FAHALEOVAN-TENA NY FIRENENA MALAGASY !

Bal des dauphins.jpg

« Le bal des dauphins », pastel sec (jipiera) – Reproduction interdite –


                                                     FAHALEOVAN-TENA
L’INDEPENDANCE RETROUVEE

Firahabana ho hianareo, tompokovavy sy tompokolahy !
Salutations à vous, Mesdames et Messieurs !

Anio 26 volana fahenina amy ny taona 2022 no fetiny Fahaleovan-tena ny firenena Malagasy.
Ce jour 26 juin 2022 est fête de l’Indépendance de la nation malgache.

62 taona !
62 ans !

Mahatsiaro hianareo Malagasy eto Madagasikara, Frantsa, Angletera, Italia sy Espagna, manokana aho.
Je pense tout particulièrement à vous, Malgaches de Madagascar, de France, d’Angleterre, d’Italie et d’Espagne.

Hevitra mahafinaritra ho hianareo rehetra.
Toutes mes meilleures pensées vont vers vous.

« Ny fitia mifamaly, hoy ny ohabolana, mahatsara fihavanana ».

« L’amitié réciproque, dit un proverbe, entretient les bonnes relations et la sociabilité »‘.

Arahaba, tratry ny Asaramanitra daholo ry mpiray Tanindrazana ô, na aiza na aiza hianareo !
Félicitations et prospérité à vous tous, chers compatriotes, où que vous soyiez !

Fanantenana, fiadanana sy fihavanana ho antsika rehetra !

Espoir, sérénité et fraternité à nous tous !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

SERENITY« Serenity, fraternité », panneau-vitrail en quatre volets jumeaux – Jipiera – Reproduction interdite –

FITIAVAN’NY ZANAKA NY RAY AMAN-DRENY – AMOUR FILIAL

                                             FITIAVAN’ NY ZANAKA NY RAY AMAN-DRENY

                                                                          L’AMOUR FILIAL

Chez nous à Madagascar, l’amour filial est un sentiment très fort. Vis-à-vis de ses propres parents, bien sûr. Mais aussi, parce que la force de ce lien générationnel remonte loin, cet amour filial prend une égale intensité vis-à-vis des grands-parents.

Où que l’on se trouve, surtout peut-être, à cause de la distance géographique, le cœur et l’esprit s’allient davantage pour une pensée convergente vers ceux qui nous ont quittés et qui reposent dans nos terres ancestrales.

Il y a peu, notre cousin Julien avait, de Genève, exprimé en mots forts ce sentiment pour rendre hommage à son grand-père maternel, Pierre Razafy-Andriamihaingo, et nous nous y sommes associées en pensée.

Pour notre part, tout à la fois en ce 5 mars – fête des grand-mères – et pour ce 16 juin 2023 à l’occasion du 108ème anniversaire de la naissance de notre grand-mère paternel, Suzanne Raharimihaja Razafy-Andriamihaingo, née Rabemananjara, pour lui manifester notre amour et rappeler ce qu’elle fut et ce qu’elle avait fait pour le bien de Madagascar et des Malgaches.

Elle nous avait quittés en pleine vacances estivales un 27 août 2000 dans cette Bretagne qu’elle adorait, à Saint-Brieuc (Côtes d’Armor). Elle repose en paix avec son mari, Pierre Razafy-Andriamihaingo, Papa’Be, dans le tombeau familial au sommet de la colline sacrée de Manankasina-Ambohipotsy à 7 kilomètres à vol d’oiseau d’Antananarivo au nord-est en territoire Andriandranando, notre Maison princière qui est l’une des plus vieilles ayant été à l’origine des dynasties royales et princières du royaume de Madagascar.

I1453651738

Colline sacrée de Ambohipotsy-Manakasina.


Moi, Anne, – « Rasoa », disait-elle – , sa petite-fille aînée, je l’appelais affectueusement « Mama’Be ». Elle était pour moi une femme moderne avant l’heure. Une belle âme. Elle avait un sourire d’enfant. Une femme élégante que mes yeux de petite fille regardaient avec admiration. Une femme d’honneur, de combat, de culture : un modèle ! Une femme, qui malgré les épreuves de la vie, gardait le sourire aux bouts des lèvres. Elle est et restera un exemple pour moi.

Pour moi aussi, Laurence, – « Raivo » – , elle était non pas « Mamie » ou « Mémé », mais bien « Mama’Be » ! Les souvenirs s’atténuent inexorablement avec le temps, mais je me souviendrai toujours de ses fines et douces mains, toujours impeccablement manucurées. De son sourire qui illuminait son visage, et de son incompréhension totale lorsqu’elle nous voyait, ma sœur et moi, nous pavaner le nombril à l’air parce que c’était la mode quand nous étions adolescentes ! Elle était une femme élégante, intelligente et charismatique ; j’ose dire: un modèle pour toutes les femmes de notre siècle.

Image

1998 : à la campagne avec notre Mama’Be. Notre vision va dans la même direction !…


UNE COMBATTANTE ET UNE BATTANTE

Mama’Be est née dans une famille dont le père était un très important exploitant agricole, d’un esprit entrepreunarial que d’aucuns ne renieraient pas aujourd’hui, et son grand-père un chef « Menalamba » tué au combat (les « Menalamba » furent des résistants contre l’invasion coloniale française et favorables à la restauration de la royauté que Galliéni venait d’abolir (Voir l’article « Le site historique d’Ambohitsilaizina » sur ce même Blog ).

Sa mère, Christine Razanamalala, était issue de la haute aristocratie des Andriamasonavalona autrefois établis à Fianarantsoa. Raymond-William Rabemananjara, père-fondateur du MDRM (parti nationaliste malgache des années 1940) et ami intime du prince Albert Rakoto-Ratsimamanga, était son frère cadet.

Mama’Be fut pendant quinze ans, de 1946 à 1961, l’irremplaçable conservateur en chef des musées nationaux des Rova d’Antananarivo et d’Ambohimanga.

Elle y fit des travaux colossaux, non sans, dès sa prise de fonction en 1946, en pleine effervescence nationaliste et contre l’avis général de l’Administration française d’alors, lutter pour imposer sa décision d’ouvrir les portes du Rova à tous les Malgaches sans distinction, avant seuls les Français, les étrangers et quelques Malgaches jouissant de la pleine citoyenneté française ayant le droit de pénétrer aux deux Rova d’Antananarivo et d’Ambohimanga.

1946 mamabe au rova
1946: MamaBe, venant de prendre ses fonctions de conservateur en chef du Rova d’Antananarivo, pose devant le palais Manjakamiadana avec PapaBe, son mari, et Laurence senior (Lolo), notre tante.
——————————————————————

Cet esprit de lutte et de justice, elle l’acquit dès être sortie de son adolescence.

C’est en 1929 qu’à 14 ans elle vient à Paris dans le sillage de son frère aîné, Jules, pour y poursuivre au Lycée Victor-Duruy d’excellentes études couronnées par le baccalauréat. Puis, elle est admise sur concours à la prestigieuse Ecole du Louvre d’où elle sort diplômée en Muséographie et Professeur certifié en Histoire de l’Art.

La vie fusionnelle de Mama’Be avec Pierre Razafy-Andriamihaingo, celui qui sera son inséparable compagnon de vie, commence en 1933 (elle avait alors 18 ans), leur mariage étant célébré à Paris en 1942 (Jacques Rabemananjara et D’Argenson Andriamorazafy furent leurs témoins) en pleine guerre mondiale.

Image

Portrait de Mama’Be et de Papa’Be lors de leur mariage en 1942


Au printemps de 1940, celui qui deviendra son mari se bat sur le front de la Somme comme lieutenant d’artillerie lourde, et Mama’Be se vêt également de l’uniforme de femme-soldat attachée à l’intendance de l’armée.

Après la défaite de l’armée française, c’est dès octobre de la même année que Mama’Be et Pierre Razafy-Andriamihaingo s’engagent dans le premier réseau de Résistance français, le fameux réseau du « Musée de l’Homme » animée par germaine Tillion et où ils côtoient également Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Edmonde Giscard-d’Estaing.

Ses faits militaires sur le sol français, uniques pour une femme malgache, lui valent plus tard, comme à son mari, la Croix du Combattant et la Croix du Combattant volontaire de la Résistance.

Tout en poursuivant ses activités clandestines de résistance, Mama’Be est, de 1942 à 1946, chargée de mission auprès de Charles Mauricheau-Beaupré, le conservateur en chef des musées de Versailles et des Trianons. En 1944, avec son mari, notre grand-père paternel Pierre Razafy-Andriamihaingo qui en fut le fondateur, l’architecte et le directeur, elle est au côté de Renée Pinson la secrétaire très dévouée du « Centre d’Entr’Aide des Prisonniers Rapatriés et Anciens Combattants Malgaches » établi à Paris, rue Quincampoix.

