ANTANANARIVO…LA BELLE VILLE DES MILLE – 1ère partie: de Antanin’Arivo à Antananarivo –

                                    ANTANANARIVO…LA BELLE VILLE DES MILLE

                                                                    – 1ère partie –

                                          DE ANTANIN’ARIVO A ANTANANARIVO

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Antananarivo, la jadis belle capitale de Madagascar, louée pour sa douceur de vivre et pour son charme sans équivalent au monde, souffre depuis des dizaines d’années. Et, cette souffrance semble vouloir perdurer.

Or, les fondements sur lesquels cette beauté évoquée avec tant de nostalgie avaient été posés par son planificateur pour durer ont malheureusement été ignorés au fur et à mesure que la récurrence des crises cycliques malgaches a envahi toutes les sphères de la société.

Il convient donc de revenir sur ces fondements, mais aussi sur l’historique d’une cité à bien des égards éligible au statut d’un patrimoine culturel tel que les conventions internationales, notamment de l’UNESCO le définissent. Or, ce patrimoine, qui ne concerne pas seulement la haute-ville aux constructions traditionnelles, est petit à petit rogné par des prétendus travaux de « rénovation » qui, par dénaturation de ce qui est et était un véritable héritage architectural de certains passés riches en créations artistiques, le dilapident assurément.

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Fondée en 1610 par le roi Andrianjaka, la « Ville des mille » (guerriers), Antanin’Arivo, ainsi baptisée à l’origine par ce roi, capitale royale sanctuarisée, devient par la suite très vite un gros bourg, avant de se muer tout aussi rapidement en une véritable « ville aux habitants innombrables », Antananarivo, telle que la voulaient les souverains successifs, en particulier Andrianampoinimerina à partir de 1792.

Les conséquences récurrentes de cette mutation originelle semblent donc persister dans nos temps modernes.

Un paradoxe que l’histoire de la capitale malgache semble ainsi retenir dans ses veines.

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Les actuelles lamentations bien légitimes des habitants de la capitale malgache, tout comme les réflexions attristées de nos amis étrangers à son propos, mais également les affirmations, quelques fois suffisantes et à l’emporte-pièce, de certains médias, tout cela nous invite à regarder la réalité sans fatalisme, mais au contraire avec un certain optimisme raisonné, si tant est que les perspectives soient vues avec le sérieux et la générosité requis.

Car, les études de base, les principes directeurs et les règles normatives en termes de zonage ou de coefficient d’occupation et de volume, tout comme les solutions pérennes en résultant, tout cela a été mené, écrit, posé et mis en oeuvre depuis longtemps, certes sur plusieurs années ; tout ne pouvant être fait d’un seul trait et d’un coup de baguette magique.

Il s’agit maintenant, une bonne fois pour toute et sans tergiversation ni velléités, de les remettre d’urgence en selle, quitte à les réadapter aux réalités socio-économiques et techniques mouvantes d’aujourd’hui et de demain, puisqu’en matière d’urbanisme, d’habitat et de planification urbaine et rurale, les solutions magiques, qui consisteraient à simplement mettre en place des leviers sans liens entre eux, n’existent pas.

En effet, tout spécialement dans le cas d’Antananarivo, agglomération ceinturée par des marais, montagnes, espaces agricoles et sites historiques, nous sommes au cœur et aux rythmes des mouvements, des problématiques humaines, des nécessités vitales, des traditions séculaires et parfois des humeurs momentanées, qu’il s’agit de comprendre, de prévoir et de maîtriser et qu’il convient, en tout état de cause, de baliser et de valoriser afin que la vie en cité reprenne un sens.

PHILOSOPHIE D’ACTION

Malgré sa mutation originelle qui semble se perpétuer, le problème d’Antananarivo n’est pas Antananarivo.

Au cours de l’existence, il est la conséquence de la misère générale qui caractérise le monde et l’habitat ruraux malgaches.

Qu’est-ce à dire ?

Je reprends ici en résumé l’analyse et les préconisations faites…en 1951 par le tout nouveau planificateur de Madagascar, Pierre Razafy-Andriamihaingo, qui en faisait l’exposé le 16 février 1951 devant l’Académie des Sciences Coloniales (aujourd’hui Académie des Sciences d’Outre-Mer), alors présidée par Monsieur Prudhomme.

Cette analyse et ces préconisations, représentatives d’une philosophie d’action planificatrice indispensable, faites il y a donc soixante-trois ans, sont aujourd’hui, à nouveau, d’une brûlante actualité puisqu’au fond, mis à part la parenthèse constructive des années 1950 et 1960, vite refermée par l’impéritie et la gabegie générales des périodes suivantes, et si l’on met également à part les courtes prémices reconstructives du mandat de maire exercé par Marc Ravalomanana de 1999 à 2002, tout reste à refaire, car on repart de zéro !

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Solidarité des mondes rural et urbain

A la base : stabiliser et promouvoir l’économie rurale.

Celle-ci, qui concerne le cadre de vie à la campagne hors des villes, ne se confond pas nécessairement avec le développement agricole qui, elle, constitue une autre dimension encore plus vaste et spécifique.

Au tout début des années 1950 et au sortir de la terrible insurrection de 1947, la rapidité du développement économique ne s’est pas accompagnée d’une amélioration significative des conditions de vie à la campagne.

Pour traiter à sa source le problème d’un tel déséquilibre aux conséquences dangereuses tant pour l’habitat rural que celui urbain, et afin de tarir à la source la migration rurale vers les villes, il convenait à cette époque, comme il convient aujourd’hui, de définir et d’appliquer une politique globale d’aide des pouvoirs publics à l’amélioration de l’économie rurale afin de créer les conditions d’une stabilisation et d’un progrès sociaux locaux.

Une telle politique permettra, s’agissant tout particulièrement de l’habitat rural, d’orienter vers la conservation et le perfectionnement des procédés traditionnels de construction et vers l’usage plus facile et plus large de l’eau.

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Les migrations rurales vers les villes

Et puisque parallèlement, et en tout état de cause, une masse d’ouvriers et salariés de base, dont une grande partie vient du monde rural, s’avère nécessaire, se pose la question d’un programme de construction de logements populaires en milieu rural, soit sous la forme de « groupements de villages » à proximité des agglomérations urbaines, comportant en particulier des circuits indépendants d’alimentation et d’évacuation d’eau ; soit en milieux urbain ou péri-urbain sous forme de groupements de quartiers viabilisés.

Quel que soit le choix d’implantation, l’exécution se présente sous deux aspects : un aspect physique tenant à la nécessité de disposer de matériaux, d’une main-d’œuvre qualifiée, de développer une industrie locale du bâtiment ; et un aspect économique et financier afin de pouvoir répondre à la question centrale suivante : quel volume de constructions est à entreprendre et comment le financer ?

Sur le pan technique, le lancement d’un vaste programme, échelonné sur plusieurs années, doit permettre un planning d’approvisionnement et une industrialisation du bâtiment.

Quant au plan financier, parallèlement à la budgétisation alimentée par des fonds d’aide publique et internationale, la mise en place parallèle d’une Société Mixte immobilière au niveau municipal, constituée sur fonds publics et privés, est l’un des piliers à une politique d’amélioration de l’habitat.

Une telle institution serait vouée à résoudre le difficile problème consistant à concilier la nécessité d’une rentabilité avec l’adoption de moyens de paiement et d’amortissement compatibles avec les revenus de ceux qu’il s’agit de loger, dont la masse est à très faible revenu, sinon moins encore.

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L’ « Urbanisme moderne »

Mais, entreprendre un important volume de constructions ne suffit pas.

Encore faut-il que l’habitat social ne soit pas un simple agglomérat de dortoirs plus ou moins viabilisé, mais réponde aux exigences d’une réelle amélioration des conditions de vie et qu’il soit l’instrument économique et social permettant d’obtenir le rendement maximum des activités et des hommes.

C’est l’objectif même de l’ « Urbanisme moderne », qui a cessé d’être seulement l’ « art urbain » pour revêtir une autre forme plus complexe.

Il ne conçoit plus l’aménagement de la Ville pour la Ville ; il étudie celle-ci en fonction de la place qu’elle tiendra dans sa région et dans l’ensemble du territoire. Il contribue à ce que chaque localité participe à la préparation de l’évolution démographique qui réalise la meilleure économie des ressources et des équipements collectifs.

Une politique de l’habitat, menée adroitement, entrant dans le cadre d’un plan économique traduit géographiquement et localement, et sans nécessairement heurter les habitudes séculaires de populations viscéralement attachées à certaines traditions, peut devenir un instrument d’éducation pour les faire évoluer et, surtout, pour leur faire vivre un « mieux-être » général apporté par le progrès technique.

L’une des traductions de cette philosophie urbanistique fut imaginée dès avril 1944 par l’architecte Razafy-Andriamihaingo, deux ans avant qu’il ne prenne en 1946 les rênes de l’urbanisme et de l’habitat à Madagascar.

Il s’agit d’une « Cité des Arts Malgaches» prévue de se construire au pied de la colline d’Ambohijanahary dans un cadre arboré et de verdure ainsi que de monticules, et articulée en dix composantes (voir: plan de masse + maquette de l’ensemble de la cité):

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Esquisse du Plan de masse de la « Cité des Arts Malgaches » – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite –


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Maquette de l’ensemble de la Cité – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite – 


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La « Cité des Arts Malgaches », vue d’ensemble. – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite – 


. un bâtiment principal et central constitué par l’ « Ecole des Arts », au sein de laquelle devait être également installés : une bibliothèque, un musée consacré aux arts traditionnels et créatifs malgaches de toutes les régions, un musée consacré aux arts locaux, des salles de cours, des loges et un grand amphithéâtre ;

. un bâtiment attenant et annexe pour abriter des expositions temporaires et les services de l’administration de la Cité ;

. des ateliers répartis sur divers bâtiments annexes, consacrés au dessin, à la peinture, à la sculpture, au modelage, et d’une façon générale aux métiers d’art traditionnels et de création ;

. un théâtre et un auditoire pour la musique ;

. des aires de jeux traditionnels ;

. deux locaux consacrés à l’artisanat traditionnel de toutes les régions malgaches et un atelier consacré à l’artisanat local.

Cette « Cité des Arts Malgaches », au-delà de sa destination promotionnelle au profit des arts malgaches, était conçue également comme devant traduire le lien privilégié existant entre le monde rural et le cadre urbain.

En cela, elle constitue un concept architectural et académique original, dont actuellement tous les droits sont réservés au profit des héritiers de Pierre Razafy-Andriamihaingo.

