion la « mémoire de (mon) père qui avait eu la même mission (que moi) », avait notamment dit :

« Je salue avec affection le peuple malgache qui, au milieu des vicissitudes de l’histoire de la Nation, a su demeurer courageux dans les épreuves et patient dans l’adversité…Le Fahamasinana… portera du fruit s’il s’appuie sur les valeurs morales et spirituelles qui font la richesse de la culture malgache…Il nécessite la moralisation de la vie politique, la défense des libertés publiques et la participation de tous les citoyens à l’exercice de la res publica. D’autre part, la transparence et la vérité (Fahamarinana) sont des conditions indispensables au développement durable d’une société. Cela nécessite aussi des orientations économiques et sociales qui placent l’Homme (de même que la sociabilité et le sens du partage malgaches – le Fihavanana -) au coeur du développement de la société… ».

Image

Discours du Pape Jean-Paul II lors de la réception de présentation de mes lettres de créances (ambassadeur de Madagascar et sa délégation, au fond).


Image

Remise de mes lettres de créance au Pape Jean-Paul II . Novembre 2002.

Je mesure au plus profond de mon coeur et de mon esprit ces moments de privilège vécus par mon très regretté père, et à sa suite, par moi.

Ils sont d’autant plus inoubliables pour des Catholiques que nous sommes – en particulier pour mon père, leader du mouvement catholique à Madagascar dans les années 1950-60 – , et surtout en ces moments présents où, depuis trop longtemps après 2009, la souffrance de nos compatriotes est si immense  qu’instantanément j’en appelle à la miséricorde des saints Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II – et désormais aussi, à celle de Benoît XVI qui nous a quittés récemment -.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

———————————————-

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

————————————————

LA GALERIE DE LABODIPLO ET DE « SUBLIME NATURE »- L’INVITEE AMERICAINE

   LA GALERIE DE LABODIPLO ET DE « SUBLIME NATURE »- L’INVITEE AMERICAINE

La Galerie de LaboDiplo accueille Roberta Faulhaber, une peintre américaine diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris après avoir obtenu aux Etats-Unis son diplôme de Philosophie à l’Université de St-Johns College au Nouveau-Mexique.

Elle a gagné en 1982 le « Prix Rocheron » dans un concours organisé par cette grande école parisienne.

Elle est aussi titulaire d’une maîtrise en Marketing du CELSA.

Son art vit, évolue, et se déplace dans le temps et dans l’espace, tout comme il apprivoise et sublime la nature des choses, et quelque fois même les dépasse pour leur donner une autre vie, une autre forme, une autre nature.

C’est le privilège des artistes – son privilège ! – que de pouvoir ainsi donner libre cours à leur – son – génie, tout en s’imposant une stricte discipline.

Telle est sa conception, que LaboDiplo se plaît à résumer.

Ce qui suit est représentatif de la première période de son art pictural qui, depuis, a bien entendu évolué dans d’autres formes, lesquelles assurément feront l’objet d’autres présentations sur LaboDiplo.

– ci-dessous : sélection, nécessairement limitée en nombre, de certaines œuvres originales de Roberta Faulhaber – Reproduction interdite –

Enjoy !

Image

« Cosmic fruits » (série de peintures à l’huile sur toile) – RF –

Image

« Tropismes » (Peinture à l’huile sur toile) – RF –

Image

« Wet flowers » (aquarelle) – RF –

Image

« Cosmic grapes » (huile sur bois) – RF –

Image

« Cosmic peaches » (huile sur bois) – RF –

Image

« Cosmic pears and prunes » (huile sur bois) – RF –

Image

« Déposition » (aquarelle) – RF –

Image

« Grenadines » (peinture à l’huile) – RF –

rob.grenadines -aquarelle-

« Grenadines » (aquarelle) – RF –

Image

« Tranches de saucisson » (peinture à l’huile sur toile d’intestin de porc) – RF –


 

Il me fait tout particulièrement plaisir de mieux faire connaître cette peintre, qui est d’autant plus chère à mon coeur qu’elle est…mon épouse et que cette tendre épouse si merveilleuse et lumineuse nous a quittés le 10 juin 2018 !

Merci à toi sacrée Roberta de nous laisser tant de témoignages sublimes de ta vie sur Terre parmi nous, Dieu est ton Royaume désormais. Merci à Dieu de l’avoir accueillie. Merci à vous

Voici deux tableaux de sa série « Bodies in water », de cette mer en Bretagne qu’elle chérissait tant. Et d’ailleurs, ses cendres sont désormais, et depuis peu, répandues, comme elle le souhaitait ardemment, aux Sables-d’Or près de Saint-Cast dans les côtes d’Armor, deux si belles stations balnéaires bretonnes où nous passions tant de séjours estivaux, devenues ainsi lieux de pèlerinage.

water (roberta)

water (roberta) paravent

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

UNE HAUTE FIGURE DE LA DIPLOMATIE MALGACHE DES TEMPS MODERNES

            20160628_085622

Un des vitraux du Palais de Justice d’Antananarivo, l’une de ses oeuvres architecturales. – JPRA – Reproduction interdite –


           UNE HAUTE FIGURE DE LA DIPLOMATIE MALGACHE DES TEMPS MODERNES

Au moment où Madagascar tente de réintégrer une communauté des nations que cinq ans d’isolement l’y ont exclue de 2009 à 2013, et qu’actuellement encore elle peine à retrouver ses marques, la 4ème plus grande île du monde ne manque pourtant pas d’expériences internationales, tant en orientations réussies qu’en hommes de valeur des temps modernes en matière diplomatique…mais, pas que…

Parmi ces derniers, une figure emblématique émerge avec exemplarité.

CENTENAIRE DE LA NAISSANCE EN 2014

Ce diplomate multiforme, dont on a fêté le 22 avril 2014 le centenaire de la naissance à Antananarivo dans la maison familiale à Ambohitsorohitra, qui fut un des quartiers dévolus à l’ancienne caste princière des Andriandranando à laquelle sa lignée paternelle appartient, est décédé tout début janvier 1997 à Paris dans la douleur des siens.

Il aurait eu cent neuf ans en cette année 2023.

Il laisse un héritage diplomatique important et malheureusement assez mal connu, sans mentionner ses œuvres de combattant et de bâtisseur de progrès d’un pays, Madagascar, une ancienne et puissante monarchie de l’Océan indien occidental, qui retrouve en 1958 son indépendance au sein de la Communauté Française et, en 1960, sa pleine souveraineté internationale.

UN TRES GRAND PATRIOTE MALGACHE ENGAGE ET COMBATIF 

Etudiant à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts et à la Faculté de Droit de Paris, ne voilà-t-il pas que dès 1935 à Paris il fait partie, avec son ami Albert Rakoto-Ratsimamanga, des membres fondateurs de l’Association des Etudiants d’Origine Malgache (AEOM), la pépinière des patriotes malgaches de l’extérieur. De même, avec l’appui indéfectible du gouverneur Réallon, il sera à l’origine de la création fin 1936 du Foyer des Etudiants Malgaches, un prolongement social et culturel de l’AEOM, dont il établira les plans de construction.

Lors de l’Exposition Universelle de Paris de mai 1937, les arrogants pavillons de l’Allemagne nazie et de l’Union Soviétique communiste qui se font face et qui narguent l’avenir le déterminent dans sa conviction d’avoir à mener des combats de résistance à leur encontre.

De fait, durant la période sombre de l’occupation allemande de 1940 à 1944, à Paris en Résistant exigeant et exemplaire qu’il était, avec sa femme, tous deux notamment membres du premier réseau de la Résistance en France – le Réseau du « Musée de l’Homme » créé par Germaine Tillion et le colonel Houët -, entre autres actions périlleuses ils organiseront l’évasion de soldats malgaches emprisonnés dans des camps situés dans le nord de la France et les aideront matériellement et moralement afin qu’ils continuent le combat contre l’horreur nazie et pour l’honneur de Madagascar. Et tout ceci, en dépit de l’opposition, émaillée parfois de sabotages, de certains « nationalistes » malgaches qui, eux, avaient toute honte bue fait le choix d’appuyer une Allemagne nazie dont la victoire souhaitée sur la France coloniale faisait partie de leur plan…!

A la Libération en 1944 et jusqu’à 1946, date de leur départ pour Madagascar afin d’y exercer de hautes fonctions au service du développement de leur pays, notre grand patriote et sa femme redoubleront d’activités au sein du Foyer des Etudiants Malgaches, mais aussi au sein du Foyer des Anciens Prisonniers de Guerre nouvellement créé et dont ils feront partie de l’équipe dirigeante, pour aider à la réinsertion des anciens combattants malgaches désoeuvrés, en particulier pour les former dans différents métiers. Ce qui fait qu’à leur retour à Madagascar, ces derniers formeront un contingent de professionnels aguerris pour le plus grand bien de leur famille et du pays.

L’OFFICIER D’ARTILLERIE, LE GAULLISTE DE LA PREMIERE HEURE ET LE RESISTANT

Après de brillantes études d’architecture à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et à la Faculté de Droit de Paris à l’issue desquelles il est en 1943 diplômé DPLG d’architecture et d’Urbaniste SFU (Société Française d’Urbanisme), mais également de la London Architectural School, et licencié en Droit de la Faculté de Droit de Paris, le vent de la guerre le saisit et il s’engage résolument sous l’uniforme d’officier d’artillerie lourde après s’être formé en 1939 à l’Ecole d’Application d’Artillerie de Fontainebleau.