Toujours avec son mari, notre grand-père paternel, Mama’Be figure aussi en bonne place parmi les quinze autres fondateurs, majoritairement malgaches (dont Paul Randrianome, frère cadet de Pierre Razafy-Andriamihaingo, Victor Raharinosy, D’Argenson Andriamorazafy, ou Gilbert Ramiandrisoa) et français (dont Albert Desraux) de l’ « Union Malgache », un foyer d’entr’aide aux soldats et travailleurs d’Outre-Mer, dont le siège était à Paris, boulevard Saint-Germain.

Image

1945 : devant le siège du « Centre d’Entr’Aide des Prisonniers Rapatriés et Anciens Combattants Malgaches », au milieu de ces derniers, Mama’Be au centre avec le chapeau et notre tante Laurence (senior) dans ses bras ; en haut à gauche, Papa’Be en costume et cravate ; à la droite de Mama’Be, Renée Pinson (tenue noire et écharpe blanche), marraine de notre tante Laurence (senior).


Toutes ces activités sociales, dont bénéficiaient les soldats et travailleurs malgaches mobilisés pour la guerre ou récemment démobilisés ou libérés des camps, Mama’Be et son mari Pierre Razafy-Andriamihaingo les assuraient, tout en continuant eux-mêmes à combattre durement avec tous les risques encourus, avec ce patriotisme, ce bénévolat, ce désintéressement et cette abnégation qui forcent le respect.

SES DOMAINES : L’HISTOIRE, LA CULTURE ET LE PATRIMOINE

Ces dures expériences combatives ne sont bien entendu pas sans grande influence quant à la ténacité exceptionnelle de cette femme, mais aussi quant à ses capacités et qualités au service des valeurs comme des impulsions nécessaires au redressement et au développement de son pays, là où elle a à remplir sa mission, en particulier pour le patrimoine historique malgache.

Des historiens français malgachisants comme Jean Valette, Simon Ayache, Raymond Delval ou Pierre Vérin se sont inspirés de ses travaux, et sa notoriété allait grandissante après la publication en 1956 dans « La Revue de l’Automobile de France » d’un article conséquent sur le Rova d’Antananarivo, suivi en 1958 (in « Revue de liaison et d’information de l’Office du Tourisme de Madagascar », N° 14 qui lui est entièrement consacré) du seul guide complet qui ait jamais été écrit sur le même Rova et dont elle fut également l’auteur.

Trop attachée à ses multiples travaux à la conservation et à la promotion des deux lieux historiques les plus importants de Madagascar, Mama’Be ne disposera finalement pas du temps nécessaire à la rédaction d’un ouvrage historique durant la longue période de sa vie active, et ce n’est qu’en 1989 qu’elle fait paraître chez L’Harmattan un ouvrage de référence, « Colline sacrée des souverains de Madagascar, le Rova d’Antananarivo », un livre abondamment documenté et illustré, qui constitue également une sorte de mémoire qu’elle nous laisse.

Mais revenons à ses autres activités.

Car, tout naturellement dans la suite, cette femme qui n’eut à aucun moment versé dans la tentation carriériste ni politique, sinon elle aurait, à juste raison, brigué d’autres « très hautes fonctions », s’est modestement maintenue dans ce qu’elle considérait comme sa triple vocation : mener une vie maritale et de mère exemplaires, et assumer avec sérieux ses tâches du moment au service de ses compatriotes.

La considération dont elle jouit comme active conservateur du musée des Rova d’Antananarivo et d’Ambohimanga joue beaucoup dans l’attrait et l’intérêt particuliers dont ces deux lieux historiques font l’objet aux yeux des personnalités étrangères, lieux qu’elle a su par ailleurs rendre très attractifs de par la mise au jour et la valorisation des reliques et l’embellissement ou la réhabilitation des bâtisses royales.

Elle y accueille notamment Charles de Gaulle et son épouse à deux reprises, en 1953 et en 1958 ; le Sultan Mohamed V du Maroc et son fils le prince Hassan, futur roi du Maroc ; l’Aga-Khan ; les ministres François Mitterrand (alors en charge de l’Outre-Mer, et qui est pressé de « voir la belle reine Ranavalo »…) et Gaston Deferre (père de la loi-cadre d’autonomie de 1956) ; l’académicien et romancier Georges Duhamel, tous étant impressionnés par la splendeur des lieux et la richesse de la civilisation malgache.

de gaulle au Rova 2

Mama’Be en haut de l’escalier menant à la Salle du Trône du Palais « Manjakamiadana » au côté du Général De Gaulle.


LA DIPLOMATE ATYPIQUE

En 1958, suivant naturellement notre grand-père paternel à Rome, lequel devait y occuper son poste de 2ème conseiller à l’Ambassade de France en Italie, à cette époque où la diplomatie malgache était intégrée dans celle de la France du fait de l’appartenance de Madagascar à la Communauté Française, Mama’Be conserve son titre de conservateur en chef des musées des Rova d’Antananarivo et d’Ambohimanga en s’adjoignant les compétences de sa belle-sœur, Jeanne Ramboatsimarofy (le mari de cette dernière étant le descendant direct du roi Andriamboatsimarofy, roi d’Antananarivo finalement battu en 1792 par le fameux Andrianampoinimerina qui sera le roi de tout l’Imerina, un royaume enfin uni et agrandi).

Et, c’est finalement en 1961 que Mama’Be, suivant ici encore notre Papa’Be, nommé Ambassadeur à Londres, dut abandonner définitivement la responsabilité de la conservation de ces deux musées nationaux au profit de la même Jeanne Ramboatsimarofy.

Non sans garder un lien étroit du fait de sa proximité avec sa belle-sœur, mais aussi parce que dans le fort sentiment qu’elle vit pour « ses » Rova, elle ne les oubliera jamais.

Image

Mama’Be dans son bureau à l’Ambassade de Madagascar au Royaume-Uni.


Nommée Attachée Culturelle en 1961 à l’Ambassade de Madagascar au Royaume-Uni (sa modestie naturelle ne la fait pas « revendiquer » le titre de « conseiller Culturel » qui eût pu être plus conforme à ses qualités personnelles et à son statut !…), ainsi placée sous l’autorité de…son mari Ambassadeur, avec ce dernier Mama’Be obtient en 1962 avec succès le don, par la « London Missionary Society », du fameux tableau de Henry Room représentant les ambassadeurs malgaches reçus par la reine Adélaïde d’Angleterre en 1837.

Puis en avril 1964, notre grand-père et Mama’Be, de même que sa belle-sœur Jeanne Ramboatsimarofy, nouvelle conservateur en chef du Rova d’Antananarivo, font tenir dans la Salle du trône du Rova d’Antananarivo la cérémonie de remise solennelle de l’œuvre picturale historique.

A cette occasion, le Président de la République malgache, Philibert Tsiranana, pénètre pour la première fois au Rova, ce lieu que lui-même, originaire des côtes malgaches, ne voulut jamais honorer de sa présence.

En cette même année 1964, « The Diplomatist », la Revue officielle du monde diplomatique britannique, consacre à Mama’Be dans son numéro d’avril 1964 sa page de couverture, assortie à l’intérieur d’une note biographique de cette diplomate atypique que savent affectionner les Anglais (voir photos ci-dessous).

The diplomatist.jpg

The diplomatist 2

A ce titre, lors de la cérémonie de présentation de ses lettres de créance à la Reine Elizabeth II par Papa’Be, le protocole royal britannique avait permis à Mama’Be d’avoir son propre carrosse pour accéder au Buckingham Palace et d’être ensuite au coté de Papa’Be lors de la réception par la souveraine britannique, fait exceptionnel immédiatement saisi par la presse britannique.

Image

Papa’Be, Mama’Be et nos tantes Laurence (senior) et Monique à leur résidence à Londres (devant une tapisserie moderne réalisée par des artisans malgaches sur une maquette conçue par Papa’Be).


Image

1962 : Papa’Be et Mama’Be devant le tableau de Henry Room (représentant les ambassadeurs malgaches reçus par la reine Adélaïde en 1837) au siège de la London Missionary Society à Londres.


RETRAITE MOUVEMENTEE – RETOUR EMOUVANT EN TERRE ANCESTRALE

Sa retraite, elle la vécut avec notre grand-père à Paris, lequel avait dû subir auparavant les méthodes brutales dans lesquelles sait camper un Etat malgache irrespectueux des droits fondamentaux ; puis vint en 1972 son retour à Antananarivo dans l’espoir d’y vivre une vie paisible, jusqu’à ce qu’intervienne une scélérate nuit d’août 1985, où des sauvages attisés par l’ambiance générale de terreur favorisée par le régime socialiste d’alors viennent soudainement attaquer nos grands-parents dans leur propriété. Mama’Be, gisant au sol, a les côtes et le nez cassés, et c’est miracle que les bandits au nombre de quatre, armés de couteaux et de gourdins, qui avaient auparavant violemment assommé notre grand-père en plein dans son sommeil et en le ligotant sur son lit, n’aient pas achevé Mama’Be sur place.