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« Cité des Arts – Autre vue d’ensemble, de face.- Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite – 


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Bâtiment principal de « La Cité des Arts Malgaches » (façade Est) – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite –


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Coupe longitudinale de la façade nord du bâtiment principal de « la Cité des Arts malgaches » + son annexe. – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite – 


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Le théâtre de plein air. – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite –


PROBLEMATIQUES RECCURRENTES – SOLUTIONS DISPONIBLES

Hier, avant l’adoption du Plan d’Urbanisme de 1953 communément appelé « plan Razafy- Andriamihaingo », tel que l’architecte-urbaniste l’avait conçu sur la base de la philosophie d’action résumée ci-dessus, comme aujourd’hui où l’anarchie règne, l’état plus que lamentable, du point de vue sanitaire, urbanistique, économique et social, dans lequel Antananarivo se trouve depuis des décennies, n’a que deux seules causes premières : l’impéritie et la gabegie de l’Etat à ses différents niveaux, tant municipal que régional et national.

En cela, l’ « excuse » des crises politico-économiques successives que ceux-ci seraient tentés d’appeler à la rescousse n’est évidemment et définitivement pas recevable.

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Une opinion publique scandalisée mais prête à se mobiliser

En 1993, au sortir d’une autre crise politico-institutionnelle majeure qui embrasa tout le pays, le journal satirique « Maresaka », l’équivalent malgache de l’hebdomadaire « Le canard enchaîné », posait la question : « Mba nakaiza ilay plan Razafy-Andriamihaingo ? » (« Qu’a-t-on fait du Plan Razafy-Andriamihaingo ? »).

Ceci, pour déplorer l’inaction des autorités concernées quant aux nécessaires assainissement et autres travaux de reconstruction et de réhabilitation dans Antananarivo, tant l’habitat et l’urbanisme subissaient de plein fouet toutes les calamités.

A nouveau, le même « Maresaka » alertait l’opinion dans son édition du 17 mai 1995 pour rappeler que ce Plan, rendu opérationnel dès 1953 et, après vote règlementaire, fut effectivement mis en œuvre en 1956 en tant que politique publique d’urbanisme et de développement pour Antananarivo et son espace vital, assainissait et promouvait l’habitat, ordonnait les zones d’activités, planifiait canalisations, équipements publics, rues et routes, et prévoyait leur espaces de développement pour les années à venir, ce jusqu’à l’horizon des années 2000, où nous nous trouvons actuellement.

Une grande partie de ces prévisions était appliquée avec plus ou moins de rigueur à partir de 1956 jusque pendant toutes les années 1960, tant que Antananarivo était au diapason pour donner le ton et le rythme du développement réel de tout un pays.

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Les axes retenus dans le cadre d’un Plan d’Aménagement du Territoire

Il serait bien entendu vain d’exposer ici en quelques lignes les innombrables réalisations, projets et projections contenus dans ce Plan d’Urbanisme et de promotion de l’Habitat.

Nous nous contentons de rappeler les solutions adoptées pour lutter contre quelques fléaux qui avaient resurgi durant toutes les années des multiples crises politico-économiques que Madagascar a traversé.

1. Concernant les constructions au pied des rizières :

Déjà en 1951, lors de l’exposé fait par Pierre Razafy-Andriamihaingo de son Plan devant l’Académie des Sciences Coloniales de Paris (actuelle Académie des Sciences d’Outre-Mer) pour Antananarivo, le Docteur Girard, l’un des dirigeants du service sanitaire de Madagascar, s’inquiétait des constructions au pied des rizières, c’est-à-dire en somme, des remblaiements illicites qu’on retrouve actuellement.

La réponse de l’urbaniste de Madagascar fut alors, en résumé :

. d’une façon générale, ce phénomène est lié à celui de la congestion des centres industriels et à celui des morcellements des propriétés foncières ;

. le droit, qui a conservé le principe de la liberté des morcellements et des partages, a conduit à un parcellement à l’origine, pour une grande part, des îlots insalubres. Les industriels peu scrupuleux y ont vu une faille dans laquelle ils se sont engouffrés pour remblayer illicitement ;

. un décret de juin 1946 permet à l’Administration de s’opposer aux ventes et partages qui, par des morcellements successifs des propriétés foncières, seraient de nature à compromettre les conditions d’hygiène ;

. le « Plan d’aménagement communal et régional » (en cours d’élaboration) pourra à ces égards avoir une efficacité accrue, ce avec son programme de servitudes, et est susceptible d’orienter les réalisations – et, par conséquent, les habitudes – , de sorte également que les équipements collectifs, telles que les adductions d’eau et l’électrification assurent une vie sociale saine.

2. Concernant Isotry et les bas quartiers :

Toujours dans le cadre de cet exposé fait par le planificateur de Madagascar en février 1951 à l’Académie des Sciences Coloniales, c’est le Dr. Decary, un autre éminent malgachisant, qui relève le caractère « inhabitable » des quartiers d’Isotry en raison de « la condensation humaine qui s’y trouve» et le caractère insalubre de « tous ceux qu’on voit au Zoma le vendredi », et préconise comme solution « de renvoyer dans les campagnes…tous ces gens qui n’ont rien à y faire et y vivent en parasites ».

La réponse à double détente de Pierre Razafy-Andriamihaingo avait été :

. les seules mesures de police, conçues dans un esprit répressif, peuvent selon des circonstances précises être rendues nécessaires, mais sont toujours ponctuelles et, souvent, contre-productives socialement ;

. à moins de procéder comme dans certains pays totalitaires, un brutal déplacement de population est à éviter. Par contre, il faut créer les conditions économiques et sociales favorables à une politique de décongestion de la ville vers les campagnes environnantes. Cela présuppose en amont la mise en opération d’un plan de développement rural spécifique à la proximité d’une agglomération urbaine, couplé avec un plan de l’habitat rural, élaborés avec la pleine participation des collectivités rurales concernées, et dans lesquels un volet éducatif doit être développé ;

. ceci étant, si de tels gens sont attirés par Antananarivo, c’est parce qu’ils savent que s’y développe de petites industries. Il serait donc contreproductif et injustifié d’envisager de les déplacer d’autorité et sans discernement ;

. faut-il alors envisager un essaimage des populations concernées pour les faire graviter autour de la ville ? Ce serait une fausse solution qui s’avèrerait très vite néfaste, en ce qu’il serait impossible de desservir par des équipements collectifs satisfaisants de si vastes étendues.

3. La solution globale :

Embrassant toutes ces problématiques, et au-delà même du cas particulier d’Antananarivo, mais le cas de la capitale malgache étant indissociable d’une vision globale, le planificateur national malgache indique que la solution se trouve dans une démarche globale en deux temps :

. d’abord, déterminer géographiquement, sur des bases scientifiques, les diverses régions économiques et l’avenir des agglomérations urbaines et rurales de Madagascar ;

. ensuite, établir un Plan d’Aménagement du Territoire selon un système décentralisé.  » C’est l’orientation que mes services et moi-même privilégions, en incluant dans nos équipes des économistes, des ethnographes, des architectes et des urbanistes », disait-il.

Pour en revenir à la seule dimension « habitat rural », Pierre Razafy-Andriamihaingo avait mis en place une politique de promotion de matériaux locaux.

Il s’agissait de provoquer chez la population rurale, à travers une politique d’incitation menée par les Fokonolona et orchestrée par le Plan d’Aménagement du Territoire, une vocation à favoriser la production locale des matériaux élémentaires de construction, mais qui soient de qualité : ici, des tuiles, là des panneaux, ailleurs des briques, etc…en exploitant rationnellement les bienfaits de la nature.

Il est à noter qu’Antananarivo, pendant toute la durée d’application plus ou moins stricte du « Plan Razafy-Andriamihaingo », regorgeait de petites et moyennes industries, notamment du bâtiment et de travaux publics, dans des zones dédiées ; la plaine de Betsimitatatra était saine, en particulier avec ses fameuses et nourricières rizières et des activités maraîchères et fruitières ; tandis que des communes rurales environnantes regroupées au sein d’une vaste zone connue sous l’appellation « Zone d’aménagement rural de Laniera », pouvaient se projeter en avant pour de grands espaces agricoles à proximité d’Antananarivo.

Antananarivo, capitale de Madagascar, est aussi un vaste musée vivant architectural traditionnel et moderne, bref une ville d’art et de culture, que Pierre Razafy-Andriamihaingo a largement contribué à sublimer, et assurément ces caractéristiques de la « Ville des Mille Guerriers », de la « Ville aux habitants innombrables », doivent être perpétuées, protégées et promues.

Nous avons vu que dès 1944, dans un rêve de jeune architecte qui venait d’obtenir son diplôme et officiait déjà à Paris, il avait conçu pour Antananarivo une « Cité des Arts Malgaches» qu’il situait au large de Mahamasina, au pied de la colline d’Ambohijanahary (voir photos ci-dessus).

Ses nombreuses œuvres architecturales, dûment réalisées, rythment les différents quartiers d’Antananarivo, en haute ville comme en basse ville, dont certaines seulement sont montrées ici (voir photos).

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« Palais Razafy », nom donné à l’origine par l’administration de Madagascar, actuel siège du ministère du commerce. – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite – 


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Lycée d’Andohalo (anciennement « Lycée Galliéni »). Dans son amphithéâtre s’était tenu tout le processus aboutissant à la proclamation en octobre 1958 de la République Malgache – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite – 


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Maquette du palais de Justice à Anosy. Plan masse. – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite –


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Résidences des fonctionnaires à Mahamasina (alignement de maisonnettes) + Zone d’aménagement où se sont implantés divers bâtiments (ministères + Palais de Justice + grands hôtels, etc…) faisant actuellement partie de l’Antananarivo « moderne ». – Archives personnelles de JPRA – Reproduction interdite – 


Cet aspect spécifique de patrimoine historique est une partie intégrante et importante des nombreuses problématiques de préservation, de conservation et de promotion urbanistiques d’Antananarivo, dont l’aménagement ne saurait se résumer à son caractère technique mais doit englober les dimensions humaines, sociales, économiques, industrielles, culturelles et historiques.

C’est dire que la vision holistique est de rigueur.

Nous poursuivons notre analyse dans une 2ème partie à venir.

(2ème partie à suivre : « Réalités quotidiennes et remèdes »)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

•  Expert international en matière de bonne gouvernance et de promotion de la démocratie auprès de l’Union Européenne (« EuropAid »), envoyé par la Région Ile-de-France en appui institutionnel auprès du Maire d’Antananarivo au printemps 2001 pour deux mois, notamment en charge des questions juridiques, institutionnelles et internationales auprès du Maire.

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations.

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Oh ! MERE !