Entre-temps, c’est donc dès 1935 qu’il fait la connaissance de sa future épouse et c’est dans un rapport fusionnel que le couple se forme rapidement pour se soutenir et formuler leurs nombreux projets d’avenir.

papa et maman paris rue du cirque 1935

Le nouveau couple s’est choisi un petit appartement rue du Cirque, tout près du Palais de l’Elysée.


Dès le début de la guerre, lui se bat sur le front stratégique de la Somme face aux Allemands, comme lieutenant d’artillerie lourde en mai/juin 1940.

Répondant à l’Appel du Général De Gaulle, il est un Résistant de la première heure en s’intégrant dans les premiers réseaux de Résistance dès octobre 1940, celui du « Musée de l’Homme » créé par son amie Germaine Tillion et celui dénommé « Colonel Houët ».

  • Voir sur ce même blog l’article daté du 18 juin 2015 : « Témoignage d’un officier malgache autour de l’Appel du 18 juin 1940 ».

C’est aussi au sein de l’Organisation Civile et Militaire (OCM), une autre formation de la Résistance française de la seconde guerre mondiale d’obédience gaulliste dont il est membre qu’il milite, déjà, pour un processus d’Indépendance de Madagascar, en particulier en sa qualité de vice-président de la commission de l’Océan indien, lui qui, par la force des choses était désormais versé dans le cadre de la réserve, ce qui lui donne l’occasion de s’attaquer aussi aux questions internationales.

En effet, au sein de l’OCM c’est tout naturellement et prioritairement pour préconiser, dans une déclaration solennelle, au bénéfice de son pays d’origine, dès décembre 1945, bien avant les revendications exprimées par les quatre députés malgaches oeuvrant au sein de l’Assemblée nationale française, l’autonomie de Madagascar laquelle devait, selon sa conception, tôt recouvrer son Indépendance en se référant à son passé d’Etat pleinement souverain durant la royauté. Sa profession de foi est adoptée à l’unanimité par les instances dirigeantes de l’OCM et servira de base à la mouvance gaulliste pour préconiser au profit de Madagascar une évolution significative vers l’autonomie réelle.

Auparavant, en qualité de membre des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), il participe activement, révolver au poing, à la libération de Paris en août 1944, sa femme de même en cette même qualité mais dans la logistique.

  • Voir sur ce même blog l’article daté du 24 août 2014 : « Libération de Paris : la grâce de la Liberté ».

Image

1939: Sous-Lieutenant à sa sortie de l’Ecole d’application d’artillerie lourde de Fontainebleau


Sa veine patriotique amplement reconnue, ainsi que sa qualité d’officier d’origine malgache le plus élevé en grade, amènent le gouvernement du général De Gaulle à lui confier la responsabilité, conjointement avec les autorités militaires françaises, d’organiser le rapatriement en bon ordre à Madagascar des milliers d’anciens combattants malgaches de la seconde guerre mondiale.

Tout naturellement, ceux-ci l’éliront par la suite Président actif de leur Fédération d’Anciens Combattants nouvellement créée, ce qui l’amène notamment à revendiquer l’amélioration de la condition financière et statutaire de ces combattants méritants injustement marginalisés dans le cadre de la reconnaissance nationale de la nation française, lui-même et son épouse, également résistante et ancien combattant, tous deux d’abord dans les FFC (« Forces Françaises Combattantes ») puis dans les FFI (« Forces Françaises de l’Intérieur »), en étant d’ailleurs victimes.

Patriote ardent et non « nationaliste » au sens extrêmiste et obtus du terme, conscient des valeurs conjuguées représentées par la Patrie, l’honneur, les libertés publiques, le respect d’autrui, l’ouverture sur le monde et le progrès, dans sa position, acquise en 1946, de Directeur de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar au Haut Commissariat de France, le Malgache qu’il est s’est résolument opposé, avec son épouse, elle-même conservateur en chef du Musée du Rova d’Antananarivo, à la violence perpétrée par les forces de l’ordre contre les Malgaches durant les tristes évènements de 1947 et de leurs suites, et s’est engagé avec la même résolution pour la libération et l’élargissement des quatre députés nationalistes malgaches emprisonnés.

Le Haut Commissaire français, de Coppet, non seulement n’a jamais osé lui en tenir rigueur, mais au contraire a tenu à lui rendre hommage dans ses rapports transmis au gouvernement français à Paris.

Il était d’ailleurs mis par des personnalités politiques malgaches à la tête d’une délégation pour porter devant le haut commissaire français les légitimes protestations contre les violences exercées par les forces de l’ordre colonial à l’encontre de Malgaches pacifiques.

La réconciliation retrouvée se traduit par la tenue aux abords du Lac d’Anosy, en 1948, de la Foire-exposition du Progrès Franco-Malgache dont il est l’architecte en chef et certains des aménagements et bâtiments construits à cette occasion forment aujourd’hui encore tout un quartier résidentiel autour de l’Hôpital Befelatanana.

LE PLANIFICATEUR, LE BATISSEUR, L’ACTEUR SOCIAL ET CULTUREL

Premier architecte-urbaniste malgache diplômé en 1943 à Paris et à Londres, il fait d’abord ses premières armes en France dans la conception et la conduite d’un chantier de plusieurs habitations pour l’habitat rural, puis à Paris même dans la construction du siège de l’Office National Météorologique et de la Bibliothèque d’Histoire de la Ville de Paris sous la direction de Jean-Pierre Paquet, architecte en chef des monuments Historiques.

Il devient par la suite, dès 1946, le directeur de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar au Haut Commissariat de Madagascar et Dépendances, planificateur des grandes villes malgaches, Antananarivo, Antsirabe, Tamatave, Majunga, Diego-Suarez, Fianarantsoa, etc…, et des grands axes routiers et ouvrages structurants du pays ; bâtisseur de multiples établissements publics qui ornent ces mêmes grandes villes (parmi tant d’autres : le Lycée d’Andohalo, le Palais de Justice à Anosy, le Palais de Tsimbazaza siège de l’Assemblée nationale, le bâtiment du ministère du commerce à Ambohidahy, la Stèle de l’Indépendance d’Antsirabe, le siège de la direction de l’urbanisme et de l’habitat, la Poste Centrale d’Analakely, la Cité des Fonctionnaires près de l’Ecole de Médecine, la série des tribunaux d’instance à travers Madagascar, etc…,).

Invité par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer de Paris, il expose le 16 février 1951 à ses membres, parmi lesquels figure l’éminent Decary, la philosophie qui caractérise sa conception de l’habitat et de l’urbanisme à Madagascar, pour le présent et l’avenir.

Etant à la tête du dispositif national en matière d’architecture, d’urbanisme et d’habitat, il est formateur de la plupart des architectes, ingénieurs et techniciens malgaches du bâtiment et des travaux publics de la première génération, dont beaucoup seront envoyés en France dans les meilleures écoles.

A la fin de son mandat de Directeur de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar en 1956, désormais versé dans le secteur privé il fonde et préside l’Ordre des Architectes de Madagascar.

Auparavant, en 1953, à la demande du gouvernement soucieux de créer à Paris une Représentation économique de Madagascar, c’est lui qui trouve et propose l’acquisition du bâtiment qui fait l’angle de l’avenue Raphaël et du boulevard Suchet, face au Jardin du Ranelagh à Paris 16ème, qui constitue par la suite depuis 1960 la Résidence officielle de l’ambassadeur en exercice de Madagascar en France.

. Ci-dessous, trois exemples parmi ses très nombreuses réalisations à Antananarivo et à travers Madagascar, rien que pour l’année 1953:

immeuble razafy_0002

Ledit « Palais Razafy » , actuel siège du Ministère du Commerce. 1953.


lycée d'Andohalo

Le Lycée Gallieni (aujourd’hui Lycée d’Andohalo). 1953.


poste centrale d'analakely

La Poste Centrale d’Analakely. 1953 .


Egalement ardent défenseur et promoteur de l’Art malgache, il défend l’artisanat, notamment la tradition du « Lamba » et des métiers nouveaux comme la céramique et le vitrail dont il encourage la création moderne, et est aussi le créateur très inspiré de groupes folkloriques de référence de Madagascar, dont le « Vakondrazana », avec notamment le fameux Odeam Rakoto, et les « Ny Antsaly », avec les non moins fameux frères Randafison et Bernard Razafindrakoto. Il promeut en particulier ces derniers avec des succès inédits en Italie, en Grèce, en Angleterre et en France.

cité des arts-vue d'ensemble de face

Son projet de Cité des Arts à Antananarivo (non réalisé), conçu dès 1943.


Conscient de l’importance d’une jeunesse malgache promise à la meilleure des destinées, notamment à travers le sport, il est le président de l’AST (« Association Sportive de Tananarive ») qui rafle à l’occasion des championnats de Madagascar les places d’honneur en athlétisme, cyclisme et basket-ball.

C’est encore en faveur de cette jeunesse malgache méritante que l’ancien élève des Ecoles Chrétiennes des Frères qu’il fut, devient le président fédéral de la Fédération malgache des Ecoles Chrétiennes des Frères de Madagascar, et membre du conseil d’administration de la Fédération mondiale de la même mouvance catholique présidée par son ami, Monsieur Sineux .

papa, taittainger et sineux

Il est reçu à l’Hôtel de Ville de Paris, en compagnie du président Sineux (à sa droite), par Monsieur Christian Taittinger, Président du Conseil de Paris.