Ce drame inouï et immonde s’était accompagné de tracasseries inappropriées de la part du consulat et de l’ambassade de France à Antananarivo en vue du rapatriement en France de Mama’Be et Papa’Be, de même que de la part du ministre français des Affaires étrangères de l’époque, personnellement saisi par notre père, lesquels sont restés singulièrement sourds aux sollicitations de la famille, de notre tante Laurence et de notre père, avocat au Barreau de Paris, pour venir au secours de citoyens méritants, également français, anciens militaires, notre grand-père comme officier de réserve de l’armée française et ancien diplomate français, d’anciens résistants, sans parler d’autres éminents services rendus à la France durant la guerre et durant toutes les années 1950 et 1960.

Les voici finalement de retour à Paris en octobre 1985 auprès de leurs enfants, mais brisés, et plein d’amertume vis-à-vis d’une France « socialiste » inattentive à leur égard ! En définitive – Dieu que les tracasseries ont la vie dure ! – , Mama’Be et notre grand-père obtiennent non sans mal avec l’aide efficace de nos parents, de nos tantes et oncle, ainsi que d’amis fidèles, ce que la France veut bien leur accorder parcimonieusement : leurs retraites d’anciens combattants et de combattants volontaires de la Résistance, auxquelles s’ajoutent leurs retraites acquises des durs labeurs civils…

Mais, sans plus…

papa, maman (versailles 1981)

A Versailles, Mama’Be (ici avec Papa’Be, notre grand-père paternel) retrouve le château où elle fut, de 1942 à 1946, chargée de mission auprès du conservateur en chef, Monsieur Mauricheaux-Beaupré.


Cependant, moins des sept ans plus tard, le 27 janvier 1992 Mama’Be et Papa’Be vivent un fort moment de grande joie : ils célèbrent avec toute la famille leurs noces d’or en la mairie du XVIème arrondissement de Paris, à cette occasion la Médaille de la Ville de Paris leur étant remise des mains de leur ami Pierre Taittinger, Maire du XVIème arrondissement.

Image

1992 : Papa’Be et Mama’Be posant avec leur famille lors de la remise de leur Médaille pour leurs noces d’or (le Maire du XVIème arrondissement de Paris debout à gauche, et nous, derrière nos grands-parents ; en arrière-plan : notre grand-oncle Raymond william Rabemananjara, notre grande-tante Henriette Rabemananjara et, entre eux, notre souriante tante Monique, et à côté de celle-ci sa cousine Olga Rakotomalala).


Mais, un autre drame survient pour Mama’Be et sa famille, qu’elle vit en communion avec ses compatriotes malgaches, cette fois-ci au sujet de « son » Rova d’Antananarivo, qui brûle d’un incendie criminel tout début novembre 1995.

Devant l’immense émoi, elle s’élève et charge immédiatement son fils – notre père -, avocat au Barreau de Paris, d’alerter prestement toutes les instances de l’UNESCO à son siège à Paris où, fort opportunément se déroulait la 28ème session de sa Conférence générale.

Au résultat de ces démarches pressantes, d’une part, le directeur du Patrimoine mondial, Monsieur Bouchenaki, se mobilise à la demande expresse de notre père, les différentes délégations présentes étant instantanément informées du drame et sont invitées à agir ; d’autre part, une mission d’expertise, qui se trouvait en Afrique, est immédiatement redirigée sur Antananarivo pour y effectuer une première mission de constatation.

Puis, la délégation de Madagascar étant approchée mais demeurant inaudible, c’est à l’initiative de l’Italie, de la France, de la Lituanie, du Brésil, du Pakistan, de la Côte d’Ivoire et du Liban, que la Conférence générale de l’UNESCO a, dès sa séance plénière du 11 novembre 1995, adopté sous la forme d’une résolution le texte d’un « Appel en faveur d’une assistance à Madagascar », par lequel également le directeur général de l’UNESCO est chargé d’explorer « toutes les possibilités qu’offre le programme III de l’UNESCO…pour venir en aide au gouvernement malgache ».

Par la suite, Mama’Be prend sa plume pour écrire dans la « Revue de l’Océan Indien » du mois de janvier 1996 un vibrant appel sous le titre évocateur de « Notre destin en face », où elle dit notamment : «… la tragédie est complète encore puisque dans cette catastrophe, le spirituel n’est pas moins ravagé que le matériel ; les édifices et les reliques ne sont pas perdus, ils ont péri à jamais ; les criminels ou les mauvais esprits ne se sont pas contentés de détruire, ils ont voulu signifier que le Malgache devait perdre sa conscience acquise au cours des siècles, et rejeter le legs du passé comme un fardeau encombrant… ».

D’une façon générale, l’Etat malgache lui-même ne s’est jamais montré reconnaissant des éminents services des époux Razafy-Andriamihaingo, et pour ce qui concerne Mama’Be, il aura fallu attendre sa mort et les cérémonies de ses funérailles en septembre 2000 à Antananarivo pour que malgré tout, pour ses mérites signalés dans le domaine culturel, elle soit élevée à titre posthume dans le modeste grade d’Officier de l’Ordre national malgache !…

Cette tardive et dernière décoration malgache chichement « accordée » s’est ajoutée bien tardivement à ses décorations militaires françaises, accordées en temps voulu, celles-là,  de Croix du Combattant et de Croix du Combattant Volontaire de la Résistance acquises depuis longtemps, tandis qu’à titre civil Mama’Be était aussi déjà titulaire depuis longtemps d’autres décorations françaises : Croix de Chevalier des Arts et Lettres, Croix du Mérite Artistique et Culturel et Croix de l’Ordre de la Courtoisie Française (nous nous souvenons qu’elle affectionnait spécialement cette dernière distinction acquise en reconnaissance de sa rectitude et de sa distinction naturelle, de sa hauteur d’âme).

Ces notes attristantes en référence aux drames et moments de grande tristesse au milieu d’une santé déclinante, vécus par Mama’Be et Papa’Be sur le soir de leur vie, ne doivent cependant pas occulter l’immense considération dont ils ont toujours jouit au sein de la société malgache, sans compter la grande affection de leur famille ; Mama’Be, quant à elle, n’avait jamais été tentée par la politique.

A Paris, avant le départ de son corps pour Madagascar, une forte délégation de l’Ambassade de Madagascar en France conduite par l’Ambassadeur avait tenu à lui rendre un hommage très respectueux en l’Eglise Sainte-Jeanne de Chantal; tandis qu’à Antananarivo ce fut le Cardinal Razafindratandra lui-même, de même que le Révérend Ralibera qui officiaient pour la messe en la cathédrale d’Andohalo où, il convient de le souligner, le premier ministre d’alors, Tantely Andrianarivo, avait tenu à y assister en personne, tant il est vrai aussi qu’il était présent en tant que neveu par alliance de Mama’Be, l’épouse du Premier ministre malgache, Nicole Rabemananjara, étant sa nièce.

L’affection de la famille entière, la sienne propre comme celle de notre grand-père, n’était pas moins intense en ces moments de deuil, notamment à l’initiative de son autre nièce, Mireille Rakotomalala, ancien ministre de la Culture sous le régime Zafy, le cercueil contenant le corps de Mama’Be fut ainsi recouvert d’un lamba rouge, signe de sa grande noblesse, qui l’accompagna jusqu’à sa mise en terre à Manankasina-Ambohipotsy.

Nous ressentons avec d’autant plus de profonde et vivace affection cet hommage filial à notre très chère grand-mère, que très peu de temps avant son 108ème anniversaire, en cette année 2023, de sa naissance le 16 juin 1915, six jours auparavant le 10 juin 2018 ce fut notre si bienaimée, notre amour de mère qui rejoignit Dieu en Son Royaume là-haut, dans ce firmament que notre mère guettait tant et tant de fois de son vivant !

Nous, ses petites-filles :

Anne Rasoa Razafy-Andriamihaingo et Laurence Raivo Razafy-Andriamihaingo

* Reproduction, même partielle, strictement interdite du texte et des photos

OH, PERE !

                                                                 OH, PERE !

Voici la Fête des Pères !

Bonne fête à tous les pères !

Le nôtre est dans le Ciel, dans le Royaume de Dieu depuis le 3 janvier 1997.

« Izay iray vatsy, iray aina » (« les vivres mis en commun créent la vie commune »).

Une telle devise lui va si bien !