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« Fleurs du Bien » – Série 3 – (jipiera)


                                                                        

                                                                       OH ! MERE !

« Oh ! l’amour d’une mère ! amour que nul n’oublie ! Pain merveilleux qu’un dieu partage et multiplie ! »

– Victor Hugo, « Les feuilles d’automne » -.

La mienne, la nôtre, est dans les cieux.

Elle continue de nous bercer.

Je t’aime, nous t’aimons, très chère mère !

The diplomatist

Page de couverture à la une de la Revue « The Diplomatist » de la place diplomatique de Londres.


Les pensées merveilleuses de tous les fils et de toutes les filles de ce monde, chacun, chacune, pour sa propre mère, en ce dimanche 29 mai 2022,

peuplent le firmament et sèment sur cette Terre,

avec une pensée toute particulière pour Roberta, la mère de mes filles Anne et Laurence junior, partie au Ciel le 10 juin 2018,

et pour Madagascar à toutes nos mères – « dia miarahaba ny reny malagasy rehetra ô !  » ,

afin qu’éclosent les Fleurs du Bien, tout comme les Fleurs du Bonheur.

Elles sont ici pour toi.

Prends-les !

Oh ! notre très chère mère !, la mienne, la nôtre !,

Toi qui, depuis l’an 2000 reposes en Paix avec notre très cher père qui t’y avait précédé dans les entrailles de nos terres ancestrales à Manankasina-Ambohipotsy !,

en ces chaudes terres ancestrales où t’y ont rejoint récemment tes deux enfants chéris, Gérard et Laurence,

s’applique pleinement à toi la formule de Victor Hugo rappelée plus haut en début de propos.

Tes enfants : Monique et Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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« Fleurs du Bien » – Série 4 – (jipiera)

Fleurs du bonheur

« Fleurs du Bonheur » -(Jipiera)

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  • Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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LE TIGRE, LE PERE LA VICTOIRE, LE VRAI REPUBLICAIN ET L’ASIE

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« Demie poire sur collier de jaspe » (jpra) – Aquarelle –


                                   LE « TIGRE » , LE « PERE LA VICTOIRE, LE VRAI REPUBLICAIN ET L’ASIE

C’est dans les durs moments qui mettent toute une nation dans l’épreuve qu’émergent des hommes – et des femmes ! – providentiels.

C’était le cas de de Gaulle, de Churchill, de Gandhi, de Nelson Mandela, de Golda Meïr, pour ne citer qu’eux.

Avant eux, c’était aussi le cas de Georges Clemenceau, en qui je salue tout particulièrement le vrai Républicain dans toute sa dimension.

Chaque 11 novembre, on commémore la victoire et l’armistice de 1918 en évoquant le « Père la victoire », mais aussi le « Tigre ». Et en l’année 2018, année du Centenaire de la Victoire, était particulièrement honorée et évoquée la forte personnalité de ce « Père la victoire ».

Le « Tigre », c’est bien sûr Georges Clemenceau ainsi surnommé car sa silhouette rappelait étrangement celle du tigre asiatique, aussi universellement connu comme le vainqueur de 1918, mais dont on ne connaît que très peu le fort tropisme pour l’Asie, spécialement la Chine, le Japon, l’Inde et l’Indonésie.

Au fond, des dispositions d’esprit dont je me sens personnellement si proche, ce d’autant plus que le même Georges Clemenceau fut l’ami intime, l’indéfectible soutien de mon « peintre préféré » ; j’ai nommé Claude Monet, et grâce à l’appui de Clemenceau s’expose en permanence, et pour la postérité de l’idée de Paix aux lendemains de l’armistice du 11 novembre 1918, la série des « Nymphéas » au Musée de l’Orangerie de Paris, dont l’éclatante sérénité des couleurs forme en effet « le miroir magique de la réalité » du bonheur ! – voir à ce sujet sur ce même blog mon article intitulé « Hymne à la Paix, à la générosité et à la concorde – hommage à Claude Monet », daté du 7 mars 2014

                                                       LE VRAI REPUBLICAIN

Mais, Clemenceau, c’est d’abord et avant tout le vrai républicain, le pourfendeur de l’absurde idéologie dominante de son temps, défendue avec tant d’emphase et d’assurance méprisante par un Jules Ferry triomphant. L’inventeur de l’école publique n’avait en effet pas hésité à prôner «le droit des races supérieures sur les races inférieures », pour justifier notamment la colonisation et ses destructions humaines !

Le 31 juillet 1885 à la Chambre des Députés, Clemenceau lui porte l’estocade : « …les Hindous, races inférieures ?!…les Chinois, races inférieures ?!… ». Puis, il se réfère notamment aux enseignements de Bouddha, martèle le principe de l’égale dignité des « races » et des civilisations, dénonce avec virulence les méfaits de la domination de l’ « Homme blanc » sur les autres peuples.

De telles paroles, de tels sermons sont loin d’être dits pour la circonstance, notamment politique. Chez cet homme d’une valeur inégalée et d’une haute vision, ils sont la traduction d’une grande culture universelle et d’une connaissance innée des civilisations, en particulier celles de l’Asie.

Il ne méconnaissait pas non plus les Etats-Unis dans leurs grandes contradictions, notamment par rapport au sort lamentable réservé aux Noirs, pour lesquels il n’hésita pas, dans sa critique à Tocqueville, à prôner le relèvement dans leur condition statutaire. On relèvera aussi que de l’Afrique il ne méconnaît pas la profondeur des civilisations égyptienne et du Soudan.

N’est-il pas l’auteur d’une analyse géopolitique des réalités du monde dont aujourd’hui encore on devrait s’en inspirer ?

Car, chez lui les « valeurs universelles » existent bel et bien, et il suffit de les connaître pour qu’elles s’imposent dans la construction de la Paix et la pérenniser.

Quand Clemenceau s’insurgeait contre le triomphalisme faussement républicain de Jules Ferry, ses pensées étaient également certainement tournées vers Madagascar, où la « diplomatie de la canonnière » s’affirmait (voir sur ces circonstances, notre article daté du 16 octobre 2013 : « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » – 9ème partie, sur ce même Blog : http://www.labodiplo.wordpress.com).

Quand il défendait sans répit la laïcité qui, aujourd’hui encore pose problème à certains rétrogrades, il était déjà dans une modernité à faire pâlir bien des théoriciens et autres hommes et femmes politiques de nos jours ici en France et ailleurs. la laïcité, disait-il, c’est la liberté de conscience, de pensée et de la foi. Chacune, chacun des citoyens dans la République ont le droit, indistinctement, de croire ou de ne pas croire, et l’Etat se doit de défendre une telle liberté fondamentale mais ne doit pas s’immiscer dans les voies et moyens d’exercer une telle liberté, sauf à en protéger le principe de son exercice.

                          LE PROMOTEUR DE LA NOTION DE « VALEURS UNIVERSELLES »

Lors de la signature du Traité de paix de Versailles le 28 juin 1919, Clemenceau s’ouvre bien volontiers aux participants non-occidentaux de cet évènement mondial, et sympathise avec le Maharajah ganga Singh de Bikaner, à qui il rendra visite chez lui plus tard en 1920.

Les deux hommes échangent très volontiers sur ce qui les rapprochent en termes de valeurs universelles. « Il faut voir les Indes…c’est un pays qui s’est gorgé d’idées et qui est arrivé à une espèce de grandeur qui vaut la nôtre. Les Indes peuvent nous donner plus d’une leçon », disait Clemenceau en ayant visité l’Inde et Sri-Lanka en 1920. De telles observations prennent un sens particulier en nos temps présents où l’Inde figure désormais parmi les grands pays dits « émergents »…

Bien auparavant et en d’autres circonstances, quand en 1900-1901 avait éclaté la « Révolte des Boxers » en Chine, Clemenceau n’avait pas hésité à mener une campagne de presse destinée à réclamer la souveraineté du peuple chinois face aux expéditions punitives des pays occidentaux, dont la France, ayant abouti au dépècement des parties « utiles » du territoire chinois.

Ici encore, il observe de façon cinglante : « La civilisation des Chinois est plus ancienne que la nôtre. Leurs ancêtres étaient policés quand nos aïeux n’étaient que des barbares aux prises avec les loups dans les forêts de la Gaule » !

C’est aussi le même Clemenceau visionnaire qui prédit la place centrale du Japon pour l’avenir du continent asiatique, son admiration pour l’Empereur Meiji, opportunément entretenue par son amitié avec le marquis Saionji Kinmochi, lequel deviendra plus tard Premier ministre du Japon, ne faisant que le renforcer dans cette conviction.

La recherche spirituelle de Clemenceau trouve à s’assouvir dans le Bouddhisme. Il observe : « Bouddha, le plus grand prédicateur de Paix et de fraternité humaine qui ait paru dans le monde… ».

Il parvient à cette conclusion en étudiant les religions, philosophies et spiritualités orientales, le Taoïsme, le Confucianisme, l’Hindouisme et le Bouddhisme. Singulièrement, il ne mentionne pas le Shintoïsme mais s’adonne bien volontiers à la Voie du Thé (Chadô) qu’il découvre en 1889 lors d’une cérémonie d’initiation à la Légation japonaise de Paris.

Tout ceci amène naturellement Clemenceau à dénoncer le colonialisme et toute forme expansionniste de la part des nations « fortes ». Et c’est ainsi qu’il n’avait eu de cesse, dans les discussions et négociations devant aboutir au Traité de Paix issu de la victoire de novembre 1918, de convaincre les grandes puissances victorieuses à entamer sans tarder un processus de décolonisation généralisée.

Printemps, Maquette de vitrail-paravent, JPRA

« Printemps » – Maquette de vitrail-paravent – JPRA


                                                                PROJECTIONS

Assurément, en nos temps de déficit référentiel, Georges Clemenceau, le « Père La Victoire », est à redécouvrir, en France et ailleurs, en suivant les pas de ses motivations. J’avoue que ce « petit bout d’homme », au caractère bien trempé et curieux des choses loin de son quotidien, m’inspire de l’affection !

Le « Tigre » en lui n’est certainement pas celui « en papier » que, en d’autres temps, dénonçaient les propagandistes chinois et vietnamiens de la guerre froide, époque bien ultérieure au vécu de Clemenceau, nourrie par d’autres fléaux, et qu’il ne connut point.

Par contre, à n’en pas douter, ce « tigre » là, qui se réfère à l’imposante et noble créature des Indes, aurait assurément asséné à ces propagandistes ses vigoureux coups de pâtes pour cette fois-ci défendre les acquis des libertés retrouvées en Occident contre les vagues déferlantes du totalitarisme communiste.