Et, c’est à ces titres qu’il préside avec Monseigneur Jérôme Rakotomalala la délégation de Madagascar invitée par le Pape Jean XXIII à Rome y participer au Vatican et à Castel Gondolfo en 1959 au Congrès mondial de cette mouvance catholique majeure et que d’emblée il s’y fait apprécier amicalement par le souverain pontife (cf. sur ce même Blog, l’article intitulé « Madagascar et le Saint-Siège).

L’ACTEUR POLITIQUE MAJEUR OUVERT A L’INTERNATIONAL

La politique, bien entendu, n’a pas échappée à son grand intérêt ni à sa vocation, dans l’esprit vrai de l’intérêt et du bien publics.

Leader de la mouvance catholique malgache modérée et fidèle à la conception publique progressiste et humaniste sublimée par ses amis Edmond Michelet, Germaine Tillion ou Michel Debré, il est un conseiller municipal très actif et respecté de la capitale malgache, Antananarivo, tenue d’une main ferme par son ami et néanmoins adversaire politique Stanislas Rakotonirina.

Il est foncièrement nourri par les traditions séculaires issues de sa double appartenance aux maisons princières des Andrianamboninolona (par sa mère) et des Andriandranando (par son père) dont, pour ces derniers, il sera le président-fondateur de l’Association « Terak’ Andriandranando » (le vice-président en étant son beau-frère Emmanuel Razafindrakoto, un leader nationaliste en vue), avec ce souci constant de ne point oublier que dans maintes provinces de Madagascar, notamment en pays Sakalava, dans le Sud-Est en particulier à Vohipeno, dans le Vakinankaratra ou chez les Antemoro, les Andriandranando ont formé et continuent de former la classe nobiliaire régionale.

pierre Razafimbelo

Son grand-père maternel, Pierre Razafimbelo, 15 Voninahitra (Honneurs), auteur d’un ouvrage de référence sur les Andrianteloray. Il appartenait à la lignée princière des Andrianamboninolona.

Pierre Razafindramanana, 15 Honneurs

Son père, Pierre Razafindramanana, 15 Voninahitra (Honneurs), notamment constructeur de la Gare centrale d’Antananarivo et de l’Hôtel des Thermes d’Antsirabe, l’architecte français Fouchard en étant le concepteur. il appartenait à la lignée princière des Andriandranando.


Sur le plan social, sa participation active au sein du mouvement international des Classes moyennes, tout particulièrement de l’Institut International des Classes Moyennes, le conduit partout en Europe, notamment au congrès international de Nice en 1959 en présence de ministres européens, ce qui lui permet d’attirer l’attention générale sur les problématiques du développement de Madagascar, notamment autour du rôle central qu’il attribue à la Femme et à la Jeunesse.

Dans sa considération de la Femme malgache, il est amicalement appuyé à l’international par son amie Hélène Lefaucheux, connue durant la Résistance à Paris, devenue la présidente du mouvement féministe français de l’époque.

Dans la même veine, cette fois-ci sur le plan de ce qui se qualifie aujourd’hui comme étant l’Interculturel, en tant que membre de l’Institut International des Civilisations Différentes (l’ « INCIDI ») de Bruxelles présidé par le Roi des Belges, il est en belle compagnie puisqu’en particulier il y siège avec son ami Jacques Rabemananjara et son camarade et co-résident de la Cité Universitaire Internationale de Paris, Léopold Sedar Senghor, futur Président de la République du Sénégal, et François Luchaire, éminent juriste français qu’il apprécie.

Il s’agit pour lui, bien entendu, d’y faire mieux connaître son pays, Madagascar, et que ce pays insulaire s’il en est, intègre pleinement la communauté internationale.

1956 papa et senghor

1956: PapaBe et Senghor en pleine conversation (MamaBe au premier plan) à Antananarivo lors d’une réception aorganisée à la « Villa Dieudonnée » à Antsofinondry.


Cet enracinement d’ouverture nationale, internationale, sociale et culturelle transparaît constamment dans son engagement politique et public.

Il est d’abord le président intransigeant de l’UDIM (« Union de Défense des Intérêts Malgaches ») face aux extrêmistes de tous bords, tant sur sa droite représentée par les thuriféraires de la « Présence française », que sur sa gauche, soutenue et parfois animée par le Parti communiste français, en une période de la vie nationale malgache placée sous le régime issu de l’ « Accord-Cadre » de 1956 ayant octroyé aux anciennes colonies françaises un statut de relative autonomie interne.

Ses soutiens portent des noms prestigieux comme ceux des docteurs Ranjeva ou Ramamonjy-Ratrimo, Louis Rakotomalala, ou encore ceux de messeigneurs Sartre et Rakotomalala du haut clergé catholique, mais se recrutent également dans la classe populaire.

Président-fondateur du Comité Malgache du Secours Catholique, il contribue grandement à aider les victimes des malheureux évènements de 1947 dont les séquelles perdurent.

Tsiranana et PapaBe (1959)
Philibert Tsiranana et Papa’Be (à droite). Début 1959. A l’extrême gauche: son ami Louis Rakotomalala, Ministre des Relations extérieures.
———————————————————–

Puis début 1958, dans le combat s’ouvrant dans la perspective de l’Indépendance de Madagascar, et face au PSD (« Parti Social-Démocrate ») de Philibert Tsiranana qui prône pour Madagascar un régime présidentiel très affirmé à caractère vertical, avec son ami Norbert Zafimahova il crée l’UDSM (« Union des Démocrates-Sociaux de Madagascar ») dont il est vice-président national, sa préférence allant vers un régime parlementaire tempéré par une présidence tenue par une forte personnalité.

Faisaient notamment partie de l’UDSM des personnalités notoires comme Albert Sylla et André Raondry qui feront plus tard défection pour rejoindre Tsiranana parvenu à accéder en août 1958 à la Présidence de la République malgache naissante.

Alors même qu’étant déjà en fonction en qualité d’ambassadeur accrédité auprès de différents pays et organisations internationales, le président Tsiranana et son gouvernement n’oublient pas en lui l’ « architecte national ».

De sorte que quand en 1963 il s’était agi de faire tenir à Tamatave la première Foire Internationale devant promouvoir à l’International les capacités de Madagascar et des Malgaches, c’est naturellement, pour ainsi dire, qu’il est fait appel à ses compétences inégalées d’architecte pour superviser la maîtrise d’œuvre de la conception et de la réalisation de ladite Foire internationale.

papa et tsiranana

1963: le Président Tsiranana reçoit PapaBe au Palais d’Andafiavaratra.


TOUS LES CHEMINS MENENT A ROME – LE DIPLOMATE INCONTOURNABLE

Tout cela est mené parallèlement avec l’enthousiasme, le courage et la détermination que tous lui reconnaissent.

Mais, s’agissant de sa carrière internationale publique à proprement parler, c’est-à-dire en représentation étatique officielle, c’est dès 1957 qu’il est sélectionné pour devenir un haut représentant de Madagascar à l’étranger, que sans doute ses amitiés forgées à l’extérieur de son pays, bien sûr en France, mais aussi en Angleterre, au Japon, ou en Turquie, vont accentuer.

D’ailleurs, à Madagascar même, en qualité de Conseiller spécial, il représente officiellement à diverses occasions son ami et aîné Louis Rakotomalala, chargé par le président Tsiranana dès 1958 des affaires extérieures dans le gouvernement de la République malgache avec le titre de Ministre des Relations Extérieures.

Conseiller spécial du MAE

A l’extrême droite sur la photo, il reçoit avec Louis Rakotomalala (au centre), Ministre des relations extérieures, le 1er Ambassadeur de l’Inde à Madagascar (juillet 1960). Photo ci-dessous : il reçoit aussi (à l’extrême-droite sur la photo), aux côtés du Président de la République malgache (au centre) et du Ministre des Relations extérieures (au centre droit) le 1er Nonce Apostolique accrédité à Madagascar (juillet 1960).

1er ambassadeur près Vatican


Commence alors une carrière diplomatique aussi intense que diversifiée, nourrie par ses expériences de combattant des Libertés en France et à Madagascar, de concepteur public et de bâtisseur infatigables.

Il effectue fin 1957 un stage de plusieurs mois au Quai d’Orsay, le ministère français des affaires étrangères, ce qui complète sa formation de haut fonctionnaire acquise auparavant en 1950-51 au Centre des Hautes Etudes Administratives de l’Ecole Nationale d’Administration de France, cet établissement qui forma aussi dans une promotion antérieure Georges Pompidou, ancien président de la République française.

Fin 1956 il était libéré de sa charge à la tête de l’architecture, de l’urbanisme et de l’habitat de Madagascar et c’est tout naturellement qu’il crée à Madagascar l’Ordre des Architectes de ce pays, exerçant sa présidence jusqu’en 1958, tout en suivant jusque là son stage au Quai d’Orsay.

papa au CHEA de l'ENA

1951 à Paris : PapaBe au Centre des Hautes Etudes Administratives de l’ENA (visage cerclé au 2ème rang à droite), dans la même promotion que son ami le ministre et écrivain Edmond Michelet (au premier rang à gauche).


C’est en effet à Rome que se noue définitivement sa carrière diplomatique.

Le voici dès 1958 nommé 2ème conseiller, chargé des affaires économiques à l’Ambassade de France en Italie, à cette époque la diplomatie malgache étant intégrée dans celle de la Communauté Française, il est à ce titre également le représentant officiel de Madagascar, rôle parallèle qui lui permet de promouvoir en Italie son pays d’origine, spécialement en matière économique et culturelle.

Les coïncidences nécessaires de l’histoire font qu’à Rome, au magnifique Palais Farnese, siège de l’Ambassade de France en Italie, il est placé sous l’autorité très amicale de Gaston Palewski, Compagnon de la Libération, ancien directeur de cabinet du Général De Gaulle, qu’il avait connu durant la guerre et qu’il retrouve avec grand plaisir.