Image

« Floraison de pensées » – 1 – (jpra)


Toute sa vie fut consacrée aux valeurs, aux biens communs, pour le bien-être de sa famille, de ses amis, de ses compatriotes, de l’humanité.

L’homme était complet, entier et visionnaire.

Assurément, que ce soit pour le jour anniversaire de sa naissance (22 avril 1914 à Antananarivo), de son mariage (3 janvier 1942 à Paris) ou de son décès (3 janvier 1997 à Paris), ou pour le jour de la Fête des Pères, comme c’est le cas présent, toutes les occasions sont bonnes pour se souvenir de lui.

En cette occasion de la Fête des Pères, c’est bien sûr non pas l’homme public, mais le Père, notre père adoré, que nous chérissons !

Petrus !

Tel fut le prénom latin que sa propre mère lui donna le jour de sa naissance, le 22 avril 1914.

« Androany tamy ny 8 heures au soir na 20 heures no niterahan’Ravaonanahary an’i kotokely Petrus teto Ambohitsirohitra aminy tranonay », note de son côté son propre père sur son journal («Aujourd’hui à 8 heures au soir ou 20 heures, Ravaonanahary a donné naissance au petit Petrus dans notre maison à Ambohitsirohitra »).

Image

« Floraison de pensées » – 2 – (jpra)


Tout spécialement, comme chaque année le jour de la Fête des Pères, nous choisissons simplement, entre autres moult considérations, tant militaires, que civiles, économiques, culturelles, diplomatiques ou politiques, où il a tant donné et brillé, de mettre en exergue l’ardente mission qu’il s’était donnée toute sa vie, dès ses années d’études à Paris à partir de 1936, en faveur de l’Art et des métiers d’Art malgaches dont il a toujours su en promouvoir l’excellence et l’originalité, là où il se trouvait à Madagascar ou ailleurs, en France bien sûr, mais aussi jusqu’en Italie, au Royaume-Uni et en Grèce.

cité des arts-vue d'ensemble de face

Son projet d’Ecole des Arts, qu’il avait conçu en 1943 (en vue de son diplôme d’architecte-urbaniste à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Paris), prévu pour être réalisé dans le quartier d’Ambohijanahary à Antananarivo -Reproduction interdite –


Oh, Père !

Reposes en Paix toujours, dans les entrailles de ta terre ancestrale à Ambohibe-Manankasina-Ambohipotsy que tu as retrouvées fin janvier 1997 !

Par ton âme exerçant depuis janvier 1997 dans le Royaume de Dieu, mais vus les nombreux témoins de tes œuvres architecturales et artistiques à travers ton pays, Madagascar, répands toujours sur terre, comme tu le faisais de ton vivant, les bienfaits de ta créativité, de ta générosité, de la fécondité de tes oeuvres et de ta sagesse !

Image

« Floraison de pensées » – 3 – (jpra)


A Paris, l’un des témoins français de tes oeuvres architecturales de ta jeunesse, le siège de la Météorologie nationale, sur le Quai Branly, a malheureusement été détruit dans le cadre d’une opération immobilière de l’Etat français, pour qu’à la place se construise sous la maîtrise d’ouvrage de la Fédération de Russie le « Centre Spirituel et Culturel Orthodoxe » composé d’une Eglise, d’un centre paroissial, d’une école primaire et d’un centre culturel.

Mais l’autre témoin parisien de tes oeuvres architecturales de ta jeunesse, l’Hôtel Lamoignon dans le Marais à Paris, dont tu avais été parmi les architectes de la réhabilitation juste après-guerre, est toujours là…, lui, comme autre témoin permanent et abondamment visité.

C’est ainsi que court la vie …

Hoy ny zanakao,

Tes enfants qui t’aiment tant :

Laurence (senior), Monique, Gérard, et Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

et s’y joignent tes petits-enfants, arrière-petits-enfants et arrière-arrière-petits-enfants.

LA RENAISSANCE FRANCAISE

Image

« Floraison de pensées » – Aquarelle – (jpra)


                                                        LA RENAISSANCE FRANCAISE

En l’année 2014, celle du début des commémorations de la « grande guerre » 1914-18, mais plus encore, en cette année 2018 qui est celle du centenaire de la Grande Victoire de 1918, évoquer la fondation en 1915 par Raymond Poincaré, Président de la République française, de l’institution qu’est « La Renaissance française », reconnue d’utilité publique en 1924, prend un sens particulier.

Il est de conjurer les conflits meurtriers et de dépasser les contingences des intérêts clivants, si légitimes soient-ils, pour contribuer à affermir l’originalité et l’universalité de cette culture française qu’aujourd’hui le courant humaniste, qu’elle n’a cessé de générer, enrichie l’espace interculturel, en particulier au cours de l’histoire récente.

R. Poincaré

Raymond Poincaré


UN ESPACE FRANÇAIS, FRANCOPHONE ET INTERCULTUREL

Et c’est bien cette dimension qui retient notre attention.

Car, aujourd’hui la culture française s’identifie aussi aux valeurs d’une Francophonie ouverte à la diversité des cultures et des traditions.

En cela, elle embrasse des patrimoines matériels et immatériels qui, chacun, a vocation à prospérer dans un espace commun où règne l’esprit de partage. Les frontières étant ainsi effacées pour laisser libre cours, tant au respect des différences là où elles s’affirment, qu’à la reconnaissance des valeurs communes là où elles s’imposent, l’enrichissement mutuel, généré par un dialogue permanent et par l’interpénétration des apports, maintient vivace un fonds culturel exceptionnel.

« La Renaissance Française » , placée sous le très haut patronage du Président de la République française, et sous le haut patronage des ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Intérieur et de l’Education nationale en France entretient ainsi des liens privilégiés avec l’Organisation Internationale de la Francophonie et l’Académie des Sciences d’Outre-Mer. Le lien tout aussi privilégié et « naturel » que « La Renaissance Française » entretient également avec l’Académie Française se mesure à l’aune du nombre d’Académiciens qu’elle comptait et compte toujours (voir ci-dessous : « Des dirigeants à son image »).

Elle intervient pour des actions aussi variées que l’aide au développement de la Francophonie, l’encouragement à la création d’universités francophones à l’étranger, la protection ou la mise en valeur des patrimoines et des cultures régionales ou locales, des dotations à des bibliothèques scolaires ou universitaires.

Mais elle affirme aussi sa triple vocation, certes au service du rayonnement culturel français, mais aussi de la solidarité et de la valeur, de même qu’au service du mérite francophone.

Elle décerne ainsi, entre autres prix, un Prix de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer pour couronner un ouvrage en langue française et représentatif de la littérature et de la culture francophones ; un Prix de thèses et de mémoires défendus au sein des universités francophones ; et un Prix du roman pour un auteur dont le français n’est pas la langue maternelle.

Elle distingue enfin, par des diplômes et des médailles de différentes catégories, les mérites de personnes ayant à leur actif des réalisations professionnelles ou générales remarquables, comme celles qui, à des titres divers, préservent et promeuvent le patrimoine culturel français ou francophone, sans parler de celles qui manifestent de grandes qualités humaines.

DES DIRIGEANTS A SON IMAGE

Poincaré, l’avocat devenu parlementaire avant d’accéder à la présidence de la République française en pleine tension guerrière avec l’Allemagne, était un progressiste pétri de culture, ce qui le fit auparavant entrer à l’Académie Française.

Son sens de l’ouverture le fit l’artisan de cette « union sacrée » des bonnes volontés pour faire sortir la France d’une impasse politique et sociale. C’est encore lui qui n’hésita point à appeler Clemenceau à la présidence du Conseil en 1917, ouvrant ainsi la voie au « père la Victoire » pour terminer par le traité de Versailles le plus sanglant des conflits mondiaux.

Dans la lignée de Poincaré, « La Renaissance Française » a vu à sa tête des présidents aussi prestigieux que le maréchal Lyautey, le « militaire humaniste », autre Membre de l’Académie Française, qui apprit beaucoup de ses multiples expériences dans les colonies (notamment à Madagascar comme second du général Galliéni, il avait déploré les méthodes brutales de celui qui deviendra le gouverneur militaire de Paris durant la « grande guerre »).

Plus près de nous, il y eut Louis Madelin, également de l’Académie Française, Président d’honneur de « La Renaissance Française », et Maurice Schumann, toujours de l’Académie Française, le fameux communiquant du général De Gaulle à Londres durant l’épopée de la France Libre et ancien ministre du général.

S. Veil

Simone Veil, Présidente d’Honneur* (voir en post-scriptum ci-dessous)


Dernièrement, jusqu’à son décès fin juin 2017, Simone Veil, de l’Académie Française, notamment ancien Garde des Sceaux et ministre de la Justice, était la Présidente d’honneur de « La Renaissance Française » (* voir en post-scriptum).