Sans doute également, Clemenceau « le Tigre », distingué orientaliste, n’aurait pas du tout approuvé l’actuelle montée en puissance impérialiste d’une chine dominatrice qui n’hésite pas à s’imposer civilisationnellement au Tibet et au Xinjiang, et territorialement face à tous ses voisins indien, vietnamien, thaïlandais, philippins ou japonais, ce sans parler de son ambition à absorber Taïwan (dont la vocation d’indépendance résulte de l’Histoire et d’un ancrage civilisationnel qui est propre à cette île du vaste ensemble austronésien).

D’autre part, son admiration pour les Indes et le Bouddhisme l’aurait certainement conduit à haïr le nationalisme japonais des années 1930-45 qui avait ravagé toute l’Asie, et ce n’est sans doute pas un hasard qu’avant ces heures si sombres, l’admirateur de l’ère Meiji ait « oublié » parmi ses références spirituelles et philosophiques le Shintoïsme. A cet égard, avait-il pressenti que le Shintoïsme allait précisément servir plus tard de soutien idéologique à cette flambée nationaliste japonaise ?

Ce qui est vrai, c’est que cette fameuse ère Meiji inspirera, à l’époque même où Clemenceau la célébrait dans ces années 1910, un intellectuel malgache, le pasteur Ravelojaona qui, au moyen d’une série d’articles intitulés « Japon sy ny Japoney » (« Le Japon et les Japonais »), publiée à partir de juillet 1913, donne en exemple à suivre ce Japon qui retrouve ses racines impériales, ce au soutien d’un nationalisme malgache naissant en lutte contre la colonisation française.

De tels enseignements de Clemenceau ont, à n’en pas douter, une résonance universelle…en tous temps.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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ORDRES ROYAUX DE MADAGASCAR

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« Voninahitra » (jpra) – Huile – JPRA – Reproduction interdite.


                                  DISTINCTIONS ET ORDRES ROYAUX DE MADAGASCAR

I – LES ORIGINES

L’unité politique de Madagascar avait été une thématique fondamentale qui avait présidé aux actions du roi Radama 1er, l’unificateur du royaume de Madagascar en parachevant l’oeuvre de son père le Grand Roi Andrianampoinimerina,  unification dont la réalité fut constatée et consacrée formellement sur le plan international dans le traité anglo-malgache du 23 octobre 1817 (voir nos développements dans « Le Napoléon malgache, Radama 1er », in Revue « Napoléon » n° 8 de Mars 2013 + notre article daté du 8 octobre 2013 sur ce même Blog , « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar – 3ème partie – Archives d’octobre 2013).

L’instrument privilégié en avait été l’armée, qui monta en puissance comme jamais aucune région africaine des alentours de Madagascar n’en fut dotée.

La diplomatie, dont le jeune roi en fit également un vecteur important, joua aussi un rôle déterminant, tant à l’intérieur envers les souverains provinciaux jaloux de leur indépendance somme toute relative, qu’à l’extérieur en direction des puissances européennes.

Tout naturellement, et s’agissant de la chose militaire, le jeune monarque malgache, dont la constance des campagnes militaires avaient quelque ressemblance avec le panache des percées napoléoniennes, entendait tout spécialement honorer, gratifier et célébrer la bravoure de ses soldats et officiers.

C’est ainsi qu’en 1817 le roi Radama 1er , souhaitant s’inspirer des armées européennes, et tout particulièrement de celle de l’armée impériale française du temps de Napoléon 1er, sut avec opportunité donner les instructions nécessaires à son nouveau conseiller, le sergent-chef Robin, ce dernier ayant jadis acquis ce grade dans les armées impériales sous Napoléon 1er, d’organiser un système de grades avec les décorations correspondantes.

Robin proposa donc de malgachiser les noms des grades français, un simple soldat étant ainsi désigné « sorodany », un sergent « sariza », et ainsi de suite jusqu’à « jeneraly ».

Mais, très vite Radama 1er le psychologue comprit que pour satisfaire la propension malgache à caresser tactilement les formes d’un doux symbole, il ordonna d’y substituer un système comportant des chiffres : un soldat étant « 1 Voninahitra », un caporal « 2 Voninahitra », un sergent « 3 Voninahitra », et ainsi de suite jusqu’à grand-maréchal « 12 Voninahitra ».

Ce système avait, par ailleurs, permit une extension du nombre de grades jusqu’à celui de grand-maréchal, qui du vivant du roi Radama 1er fut attribué au seul Robin…

Roi Radama 1er, 1826. Sur ce protrait peint par André Coppalea

Roi Radama 1er. Sur ce portrait peint en 1826 par André Coppale, le souverain malgache porte un uniforme de maréchal anglais avec la décoration assortie.


II – VONINAHITRA

Ainsi naquirent les grades et distinctions « Voninahitra » (littéralement : « Fleur des champs », par la suite plus prosaïquement appelé : « Honneur », cette dernière qualification s’imposant aussi progressivement que rapidement dans la traduction du terme « Voninahitra »).

Jusqu’à « 6 Voninahitra » (capitaine), les grades étaient conférés par les chefs militaires supérieurs, ceux au-dessus l’étant par le seul roi.

A cet égard, écoutons le grand malgachisant G. Grandidier :

« Cette dénomination vient de ce que Radama, lorsqu’il était satisfait de la conduite à la guerre de certains militaires, leur donnait une fleur comme marque distinctive, comme marque d’honneur et qu’on a pris dès lors soin d’apprécier leur valeur, de fixer leur rang, leur grade, d’après le nombre de fleurs qu’ils avaient reçues ».

La Fleur des champs !

Voilà bien qui traduit avec élégance l’un des traits de caractère de Radama 1er, un jeune monarque qui, avec l’imprégnation de l’esprit martial digne de la tradition des samurai, n’est pas moins épris de poésie et de beautés. N’est-t-il pas à l’origine de la création, à Tsimbazaza, du premier jardin d’agrément où fleurs, plantes et arbres rivalisent d’éclosion et de fraîcheur ?

Cette autre oeuvre traversera avantageusement les siècles pour le bonheur des uns et des autres, tous si friands des beaux symboles de l’honorabilité…

Ce roi est aussi un mélomane, et c’est précisément au carrefour des allées de ce jardin que de temps en temps il donnait au temps son temps pour regarder danser de jeunes créatures sur fond musical.

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Fresques du salon des ambassadeurs du palais « Tranovola ». Les « Fleurs des champs » (« Voninahitra ») ornent généreusement le bas des murs, ici côté sud où étaient accrochés les portraits du roi Radama 1er (à droite) et de la reine Ranavalona 1ère (à gauche), au centre étant posé le tableau représentant les ambassadeurs malgaches reçus en 1836 par la reine Adélaide d’Angleterre au château royal, aujourd’hui château de Windsor. Archives personnelles JPRA – Reproduction interdite.


Napoléon malgache

Radama 1er et ses danseuses – Reproduction interdite –

(Illustration de François-Jules Collignon pour l’ouvrage « Voyage autour du monde et naufrages célèbres », Paris, 1844. Droits réservés: Collection EC, tirée de la Revue « Napoléon », N°8 nouvelle série de Mars 2013, en illustration de l’article « Le Napoléon malgache, Radama 1er » de Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo.)


Ramanalimanana, 13 honneurs. 1854

Ramanalimanana, 13 honneurs. 1854. Sur son lamba est posé un poinçon en argent.


La reine Ranavalona 1ère maintint la tradition des « Voninahitra » et ordonna à l’orfèvre royal Andriantoanina (de la maison princière des Andriandranando) de confectionner des décorations afin de matérialiser dans la noble matière de l’argent les différents grades de cette distinction.

Mais, le temps passant dans une certaine langueur, il en est des grades et des distinctions comme d’une certaine dévalorisation de l’appréciation,  et assez vite l’inflation s’y incrusta, de sorte que de fil en aiguille après la mort du roi Radama 1er, et à commencer par le règne de la reine Ranavalona 1ère, fut d’abord créé le grade suprême de « 13 Voninahitra » (« maréchal supérieur ? »…).

Puis la vertigineuse montée de l’inflation, attisée par la soif d’honneur de la courtisanerie et de l’oligarchie omnipotente et omniprésente, fit monter parallèlement le nombre de « Voninahitra » jusqu’à 16 («maréchal archi-suprême » ?…) , ce qui, assurément n’avait plus aucune équivalence ni signification dans aucune autre puissance étrangère,  et ainsi dans ce royaume malgache replié sur lui-même est-on très éloigné des références strictement militaires des origines du « Voninahitra ».

Par la suite sous la colonisation à partir de 1896, c’est le général Galliéni qui maintint le système des « Voninahitra », mais exclusivement à titre civil, dans le but évident d’amener à l’apaisement recherché parmi les dignitaires malgaches, avec cependant aussi le souci d’honorer certaines réelles compétences…ou allégeances.

Ce dernier critère de compétence, d’allégeance et de loyauté fut ensuite celui qui gouverna la règle d’attribution des grades « Voninahitra » durant toute la période coloniale, ce quasiment  jusqu’à l’accession de Madagascar à l’autonomie interne en 1956 (dans le cadre de la « loi Deferre ») puis en 1958 (dans le cadre de l’Indépendance sous le régime de la Communauté française).

III – LES AUTRES ORDRES ROYAUX MALGACHES

                                                                      ORDRE DU ROI RADAMA II :

Alors qu’à l’origine les « Voninahitra » constituaient ainsi la distinction militaire par excellence du temps de la royauté malgache sous Radama 1er, le roi Radame II, lui, entendait marquer son règne dès 1861 par la création d’un Ordre nouveau, un Ordre de Mérite Civil, les distinctions étant conférées par le roi à toute personne ayant rendu service signalé au royaume.

Trois grades furent créés, correspondant respectivement au Grand cordon avec plaque, à la Croix, comportant deux degrés distincts, et à la Médaille.

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Plaque, comportant le grand cordon de l’Ordre du Roi Radama II – Archives personnelles JPRA – Reproduction interdite –


Lambert, Ambassadeur de Madagascar en Europe ( voir sur ce même blog l’article intitulé « Lambert, Ambassadeur de Sa Majesté le Roi Radama II en Europe »), ainsi que quelques dignitaires étrangers (principalement français) furent décorés de l’Ordre du Roi Radama II dans les différents grades.

Cet Ordre ne survécut cependant pas au roi, qui fut lui-même assassiné en 1863.

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Croix de l’Ordre du Mérite de l’Ordre du Roi Radama II (1er et 2ème degrés). Archives personnelles JPRA – Reproduction interdite –


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Médaille de l’Ordre du mérite de l’Ordre du Roi Radama II – Archives personnelles JPRA – Reproduction interdite –


Radama II. 1862

Roi Radama II, 1862. Il porte le grand cordon et la plaque de son Ordre; à sa droite est posée la couronne royale surmontée du « Voromahery » (aigle royal) et ornée des sept sagaies représentatives des sept maisons royales et princières au soutien de la royauté malgache.