De là est née l’origine féconde des relations italo-malgaches, car le sachant ambassadeur virtuel de son pays d’origine, l’ambassadeur français de ce diplomate malgache « atypique » laisse ce dernier quasiment libre de ses mouvements au service de Madagascar !

Le voici, en particulier, qui organise à Rome en 1960 la première exposition d’envergure de connaissance de Madagascar à l’étranger, le maire de Rome, de hautes personnalités italiennes et du monde diplomatique assistant à son inauguration, ce qui lui vaut un article remarqué dans le quotidien « Le Figaro » du 18 novembre 1960…

papa et maire de rome

PapaBe et le Maire de Rome lors de l’inauguration de l’exposition sur Madagascar (1960) qu’il fit tenir.


Lui-même devenu par la suite officiellement ambassadeur de Madagascar, il intensifiera ces relations avec une vitesse inégalée dès 1961, année où il sera nommé ambassadeur de Madagascar dans ce pays, l’Italie. Pays qui m’est cher, puisqu’il est celui de mon papa, moi l’Italo-Malgache…

Sont notamment à son actif la présence à Madagascar du groupe pétrolier italien « Aggip », l’établissement d’une liaison aérienne directe Rome/Antananarivo par « Alitalia » ou la découverte par les Italiens des trésors touristiques de Madagascar, tandis que sur le sol italien lui-même se découvrent et s‘apprécient la bonne viande bovine (provenant du Zébu) malgache, l’artisanat, la culture ou les richesses minières d’un pays aux potentiels multiples.

Et, voici qu’à l’occasion d’un double évènement exceptionnel, l’ouverture du Concile Vatican II de novembre 1962 et le 80ème anniversaire du Pape Jean XXIII, à nouveau il est placé par le Président de la République de Madagascar à la tête de la mission diplomatique spéciale de son pays.

Il pénètre à nouveau dans la Basilique Saint-Pierre de Rome et est, à nouveau, reçu par le souverain pontife (cf. sur ce même Blog l’article intitulé « Madagascar et le Saint-Siège »).

HAUTES MISSIONS AU ROYAUME-UNI, EN GRECE ET EN ISRAEL

En cette époque du début des années 1960, tant par économie de moyens que pour optimiser son dispositif diplomatique, Madagascar fait le pari, en l’occurrence gagnant, de miser sur ses trois seuls « super-ambassadeurs », respectivement accrédités aux Nations Unies et aux Etats-Unis, en France et en Allemagne Fédérale, et au Royaume-Uni et en Italie.

Cependant, dès 1959, alors que Madagascar n’était encore qu’Indépendant sans maîtriser pleinement ses relations internationales, Tsiranana avait pensé à envoyer « le premier des Malgaches », ainsi que le président malgache le qualifiait au vu de ses nombreuses compétences, représenter Madagascar aux Nations Unies.

Le président malgache n’avait pas oublié que celui qu’il choisit ainsi fut le premier à préconiser pour Madagascar, l’intégration au sein de la représentation permanente française à l’ONU d’un représentant malgache à un rang élevé tant que Madagascar était intégrée au sein de la Communauté Française.

Seules les sourdes et obscures oppositions de certains, dont les noms seront tus ici, feront échouer ce projet. Il en était de même pour ce qui était de le nommer à quelque haute fonction, soit ministérielle, soit institutionnelle, largement à sa mesure.

De telles oppositions ne pouvant cependant ni se justifier ni tenir longtemps, lui-même imposant sa stature, sa vocation à l’International s’imposa pareillement.

Cumulativement avec les chemins qui l’on fait converger à Rome, le voici donc engagé également sur une voie enfin dégagée auprès de la Cour de St-James, c’est à dire auprès de la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni.

Londres, la capitale britannique où son lointain aïeul, l’ambassadeur Andriantsitohaina, avait été reçu en 1836 par les souverains britanniques, lui est promise.

C’est sa résidence principale, d’où il se déploiera cumulativement dans d’autres pays européens et auprès d’organisations internationales du système des Nations Unies.

Image

1961 : Papabe, ambassadeur,  à Londres. Il fut un grand marcheur.


Comme à Rome où il est le premier ambassadeur accrédité de son pays, au Royaume-Uni il initie également avec le même enthousiasme des relations fécondes, ce malgré l’appartenance de Madagascar au monde francophone que le gouvernement anglais voit d’un oeil suspicieux en ces temps de tension relationnelle franco-britannique due à la raideur des vues françaises vis-à-vis d’une Angleterre penchant de trop vers les Etats-Unis, l’Atlantique et l’OTAN.

Mais, il réussit de par sa propre personnalité à s’attirer tout particulièrement les amitiés du Secrétaire d’Etat au Foreign Office, Lord Douglas-Home et de Lord Marrivale, un « MP » influent, membre de la Chambre des Lords.

Dans le cercle diplomatique francophone de Londres, il tient aussi une place de choix pour l’animer, ceci ne l’empêchant pas d’entretenir avec ses collègues asiatiques, notamment les hauts commissaires de la Malaisie, les ambassadeurs du Japon, de l’Indonésie, du Viet-Nam, du Laos et du Cambodge, des liens très étroits.

papa et lord hume

PapaBe et et son ami Lord Douglas-Home, Secrétaire d’Etat au Foreign Office, qui sera plus tard Premier ministre britannique


papa, PM Laos

1964: PapaBe en conversation avec le Prince Souvama Phouma, Premier ministre du Royaume du Laos


Les produits malgaches commencent néanmoins à s’introduire au Royaume-Uni, notamment le pois de cap et les œuvres et produits artisanaux, tandis que des échanges mutuels au niveau des industries sont initiés.

La culture et l’histoire, avec ce pays avec lequel Madagascar avait noué des relations solides tout au long du XIXème siècle, font l’objet d’un soin particulier, spécialement avec deux faits significatifs :

. la création de l’« Anglo-Malagasy Society », une institution culturelle et d’échanges aujourd’hui bien pérennisée, l’ambassadeur malgache qu’il est en étant vice-président, et Lord Marrivale en étant président ;

. et le don à Madagascar, par la puissante « London Missionnary Society », d’un imposant tableau représentant les ambassadeurs malgaches reçus par la Reine Adélaïde en 1836 au Château de Windsor.

ny antsaly au rova 2

1964. La remise au Rova d’Antananarivo du tableau de H. Room donne lieu à une cérémonie exceptionnelle dans la salle du Trône, présidée par P. Tsiranana (à droite en second plan, Papabe étant à la gauche du président malgache, trois quart de profil sur la photo). Le groupe « Ny Antsaly » s’apprête à entonner les hymnes nationaux britannique et malgache.


Quant aux locaux de l’ambassade de Madagascar et à la Résidence de l’ambassadeur, ils sont établis non sans difficultés dues à la complexité et à l’étroitesse du marché immobilier londonien, dans les meilleurs quartiers de Londres, l’une à South-Kensington (la chancellerie) face au Musée d’Histoire Naturelle et non loin de Knightsbridge, l’autre (la résidence de l’ambassadeur) à Hyde Park Gate non loin de la résidence de Churchill et du « Royal Albert Hall ».

résidence londres 5

Grand salon de la Résidence de l’Ambassadeur à Londres (ici lors d’une réception à l’occasion de la Fête de l’Indépendance), tel qu’il avait été conçu et aménagé selon les plans établis par PapaBe. Les éléments de décor sont également de sa conception et exécutés par des artistes malgaches et français.


Le groupe « Ny Antsaly » gagne en 1964 le second prix international d’un concours folklorique au Pays de Galles, tandis qu’un livre de référence, « Zoo quest to Madagascar » de Lord Attenborough, rapidement publié, fait mieux connaître aux lecteurs anglo-saxons les richesses endémiques de Madagascar.

En Grèce, autre pays avec lequel Madagascar a décidé de développer des relations suivies, en particulier en raison de la présence à Madagascar d’une petite mais très active communauté grecque, le même ambassadeur malgache y est accrédité.

Très vite, il réussit à séduire personnellement le Roi Paul Ier et son gouvernement et très vite Madagascar caracole sur les crêtes diplomatiques dans les domaines culturel (conférence à l’Académie d’Archéologie d’Athènes en la présence personnelle et très exceptionnelle du Roi des Hellènes), économique (introduction en Grèce de la viande bovine du Zébu et des chapeaux de paille malgaches) et historique (cérémonie et rapatriement à Madagascar des dépouilles mortelles des soldats malgaches morts au combat en Macédoine durant la première guerre mondiale).

papa etroi paul 1er

PapaBe et le Roi Paul 1er de Grèce (père de la reine Sophie d’Espagne) à la sortie de l’Académie d’Archéologie d’Athènes (en arrière plan, le ministre grec des affaires étrangères) où PapaBe venait de prononcer une conférence consacrée à Madagascar.


Israël est un autre pays de prédilection pour le président Tsiranana, celui-ci en bon socialiste étant séduit par la formule des « Kibboutz ».

Le président malgache y accrédite son « ambassadeur préféré », immédiatement apprécié par Madame Golda Meïr, la figure de proue de ce pays de pionniers, avec qui il saura créer des liens amicaux.

Très vite Israël apporte ainsi à Madagascar sa compétence signalée en matière agricole, en particulier par l’introduction à Madagascar des techniques coopératives qui ont fait leurs preuves dans les « Kibboutz », et de façon moins heureuse, en matière sécuritaire (avec la création des controversées « FRS » – « Forces Républicaines de Sécurité » placées sous l’autorité de André Resampa, ministre de l’Intérieur, et qui bénéficient de la coopération israëlienne).