Vient à sa suite le prince Gabriel de Broglie (*voir Post-Scriptum ci-dessous).

Pour marquer l’ouverture de l’institution à l’International et traduire structurellement les vocations décrites plus haut, précisément « La Renaissance Française » est désormais dirigée par un Président International, le Professeur Denis Fadda, haut fonctionnaire international et président honoraire de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.

Au sein du bureau, il peut notamment compter sur le préfet Antoine Guerrier de Dumast, président honoraire, et sur six autres membres de grande valeur ayant occupé ou occupant de hautes fonctions civiles et militaires dans leurs spécialités respectives.

Il en est de même des administrateurs, membres du conseil d’administration. J’ai l’honneur d’être membre de ce conseil d’administration.

D. Fadda

Denis Fadda, Président international


L’essor de « La Renaissance Française » se mesure aussi au nombre croissant de ses délégations régionales en France même, avec une vingtaine.

Quant aux délégations établies à l’étranger, on observe le même mouvement en croissance, avec cette spécificité que Paris « la cosmopolite » se compte dans cette catégorie, tandis que celles des délégations établies hors de France sont pas moins d’une trentaine. Des pays des cinq continents sont ainsi présents.

L’Afrique, quant à elle, compte Madagascar, le Maroc et le Sénégal ; l’Asie est représentée par les « deux grands » que sont la Chine et le Japon ; deux autres « grands » de ce monde, les Etats-Unis et la Russie figurent également au nombre des délégations hors de France ; tandis que l’Europe, avec notamment l’Italie, le Saint-Siège et Saint-Marin, la Suisse, la Bulgarie, la Roumanie, le Portugal, la Belgique, le Luxembourg ou la Serbie, figure bien sûr en bonne place ; l’Amérique Latine, avec le Brésil, le Mexique, ou Costa-Rica, est bien présente également ; le Liban et d’autres nations annoncées du Monde Arabe ne sont pas oubliés .

La Délégation de Madagascar de « La Renaissance Française », que j’ai l’honneur de présider, compte à ce jour une petite dizaine de membres.

En 2010, lors d’une cérémonie organisée à Rome au siège de l’ICCROM en présence du Professeur Denis Fadda, alors Vice-Président de « La Renaissance Française » dont il est le Président International aujourd’hui, la Délégation de Madagascar avait eu à décorer Monsieur Bouchenaki, Directeur général de l’ICCROM (en français : Centre International d’Etudes pour la Conservation et la Restauration des Biens Culturels) pour les actions que lui-même et cette organisation intergouvernementale internationale avaient menées et continuent de mener à Madagascar.

Je lui avais remis avec grand plaisir la Médaille d’or du « Rayonnement Culturel ». Lors de la même cérémonie, j’ai également eu plaisir à remettre au Professeur Liliana Mosca, de l’Université de Naples et grande spécialiste italienne de l’Histoire de Madagascar, la Médaille d’or du « Mérite Francophone », de même qu’à Monsieur Manitra Andriamanamihaja Rakotoarisoa, fonctionnaire à la FAO, qui reçut la Médaille de bronze.

C’est ici l’occasion d’évoquer la haute et si profonde mission de cette organisation internationale, l’ICCROM, forte de près de cent quarante membres, dont Madagascar, qui œuvre inlassablement, surtout dans des pays en crise, pour la préservation et la promotion des patrimoines matériels et immatériels, tout spécialement les biens culturels en péril, en particulier en mettant à disposition son expertise, ses moyens techniques et en organisant des formations de différents formats, y compris sur demande spécifique.

CENTENAIRE DE « LA RENAISSANCE FRANCAISE »

En 2015, « La Renaissance Française » fêtait son centenaire.

Moment privilégié, solennel et festif, qui avait réuni Français et Etrangers de tous horizons autour des cultures française et francophone et de leur rayonnement.

Au mois de septembre 2015 s’est tenue à Paris, en particulier au siège de l’UNESCO et à la Sorbonne, mais aussi proche de la capitale, une série de manifestations culturelles et évènementielles, placée sous le très haut patronage du Président de la République française.

Ce furent assurément des moments privilégiés d’échanges au plus haut niveau, avec une participation significative des délégations en France et hors de France. La Culture étant globalisante, le monde des affaires et de l’économie était tout particulièrement au centre des thèmes traités lors de forums et tables-rondes.

J’avais ressenti l’honneur d’avoir été vice-président du Comité d’organisation du Centenaire de La Renaissance Française, la Délégation de Madagascar ayant été en outre très active pour sa participation aux manifestations et pour assurer leur succès.

En cette 2018 où, au mois de novembre, différentes manifestations avaient été organisées pour marquer dans les mémoires la célébration du centenaire de la Grande Victoire de 1918, le rappel des oeuvres par et pour lesquelles « La Renaissance Française » fut créée avait pris un sens particulier, notamment à l’adresse de la jeunesse.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

——————————————–

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations


  • POST-SCRIPTUM :

Fin juin 2017 Simone Veil nous quitta. 

La Renaissance Française dans toutes ses composantes devenait, dans la douleur, orpheline.  

Pour ma part, en ma qualité de Président de la Délégation de Madagascar j’ai tenu à rendre un vibrant hommage à notre Présidente d’Honneur dans les termes exprimés dans l’article « Simone Veil, l’icône humaniste française du temps présent » paru sur Labodiplo le 30 juin 2017 (allez, en haut à droite à la case « Archives », puis cliquez sur le mois de juin 2017 et laissez défiler les articles de ce mois).

Le 14 mars 2019, La Renaissance Française avait tenu une assemblée générale exceptionnelle au cours de laquelle le prince Gabriel de Broglie, Chancelier honoraire de l’Institut de France, a été solennellement installé en sa qualité nouvelle de Président d’honneur de La Renaissance Française, succédant ainsi à Simone Veil, une cérémonie sobre et néanmoins cordiale qui eut lieu au siège de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.

DROITS DE L’HOMME ET JUSTICE PENALE INTERNATIONALE

Image

« Bol de cristal entre deux pamplemousses », aquarelle- Jipiera – Reproduction interdite –


                        DROITS DE L’HOMME ET JUSTICE PENALE INTERNATIONALE

Sur ce thème, un colloque d’un très grand intérêt et de haut niveau s’était tenu le 5 décembre 2013 à la Maison du Barreau de l’Ordre des Avocats de Paris sous la présidence de Madame Féral-Schuhl, alors Bâtonnier du Barreau de Paris.

Il faisait suite à la première rencontre des bureaux de la défense auprès des juridictions pénales internationales qui s’était tenue la veille, et tout naturellement lors du colloque qui s’en était suivi, furent débattus des sujets aussi variés que la place dévolue à la défense devant les juridictions pénales internationales, ou les clés de l’indépendance nécessaire des avocats pour une meilleure protection de l’Etat de droit et des droits de l’Homme.

Cette année 2014 encore, et sans doute les années suivantes, noblesse de la profession oblige, l’Ordre des Avocats de Paris organise une série de réflexion sur la thématique générale des Droits de l’Homme.

(Le présent article a été rédigé il y a huit ans en 2014. Mais, les questions de fond n’ont pas fondamentalement changées…).

                                                                                 *

GENESE, REALITES ET PRINCIPES

Loin de nous la prétention de traiter le thème ici dans son ensemble et dans sa complexité.

Par contre, nous éloignant quelque peu, pour les besoins des développements qui suivent, du débat académique, bien sûr fort instructif par ailleurs, qui avait animé le colloque sus-cité de l’Ordre des Avocats de Paris, à l’usage des citoyens de chacun de nos Etats que nous sommes tous, et comme « citoyens du monde » que nous sommes tous également de façon collective, il est important d’avoir en tête certains principes, problématiques et questionnements qui nous aideront à apprécier l’effectivité, ou non, de cette justice pénale internationale qui, disons-le d’emblée, a du mal à s’affirmer et à convaincre (avec la réserve, significative, qui distingue les avancées dues à la Cour européenne des droits de l’Homme).

Et, c’est peu dire quand on a observé, au moment où nous écrivons ces lignes, que devant les tueries perpétrés en Syrie, en Irak ou ailleurs, mais aussi devant des crimes abominables que les Etats laissent se commettre sur leur propre territoire au nom d’une certaine conception des libertés et du droit (législation laxiste sur le port d’armes; exécutions capitales au bout de procès bâclés; extermination silencieuse de populations dites « marginales », etc…), souvent on se réfugie derrière la sacro-sainte souveraineté pour n’avoir à rien entreprendre.

D’ailleurs, que font les bureaux des procureurs des instances juridictionnelles internationales, puisque statutairement, ils peuvent s’auto-saisir ?