Rainimaharavo. Secrétaire d' Etat.1862

Rainimaharavo, Secrétaire d’Etat, 1862. Il porte la plaque de l’Ordre du Roi Radama II et un cordon représentatif des « Voninahitra » dont il est titulaire.


Rainitomponiera.1862

Rainitomponiera, grand-officier du Palais. Il porte une plaque (origine indéterminée) et un uniforme abondamment orné des nombreux « Voninahitra » dont il est titulaire.


La reine Rasoherina, successeur de Radama II, ne créa point d’Ordre à son nom, mais poursuivit tout au long de son règne la tradition d’attribution des « Voninahitra », dont le nombre fut porté jusqu’à seize par son second Premier ministre et époux Rainilaiarivony.

La reine Ranavalona II, son successeur, fit de même.

Rainilaiarivony. 1864

Rainilaiarivony, Premier ministre, 1864. Il porte les mêmes décorations que Rainimaharavo (voir ci-dessus), et en plus tient dans sa main droite son bâton de commandement en sa qualité cumulative de Ministre des armées.


                                                                ORDRE ROYAL DE MADAGASCAR :

C’est en mars 1896, en pleine période d’emprise militaire et coloniale française, qu’en calquant son règlement sur celui de la Légion d’Honneur française, la reine Ranavalona III créa l’Ordre Royal de Madagascar, non sans les suggestions empressées et intéressées du pouvoir colonial français qui y vit un moyen de calmer l’ardeur d’un nationalisme malgache naissant.

Ainsi, trois grades furent créés : chevalier, officier, commandeur, et deux distinctions: grand officier (dénommé « l’étoile ») et grand’croix (dénommé « l’écharpe »).

Le Président de la République française, Sadi Carnot, reçut la dignité de grand’croix de l’Ordre Royal de Madagascar, tandis qu’en échange la reine Ranavalona III reçut la dignité de grand’croix de la Légion d’Honneur.

L’Ordre Royal de Madagascar prit fin prématurément avec l’abolition de la royauté de Madagascar, suivie de l’exil de la reine, en 1897.

ranavalona III

Reine Ranavalona III. Elle porte le grand cordon et la plaque de grand’croix de l’Ordre Royal de Madagascar.


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Croix du Mérite de l’Ordre Royal de Madagascar attribué pour service rendu. Archives personnelles JPRA – Reproduction interdite –


                                                                            *

De nos jours, le souvenir et le prestige des « Voninahitra » persistent.

De sorte que chacun et chaque famille s’enorgueillissent légitimement de compter parmi les leurs des personnes qui avaient en leurs temps acquis des « Voninahitra » pour leur mérite personnel et, souvent, eu égard également à leur rang social.

pierre Razafimbelo

Mon arrière-grand-père paternel Pierre Razafimbelo, 15 honneurs, gouverneur principal. 1908. Archives personnelles JPRA – Reproduction interdite –


Pierre Razafindramanana, 15 Honneurs

Mon grand-père paternel Pierre Razafindramanana, 15 honneurs, fonctionnaire des Travaux Publics. 1931. Archives personnelles JPRA – Reproduction interdite –


De nos jours, la constante inflation qui touche l’attribution de l’Ordre National Malagasy actuel le dévalorise assurément, ce d’autant plus que la réalité des mérites supposés fait trop souvent défaut….

L’honneur qui doit présider à cette attribution se perd ainsi depuis un temps certain, et comme le Général De Gaulle l’avait décidé en son temps en 1964 en France en créant l’Ordre National du Mérite pour enrayer l’inflation qui touchait l’attribution par trop généreuse de la Légion d’Honneur, peut-être serait-il approprié à Madagascar de renouer avec la tradition du « Voninahitra », c’est à dire de la « Fleur des champs », pour retrouver l’authenticité du prestige et des valeurs d’antan ?…

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

• Je remercie vivement Philippe Lamarque, Historien éminent et Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, auteur de maints ouvrages et articles historiques, d’avoir bien voulu me communiquer les photos en couleur représentant les distinctions de l’Ordre du roi Radama II (afin qu’elles intègrent mes archives personnelles). D’autre part, les photos de Ramanalimanana, du Roi Radama II, de Rainilaiarivony, de Rainimaharavo et de Rainitomponiera sont tirées de l’ouvrage « The working of miracles, photography in Madagascar 1853-1865 » de William Ellis – British Council – .

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Tous les droits sont réservés sur le texte de cet article et sur les photos produites en illustration. Leur reproduction est interdite.

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LE MONDE NOUVEAU

Profusion florale

Profusion florale (JPRA)


                                                          LE MONDE NOUVEAU

Il est temps que cette formule ne demeure pas vaine. Car, l’évocation de la nécessité d’un Monde Nouveau ne date pas d’aujourd’hui…

C’est sous ce titre volontairement super optimiste, « Porto Alegre ou le Monde Nouveau », que dans la revue « Madagascar Magazine » (n° de mars 2001) nous rapportions les résultats et leçons à tirer des différents travaux du premier Forum Social Mondial, tenus à Porto Alegre au Brésil du 25 au 30 janvier 2001, et pour lequel, en représentation de Madagascar, nous faisions partie d’une importante délégation de l’UNESCO composée également d’experts indien, argentin, français, anglais et africain.

Il s’agissait pour l’ensemble des représentants des citoyens de tous les continents d’inaugurer le troisième millénaire, en offrant à la réflexion de tous une très large palette de points de vue inédits sur des thématiques dont l’acuité se vérifie tous les jours, de façon permanente et universelle, notamment :

. « Construire un système de production de biens et de services pour tous » ; « Transformer le progrès scientifique en progrès humains » ; « Promouvoir les droits de l’Homme et garantir la santé de façon équitable » ; « Le futur des Nations unies » ; Sauvegarde des identités culturelles et protection des œuvres de l’esprit face à la commercialisation à outrance ».

Que ce premier Forum Social Mondial ait eu lieu au siège de l’Université catholique de la capitale de l’Etat brésilien de Rio Grande do Sul était tout à fait significatif de l‘importance du Brésil, déjà grandissante à l’époque, un grand pays en émergence qui continue cependant de vivre les affres de la dé-socialisation et contre lesquelles le rôle salvateur de l’Eglise catholique n’est plus à souligner.

Nous reprenons ici les termes de notre article paru dans ce numéro de mars 2001 de « Madagascar Magazine », dont l’actualité demeure aujourd’hui, dès lors que les bases mêmes de ce « Monde Nouveau » tardent toujours à être posées, et dès lors qu’à l’occasion des cruciales négociations commerciales transatlantiques Europe/Etats-Unis et d’autres forums du même genre impliquant les puissants de ce monde, il est certain que les méfaits déjà plus qu’évidents d’une mondialisation envahissante vont être accentués, en particulier dans le domaine de la santé, de l’agriculture et de tout ce qui concerne la sécurité foncière.

De sorte que ce Monde Nouveau tant recherché mais qui sonne comme une vaine incantation, est toujours et encore sur le métier…

Mais, ouvrons les perspectives, posons les problématiques, et évoquons les exigences et implications induites si l’on veut que ce Monde Nouveau se formule enfin…!

S’OUVRIR DES PERSPECTIVES NOUVELLES

Au départ, l’idée de faire tenir un Forum Social Mondial a émergé à l’occasion de trois moments forts :

. la nécessité de lutter contre les effets dévastateurs pour la société civile et les divers métiers de l’Accord Multilatéral sur les Investissements projeté en 1998 ;

. de donner un contenu concret aux manifestes anti-mondialisation exprimés lors de la réunion de l’Organisation Mondiale du Commerce qui s’est tenue à Seattle, aux Etats-Unis, en novembre 1999 ;

. et de réfléchir à d’autres politiques que celle conduite par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International.

Il s’est trouvé que par un heureux hasard de calendrier, alors que les adeptes du néolibéralisme se réunissaient à Davos, en Suisse, au même moment ceux qui croient en un autre monde moins commercialiste et plus humain se réunissaient dans l’hémisphère sud au Brésil.

Deux thèmes majeurs ont constitué le socle du Forum : la Santé et la Démocratie.

Le caractère contestataire – « l’anti-Davos » disaient les médias -, les agitations d’un José Bové qui n’a pu s’empêcher de détruire un champs d’OGM, la marche trop bigarrée qui a déroulé dans une ambiance de carnaval un tapis de slogans, tous ces « à côtés » ont été trop complaisamment appuyés par la presse et les télévisions du monde entier et a pu donner au large public une fausse idée quant au sérieux et à l’intérêt très réel des différents travaux qui se sont tenus depuis le matin jusqu’au soir tous les jours pendant une semaine entière.

A Porto Alegre, point de champagne ni de caviar. Seule la cantine panoramique de l’Université catholique offrait un semblant de luxe.

Car, à Porto Alegre, où les organisateurs attendaient 2.000 participants mais qui en fait étaient dix fois plus nombreux, chacun a eu à cœur d’œuvrer concrètement lors des nombreux débats, échanges d’expériences et définition de stratégies d’action politique…

Bien entendu, il y eut beaucoup de mouvements et personnalités de gauche et d’extrême-gauche qui se sont donnés à cœur joie de pourfendre le capitalisme, mais il y eut aussi autant venant des cercles chrétiens et, surtout, des universitaires, des chercheurs, des consultants, dont nous faisions partie, et des acteurs de la vie économique, parmi lesquels des capitaines d’industrie, des acteurs de la vie sociale et culturelle, mais aussi de nombreuses personnalités politiques du monde entier.

Tout ce monde s’est retrouvé là dans un climat de grande ferveur, certes intellectuelle mais surtout d’action. Madagascar a été représentée par notre modeste personne.

A l’applaudimètre, l’annonce de sa participation a été chaleureusement accueillie. Le pays le plus applaudi a été incontestablement Cuba, la France n’était pas loin, seuls manquaient à l’appel les pays asiatiques excepté le Japon, et les Etats-Unis ont été injustement sifflés alors que des Américains de bonne volonté, cela existe… !

LE FOND DE LA PROBLEMATIQUE

Le fond de la problématique, dans son état actuel, est qu’il convient assurément de donner aux peuples d’autres alternatives que le néolibéralisme ambiant à tout va, dans lequel trop de gens tendent à se résigner.

Or, chacun a bien conscience que l’homme doit être au centre de toute entreprise ou de tout programme de développement.