REPRESENTATION AUPRES D’ORGANISATIONS SPECIALISEES DE L’ONU

Mais, étant basé principalement à Londres, le même ambassadeur malgache étend également son champ d’action à l’Organisation Maritime Consultative Intergouvernementale (OMCI, mère de l’actuelle Organisation Maritime Internationale, OMI), ainsi qu’au Comité de Planification et de la Construction du Conseil Economique et Social de l’ONU, également basés à Londres même, mais aussi à la Conférence de l’UNESCO sur les constructions scolaires, ce en qualité de Représentant permanent.

Pour le jeune Etat malgache en construction, ces organisations spécialisées offrent des possibilités de coopérations techniques que le diplomate malgache sait exploiter à bon escient au bénéfice de son pays et de ses nationaux.

Ainsi, intervenant en pleine tentative américano-soviétique de domination conjointe des océans, des accès maritimes et des installations portuaires au sein de l’OMCI en 1963, le Représentant permanent de Madagascar qu’il est, bataille durement et parvient à faire accéder son pays au rang de puissance maritime majeure et de le faire élire au conseil exécutif de l’OMCI aux côtés des super-puissances et des grandes nations maritimes de cette planète qui, à l’époque, se réservaient cette enceinte de direction.

Cette audace plaît tant à De Gaulle qu’il fait attribuer de suite au représentant malgache qu’il est le grade d’officier du Mérite Maritime français…

L’ALLIAGE DE LA DIPLOMATIE ET DE LA CONSTRUCTION

La fin 1965-début 1966 est la terrible époque de rupture avec l’Etat malgache qui soudainement l’évince avec brutalité et de façon attentatoire à ses droits statutaires comme aux droits fondamentaux, ce pour des motifs d’une triste futilité mais en rapport avec la jalousie maladive de certains « hauts dirigeants » qui, à force de menaces, finirent par forcer la décision du président malgache…

Le combattant demande justice et après d’âpres et longues batailles la Cour Suprême de Madagascar finit par condamner l’Etat malgache, lequel cependant, drapé dans ce qu’il considère comme son statut d’impunité, ne s’est jamais exécuté de ses obligations (notamment pécuniaires, puisque l’Etat malgache fut condamné à lui régler différentes sommes au titre de ses salaires et avances diverses qu’il avait faites pour l’aménagement des locaux de l’Ambassade de Madagascar à Londres).

Le constructeur et le diplomate ne font qu’un en lui, comme le forgeron sait maîtriser dans un alliage suprême le fer et le feu pour donner naissance au métal de son choix. Libéré de ses missions officielles au service de la diplomatie étatique malgache, le gouvernement malgache n’ayant pas voulu lui proposer d’autres fonctions à sa mesure, c’est sur d’autres terrains qu’il exerce désormais ses talents.

Sur proposition d’Edgard Pisani, ministre français de l’Equipement, en 1967 il est Chargé de mission, de liaison et de coopération internationale au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment français (CSTB), un établissement public de recherches et d’études, ce qui lui permet de mener des missions d’architecte et d’urbaniste au nom de la France dans les pays en développement, notamment africains.

Il est notamment amené à participer à la réalisation du Plan marocain de développement du Tourisme en répondant à l’appel du Ministre marocain de la planification.

Egalement professeur, durant trois ans il enseigne l’Aménagement de l’Espace à l’Ecole Spéciale des Travaux Publics de Paris, qui forme des ingénieurs parmi les meilleurs en matière d’ouvrages publics, est membre du Jury des Concours à son école d’origine, l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, et siège au conseil d’administration de la « Société des Architectes Diplômés par le Gouvernements », les fameux « Architectes DPLG ».

Ainsi replacé dans l’orbite professionnelle de l’acte de bâtir, avec ses confrères français architectes et urbanistes, mais aussi ingénieurs des travaux publics, il s’active beaucoup dans les débats et réformes en cours afin que la profession d’architecte épouse les dernières évolutions technologiques et être ainsi en phase avec ces temps hyper-industriels où les éléments préfabriqués imposés par les grands groupes du bâtiment font désormais partie intégrante de l’architecture moderne soucieuse d’économie d’échelle et de restriction budgétaire imposées par les maîtres d’ouvrage.

Son retour à Madagascar le fait vivre activement la révolution de mai 1972 à Antananarivo, sa notoriété auprès de la jeunesse étant intacte, lui qui de même, et déjà à Paris en mai 1968, avait sympathisé avec les étudiants assoiffés de respiration nouvelle.

La destruction par l’incendie du Palais d’Andafiavaratra et de la Mairie d’Antananarivo sur l’avenue de l’Indépendance le fait réagir spontanément en vue de leur réhabilitation, ce avec un soutien populaire enthousiaste, mais décidément l’Etat malgache fait la sourde oreille.

A un moment, le général Ramanantsoa, le « nouvel homme fort » du pays, pense lui confier un vaste ministère de la construction et des travaux publics, mais ici encore de sournoises manigances de dinosaures « hauts responsables » politiques font capoter le projet…

Le planificateur en lui ne reprend pas moins du service pour la conception et la réalisation de maints projets d’envergure programmés par l’Etat, comme c’est le cas pour l’aménagement de la vaste zone rurale de Laniera dont établit le plan.

Il bâtit également villas et édifices divers entrant dans différents programmes publics et privés.

LE RETRAIT

Mais, voilà qu’en 1985, en pleine déliquescence économique, sociale et morale générée par un régime impitoyable imposé depuis plusieurs années par l’ « amiral rouge » qui prône un socialisme avilissant, un drame surgit. En effet, lui et son épouse sont sauvagement agressés nuitamment chez eux par des « Madinika » – « les miséreux » – surexcités et manipulés par des potentats du régime socialiste au pouvoir.

Lui, est laissé pour mort par ses agresseurs, mais le corps et l’esprit de l’homme prennent le dessus pour survivre !

Une retraite forcée lui est ainsi imposée par cette tragédie survenue dans un contexte d’un autre âge qui ramène au moyen-âge et à la pure sauvagerie.

Il ne reconnaît plus son pays, pour qui il a tant fait, tant donné, dans le plus pur esprit d’abnégation. Madagascar va à la dérive. Il se retire définitivement de la scène publique, sans oublier sa famille ni le peuple malgache dont la souffrance croissante l’attriste tant.

papa, maman (versailles 1981)

Lui et son épouse, ancienne chargée de mission auprès du Conservateur en chef du Musée de Versailles et des Trianons de 1942 à 1946, retrouvent avec bonheur le château de Versailles.


Eté 90 chateau de Bourbansais

En famille à l’été 1990 au Château de Bourbonsais en Bretagne (sur la photo: à gauche au 1er rang, mes cousines Laurence junior et Anne; au second rang : à gauche, notre oncle Jean-pierre, MamaBe, PapaBe et Laurence senior notre tante.


Avril 92 Annou Lalo anniv PapaBe

Avril 1992 à Paris. Il fête joyeusement en famille l’anniversaire de sa petite-fille aînée, Anne (ici, de gauche à droite : PapaBe, Anne, MamaBe, ma cousine Laurence junior et ma tante Laurence senior, Roberta, notre tante).


noces d'or papabemamabe 2

Ses noces d’or avec son épouse sont fêtées le 27 janvier 1992 à la Mairie du XVIème arrondissement de Paris sous la présidence de son ami Christian Taittinger, le Maire. De même que lors des noces d’or de ses propres parents en 1953, l’évènement est gravé dans le bronze.


Ainsi est allée sa vie, dans la joie familiale et entouré de tous les siens, jusqu’à son décès le 3 janvier 1997.

Dans son édition du 7 janvier 1997, le journal « Le Monde » n’a pas manqué de rendre hommage à l’homme et de souligner sa qualité de « gaulliste de la première heure » et de « vétéran de la diplomatie malgache ».

SON IDENTITE

Les uns le reconnaîtront donc sans peine, les autres le connaîtront désormais mieux, et certains le découvriront, mais tous en saluant sa mémoire :

il s’agit de Pierre RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO.

Il est mon grand-père maternel.

Il était fidèle à l’assignation du Roi Ralambo qui disait : « C’est à la source des Andriana que les Merina ont trouvé des princes à servir ».

Mais, pour lui, le service s’étendait aux Malgaches dans leur ensemble, sans distinction d’origine provinciale.

Homme de culture, la formule d’André Malraux lui va bien : « ce qu’on appelle la culture, c’est d’abord la volonté de retrouver, d’hériter et d’accroître ce qui fut la noblesse du monde ».

Sa personnalité très attachante et si vivante, pour ceux qui l’ont connu, s’identifie incontestablement à cette période faste de toutes ces années de fin 1950 et de 1960 où Madagascar, unie dans un esprit constructif, pratiquant la cohésion sociale sans dissimuler les spécificités régionales, avait au final un niveau économique et social supérieur à celui de la Thaïlande.

Son exemplarité n’était certes pas unique, mais elle était, est et demeurera, je n’en doute pas, exemplaire pour les générations passées, présentes et futures.

Il est bien attristant de constater qu’à ce jour, sans aucun doute pour des sentiments nourris par la jalousie qui n’honorent nullement les personnes visées, au vu de ses immenses mérites aucun hommage solennel ou officiel ne lui ait jamais été rendu de la part des hautes autorités malgaches ni de hautes personnalités de la société civile.