Déjà, on sait combien pénible a été la genèse, née de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen d’août 1789, ayant enfanté la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et toutes les autres conventions internationales subséquentes, spécifiques ou dérivées dont l’élaboration se poursuit et se poursuivra sans doute.

Il en est de même de ce qui est maintenant convenu d’appeler « la diplomatie des droits de l’Homme » dont les plus grands Etats de ce monde se targuent, mais étant coincés entre leur volonté respective de puissance ou d’influence (ce dernier terme leur étant « plus convenable ») et leur affirmation constante, mais non dénuée d’arrière-pensées stratégiques, économiques, culturelles ou idéologiques, de vouloir défendre sous ces nobles colorations l’éthique et les droits fondamentaux.

Ceci se traduit généralement par la faculté qui est laissée à chaque Etat partie à une convention internationale régissant les droits fondamentaux, de préciser au moyen de déclarations ou de réserves exprimées expressément, la portée – généralement volontairement limitatifs – de ses propres engagements.

En effet dans la pratique, rares sont les Etats qui n’usent point de cette faculté.

Ce qui peut constituer, au niveau même de l’entrée en vigueur des textes concernés et de leurs dispositions, une limitation du champ de compétence de ladite convention décidée par ce monstre froid qu’est l’Etat, il est vrai représenté par des dirigeants qui, eux, sont (en principe) dûment et régulièrement élus par le peuple souverain .

Or, sur ce point précis de la limitation nationale du champ de compétence d’une convention internationale en matière de droits fondamentaux, le peuple-citoyen, auquel sont destinées les dispositions pertinentes d’une telle convention internationale, n’a d’autre possibilité que de s’en remettre à la conscience plus ou moins aigüe de leur parlement, lequel dans le cadre de la procédure de ratification n’exprime généralement pas d’opinion particulière.

Même sur le plan universel, à titre d’exemple on citera le Comité des droits de l’Homme de l’ONU créé en mars 1976.

Il organise un droit de recours individuel en prévoyant que ledit Comité est habilité à recevoir « les communications » ou plaintes de particuliers qui en tant que victimes allèguent des faits de violation des droits de l’Homme.

Mais de telles communications ou plaintes ne sont recevables que pour autant que l’Etat concerné ait préalablement accepté, par un acte formel, une telle possibilité de saisine !…Au fond, chaque Etat peut ainsi, à sa seule et unique initiative, reconnaître ou pas à ses citoyens la saisine du Comité des droits de l’Homme de l’ONU.

On voit donc bien à quel point la création même d’une juridiction internationale, fruit d’un traité international oeuvrant dans la protection des droits de l’Homme et des droits fondamentaux, peut dès le départ perdre de sa substance et de son efficacité.

                                                                              **

Image

« Bushido – Trancher « , acrylique – Jipiera – Reproduction interdite –


LE CAS DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples a été adoptée en 1980 et est entrée en vigueur…le 21 octobre 1986.

A sa suite a été instituée la Commission africaine du même nom, organe intergouvernemental de protection des droits de l’Homme pour toute l’Afrique, un organe de l’Union Africaine, donc un organe régional comme l’est sur le plan universel le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, dont le caractère diplomatico-politique ne garantie pas l’exigence d’indépendance requise.

Cette Commission ne pouvant que « donner des avis et faire des recommandations aux gouvernements », très vite a été ressentie la nécessité de créer une Cour digne de ce nom.

Le Protocole créant la Cour africaine des droits de l’Homme est adopté le 9 juin 1998, et ce n’est que depuis le 25 janvier 2004 qu’est entré en vigueur ce Protocole.

Qui peut la saisir ?

Il résulte des articles 4, 5, 6 et 33 du Protocole que seuls peuvent la saisir :

. la Commission africaine des droits de l’Homme,
. l’Etat partie qui a saisi ladite Commission,
. l’Etat partie contre lequel une plainte a été introduite,
. l’Etat partie dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’Homme,
. un Etat partie, agissant aux fins d’intervention et ayant intérêt dans une affaire pendante devant la Cour,
. une organisation intergouvernementale africaine,
. une organisation non-gouvernementale ayant un statut d’observateur auprès de la Commission,
. tout individu ressortissant d’un Etat partie.

Le droit de recours de ces deux dernières catégories, sans être problématique, est tout de même soumis à certaines conditions strictes et …souvent très dissuasives.

Ainsi :

. il est subordonné à l’acceptation de chaque Etat partie qui « à tout moment, à partir de la ratification du protocole, doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes » (articles 4, 5, 6 et 33 sus-cités + article 34.6 du Protocole);

. la Cour peut rejeter purement et simplement toute requête dont le contenu est jugé comportant des termes « outrageants ou insultants » et dont les sources d’information seraient suspectes (article 56 de la Charte), ces prévisions n’étant pas limitatives…La Cour étant, en outre, juge de sa propre compétence, peut rejeter une requête et la renvoyer devant la Commission ;

. la Cour ne peut connaître d’une affaire qui lui est soumise qu’ « après s’être assurée que tous les recours internes, s’ils existent, ont été épuisés, à moins qu’il ne soit manifeste que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale » (article 50 de la Charte), étant entendu qu’il appartient à chaque Etat partie de s’assurer de l’application effective de l’application des dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

D’autre part, et eu égard à de telles conditions, posons la question: quels droits, alors, pour la Défense ?

La Cour élabore elle-même son règlement de procédure, certes dans le respect des garanties procédurales de référence universelle relatives à la publicité, à la célérité et à l’équité.

Mais, ces pétitions de principes résultant de l’article 33 du Protocole sont précisément frappés de relativité, non seulement eu égard aux conditions restrictives de saisine vues plus haut, mais aussi dès lors que le pouvoir de gestion juridictionnelle indépendante reconnue à la Cour et à ses juges leur accorde un pouvoir jugé « excessif » en matière procédurale.

Et à ces égards, nous nous référons opportunément aux remarques et développements fort pertinents émis lors du colloque du 5 décembre 2013 tenu à l’ordre des Avocats de Paris évoqué plus haut.

Qu’est-ce à dire ?

LA PROCEDURE ACCUSATOIRE …EN ACCUSATION

Fort des principes rappelés plus haut, on observe que les cours et tribunaux pénaux internationaux se dotent de trois piliers privilégiés pour fonctionner efficacement : le Bureau de la Présidence de la Cour ; le Bureau du Procureur ; et le Bureau du Greffier.

Dans ce système, la Défense apparaît comme le parent pauvre.

Or, ce n’est que très récemment qu’au sein de certaines cours et certains tribunaux internationaux a été institué, au prix de maints efforts de conviction de la part d’avocats, un Bureau de la Défense, constituant ainsi le 4ème pilier de l’édifice juridictionnel international.

D’autre part, malgré que la publicité des débats soit érigée en principe procédural, le pouvoir de gestion processuelle reconnu aux juges conduit ceux-ci, sans doute trop fréquemment, à imposer le huis clos.

Certes l’instruction est un moment fort du processus processuel, mais elle n’est pas systématique car il n’y a pas de juge d’instruction. Le procès se déroule à la manière anglo-saxonne selon la procédure accusatoire, c’est-à-dire qu’en l’occurrence la Défense doit apporter elle-même – voire, « se débrouiller » – les éléments de preuve et constituer un dossier qui puisse être jugé comme « complet ».

Or, de l’autre côté de la barre, on sait que le Procureur dispose, lui, de toute la puissance de la machine juridictionnelle pour constituer son propre dossier. Or également, le procureur a une tendance toute « naturelle » à ne point livrer d’un seul bloc l’entier dossier devant la Cour ou le tribunal, se contentant parfois, par pure tactique procédurale et sans doute « de bonne guerre », de distiller les éléments en sa possession en fonction du déroulé des débats.

En outre, comme il n’y a pas de partie civile en matière de procès devant les cours pénales internationales, la représentation des victimes ne peut pas disposer de l’appui, souvent utile sinon nécessaire, d’une partie intervenante, si ce n’est qu’un Etat partie au Protocole peut – théoriquement – intervenir, mais pas nécessairement en appui des victimes…

Enfin, comme disent les Anglais : « last but not least », l’indépendance de la justice pénale internationale est loin d’être garantie dans l’absolu, dès lors qu’on sait que ce sont les Etats qui la financent et que juges et personnel sont fournis majoritairement par les Etats qui ont la plus grande part contributive financière et/ou voix délibératives déterminantes au sein des instances internationales compétentes…

Ceci laisse nécessairement au sentiment de suspicion une place non négligeable, entamant la crédibilité même de cette justice pénale internationale que d’aucuns – surtout Africains – considèrent comme biaisée. Le fait est que la « prime » aux bailleurs de fonds que semble induire la logique financière, nécessairement fondée sur l’intérêt au sens non pas juridique mais au sens de rentabilité politico-financière, va en contradiction fondamentale avec l’idéal de justice indépendante.