L’intrusion massive et systématique de la loi du marché doit être encore plus sérieusement reconsidérée qu’elle ne l’est actuellement, tant à l’intérieur de chaque pays que dans les relations internationales.

Pour ne prendre que des exemples :

. comment faire en sorte que la formation, la concentration et la distribution de la santé soient assurées de façon équitable ;

. comment libérer de l’emprise de l’argent l’emploi et l’environnement ;

. que signifie la liberté de la circulation des capitaux ;

. de quelle marge de manœuvre peuvent encore disposer les Etats devant la toute puissance de la finance.

La mondialisation de l’économie se caractérise essentiellement par des flux commerciaux sans cesse en croissance et en renouvellement avec une prédominance accrue des pays du nord.

Mais, ceci a un coût terrible, en particulier au détriment de l’environnement, des spécificités culturelles et des populations modestes.

Quant à l’explosion des flux financiers et des investissements directs à l’étranger, ils entraînent une déréglementation accrue présentée comme un progrès, alors qu’elle n’a d’effet que de permettre aux puissants groupes multinationaux de pénétrer sans coup férir les marchés nationaux au détriment des entreprises locales.

Au résultat de ce phénomène, ces grands groupes ont acquis un pouvoir de négociation face aux Etats, et pour peu que ces derniers soient faibles ou sans moyens, ces grands groupes exercent alors tout naturellement leur imperium.

Dans tout ceci, on ne parle plus – l’a-t-on remarqué ? – de « développement », mais de pays « émergents » qui ont seulement réussi à maintenir une certaine croissance, mais qui peuvent à tout moment basculer dans l’impasse pour (re)devenir des « pays pauvres ».

Car, ce qui caractérise cette mondialisation, c’est que le poids de la dette, l’impasse budgétaire de trop nombreux pays, l’atonie de leurs économies et leur fragilité structurelle sont considérables et augmentent dangereusement, alors même que ces grands groupes prédateurs augmentent leurs marges bénéficiaires.

Il est certain que le phénomène de la mondialisation est un processus complexe qui touche maintenant non seulement tous les secteurs économiques, mais également des mécanismes institutionnels qui, jusqu’à récemment, étaient épargnés à travers la notion générale de Bonne Gouvernance, mais qu’on assimile désormais trop souvent à la notion privatiste et réductrice de bonne gestion des affaires publiques en oubliant la notion fondatrice de service public.

Or, cette notion de « bonne gestion » ramène inévitablement à introduire des modes de gestion assimilables à ceux adoptés par les entreprises privées, délaissant irrémédiablement aux confins de la sphère étatique les prérogatives premières d’un Etat, qui sont de défendre à l’intérieur comme à l’extérieur les intérêts légitimes de tout un peuple, de garantir à tous les citoyens l’exercice des droits fondamentaux, et d’assurer à tous l’équité et la justice sociale au moyen de la mise en œuvre d’une politique de développement durable et participatif.

LIEN INDISSOCIABLE ENTRE DEVELOPPEMENT DURABLE
ET DEMOCRATIE

Précisément, qu’entend-on par développement durable ?

Le concept, qui prend sa source dans des considérations anciennes mais qu’on a oubliées, inclut l’idée que toute entreprise industrielle ou commerciale doit intégrer une demande sociale croissante (équité sociale ou effets sociaux induits) et la dimension environnementale (prudence écologique, protection ou mise en valeur de l’environnement).

Et, l’ensemble doit s’inscrire dans la durée tout comme il implique la participation active de la population à sa conception et à sa mise en œuvre.

D’où la notion subséquente de « développement participatif ».

Tout développement durable doit atteindre au moins les quatre objectifs suivants :

. maîtrise de l’utilisation des ressources; emploi de techniques « propres » maîtrisant la production des déchets et l’utilisation de polluants ;

. localisation réfléchie des activités économiques ;

. adaptation des modes de consommation aux contraintes écologiques et sociales (préférence étant donnée à la satisfaction des besoins plus qu’à la demande).

Il est bien évident qu’un tel concept heurte la conception libérale, encore qu’on observe depuis peu une évolution de cette dernière vers l’idée de durabilité, à preuve l’inclusion de la notion de développement durable dans le préambule même du texte fondateur de l’Organisation Mondiale du Commerce (l’OMC).

Rappelons aussi que la 2ème Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement s’était achevée en 1992 par la création d’une Commission du Développement Durable au sein des instances des Nations Unies.

Dès lors, on comprend bien que le développement durable suppose, dans ses principes, le renforcement de la Démocratie dans ce sens où il nécessite la participation de la population à toutes les étapes des choix économiques, et ce aux niveaux national et local.

On retrouve ici la notion de Bonne Gouvernance qui ne doit pas se limiter à la seule bonne gestion des affaires publiques prise dans ses définitions exclusivement comptable et financière.

Il s’agit tout à la fois de préserver et de promouvoir les valeurs sociales et traditionnelles, les cultures, optimiser le bon fonctionnement des rouages institutionnels, et intégrer dans le processus de développement les groupes minoritaires ou marginaux.

En somme, il s’agit tout simplement de mettre en œuvre les droits de l’Homme tels que :

. le droit à un environnement sain, à une alimentation saine et suffisante, à l’éducation, au respect des cultures locales, de regard et de contrôle des affaires publiques.

IMPLICATIONS PRATIQUES

C’est précisément sur ces questions que le 29 janvier 2001 nous avons, à l’invitation de l’UNESCO, animé avec d’autres spécialistes et experts venant du Cameroun, du Burundi, du Tchad, d’Argentine, du Mexique, de France,de l’Inde,  d’Iran et des Etats-Unis, un séminaire dans le cadre du Forum Social Mondial, et avons répondu aux questions du public.

Tout l’intérêt de ce genre de séminaire est que, de par les échanges d’expériences de pays à pays, et grâce aux débats et arguments échangés, certaines pistes ont pu être dégagées.

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« Osmose » (jpra)


Parmi celles-ci, la question se pose de savoir quels sont les instruments dont l’Etat peut disposer pour mettre en œuvre une politique de développement durable.

Il y a bien sûr les mesures règlementaires et les mesures économiques, sociales et fiscales incitatives qui sont classiques.

Mais, il y a aussi la notion de gestion collective des biens communs et ce qu’on appelle les mesures d’ « approches volontaires « .

La première notion consiste à promouvoir une approche participative et multidisciplinaire à la gestion des terroirs et des ressources par les populations, le transfert des responsabilités de l’Etat vers les communautés locales, une meilleure adaptation du droit foncier.

Quant aux mesures d’ »approches volontaires », elles consistent, au moyen d’une réglementation incitative à ces égards, à ce que toute entreprise industrielle ou commerciale mette en valeur les performances environnementales et sociales attendues, et ce de trois façons :

. adoption volontaire par l’entreprise d’un code de bonne conduite écologique et sociale ;

. accord environnemental et social négocié avec l’Etat, contenant pour l’entreprise des objectifs écologiques et sociaux à atteindre selon une planification déterminée, en contrepartie pour les pouvoirs publics, par exemple, d’exonérer l’entreprise de certaines règlementations domestiques ;

. édiction, par les pouvoirs publics, de cahiers des charges auxquels peuvent adhérer volontairement les entreprises en contrepartie d’une accréditation ou d’un étiquetage spécifique sur les produits qu’elles commercialisent.

DEVELOPPEMENT DURABLE ET LIBRE ENTREPRISE : MEME COMBAT

Le développement durable n’entrave en aucune façon la liberté d’investir ni d’innover.

Au contraire.

Grâce à la mise en œuvre de stratégies nouvelles, il est porteur de nouveaux marchés et génère des avantages compétitifs nécessaires à la croissance.

C’est bien pourquoi, la Chambre de Commerce Internationale a décidé, en 1992, de constituer en son sein la « World Business Council for Sustainable Development » dont la charte constitutive porte le titre :

. « Réconcilier le développement de l’entreprise et la protection de l’environnement ».

Parmi les programmes d’action alors définis, figurent « la promotion d’accords de coopération technique dans le domaine de l’environnement entre entreprises des pays industriels et des pays en développement », et « la promotion de politiques environnementales compatibles avec le maintien d’un système commercial multilatéral et ouvert ».

Certes, tous ces instruments ne sont pas nouveaux. Par contre, leur combinaison intelligente nécessite de la part des pouvoirs publics un bon dosage et un effort d’imagination, afin de leur accorder la meilleure efficacité possible, d’éviter que les « charges » environnementales et sociales pèsent sur la croissance économique et sociale, et de ne point défavoriser les petites et moyennes entreprises par rapport aux grands groupes.

Mais, il faut bien reconnaître que si une dynamique nouvelle a été impulsée dans le domaine du développement durable, elle ne bénéficie de façon significative qu’aux pays industriels, c’est ce qui apparaît quand on regarde des projets élus par le Fonds pour l’Environnement Mondial.

Quant à la Banque Mondiale, elle finance certains efforts des pays membres à fixer des priorités, à renforcer les institutions et à formuler des politiques environnementales et des stratégies de développement durable.

Cependant, certains observateurs notent qu’étant encore prisonnière de la conception libérale, elle rechigne à s’engager pleinement dans la promotion du concept de développement durable.

Et puis, tant que trop de gouvernants de pays bénéficiaires d’aides pratiquent comme un sport national le détournement de fonds, la mise en place et la poursuite d’une véritable coopération internationale pour le développement durable peuvent difficilement être rendues efficaces.

En 1972, le Prix Nobel d’Economie James Tobin a lancé l’idée d’un impôt sur les transactions financières internationales à court terme, qui serait prélevé sur les transactions en devises, ceci pour réduire l’instabilité des changes et décourager les mouvements purement spéculatifs. Les recettes de la taxe – dite « taxe Tobin » – seraient affectées à l’aide au développement durable.

Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) a calculé qu’au taux de 0,1% la taxe Tobin procurerait environ 166 milliards de dollars US par an, c’est-à-dire deux fois plus que la somme annuelle nécessaire pour éradiquer au début du XXIème siècle la pauvreté extrême.

La mise en place de cette taxe nécessite une coordination internationale, mais les Etats libéraux que sont au premier chef les Etats-Unis n’en veulent pas…

poire et raisns

« Poire et raisin » (JPRA)


HARO SUR L’AMI ET SES DECLINAISONS…

Cependant, en cette matière aussi les mentalités évoluent et si aujourd’hui encore la solution libérale l’emporte, demain, peut-être à l’initiative de l’Union Européenne et de la France, le paysage sera plus favorable.