Mais, peu importe l’ingratitude de l’espèce humaine malgache, les faits sont là…

                           L’ASCENDANCE DE PIERRE RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO

Ci-dessous sa généalogie, faisant apparaître sa double ascendance princière Andriandranando (de par son père) et Andrianamboninolona (de par sa mère), les deux plus vieilles maisons nobiliaires de Madagascar, en particulier de l’Imerina, à l’origine de la monarchie malgache.

Ascendance de PRA

                                                                    SES DECORATIONS

  1. A titre militaire:

. Croix de Guerre 39-45 avec Etoile de Vermeil et citation à l’ordre du Corps d’Armée (France)

. Croix de la Libération (France)

. Croix du Combattant Volontaire de la Résistance (France)

. Croix d’Ancien Combattant (France)

          2. A titre civil:

. Grand’Croix de l’Ordre de Saint-Grégoire le Grand (Saint-Siège)

. Grand’Croix de l’Ordre Royal de Grèce

. Commandeur de l’Ordre National Malgache (Madagascar)

. Officier du Mérite Maritime (France)

. Chevalier de l’Ordre Royal des Comores, Etoile de la Grande Comores

                                                                               *

                                                                     *                   *

Tel fut mon grand-père, que j’adorais et dont la mémoire me reste et restera vivace.

Toute ma profonde et reconnaissante affection à mon très cher grand-père !

Profonde et reconnaissante affection dans laquelle mes cousines, Anne et Laurence Razafy-Andriamihaingo, petites-filles de Pierre Razafy-Andriamihaingo, s’associent très volontiers.

Julien BERGAMIN-RAZAFY ANDRIAMIHAINGO

Gérant de Société à Genève (Suisse)

———————————————————————————————–

Reproduction, même partielle, interdite des textes et des illustrations

————————————————————————-

LE SITE HISTORIQUE D’AMBOHITSILAIZINA

Image

« Tombeau jumeau d’Ambohitsilaizina, composante occidentale » (Crédit-photo, Raoul Rabemananjara) – Reproduction interdite –


                          AMBOHITSILAIZINA, UN LIEU DE MEMOIRE EXEMPLAIRE

A quelques kilomètres seulement d’Antananarivo (district d’Antsimondrano), au sud, là où jadis, à partir du XVème siècle, se formèrent les principautés à l’origine de ce qui sera plus tard l’Imerina réuni en un royaume unitaire, se trouve un site magnifique et certainement unique en son genre, posé sur une petite colline :

. Ambohitsilaizina.

Sa découverte est très récente, et la révélation de sa richesse historique, due à l’architecte-peintre, mon oncle maternel Raoul Rabemananjara, se signale pour ajouter à une meilleure connaissance de notre passé lointain et récent. Dans son ensemble, le site s’ouvre sur fond de champs et de rizières qu’entoure une chaîne de montagnes.

Comme toujours sur les plateaux centraux de l’Imerina, on l’a vu par ailleurs à Ambohibe-Manakasina-Ambohipotsy pour ce qui concerne l’une de ses plus vieilles branches royales et princières (cf. sur ce même Blog, « Les sites sacrés de Ambohibe-Manankasina-Ambohipotsy), à l’emplacement passé de la demeure du seigneur local se substitue peu à peu au fil du temps et de la paix retrouvée la demeure éternelle, la sépulture, de celui-ci et de ses descendants.

Cette tradition est respectée à Ambohitsilaizina.

Le magnifique et énorme double tombeau (voir les photos) qui domine le village du même nom est très représentatif de ces sépultures princières et seigneuriales d’antan, ceintes de murs de pierres sèches (« manda ») comme il s’en trouvait à Ambohipotsy-Antananarivo aux mêmes époques aux XVème-XVIème siècles.

Ici, des dalles de pierres verticales, sans doute témoins des améliorations apportées au fil des temps, bien visibles à Ambohitsilaizina, donnent à l’ensemble une forme architecturalement élaborée qui dépasse le simple tumulus d’antan, et maintiennent un édifice dont la révélation au grand jour émerveille, grâce aux travaux effectués par les villageois eux-mêmes en l’an 2000 sous la direction de l’architecte-artiste Raoul Rabemananjara.

Ils mettent en évidence une construction fondée sur des sous-sols composés de caveaux logeant les défunts et reliés par des couloirs, et d’où s’érigent, pour le tombeau principal trois niveaux de plateaux et, s’agissant du second placé en contigu, quatre.

Image

« Tombeau d’Ambohitsilaizina, jointure des deux composantes » (crédit-photo, Raoul Rabemananjara) – Reproduction interdite –


En réalité, on le voit, nous sommes en présence d’un véritable monument, très exceptionnel par sa dimension inusitée (une vingtaine de mètres de longueur sur huit de large) et par son quasi parfait état de conservation. Un grand escalier relie les deux parties du double tombeau ancestral.

Des fouilles archéologiques sont, sans aucun doute, à programmer sur les lieux, lesquels comportent aussi des vestiges de constructions anciennes qui méritent eux également protection, réhabilitation et conservation.

S’y trouvent en effet, selon les découvertes de Raoul Rabemananjara et des habitants du village d’Ambohitsilaizina, les ruines, jusque là enfouies sous divers végétaux, d’au moins deux anciennes maisons en terre et un ancien mur d’enceinte fortifiée en pierre de 40 mètres sur 50.

En contre-bas, à l’intérieur même du village il y a encore une maison comportant une cour et un vaste terrain avec un petit fourré de bambous, de construction plus récente que les précédentes, et appartenant aux descendants de Rabemananjara.

Les faits et gestes historiques sont bien entendu à mêler à ces considérations patrimoniales, les lieux en étant imprégnés.

Le dernier à être enseveli dans le tombeau principal à Ambohitsilaizina est Raoily Rabemananjara, dont le propre père fut un chef « Menalamba » d’envergure, les « Menalamba » étant une phalange de partisans royaux en lutte contre l’envahisseur français, spécialement contre le « Jeneraly Masika » (« Général Méchant ») Gallieni, après la déportation de la Reine Ranavalona III et la chute de la monarchie en 1896.

L’ancêtre Rabemananjara, de même que sa fille morte-née, Andrée, y furent également enterrés. Décédé à l’âge de 57 ans en cette même année, vraisemblablement en forêt des suites de ses blessures reçues en opération, le corps de Rabemananjara fut ramené à Ambohitsilaizina par ses fidèles.

Image

« Tombeau jumeau d’Ambohitsilaizina, composante orientale » (crédit-photo, Raoul Rabemanajara) – Reproduction interdite –


Les descendants de Rabemananjara et les habitants du village d’Ambohitsilaizina prévoient de poursuivre les travaux visant à délimiter le périmètre de protection et de valorisation des vestiges historiques et patrimoniaux d’une part, et à fixer les orientations de recherches archéologiques d’autre part.

Ce qui est au centre des préoccupations, ce sont également la ré-appropriation des traditions locales et la revitalisation de la mémoire des lieux, de même que l’amélioration des conditions de vie des habitants du village.

Toutes choses qui réclament disponibilité, organisation, appuis en moyens techniques et financiers, auxquelles s’ajoute l’espoir de dispositions favorables de l’administration pour ce qui concerne les opérations de préservation patrimoniale historique, voire de promotion.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

————————————————-

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

————————————————-

LA LANCINANTE QUESTION DE LA SECURITE FONCIERE

Image

« Bol de cristal entre deux pamplemousses », acrylique (jipiera) – Reproduction interdite –


                           LA LANCINANTE QUESTION DE LA SECURITE FONCIERE

Le comportement gravement prédateur de trop de puissants dans ce monde dit « moderne » où nous vivons, fait rejaillir le phénomène mondial et lancinant de l’accaparement des terres sur tous les continents.

Nul doute que la mondialisation et la globalisation, qui remplacent avec un semblant d’esthétisme sémantique les mêmes pratiques prédatrices, font figure d’idéologies dominantes pour enhardir toutes les ardeurs capitalistiques en la matière.

Et pour ne citer que le cas de Madagascar et de la résistance légitime des paysans à toute marchandisation capitalistique des terres, en particulier celles où se sont organisées et continuent de s’organiser leur mode de vie, on mesure les dangers inhérents aux dérives prédatrices des grands groupes étrangers désireux de s’approprier des richesses supposées faciles à exploiter sur la Grande Ile.

Posons d’abord quelques données de la question.

REALITES HISTORIQUES ET CONSIDERATIONS PREMIERES

Certes, la question n’est pas née d’aujourd’hui puisque l’Histoire, hélas !, nous rappelle combien terrifiants furent, par exemple et parmi mille autres, les ravages génocidaires commis par les Conquistadors et autres « pionniers » de l’ « Ancienne Europe » quand il s’était agi de conquérir aux Amériques sur des « sauvages » des terres, forêts et collines « promises ».

En nos jours, les pratiques d’accaparement sont, en apparence moins génocidaires, mais n’en poursuivent pas moins, aux noms du progrès, de la croissance économique et du développement agricole, leurs effets destructeurs sur la nature, les hommes, les strates sociales et la conscience humaine.

De quoi s’agit-il ?

Déloger les « arriérés » de la civilisation et modéliser en leur lieu et place un mode d’exploitation rentable au nom de la trinité « finance-rentabilité-économie » ? Assurer à la communauté des hommes et à l’humanité entière de quoi se nourrir, se loger et s’occuper pour l’éternité ?

Nul doute que les motivations et autres visées sont toutes aussi justifiantes que, souvent, alléchantes.