En outre, en matière de justice pénale internationale, on sait bien combien mêlées sont les considérations diplomatiques pour freiner ici la machine judiciaire et, au contraire, l’accélérer là…

Le débat sur tous ces points n’est ici qu’esquissé. Nous reviendrons certainement dessus plus tard et à d’autres occasions.

QUAND LE JUGE SE FAIT JUSTICE…EN BAFOUANT LES DROITS DE L’HOMME

Ce système sans balises qui laisse le juge souverain a connu très récemment n 2016 une illustration par l’absurde et proprement scandaleuse…qui pourtant n’a pas soulevé l’indignation outrée des Etats, des Nations Unies et de la communauté internationale.

Une journaliste, Florence Hartmann, auparavant porte-parole de la procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), avait pu avoir accès à des documents accablants pour Milosevic, l’ancien chef de l’Etat de la Serbie, concernant des massacres commis en Bosnie.

Mais, bien plus, elle avait découvert l’existence d’accords secrets entre des juges dudit tribunal et la Serbie aux termes desquels il fut convenu de ne point transmettre à la Cour internationale de Justice lesdits documents.

La journaliste ayant relaté ces faits dans un ouvrage qu’elle a publié, elle fut prestement poursuivie pour « outrage » …à l’initiative des juges concernés, condamnée et jetée en prison comme une criminelle pour sept jours !

L’ironie de ce scandale est qu’au même moment, le 24 mars 2016, Radovan Karadzic fut condamné par le même TPIY à 40 ans de réclusion criminelle pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité !

Le parallèle est plus que saisissant !

Cette triste histoire demeurera sans aucun doute dans les annales comme une tache indélébile, mais au train où vont les choses en notre matière, il est malheureusement douteux qu’elle incite les Etats à réformer le système processuel de la justice pénale internationale.

                                                                              ***

Ainsi va ce bas monde…!

Pour conclure, deux derniers mots s’agissant de la justice pénale internationale africaine :

. la Cour africaine des droits de l’Homme ne saurait être confondue avec la Cour de justice africaine. Là aussi, on y reviendra… ;

. les Etats parties au Protocole traînent beaucoup les pieds pour le ratifier, ce qui n’est pas pour nous étonner…

Et puis in fine, je ne résiste pas à me féliciter, avec beaucoup d’autres, de la très récente nomination en ce mois de mars 2018 d’un Africain, un Nigérian, comme Président de la Cour Pénale Internationale. Quelle « avancée » ! Je mets ce qualificatif entre guillemets car rien ne dit qu’une telle occurence suffira à elle seule à redorer l’image quelque peu flétrie de cette haute juridiction internationale.

Tel est l’état de notre question, et espérons pouvoir réviser plus favorablement notre opinion dans un proche avenir…

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, Ancien Ambassadeur de Madagascar, Avocat honoraire au Barreau de Paris, Expert international en Bonne gouvernance.

—————————————–

Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

—————————————–

JUAN CARLOS D’ESPAGNE, UN GRAND ROI

                                 

                                  JUAN CARLOS D’ESPAGNE, UN GRAND ROI MODERNE

Un évènement rare est intervenu dans les annales modernes d’une monarchie à bien des égards exemplaire, celle de l’Espagne. Un grand pays qui me tient à coeur où durant près de sept ans je fus accrédité comme ambassadeur auprès de son Roi en la personne attachante de Sa Majesté Juan Carlos 1er, un Bourbon, descendant en ligne directe du Roi-Soleil Louis XIV.

Le 2 juin 2014, nous apprenions avec grande tristesse l’abdication du Roi Juan Carlos 1er d’Espagne.

Il est vain et, de toute façon, quelque peu inconvenant de revenir sur les réelles motivations du roi liées à son grand âge (76 ans), à cette sorte de désamour, sans doute passager, entre le peuple espagnol et lui, ainsi qu’à d’autres faits imputés à sa personne et à la Famille Royale.

Car, pour l’Histoire, il y a lieu de ne retenir principalement que les traits de caractère d’un grand roi qui avait été le rempart de la Démocratie et grâce à qui l’Espagne est désormais bien ancrée dans ce statut.

Voninahitra

« Honneur – Voninahitra » – Acrylique – JPRA


L’abdication de Juan Carlos 1er se formalisa en quatre actes successifs d’une grande sobriété en ce 2 juin 2014:

. le Premier ministre, Chef du gouvernement, Monsieur Mariano Rajoy déclare dans une courte intervention à l’adresse des Espagnols : « Sa Majesté le Roi Juan Carlos vient de me faire part de sa décision d’abdiquer »;

. c’est que, en effet, convoqué par le roi au Palais royal quelque temps auparavant, le Premier ministre venait de recevoir du souverain espagnol l’acte d’abdication signé de sa main;

. puis, un court communiqué du Palais royal confirme la volonté du roi d’abdiquer;

. enfin, à 13h le roi déclare à la télévision nationale espagnole avoir « voulu être le roi de tous les Espagnols…mais vouloir céder la place à une génération plus jeune…Mon fils Felipe…dispose de la maturité, de l’éducation et du sens des responsabilités nécessaires pour assumer pleinement la responsabilité de chef de l’Etat et ouvrir une nouvelle étape d’espérance ».

LES NOBLES TRAITS DE CARACT7RE D’UN GRAND ROI, REMPART DE LA DEMOCRATIE

Je ne veux retenir de ce grand Roi, Juan Carlos, que les nobles traits de caractère que je lui connais, et le courage autant que le sens hautement consciencieux de ses responsabilités, dont il fait preuve à travers cette abdication, ne font que les souligner.

N’a-t-il pas été, du temps de Franco, ce jeune prince imprégné de l’ardent devoir du service à rendre à une nation espagnole prête à embrasser la Démocratie, et qu’une certaine presse habituée à la suffisance avait trop vite classé dans la catégorie des marionnettes aux mains d’un dictateur sur le soir de sa vie ?

Or, c’est le même jeune Juan Carlos, installé sur le trône comme Roi d’Espagne le 22 novembre 1975, qui seul, dans les pires moments de ce qui se présentait en 1981 comme un coup d’Etat prestement mené par une bande de militaires nostalgiques des temps passés, apparaît un soir à la télévision pour se dresser résolument en rempart de la Démocratie, enjoindre aux forces armées d’accomplir leur devoir, et appeler le peuple espagnol à le soutenir.

En effet, l’Espagne nouvellement démocratique se réveilla au petit matin du 23 février 1981 sur des images télévisuelles d’un  sombre colonel pointant son revolver sur le président de la chambre des députés et sur des députés médusés. Certaines formations d’élite des forces armées appuyèrent ce coup d’Etat, et durant deux jours jusqu’à ce que ce 25 février 1981 le roi Juan Carlos apparaisse à la télévision, toute l’Espagne et le monde entier étaient suspendus aux péripéties et au dénouement final de ce drame.

Depuis lors, la personne du roi et la Maison Royale espagnole sont le socle d’une démocratie espagnole dont les piliers sont désormais d’une solidité exemplaire. A cet égard, Juan Carlos est celui qui, au-delà des mérites propres au gouvernement espagnol, incarne aussi l’entrée si « naturelle » de l’Espagne au sein de l’Union Européenne.

Mes hommages aussi profondément respectueux qu’affectueux vont vers le Roi Juan Carlos 1er, que, en ma qualité d’ambassadeur de Madagascar auprès de Lui, j’ai eu le très grand honneur de rencontrer en tête-à-tête à trois reprises entre 2005 et 2007 au Palais Royal et à la « Casa Africa » à Majorque, l’homme campant toujours dans cette simplicité et cette chaleur relationnelles que seuls savent pratiquer en toutes circonstances les hommes de sa haute extraction, nourris par la profondeur de traditions et de racines ancrées dans un fécond terreau.

Image

Le Roi Juan Carlos 1er m’accorde un entretien en tête-à-tête au Palais Royal de Madrid – 2005 – Archives personnelles – Reproduction interdite –


Moi (Palais Madrid)

Confortablement installé à l’intérieur de ce carrosse, je fais mon entrée solennelle au Palais royal de Madrid, précédé de la garde d’honneur montée et devant les éléments de cette même garde à pied au garde-à-vous, le drapeau malgache dressé et l’hymne national malgache entonné. Des moments d’une intense émotion, avant l’accueil, au pied de l’escalier d’honneur du palais royal, ssuré par l’Ambassadeur, Chef du Protocole royal, ceint dans son bel uniforme, qui me conduit à l’intérieur du Palais en traversant une multitude de magnifiques salons avant d’entrer dans celui dédié à la présentation des lettres des ambassadeurs accrédités auprès du Roi (Photo prise par mon épouse – Archives personnelles) – Reproduction interdite -.

————————————————————————————-

SON ATTRAIT POUR L’AFRIQUE ET MADAGASCAR

Le Roi s’était montré très attentif aux progrès de Madagascar en matière de Démocratie, et d’une grande curiosité pour les richesses de Madagascar en biodiversité, et il m’avait conté, lui le sportif accompli, surtout comme navigateur en voile en haute mer, l’un de ses beaux souvenirs de marin grâce à sa découverte du pourtour maritime malgache.

Ce sur quoi, je lui avais avancé l’idée, qu’il avait bien volontiers acceptée sur son principe, d’une visite officielle à Madagascar, les relations hispano-malgaches connaissant alors une embellie (en 2006 j’avais conduit une délégation d’entreprises espagnoles à Madagascar, certaines d’entre elles ayant par la suite investi à Madagascar et conclu des accords de partenariat).

Ces mêmes sentiments m’animent s’agissant de la Reine Sophie, fille du Roi Paul 1er de Grèce (avec lequel mon père, alors ambassadeur de Madagascar, avait noué des rapports personnels fructueux au profit de Madagascar).

papa etroi paul 1er

1963: Le Roi Paul 1er de Grèce, Roi des Hellènes, le père de l’actuelle Reine Sophie d’Espagne, sort de l’Académie Archéologique d’Athènes après avoir écouté attentivement une conférence sur Madagascar prononcée par mon père, alors ambassadeur auprès de lui (à droite sur la photo) – Archives personnelles – Reproduction interdite – .


Le goût prononcé du Roi pour la chasse aux éléphants n’était pas son meilleur penchant, et après un fort malencontreux accident en 2012, qui brisa sa hanche, il s’en était excusé publiquement, montrant ainsi toute l’humilité de l’homme qu’il est.

Mais, cela ne remet absolument pas en cause sa très haute conscience de la chose publique, un trait de caractère unanimement célébré, ni sa haute considération pour l’Afrique.

A ce titre, c’est sous son impulsion et son très haut patronage que fut décidé par le gouvernement espagnol la création de la « Casa Africa », une institution dédiée à la coopération économique et culturelle dont le siège se trouve dans l’île de Majorque, cette terre espagnole au plus proche du continent africain.

Tous les ambassadeurs africains, y compris moi-même pour Madagascar, avaient participé à l’élaboration de ses statuts en termes de définition des activités, et bien entendu nous fûmes tous présents à Majorque en 2007 pour l’inauguration de cette institution, symbole de haut intérêt que l’Espagne porte à cette Afrique qu’elle connaît fort bien et où elle s’investit sans arrière-pensée néocoloniale.

S’agissant de Madagascar, j’avais pu envisager avec le directeur nouvellement nommé de la « Casa Africa » une sorte d’exclusivité pour l’organisation d’un évènementiel culturel malgache en 2008. Mais pour l’immédiat, mon effort prioritaire fut de promouvoir notre tourisme et nos potentiels énergétiques et en matières premières, notamment en faisant venir à Madagascar la plus grosse agence de promotion touristique de la Catalogne et des industriels espagnols. Ce qui se fit effectivement.

Le Prince des Asturies, Felipe d’Espagne, dont les rapports avec son père sont connus pour être ceux d’un amour filial sans fard, succède donc à Juan Carlos 1er sur le trône d’Espagne.

Il jouit d’une popularité sans faille, et compte tenu de ses qualités tant humaines qu’en tant qu’homme incarnant une Espagne fière de sa monarchie démocratique, unanimement reconnues, nul doute qu’il saura poursuivre l’œuvre paternelle et marquer de son empreinte moderne une nouvelle ère pour un pays que je regrette de n’avoir pu sillonner davantage dans la fonction qui fut la mienne jusqu’en 2008.

Les mesquineries politico-administratives auxquelles s’ajoutent de bas sentiments , dont seules les hautes autorités malgaches ont le secret, m’avaient alors empêché d’honorer une invitation des souverains espagnols, transmise par le Palais, à venir leur dire mes adieux…

Mais au-delà de cette désagréable péripétie, je ne veux aujourd’hui retenir que les impacts positifs de ce que j’avais pu développer avec l’Espagne, surtout le fait que j’y avais bénéficié d’une particulière bienveillance du Ministre espagnol des Affaires étrangères de l’époque, et par la suite j’avais eu grand plaisir à le retrouver à Rome en 2008 puisqu’il y avait été nommé Ambassadeur par le Roi d’Espagne, moi-même y ayant été ambassadeur de Madagascar près le Quirinal.

De plus, celui qui m’avait si bien reçu à Madrid en 2006, le Directeur général d’Afrique du Ministère espagnol des Affaires étrangères, Monsieur Antonio Sanchez-Benedito, était devenu par la suite Ambassadeur de l’Union Européenne à Madagascar et ce fut avec un grand plaisir mutuel que nous nous retrouvions en juin 2016, au siège de son Ambassade à Antananarivo, à l’occasion d’une mission économique que j’avais organisée à Madagascar.

LE DEFI CATALAN

Je complète cet article en ces temps où les velléités séparatistes de la vieille région de la Catalogne avaient pris de l’ampleur avec le « référendum illégal » de fin septembre 2017, ayant fait craindre le pire jusqu’à récemment.

Vieille région est-elle, la Catalogne, car son histoire particulière la fait remonter à l’époque de la grandeur hispanique et que sa particularité tient autant de cet héritage que de sa richesse culturelle et de son poids économique. Tout ceci l’a toujours traditionnellement fait tourner, en tant que « région périphérique » par rapport au centralisme incarné par Madrid, vers l’Europe, et cette tendance « naturelle » s’accentue à mesure que la région catalane s’enrichie de ses activités elles-mêmes tournées vers la modernité de secteurs à la pointe de la technologie et des courants intellectuels, alors même qu’il fut un temps où à peine vingt ans auparavant elle demeurait essentiellement à vocation rurale.

Néanmoins, l’autonomie administrative de la Catalogne, rétablie dans son statut antérieur de Généralité dans le dispositif structurel de l’Etat espagnol, date du référendum – légal – du 25 octobre 1979 qui lui avait accordé des droits importants : ceux en particulier de disposer de ses propres finances, d’une police locale, d’un système d’enseignement propre, et surtout d’affirmer, y compris à l’extérieur, ses propres langue et culture.

A tel enseigne qu’un tel statut permet à la Catalogne d’ouvrir à l’extérieur de l’Espagne des représentations économiques et culturelles, comme c’est le cas à Paris.

Nul doute que le cas catalan, la Catalogne représentant actuellement bon an mal an près de 20% du PIB et de la population espagnols et regroupe pas moins de quatre provinces avec pour capitale régionale la riche et active Barcelone, constitue désormais un grand défi quasi-permanent pour l’Espagne.

Nul doute également qu’au-delà même de la solution politique qui semble être apparue à l’issue de très difficiles négociations qui s’avèrent inévitables entre le gouvernement Rajoy et le Président de la région catalane, le Roi Felipe VI se devait assurément d’intervenir solennellement pour maintenir l’unité espagnole. Le peuple espagnol autant que la population catalane l’y attendaient…

C’est l’honneur de ce jeune Roi, tout comme celui de son père le roi Juan Carlos 1er en 1981 quand ce dernier s’était érigé en rempart de la démocratie espagnole dangereusement mise à mal par une tentative de coup d’Etat.

Felipe VI était donc intervenu solennellement à la télévision espagnole le soir du 4 octobre 2017 pour dire ceci avec la gravité qui sied :

– les dirigeants catalans se sont mis « en marge du droit et de la démocratie…leur conduite (ayant pu) mettre en danger la stabilité de la Catalogne et de toute l’Espagne »;

– « c’est la haute responsabilité des pouvoirs légitimes de l’Etat d’assurer l’ordre constitutionnel et le fonctionnement normal des institutions »;

Le défi catalan s’est trouvé ainsi fermement recadré afin qu’il n’aboutisse point à la dislocation d’un grand pays : l’Espagne.

Dans la suite de son père Juan Carlos 1er, Felipe VI s’est ainsi montré plus que digne d’un héritage exemplaire en termes de bonne gouvernance.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

————————————————————————–

Reproduction, même partielle, interdite des textes et des illustrations

———————————————————————–

POST-SCRIPTUM

Juan Carlos est, depuis peu, poursuivi par la Justice de son pays sur le fondement de différentes charges graves.

Je ne me prononcerai bien sûr pas sur ces affaires.

Simplement, mais avec une grande tristesse au sujet d’un homme au soir de sa vie mais avec confiance pour la suite, eu égard aux meilleurs souvenirs évoqués plus haut et sans prétendre outre mesure connaître personnellement l’ancien roi, je souhaite ardemment pour lui, pour sa famille, et pour l’Espagne et les Espagnols, un épilogue digne.