A cet égard, il est certainement heureux, pour les pays en développement, que le projet d’Accord Multilatéral sur l’Investissement (le fameux « AMI ») élaboré en 2014 par l’OCDE, qui tend à dénier à tout Etat la possibilité d’exproprier et d’édicter des règlements protecteurs afin d’encourager l’investissement et l’accès à tous les marchés, n’ait finalement pas été adopté.

L’opposition déterminée de l’Union Européenne, amenée par la France, a été nette et sans appel. C’eût été le règne absolu des grands groupes internationaux, la fin des Etats en matière de contrôle et de régulation économique, et aurait accentué les effets pervers de la mondialisation en termes d’uniformisation, de mort lente des métiers, et de préservation des spécificités sociales et culturelles des pays.

Tout ceci avait été débattu à Porto Alegre.

A la fin des travaux de ce Forum Social Mondial, un débat télévisé a été organisé avec certains participants du Forum de Davos. Des points de vue se sont rapprochés. Une prise de conscience réciproque s’est formée.

Bientôt, peut-être, ainsi que nous l’avons modestement suggéré en réponse à une question posée à l’issue de notre intervention, une sorte de Commission Mixte regroupant des représentants du Forum Social Mondial et du Forum de Economique de Davos pourrait être constituée afin d’étudier, dans un esprit constructif et pour un « Monde Nouveau », les possibilités d’action communes.

Bref, nous devons tous être vigilants pour que subrepticement, au détour de notre inattention, un accord de la même nature que l' »AMI » ne vienne s’imposer.


                                                            POSTSCRIPTUM

Trois ans après la rédaction de ce texte, nous ne retranchons aucun des termes alors posés il y a maintenant quinze ans à Porto Alegre lors du premier Forum Social Mondial.

Au contraire, devant les avancées triomphantes du type de mondialisation que nous déplorions, devant la montée en puissance de pays émergents qui adoptent les mêmes travers prédateurs qu’ils dénonçaient auparavant tant qu’ils étaient eux-mêmes « faibles », et devant la faillite inquiétante de trop d’autres pays, devant l’inconscience persistante d’une majorité des « citoyens du monde », devant les injustices et les périls provoquées par un système politico-économique basé sur la compétition, devant les fléaux climatologiques, et, dernièrement, devant les ravages causés par la pandémie de la Covid-19, avant sans doute d’autres que les activités irréfléchies des hommes vont à coup sûr provoquer,

nous ne pouvons que confirmer ici nos propos tenus …en 2001.

Mieux encore, référons-nous aux propos forts et, – sans doute « bien trop pessimistes », voire « défaitistes » aux yeux de certains -, tenus par l’anthropologue Paul Jorion dans son dernier ouvrage « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » avec un sous-titre explicite : « Essai sur l’extinction de l’humanité ».

Il y explique en effet pourquoi, à cause de l’impéritie de l’Homme à s’amender profondément pour changer de système économico-financier, cesser l’exploitation éhontée des ressources naturelles, réfléchir aux conséquences déshumanisantes de la robotisation, et pour empêcher la probabilité d’une guerre nucléaire généralisée, d’ici deux ou trois générations ce sera tout simplement la fin annoncée de l’humanité.

Ca donne, pour le moins, à réfléchir…

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

* Ancien Expert international en matière de bonne gouvernance et de promotion de la démocratie auprès de l’Union Européenne (« EuropAid »).

LES CONTRIBUTIONS MAJEURES DES COMBATTANTS MALGACHES POUR LA VICTOIRE SUR L’HORREUR NAZIE DU 8 MAI 1945

 Bushido (2)« Victoire ! » (JPRA)


 

                                     8 MAI 1945 : LA VICTOIRE SUR L’HORREUR NAZIE

En cette année 2023, comme les années précédentes, le devoir mémoriel, à travers la célébration du 8 mai 1945,  garde son caractère imposant à travers le monde, car les fléaux qui avaient nourri le déclenchement de la seconde guerre mondiale ne se sont pas taris, loin de là…

Très récemment, on le constate avec consternation à propos du déclenchement de la guerre en Ukraine qui se nourrit de rancoeurs et inimitiés passées.

Pour ce qui concerne la France, souvenons-nous, elle avait pris un sens particulier au lendemain du 7 mai 2017, date de l’élection à la présidence de la République française du plus jeune des présidents de la République (Louis-Napoléon – futur Napoléon III – avait, lui, 40 ans lorsqu’il fut élu premier Président de la République française), qui déclarait faire de la lutte contre la montée en puissance de l’extrême-droite, héritière des complices du régime de Vichy et de ce qu’elle considère comme étant son héritage nazi, un ardent devoir.

Aujourd’hui encore, il ne faut pas oublier cette menace permanente et il est interdit d’avoir la mémoire courte, notamment à l’approche ou à l’occasion d’échéances électorales majeures, ou encore en prenant prétexte de certains faits divers à connotations racistes ou catégorielles…

En effet, et quoi qu’on dise, la montée des réflexes extrême-droitiers ou outranciers à travers l’Europe ou ailleurs, dans un élan constant ne peut qu’inquiéter. C’est à se demander où les gens rangent leur conscience.

Qu’on se le dise également, à l’heure où en cette époque de triomphe des théories ou mécanismes systémiques permis par la haute technologie les gouvernements ont tendance à les adopter trop facilement pour réguler la société, notamment pour combattre certaines pandémies ou autres fléaux, doivent toujours s’imposer d’impérieux devoirs de vigilance sur nous-mêmes et sur nos libertés individuelles et collectives comme sur nos valeurs de référence. Car, ces libertés gagnées et acquises après la grande victoire du 8 mai 1945, ces valeurs morales fruits d’une civilisation, ne doivent en aucun cas être menacées par des mesures sécuritaires, de quelque nature qu’elles soient, rendues insidieusement « inoffensives » et invisibles, mais en réalité dangereuses par une haute technologie numérique pernicieuse, froide et envahissante.

Il faut donc à chaque instant se rappeler comme visés au corps, à la conscience et à l’esprit certains faits, certaines exigences et certaines valeurs qui donnent sens à notre vécu et à notre devenir.

                                                                            *

A ces égards, la commémoration de ce qui dans l’Histoire de l’humanité est présentée comme une grande victoire des nations alliées – celle du 8 mai 1945 -, acquise au prix de sacrifices surhumains sur l’horreur et la folie, est l’occasion de rappeler ce que fut l’énorme contribution des nations africaines et malgache.

Cette contribution fut de même ampleur que celle consentie par les Africains et les Malgaches durant la première guerre mondiale de 1914-1918.

Dès la déclaration de guerre par la France contre l’Allemagne le 3 septembre 1939, ces valeureux combattants furent engagés sur tous les fronts, en Europe, en Asie et dans le Pacifique, aux côtés de leurs camarades européens, asiatiques et océaniens.

Mais, ils étaient également engagés de façon spécifique au sein de diverses formations, soit d’artilleurs, soit de mitrailleurs, soit de cavalerie, soit de tirailleurs, ou encore de services de santé, d’intendance, de transmission, etc….

Nos libertés et nos valeurs démocratiques, telles que nous en jouissons aujourd’hui à travers le monde, c’est en grande partie à ces soldats de tous grades que nous les devons.

A nous de les respecter, de les promouvoir, de les défendre et de les valoriser comme étant recueillies d’un précieux héritage, au lieu de les galvauder ou de les malmener comme on le constate de trop !

Nous le leur devons !

Pour ce qui concerne les natifs de Madagascar, près de 40.000 Malgaches furent engagés dans l’effort de guerre de 1939-1945 sur les différents champs d’opération.

Certains d’entre eux se sont tout particulièrement signalés par leur bravoure exceptionnelle dans les annales militaires françaises.

Mais, tant en France qu’à Madagascar, qui les connaît réellement et les a-t-on suffisamment honorés à leur juste valeur ?

DES EXEMPLES DE FAITS D’ARMES HEROIQUES SUR LES FRONTS FRANCAIS

Dans ce qui fut la première rupture du front français de la Meuse au début des hostilités sur le sol français, mi-mai 1940 des Malgaches se sont particulièrement signalés par leur esprit combatif, notamment dans la défense de Monthermé.

Parmi eux, le sergent-chef Ralaivo, par la suite décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre avec palme.

Peu de temps après, du 18 mai au 4 juin 1940, sur le front hautement stratégique de la Somme où le colonel de Gaulle lui-même s’était illustré à la tête de sa Division blindée, de vaillants artilleurs malgaches du 21ème Régiment d’Artillerie Coloniale furent engagés en opposant à l’armada allemande une très forte résistance, parmi eux le lieutenant Pierre Razafy-Andriamihaingo, par la suite engagé comme F.F.I (Forces Françaises de l’Intérieur) dans la Résistance et cité à l’ordre du corps d’armée comportant attribution de la Croix de guerre avec étoile de vermeil, étant par ailleurs attributaire du Diplôme d’Honneur de la Résistance et de la médaille correspondante.

  • Concernant l’Appel du 18 juin 1940, voir sur ce même blog l’article daté du 18 juin 2014 intitulé « Témoignage d’un officier malgache autour de l’Appel du 18 juin 1940 ».

lieutenant R.A

Lieutenant Pierre Razafy-Andriamihaingo à sa sortie de l’Ecole d’Application d’Artillerie Lourde de Fontainebleau. 1939.


Deux autres combattants malgaches, le Canonnier Nasy, qui trouva malheureusement la mort à son poste, ainsi que le Canonnier Rainisaka, grièvement blessé, s’illustrèrent particulièrement sur ce même front, celui qui décida du sort de la campagne de France.

Lors de la « deuxième bataille de la Meuse », du 9 au 20 juin 1940, très peu de temps avant le honteux armistice du 22 juin, trois autres soldats malgaches, les Canonniers Rakotoniaina, Rakotojaona et Radolo, trouvèrent une mort glorieuse, le second nommé en combattant quasiment au corps à corps des éléments motocyclistes allemands, tandis que le troisième fut frappé à son poste par de violents bombardements ennemis à Chaumont-sur-Air (Meuse).

Quant à l’Infirmier-Tirailleur Samuel Ramarapilo, c’est lors de la retraite de l’armée française que le 23 juin 1940 il fut très grièvement blessé en continuant à soigner des blessés sur le front malgré le feu nourri ennemi.

Par la suite, on soulignera que quand arriva la défaite française, autant par pur racisme que par une volonté sauvage, les Nazis avaient décidé d’appliquer aux combattants africains, indochinois et malgaches, faits prisonniers et regroupés dans des camps spéciaux installés en France (les « frontstalags »), un « traitement spécial ».

Inutile de décrire ce qu’un tel traitement impliquait en termes de supplices barbares. S’organisèrent alors, au sein de la Résistance, d’efficaces réseaux d’entr’aide et d’évasion de ces malheureux prisonniers.