Mais, l’éthique personnelle et la morale publique interdisent ces envolées, car elles cachent une double réalité universelle : l’insécurité foncière et le déracinement galopant.

LE NŒUD AGRAIRE

Il n’est nul besoin d’études scientifiques savantes pour établir une corrélation permanente entre insécurité foncière locale et développement économico-social.

Là où, de tous temps, les hommes se sont enracinés dans un milieu naturel pour vivre, maîtriser les éléments et modéliser leur vie, se sont développées nos civilisations. Ce, dans la diversité des lieux et des époques.

Parce que l’environnement naturel local forge le cadre social et fixe croyances et traditions vécues. Le génie de l’homme fait le reste pour optimiser les lieux et lui ouvrir les horizons.

Ces lois humaines sont immuables et permanentes.

Le rationalisme relativiste peut venir à leur secours pour apporter les évolutions nécessaires au gré des temps et des nécessités, mais en évitant tout caractère envahissant et conquérant.

A chacun sa place et son rôle.

L’Asie extrême-orientale, avec le Japon, Taïwan, la Corée du sud, le Viet-Nam ou le Cambodge, ainsi que la Chine – avec certaines réserves que nous exposons ci-après – , apportent certainement la preuve de ce lien corrélatif vertueux sécurité foncière locale/développement économico-social.

Leurs réformes agraires respectives décidées en leurs temps respectifs ont donné et continuent de donner des résultats sociaux et économiques convaincants quant à cet enracinement du monde rural, à la fois nécessaire et profitable en termes de développement durable. Nous devons toutefois désormais émettre de grandes réserves concernant la Chine qui, ayant commencé avec un volontarisme agraire jusque dans les années 1980, a depuis nettement évolué vers une option industrielle tous azimuts mettant à mal son fonds foncier et agraire.

Hors donc le cas actuel de la Chine, en Asie extrême-orientale les inégalités foncières y sont rares, tandis que le rendement de la production agricole y est constant, permettant à la fois un développement économique signalé, un épanouissement social d’ouverture sur le monde extérieur et une vitalité artisanale, la proximité avec la nature et la permanence des traditions quotidiennement vécues renforçant par ailleurs une cohésion civilisationnelle appréciée, faisant coexister dans leur périmètre respectif un monde rural uni-identitaire et un espace urbain multi-identitaire.

Une réalité en tout cas est scientifiquement révélée, avec ses conséquences dramatiques à long terme si l’on n’y prend pas garde dès maintenant :  la hausse de la température terrestre et marin due à la dioxide de carbone directement provoquée par la suractivité industrielle (dont sont responsables, par ordre décroissant, la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, l’Europe, la Russie, le Japon et la Corée du Sud) est potentiellement catastrophique pour l’agriculture et la suffisance alimentaire de la planète !

Une occasion s’est présentée en 2014, en septembre, à l’occasion du sommet des Nations Unies sur le climat, qui s’est tenu à New-York, pour traduire en actes concrets et significatifs la diminution de cette surchauffe industrielle. L’autre occasion à ne pas rater était la Conférence des Nations Unies sur la convention sur le changement climatique qui s’était tenue à Paris en 2015. Auparavant, le fait que la Chine et le Royaume-Uni aient plaidé d’une seule voix pour appeler les autres nations à un doublement de leurs efforts pour atteindre un consensus sur ce grave problème, était en soi encourageant.

Les résultats de cette Conférence de Paris – la COP21 – étaient plutôt satisfaisants malgré des lacune inévitables (voir sur ce même blog les articles intitulés « Dispositions pertinentes de l’accord universel sur la lutte contre le réchauffement de la Planète Terre » daté du 12 décembre 2015, et « la vie après la COP21 » daté du 24 janvier 2016).

Mais, l’expérience récente démontre que s’agissant de l’écologie en général, les pays ont une fâcheuse tendance à mesurer leurs efforts…en fonction de ceux éventuellement consentis par leurs concurrents.

QUELLE POLITIQUE FONCIERE ?

Ces modèles asiatiques frappent, car ils s’imposent par contraste à ce que l’on déplore ailleurs aux Amériques et en Afrique en particulier, ceci n’exonérant d’ailleurs pas d’autres régions du monde où les différentes formes d’accaparement de terres, y compris sur fond de problématiques internationales complexes comme en Palestine, prolifèrent.

Faut-il établir une échelle des valeurs ?

Assurément.

L’occupation des terres, durable et historiquement établie, c’est d’abord une question de principe civilisationnel à rechercher en milieu agraire.

Ensuite, viennent les nécessités du temps et des lieux, car les populations ont vocation à vivre ensemble. C’est aussi simple et basique que cela.

Mais, le vivre ensemble impose aussi de façon distributive l’étatisation des terres, l’appropriation privée, l’aménagement territorial, la juste répartition des richesses, la logique économique, le développement agricole, la liberté entrepreunariale, et que sais-je encore…

Ce n’est pas la quadrature mais, au moins !, l’octogone du cercle !…Il faut savoir composer…!

D’où la nécessité de concevoir en la matière une politique foncière intelligente, pleinement inclusive, porteuse et pérenne, l’insécurité déstabilisatrice et génératrice de pauvreté étant souvent provoquée par l’instabilité même et la déconnexion à la réalité sociologique du cadre institutionnel, de la législation et de la réglementation existants.

Alors quelles bases retenir ?

Il faut tout d’abord concevoir un projet sociétal fondé sur la réalité civilisationnelle des lieux, et le planifier dans le temps et dans l’espace.

Parallèlement, il faut déployer une panoplie juridique et un système institutionnel subséquent.

La vocation du politique est de savoir sublimer dans la perspective des temps le vécu du plus grand nombre, tandis que celle du législateur est de savoir diversifier un système normatif, de sorte qu’il soit apte à optimiser le projet fondamental proposé par le politique, à promouvoir les objectifs assignés, à cadrer les projets souhaités et à éviter toutes les dérives imaginables.

A l’administrateur ensuite, dans le cadre de sa mission institutionnelle, à mettre l’ensemble à l’œuvre dans l’esprit requis de service public.

ET MADAGASCAR DANS TOUT CA ?…

pierres-madecasses

« Madagascar, terre et pierres précieuses » . Arrangement et photo originaux de jipiera – Reproduction interdite –


Ce pays si riche en biodiversité est en proie aux phénomènes décrits plus haut.

Nous renvoyons aux brèves considérations exposées dans notre « post » du 11 mars 2014 intitulé « Haro sur les catastrophes écologiques d’origine humaine », sur ce même Blog, s’agissant du risque que la quatrième plus grande île du monde connaisse un jour prochain, lointain mais certain, si l’on n’y prend pas garde dès maintenant, le sort que les hommes avaient réservé à l’Ile de Pâques.

Le cas d’Ambatovy, où des chaînes de montagnes entières sont arasées, des forêts sont abattues, les abeilles sont exterminées, les habitants sont empoisonnés, n’est pas isolé, loin de là.

Référons nous également au cas récent d’un grand groupe minier chinois dont les activités sont si attentatoires à l’environnement que la révolte des habitants se fait violente et déterminée pour empêcher l’irréparable.

Il faut donc réagir. A temps et promptement, avec détermination. Et dans la conviction propre aux grandes causes de l’existence.

C’est d’abord l’art même de gouverner qui est en cause.

Bonne gouvernance foncière rime avec bonne gouvernance tout court. Les intérêts entre les différentes catégories d’acteurs ne doivent pas aller au détriment du statut citoyen ni à l’encontre des pratiques locales en matière de gestion des sols ou d’accès aux ressources naturelles. L’art de concilier ce qui est seulement en apparence des intérêts contraires, doit être la règle comportementale.

Chacun, dans sa légitimité d’action et d’intérêt, a des droits sur la terre.

Tout est question de bonne et équitable répartition des terres, de règles de gestion de leur tenure, et de techniques optimales de leur exploitation.

Quant à la reconnaissance des droits locaux hérités de traditions établies dans certaines régions, des études préalables de nature anthropologique, ethnologique, archéologique et historique s’avèrent souvent nécessaire avant toute entreprise de réforme ou d’emprise, avec cette nécessité incontournable que rien ne saurait se décider sans que la population locale y soit associée étroitement à tous les stades décisionnels et gestionnaires.

Car, en cette époque où le marché foncier tend à imposer ses lois fluctuantes, il convient de lui opposer les valeurs intrinsèques à la civilisation des hommes, à leurs héritages historiques, à l’écologie et à l’environnement.

C’est tout l’enjeu de la sécurisation foncière fondée sur la reconnaissance de la diversité des sources des droits et des intérêts, et qui doit être elle-même la résultante de la réelle capacité des pouvoirs publics à réguler le marché foncier.

Un développement économique, social et environnemental vrai, authentique autant que pérenne et durable ne peut faire l’impasse sur ces différentes dimensions, en particulier à l’heure où certains se gaussent de vouloir – à raison – instituer à Madagascar un Conseil Economique, Social et Environnemental.

Pour qu’il ne soit pas un gadget de plus dans un système institutionnel général de bonne gouvernance publique, d’ailleurs à « formater » à la lumière des nécessités décrites plus haut, ce CESE à la malgache gagnerait à être composé de personnalités réellement conscientes des enjeux et compétentes sectoriellement, puisqu’il s’agit d’être à la fois l’aiguillon national et la force de proposition au service du projet sociétal d’un pays, nous le répétons à loisir : …si riche de sa diversité exceptionnelle !

Par ailleurs, et pour évoquer une autre forme d’accaparement de terres, n’en déplaise à nos amis Français qui ont tout intérêt à se rendre à la réalité et à se conformer prestement tant au droit international qu’aux exigences de l’ordre international, ainsi qu’à respecter la souveraineté malgache sur ces territoires: il y a une forme étatique d’accaparement par la France des Iles Eparses.

Elle est qualifiée pudiquement en droit interne français d' »adjonction territoriale » par une loi-organique – la formule est éloquente quant à son inadéquation normative juridique eu égard même à la Constitution française – mais qui, de façon certaine, vient en contravention du droit international et de la Charte des Nations Unies, et constitue un abcès de plus en plus visible surtout eu égard aux ressources pétrolières, énergétiques, minières et écologiques que recèlent ces îles faisant partie du plateau continental malgache et comprises dans la succession d’Etat résultant des différentes étapes statutaires de la nation malgache (voir sur ces différents points, notre article paru le 25/3/2014 sur ce même Blog: « Les Iles Eparses en question »).

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

———————————————-

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

———————————————-

MALDONNE INSTITUTIONNELLE ET DONNE PRESIDENTIELLE

Image

« Améthyste, bananes et orange » (jpra)


                             MALDONNE INSTITUTIONNELLE ET DONNE PRESIDENTIELLE

A l’heure où nous écrivons, comme nous l’écrivions déjà le… 8 avril 2014 sur ce même blog, la grave problématique du couple Président de la République-Premier ministre revient sur le tapis !

Car à nouveau, rien n’irait plus eu égard aux piètres résultats du « gouvernement de combat » grâce auquel il y a à peine quelques mois le Premier ministre actuel devait en particulier redresser l’économie et atteindre des objectifs précis .

Et à nouveau, sauf agréable surprise, le Président de la République ne parviendra vraisemblablement pas à trouver la solution, soit dû à la résistance du Premier ministre, soit à cause de l’interférence d’une Assemblée nationale toujours prompte à faire valoir ce qu’elle croire être ses prérogatives…

Et, Madagascar s’enfoncerait dans l’incertitude quatre ans après l’achèvement d’un processus électoral bien critiquable et éprouvant à tous égards, et dans lequel la communauté internationale avait pris une part active mais discutable…

Le malaise est donc grand et la situation devient dramatiquement ubuesque, ce en dépit des efforts lénifiants de communication de toutes parts, qui apparaissent en l’occurrence bien dérisoires tant les nécessités du redressement, du relèvement et de la reconstruction sont criantes (voir notamment, sur ce même Blog, nos développements du 18/3/2014 dans «la diplomatie au cœur du développement de Madagascar»).

TRANCHER LE NŒUD GORDIEN

A la base, il y a incontestablement une maldonne fondamentale engendrée et provoquée par la prétendue « constitution de la IVème République », et qui provoque un imbroglio juridique et institutionnel insupportable, dans lequel d’aucuns, fort peu mais fort perturbateurs, semblent se complaire pour exister et manœuvrer pendant que le peuple patauge dans sa misère.

Pourtant, il faut sans délai trancher ce nœud gordien qui étrangle (voir nos développements du 14/1/2014, sur ce même Blog, dans «Haro sur l’imbroglio juridique et institutionnel malgache»).

Le seul à même d’y procéder est le Président de la République qui, nanti d’une légitimité populaire directe, de fraîche date et désormais admise rapidement par toute la classe politique, se doit de prendre les initiatives fortes nécessaires à cet égard.

Dans la conjoncture présente, c’est son rôle institutionnel, c’est son devoir moral.

                                                                                     *

LES PERIMETRES STRICTS DE COMPETENCES

Trois considérations sont à mettre en exergue.

1 –   Institutionnellement, nous le répétons, c’est à lui, en tant que garant des institutions, de l’intégrité du corps social, en tant que maître du temps et du tempo politiques (voir notre développement du 1er mars 2014, sur ce même Blog, dans « Le tempo présidentiel»), d’imposer la donne : elle est de mettre fin au cycle infernal des tractations partisanes sans lendemain, et de nommer le Premier ministre de son choix, les orientations dans le cadre desquelles celui-ci aura à agir étant préalablement fixées clairement et solennellement dans une adresse présidentielle à la Nation.

Même en se basant sur les dispositions contestables de la « constitution de la IVème République », les choses doivent être interprétées clairement. Il y est dit que le parti majoritaire au sein de l’Assemblée nationale est en droit de proposer le nom du Premier ministre.

Dès ici, une double précision, sous forme de vérités premières, doit être faite une bonne fois pour toute afin de ne pas se perdre dans la confusion: l’Assemblée nationale étant composée de députés et non de partis politiques, et le mandat de député n’ayant pas de caractère impératif tant à l’égard des électeurs qu’a fortiori à l’égard du parti de son appartenance politique, aucun parti politique ni, a fortiori un conglomérat circonstanciel de partis, n’ont à s’arroger le droit de proposer exclusivement et en leur nom propre un premier ministrable.

Ce premier ministrable est proposé, et non pas élu, ni mandaté, par l’ensemble des députés composant l’Assemblée nationale (ce « premier ministrable » n’étant pas non plus obligatoirement issu de l’Assemblée nationale), ce qui est tout à fait différend et dit bien les limites de la compétence de ladite Assemblée ! Par conséquent, comme dans toutes les démocraties parlementaires, ce qui n’est pas précisément le cas de Madagascar (qui a un régime, disions-nous, « bâtard »…), au sein de ladite Assemblée nationale des députés de différents partis peuvent s’allier pour un objet déterminé, en l’occurrence ici pour décider de former une coalition majoritaire gouvernementale.

Mais sans vote à ce stade, puisqu’en tout état de cause il n’y a point d’obligation pour le Premier ministre d’être formellement investi par l’Assemblée nationale, seul à sa propre initiative le Président de la République étant à même de le demander, précisément pour asseoir une majorité « présidentielle parlementaire » qu’il peut espérer stable et lui être acquise.

Il s’en déduit qu’en toute hypothèse, étant politiquement parvenu à être désigné dans le cadre de ladite Assemblée nationale, et sous la seule foi de ce palais, le Premier ministrable n’est qu’un « candidat-désigné » et non un impétrant, et le périmètre de la compétence parlementaire en matière de désignation du Premier ministre s’arrête irrémédiablement là, ce sous peine d’immixtion dans le périmètre de compétence du Président de la République, la compétence de ce dernier étant en l’occurrence aucunement liée à celle des parlementaires; elle n’est pas non plus conditionnelle ou dépendante de celle des mêmes réunis au sein de l’Assemblée nationale. La compétence de cette dernière, en la matière, n’est donc que circonstancielle et non pas « binding » (opposable), comme en dirait en franglais, pour le Président de la République dont la compétence n’est aucunement liée…C’est dire que pratiquement,  les termes des tractations et consultations actuelles doivent se poser dans ces limites.

Donc : institutionnellement le Président de la République, demeuré la clef de voûte du système institutionnel actuel, est bien, et fort heureusement, seul maître du jeu ainsi que nous le préconisons ci-dessus, en acceptant ou pas de nommer formellement la personne éventuellement désignée par la majorité des députés au sein de l’Assemblée nationale.

Sa seule obligation est de laisser s’exprimer, mais dans un laps de temps raisonnable, la proposition parlementaire. Et, rappelons-le en passant, ce Premier ministre peut très bien être issu d’autres rangs que ceux des parlementaires.

 2   D’autre part, puisque les rouages institutionnels, comme tout mécanisme qui a besoin d’être animé, nécessitent un maître d’oeuvre inspiré,  à lui, Président de la République, au nom du legs souverain que le peuple lui accorde le temps de son mandat, d’assumer pleinement la charge et la responsabilité de mettre l’ensemble en musique pour éviter les fausses notes disgracieuses, les écarts déstabilisants et les mauvaises pratiques.  La vie institutionnelle, c’est aussi savoir imprimer la cadence du temps, c’est à dire le tempo, et le rythme du calendrier, c’est à dire de l’agenda évènementiel, de sorte que l’espace du débat public soit maîtrisé.

3 –   Enfin moralement, c’est toujours et encore au Président de la République, en appelant à la rescousse le pacte républicain et pointant le cap à atteindre, de jeter les bases d’une nouvelle pratique institutionnelle et éthique, en entamant une large consultation des nombreuses autorités institutionnelles, sociétales, morales et confessionnelles que compte ce pays. C’est tout le sens, la substance et le grand intérêt de la « Concorde nationale », notion moins traumatisante et plus appropriée à la nature de la crise malgache que celle de la sempiternelle « Réconciliation nationale » dont on voit bien comment paradoxalement elle provoque convoitises et tentations politiciennes ou sociales pour le moins équivoques.

Mais, pour l’y inciter davantage avec force conviction, le Président de la République a besoin du soutien sans équivoque de la classe politique et de toutes les consciences de ce pays, de même que des messages que la communauté internationale, fortement impliquée dans le processus de fin de crise, se doit d’adresser et qu’elle saura de son côté transmettre à qui de droit par les voies les plus appropriées.

Le respect strict de ces périmètres de compétences est une nécessité absolue sous peine de faire perdurer une crise dans les abîmes historiques.

                                                                                **

La donne présidentielle doit ainsi s’imposer pour mettre définitivement fin à cet incroyable imbroglio juridique et institutionnel dans lequel Madagascar est plongée depuis sept ans maintenant, c’est à dire depuis 2009.

Pour que, enfin !, chacune et chacun de nous puissions, dans son métier comme dans ses occupations quotidiennes, recommencer à travailler à nouveau avec l’énergie voulue !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

————————————————

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

————————————————-