C’est ainsi que s’agissant des quelques quatre mille prisonniers malgaches répartis sur plusieurs « frontstalags », Pierre et Suzanne Razafy-Andriamihaingo, se sont tôt engagés au sein des réseaux du « Musée de l’Homme » et du « Colonel Houët » avec Germaine Tillion, Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Edmonde Giscard d’Estaing en qualité de FFI (Forces Françaises de l’Intérieur).

Ils prirent d’énormes risques en faisant évader, en cachant et en nourrissant bon nombre de ces prisonniers malgaches et réunionnais, notamment pour ensuite assurer leur passage en zone libre ou, pour peu d’entre eux il est vrai, afin qu’ils rejoignent les maquis (notamment dans les forêts face à la Bavière, dans le Cher en particulier pour la libération de Bourges, dans l’Indre, dans la Dordogne et dans le Territoire de Belfort).

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Germaine Tillion (assise) et Pierre Razafy-Andriamihaingo (en costume au centre) en compagnie de deux soldats malgaches nouvellement évadés. Dans un touchant esprit fraternel  pour l’effort de guerre, Paul Randrianome, lui-même soldat mobilisé dès 1939, prête également main-forte à son grand-frère, Pierre Razafy-Andriamihaingo ainsi qu’à l’épouse de ce dernier, dans les premières heures de la Résistance.


Durant l’épopée de la France Libre, certes aucun Malgache ne fut honoré du titre de « Compagnon de la Libération », et seul le Tirailleur Justin Resokafany, évadé du frontstalag de Rennes en septembre 1940, rejoignit le général De Gaulle à Londres après avoir entendu son Appel du 18 juin 1940.

Ce valeureux soldat participa par la suite aux combats au sein des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) de l’Indre, ses faits d’armes lui ayant valu la croix de guerre avec étoile d’argent et citation à l’ordre de la Division.

Mais, ce n’est pas pour autant que d’autres Malgaches, assez peu il est vrai, ce sans citer l’exemple des époux Razafy-Andriamihaingo, eux-mêmes engagés dans la Résistance dès le début de l’automne 1940 en tant que FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) et FFC (Forces Françaises Combattantes), ne participèrent pas activement aux combats devant mener jusqu’à la victoire finale.

Viennent parallèlement, en 1944-1945, les opérations frontales menant à la Libération de Paris (voir à ce sujet sur ce même blog l’article daté du 24 août 2014 intitulé « Libération de Paris : la grâce de la Liberté »), puis à la Libération de la France.

Elles commencent par le débarquement en Provence, du 15 août au 12 septembre 1944.

Quand il s’était agi de poursuivre les troupes allemandes avec l’aide des maquisards de l’intérieur dans tout le sud de la France, et menant à la libération de Montpellier, de Toulouse, de Bordeaux et de Perpignan, des Malgaches y participent au sein de la 1ère Armée Française.

C’est notablement le cas du maréchal-des-logis Norbert Rakotomanga, qui fut tué à son poste de combat le 30 septembre 1944 après avoir brillé lors de la campagne d’Italie (voir ci-dessous), et il faut aussi relever les faits d’armes du 2ème Bataillon de Tirailleurs Coloniaux dans la région d’Aix-en-Provence., lequel va par la suite participer également à la campagne Rhin et Danube pour aller jusqu’au cœur de l’Allemagne.

D’AUTRES FAITS D’ARMES MALGACHES SUR D’AUTRES FRONTS
A TRAVERS LE MONDE

C’est ainsi également que certains soldats malgaches rallièrent, avec leurs camarades africains et cambodgiens, le 1er régiment d’Artillerie des Forces Françaises Libres engagé au Proche-Orient, et parmi eux l’Adjudant Rasoamanana et le Canonnier de 2ème classe Ramoravelo, par la suite cité à l’Ordre de l’Armée avec attribution de la Croix de guerre avec palme.

Lors du débarquement allié à Dakar fin septembre 1940, neuf soldats malgaches s’illustrèrent particulièrement, parmi lesquels le Sergent Rajoelson, le Caporal Reby et les Tirailleurs Reharatra et Zafikely.

Et, lors de la campagne de Syrie, du 8 juin au 10 juillet 1941, des tirailleurs malgaches, au nombre desquels furent les valeureux canonniers Ralaizanaka et Rakotosihanaka, rejoindront la 1ère Division Légère Française Libre.

A Madagascar même, alors qu’il fallait soustraire le pays à l’administration vichyste du général Annet qui s’y était établie, la campagne militaire du 4 mai au 6 novembre 1942 menée conjointement par les Britanniques et les Français Libres vit s’illustrer particulièrement sur leur sol natal des combattants malgaches, notamment ceux du 2ème Régiment Mixte de Madagascar, de la Batterie de D.C.A de Diego-Suarez et de la Compagnie du Génie de l’Emyrne.

Ces formations ont été successivement citées à l’ordre de l’Armée, à l’ordre du Corps d’Armée et à l’ordre de la Division. Quant aux hommes, ils ont notamment pour noms le lieutenant Ramanantsoa (futur Chef d’Etat-Major des armées malgaches à l’Indépendance de Madagascar et futur Chef d’Etat en 1972), le sergent-chef Rafaralahy et le sapeur Paul Rakoto qui furent décorés de la Croix de guerre avec palme.

Dans la terrible guerre du désert de Libye de 1940 à 1943, là où, face à de redoutables forces mécaniques allemandes et italiennes, mais étant en compagnie de vaillants Britanniques, ont brillé sur d’immenses espaces désertiques de grands héros tels que le maréchal Montgomery, et les généraux Koenig ou Leclerc, des éléments malgaches y furent également engagés, notamment ceux du Groupe d’Artillerie Mixte Malgache faisant partie de la 1ère Brigade Mixte française Libre du général Koenig.

Les Malgaches participent ainsi à la fameuse bataille de Bir-Hakeim début juin 1942, celle qui fut particulièrement citée le 11 juin 1942 par le Grand Quartier Général Allié dans le Moyen-Orient en ces termes : « les Nations Unies ont contracté une lourde dette de gratitude envers la Première Brigade Française Libre et son vaillant chef le Général Koenig ».

Les Malgaches sont également activement présents lors de la campagne de Tunisie d’avril à mai 1942.

Quand arrive au printemps 1943 la phase de reconquête du sol français occupé par l’Allemagne, et que le Corps Expéditionnaire Français placé sous le haut commandement du général Juin entame en avril 1944 la campagne d’Italie avec la prise de Rome dès le 5 juin 1944, des éléments malgaches y participent, notamment au sein des services de l’intendance, de la santé et du transport.

Cette fois-ci, étant parvenus dans le sillage du corps expéditionnaire français à ouvrir la route pour la conquête du nord de l’Italie, des combattants malgaches du 1er Régiment d’Artillerie de la Division Motorisée d’Italie sont activement présents pour le contrôle de l’axe routier donnant accès au mont Amiata dans la région de Sienne.

Quelques combattants malgaches sont même présents jusqu’en Indochine face aux Japonais, en particulier au sein de la Brigade Coloniale d’Extrême-Orient, il est vrai seulement à la fin de l’année 1945, peu avant le moment où, anéanti sous les bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, l’Empire du Soleil Levant s’effondre.

HOMMAGES, TEMOIGNAGES PERMANENTS ET SOUVENIRS

Ce sont ces faits, ces actes de bravoure, de pure abnégation et représentatifs du sens inné de l’honneur et de l’amour patriotique autant que de l’esprit de sacrifice pour les générations présentes et futures, qu’ à l’occasion de la commémoration de la Victoire du 8 mai 1945 ou d’autres célébrations du Souvenir, aucun de nous ne saurait oublier.

C’est pourquoi, dès la fin de cette meurtrière seconde guerre mondiale, des anciens combattants malgaches et leur famille, fidèles au souvenir de leurs aînés de la première Grande Guerre de 14-18, avaient tenu, sous la conduite de notre père, à leur rendre l’hommage qui leur était dû en déposant une gerbe au pied du Vatolahy (stèle commémorative dans le plus pur de la tradition malgache. Voir : photos) situé dans le Jardin Tropical du parc de Vincennes.

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Le Vatolahy ( stèle ) dédié à la mémoire du soldat inconnu malgache de la guerre 14-18 dans le Jardin Tropical du Bois de Vincennes.


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1945: Des Malgaches, conduits par Pierre Razafy-Andriamihaingo (à l’extrême-gauche), après le dépôt d’une gerbe au pied du Vatolahy  du Jardin Tropical de Vincennes.


De même, étant alors ambassadeur de Madagascar en France, et entendant rappeler pour la postérité les faits d’armes de nos valeureux combattants de 1939-45, avais-je tenu, saisissant en novembre 2006 l’occasion des manifestations officielles organisées à Paris à l’initiative du gouvernement français dans le cadre de la « Mémoire partagée » (avec la présence de toutes les nations ayant participé à la Victoire finale), à concevoir et à faire ériger dans le Jardin du Ranelagh à Paris 16ème, face à l’Ambassade de Madagascar, un autre Vatolahy, celui-ci de granit rose, dédié spécialement à la fraternité d’armes franco-malgache de la seconde guerre mondiale (voir : photo).

Vatolahy (3)

Maquette du Vatolahy commémoratif de la fraternité d’armes franco-malgache, telle que nous l’avions conçue à l’origine (la traduction graphique du projet est assurée par Thierry Razafimbelo).


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Le même Vatolahy, tel que finalement réalisé et implanté dans le Jardin du Ranelagh à Paris 16ème face à l’Ambassade de Madagascar en France.


Par ailleurs, je n’avais pas manqué de déposer sous l’Arc de Triomphe à Paris une gerbe, suivi de l’émouvant rallumage de la Flamme du Souvenir avec la traditionnelle lourde épée en compagnie de deux généraux de corps d’armée et en présence de formations d’Anciens Combattants (voir photo ci-dessous).

Ravivage flamme arc triomphe


En 2022, deux autres occasions majeures me sont données de rendre hommages à mes valeureux parents et compatriotes qui avaient vaillamment combattu pour que nos libertés triomphent toujours face à la barbarie:

. le 8 mai à Douaumont et à Verdun, sur les lieux des terribles combats des deux guerres mondiales, en présence du Maire de Verdun ;

. le 26 novembre au Mont-Valérien, des cérémonies d’hommage exceptionnel aux combattants malgaches des deux guerres mondiales, ce en quatre temps  (voir ci-dessous l’annonce du programme – Cliquez sur le lien ci-dessous ).

Invitation cérémonie combattants malgaches

Ainsi, la Mémoire entretenue se rappellera toujours à nos consciences.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

(* Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations).