ANTANANARIVO…LA BELLE VILLE DES MILLE – 2ème partie: REALITES QUOTIDIENNES ET REMEDES

                             ANTANANARIVO…(AUTREFOIS) LA BELLE VILLE DES MILLE

                                                                       – 2ème partie –

Par rapport aux principes développés dans la 1ère partie de notre analyse, entrons un peu plus dans les détails dans cette 2ème partie.

Voici notre analyse sur les problématiques récurrentes d’Antananarivo, avec les réserves d’usage relatives aux actualités récentes, le présent article ayant été rédigé en 2014.

Cependant, ces problématiques n’ont que très peu évoluées, voire se sont aggravées…

LES REALITES QUOTIDIENNES ET REMEDES

Jacarandas
« Jacarandas » (jpra)
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Par définition, une ville vit, évolue, se transforme et quelques fois mute.

Les problèmes en résultant deviennent de plus en plus aigus dès lors que, comme c’est le cas d’Antananarivo, les services de la Ville ne parviennent ni à les suivre, ni à les maîtriser. Il en est notamment ainsi de pas moins de sept d’entre eux, une telle liste n’étant d’ailleurs pas exhaustive :

. Le contrôle des marchés :

Le statut des agents de contrôle ne semble pas toujours clair, ce qui peut entraîner des vices de procédure en cas d’infraction et en cas de saisie de marchandises.

D’autre part, un flou existe entre le domaine de compétence des services centraux de la Ville et l’Arrondissement. Qui est compétent et fait quoi ?

. L’assainissement :

En matière de maintenance de la propreté générale, et en dehors du comportement citoyen à attendre de l’habitant lui-même, quelle est la répartition des tâches entre l’instance de quartier (Fokontany) et la commune ? D’ailleurs, en-dehors du comportement citoyen de l’habitant, faut-il systématiquement prendre des dispositions règlementaires contraignantes pour obliger celui-ci à respecter la propreté ?

. Constructions illicites :

Afin de rendre son efficience à la notion de proximité, ne faudrait-il pas assermenter les agents des arrondissements et, parallèlement, les former et définir avec précision le champ de leur compétence, afin de renforcer la police administrative et répressive en matière de construction illicite ?

Se pose aussi la question de la tolérance. Une construction peut être illicite, mais ne faudrait-il pas savoir mesurer le degré d’illicéité afin d’envisager le principe de la régularisation plutôt que la sanction systématique ?

. La sécurité :

Ici aussi, il faut sans doute accorder la primeur à la proximité et responsabiliser les Fokontany autant que de leur donner les moyens règlementaires (les « Dina ») et matériels pour former les comités de sécurité par quartier. Mais, il conviendrait impérativement de prévenir toutes dérives possibles en développant des formations ciblées aux membres de ces comités, et exercer un contrôle strict sur l’ensemble par voie hiérarchique.

. Le problème de voisinage :

La question ici posée concerne moins les habitants entre eux que la proximité de certaines activités industrielles et autres avec des habitations.

L’anarchie constructive en est largement la conséquence. Pour ne prendre que des exemples, est-il normal et tolérable qu’une usine de tabac s’installe à proximité d’habitations ? Ou encore, que des « maisons » de massages, que d’aucuns devinent ce qui s’y pratique en réalité, prospèrent à côté d’établissement scolaires ou d’habitations ? Maints autres exemples plus ou moins extravagants peuvent être cités…

. Le problème des remblais :

Chacun a sa conviction quant aux conditions dans lesquelles des remblais ont pu se multiplier. Nous n’y revenons pas.

Ce que chacun sait aussi, c’est que ces remblais s’effectuent sur des zones initialement, selon le Plan d’urbanisme défini il y a plus de soixante ans (voir la 1ère partie de cet article), affectées à l’agriculture ou servant de protection contre les inondations.

Le rôle et les moyens de l’APIPA doivent certainement être renforcés.

*

Toutes ces questions doivent être traitées sans perdre de vue ce qui suit.

LES OUTILS INDISPENSABLES D’ORDRE STRUCTUREL ET TECHNIQUE

feuillages (3)
« Feuillages » (jpra)
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Résoudre les problèmes relevés ci-dessus dans leur complexité est un exercice difficile. La philosophie d’action étant posée (voir : 1ère partie de cet article) , il s’agit donc d’identifier les blocages et cibler les leviers de solution d’ordre structurel et technique.

A ces égards, les outils existent.

Ils concernent quatre rubriques d’égale importance : les pouvoirs du maire ; les Fokontany et le dina ; la police municipale ; les occupations, remblaiements et autres actes illicites sur le domaine public et privé de la CUA.

1. Les pouvoirs du Maire :

Pour savoir qui doit faire quoi, il importe certainement de se fixer l’esprit des règles et notions qui président à la définition des fonctions locales.

Car, la question de la répartition des compétences entre collectivités publiques est complexifiée par les nombreux concours de compétences sur un même domaine (exemple : en matière d’éducation), par des compétences relevant de collectivités locales différentes (exemple : distribution d’eau), ou encore par des compétences à rattachement variable (exemple : urbanisme).

Une simplification et un ordonnancement rationnels sont donc vivement souhaitables.

Mais, il est clair que quels que soient les enchevêtrement de compétences dans ce qui est désormais convenu d’appeler le « mille feuilles administratif », dans tous les domaines l’autorité hiérarchique ou subsidiaire de l’Etat doit prévaloir selon les nécessités, ce dans le respect des règles organiques.

Ceci étant, des transfert de compétences sont toujours possibles.

. * Précisément, l’urbanisme et l’hygiène y figurent en particulier.

Il serait souhaitable, si cela n’existe pas encore, qu’en application du Plan d’urbanisme et d’Aménagement du Territoire, soit clairement transférée à la commune urbaine :

– une compétence de principe en matière d’élaboration des documents d’urbanisme, de délivrance des autorisations d’utilisation des sols et d’opérations d’aménagement urbain ;

– des compétences en matière sanitaire et de protection du patrimoine architectural urbain et des sites, en matière d’environnement, ainsi qu’en matière de développement économique et social.

Ceci implique au profit de la commune urbaine la constitution de blocs de compétence et l’exclusion de toute forme de tutelle dans l’exercice de ces blocs de compétence, et bien sûr, le transfert subséquent des ressources financières, fiscales, techniques, immobilières et humaines au profit de la commune urbaine.

. * S’agissant des fonctions de régulation (sécurité des biens et des personnes ; rapports sociaux ; rapports économiques ; régulation du milieu), certains principes sont à définir :

– Concernant la sécurité des biens et de personnes : voir ci-dessous (police municipale) ;

– Concernant les rapports sociaux : certaines catégories de personnes, nécessiteuses ou handicapées, doivent être protégées, ce qui nécessite certainement la mise en place d’un solide et compétent réseau d’Action et d’Aide Sociales. Des conflits entre particuliers doivent pouvoir se résoudre selon un système de conciliation assuré par le Maire, celui-ci intervenant non pas dans la chaîne judiciaire ou juridictionnelle, mais dans le cadre d’un magistère moral que lui confère son autorité en tant que premier magistrat de la commune urbaine ;

– Concernant les activités économiques et la régulation du milieu : la programmation du développement économique et social, soutenue par une planification, est certes du ressort de l’Etat, voire de la région, mais elle doit se concrétiser au niveau de la commune urbaine. Il est donc préconisé qu’un contrat de plan entre l’Etat, la Région et la commune urbaine intervienne, ceci pour assurer la compatibilité locale, la complémentarité entre les différents niveaux de développement, et pour donner à la commune urbaine les moyens utiles pour parvenir à atteindre les objectifs du Plan. A ces égards, la commune se doit de développer une politique de développement sectoriel, en particulier en matières de transports publics, de tourisme et dans le domaine de la culture et du patrimoine architectural, Antananarivo regorgeant de sites de grande valeur. Le même principe doit s’instaurer pour assurer un bon fonctionnement du marché de l’Emploi.

2. Les Fokontany et les « dina » :

Quelle est leur nature juridique ?

Quelle est leur place dans la structure de l’administration municipale ?

Quel est leur rang dans la hiérarchie des textes et des normes juridiques ?

Un décret du 30 octobre 1997 (sous réserve qu’il ait été modifié ultérieurement) fait du Fokontany, dont la délimitation des attributions est fixée par le conseil Municipal, à la fois l’agent du Maire pour le service public de proximité (exemples : veiller à l’exécution des délibérations, arrêtés et décisions municipaux ; prendre part aux mesures de sécurité générale ; assurer le bon usage des biens publics ; délivrer le certificat de résidence, certificat de vie, etc…), et l’auxiliaire du chef d’arrondissement dans certaines attributions administratives et fiscales (exemples : assister le chef d’arrondissement pour le recouvrement des impôts ; renseigner le chef d’arrondissement sur les évènements de tous ordres intéressant le Fokontany).

S’agissant de la sécurité générale et de l’hygiène, les attributions du Fokontany sont étendues (exemples : mise en place de comités mobiles de vigilance des quartiers en vue de la sécurité des personnes et des biens ; assurer le bon usage des biens publics tels que lavoirs, bornes fontaines, etc… ; diriger les opérations de propreté ou de nettoiement).

On comprend ainsi que cette structure à trois niveaux (maire-chef d’arrondissement-Fokontany) peut dériver, en faveur du dernier niveau et au nom de l’efficacité, vers une propension à l’autonomie, laissant au chef d’arrondissement la portion congrue.

Or, il est clair que le Fokontany n’a que compétence liée sur toutes les attributions qui lui sont dévolues. Ici comme ailleurs, un juste équilibre est donc à trouver par le maire dans la limite des prévisions du décret de 1997.

Quant au « dina », applicable avec force exécutoire au niveau du Fokontany, son édiction fait l’objet d’une délibération du Conseil Municipal. Devant ce relatif flou et afin de favoriser la prise de responsabilité par le Fokontany, il est souhaitable que ce soit le comité du Fokontany qui prenne l’initiative du « dina », avec obligation d’en soumettre le texte au Conseil municipal par voie d’approbation, avant qu’il ne soit rendu exécutoire.

A ces conditions, le dina pourra entrer dans la hiérarchie des textes règlementaires au même titre qu’un arrêté municipal au niveau du Fokontany. A défaut d’approbation du dina par le conseil municipal, mais à condition que ledit « dina » est volontairement et constamment appliqué par les administrés à l’intérieur du Fokontany, il pourrait alors être considéré sous la qualification de règle coutumière.

On voit ainsi que la question du « dina » reste délicate.

Au nom d’une nécessaire sécurisation juridique, une loi visant à règlementer plus précisément le « dina » est donc très souhaitable.

3. La police municipale :

Sont concernées la police administrative et la police répressive.

Sans énumérer le champ de compétences très étendu qui permet au maire d’employer, dans sa commune, les forces armées et les forces de Police dont il peut demander la mise à disposition, ce dans la limite des prévisions de la loi du 28 mars 1994 fixant les règles générales en la matière, et indépendamment des compétences concurrentes dont disposent le ministre de l’Intérieur et le représentant de l’Etat qu’est le préfet, une loi du 25 septembre 1996 (sous réserve qu’elle n’ait pas été modifiée ultérieurement) dispose : « le maire est le premier responsable de la sûreté, de la tranquillité et de la salubrité publique » dans sa commune.

La mesure de l’étendu de ce champ de compétences est à apprécier au regard du fait que, en principe, la responsabilité civile de la commune est engagée, totalement ou partiellement, en cas de dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis à force ouverte ou par violence sur son territoire par des attroupements ou rassemblements, soit envers des personnes soit contre des propriétés.

Cette responsabilité étant d’autant plus engagée si la commune ne prend aucune disposition – ou tarde à en prendre – pour prévenir tous dangers menaçant la population ou les biens.

Dans ce cadre général, la tentation de disposer d’une « Police municipale » autonome est grande, mais une telle police n’est évidemment pas suffisante, la délimitation de ses compétences étant d’ailleurs stricte et soumise à l’agrément du procureur de la République, et devant respecter les principes suivants :

. dans le cas d’Antananarivo, c’est en principe au préfet et non pas au maire qu’appartient la police de l’ordre public et répressive en cas d’atteinte à la tranquillité et à la sécurité publiques ; cependant, le maire demeure compétent pour le reste ;

. le préfet est compétent pour prendre les mesures de police, de quelque nature qu’elle soit, dont le cadre géographique d’application dépasse le territoire d’une seule commune. Il est ainsi conduit, de fait, à se substituer à l’autorité municipale de police ;

. l’exercice par le maire de ses pouvoirs de police se fait toujours sous la surveillance du préfet, et même dans le cadre d’une tutelle, par exemple au cas particulier où le maire refuserait de prendre les mesures de police jugées nécessaires, auquel cas le préfet se substitue à lui ;

. dans tous les cas, dans ses mesures de police le maire – tout comme le préfet – est soumis à un contrôle de proportionnalité, en particulier au regard des libertés publiques. Dans ce sens, il peut réclamer que l’Etat prenne aussi ses propres responsabilités en mettant à sa disposition les moyens nécessaires pour assurer la police administrative et répressive;

. les forces dites « police municipale » étant règlementairement employées à des tâches de police administrative, il est souhaitable qu’elles n’empiètent pas sur les prérogatives dévolues aux agents des services publics municipaux ou étatiques, notamment ceux chargés du contrôle sanitaire et autres, et dans tous les cas de se limiter à veiller à l’exécution des arrêtés locaux de police. Et, n’ayant pas de pouvoirs de police judiciaire – sauf si elle obtient du procureur de la République la qualité d’agent de police judiciaire adjoint -, elle ne peut pas relever des procès-verbaux de constat dans des domaines ne ressortissant pas à sa compétence technique.

4. Occupations, remblaiements et autres actes illicites sur le domaine public et privé de la commune d’Antananarivo :

Sont concernés l’indispensable programme d’assainissement des marais et rizières d’Antananarivo, ainsi que la réhabilitation de certaines zones.

Nous le disions, durant plusieurs décennies c’est à la faveur du laxisme chronique des autorités municipales et gouvernementales quant au respect du plan d’urbanisme et d’occupation des sols que des occupations illicites, des remblaiements et autres actes illicites sur les domaines public et privé de la commune d’Antananarivo, se sont multipliés jusqu’à constituer des comportements habituels.

Il s’agit donc pour la commune, pour ce qui la concerne en propre, sans parler des atteintes à la propriété privée qui sont tout aussi nombreuses, d’être réintégrée dans ses droits.

floraison de pensées 2
« Floraison de pensées » (jpra)
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Mais au préalable, il s’agit pour la commune d’identifier très exactement la consistance et la situation juridique de son territoire, afin tout d’abord de délimiter avec certitude ce qui est du domaine public communal et ce qui est du domaine privé communal (1).

L’objectif est que la commune parvienne à définir à partir de là une politique cohérente d’action foncière et de la maîtriser tout autant que de la mener avec la détermination requise (2).

L’un des buts ultimes de tout cela est, en effet, que les lieux soit sécurisés à tous points de vue, et là où c’est nécessaire, de les rendre à leur destination naturelle et légale (3).

1. Domaine public/domaine privé :

Un recensement systématique arrondissement par arrondissement est préconisé afin d’établir un inventaire complet et un plan cadastral correspondant, lesquels sont de nature à déterminer la situation juridique de chaque terrain. Le tout nécessite certainement une campagne de métré par géomètre assermenté.

De telles initiatives servent également à délimiter avec exactitude les limites territoriales des arrondissements de la commune, notamment par rapport aux communes rurales limitrophes.

L’ensemble de ces actes doit ainsi permettre à la commune de déterminer les actions foncières et juridiques adéquates, et aussi de se donner les moyens y afférents.

2. Actions foncières :

Il s’agit de gérer avec un maximum d’efficacité les domaines public et privé de la commune, en vue d’un meilleur aménagement de son territoire communal.

Un document de référence adopté en 1998 (sous réserve qu’il n’ait pas été modifié ultérieurement), intitulé « Fiches d’application de la Circulaire interministérielle relative à la gestion de l’espace urbain », sert du vade mecum. Ce même document sert de référence pour le mode d’acquisition des biens du domaine privé de la commune, et également pour que la commune puisse se constituer des réserves foncières.

3. Rendre les lieux à leur destination :

Il s’agit tout d’abord de mettre fin à l’illicéité généralisée. Ensuite, et souvent parallèlement, il s’agit d’aménager pour le présent et pour le futur certaines zones ou certains terrains selon les prévisions du plan d’urbanisme.

Dès lors que le zonage (destination des lieux par activité) ou que les prescriptions d’urbanisme (plan d’occupation, coefficient d’occupation, contraintes de vue, etc…) ne sont pas respectés, il convient de systématiquement entreprendre les procédures juridiques et judiciaires qui sont à la disposition de la commune.

Et, étant données les nécessités que commande le programme d’assainissement et d’aménagement urbain, dans certains cas et selon des conditions légalement fixées, il est nécessaire de procéder par expropriation pour cause d’utilité publique.

Ceci étant, les cas les plus fréquents d’illicéité concernent le défaut d’autorisation d’alignement ou de permis de construire ou la non-observation des prescriptions édictées par l’autorisation d’alignement et par le permis de construire.

Sans aller dans les détails, tant en ce qui concerne la procédure d’expropriation que s’agissant tant les problématiques posées par les cas d’illicéité que les objectifs visés par l’autorisation d’alignement ou par le permis de construire, la référence principale est constituée par la « Fiche d’Application de la Circulaire Interministérielle Relative à la Gestion de l’Espace urbain », dite FACIGEU (du 12 juin 1998).

gros raisins (2)
« Gros raisins » (jpra)
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Par ailleurs, un certain nombre de questions se pose :

. la formation et la compétence des inspecteurs chargés de relever procès-verbal d’infraction ;

. faut-il réviser en hausse les contraventions ou peines prévues en cas d’illicéité ?;

. faut-il allonger le délai pour l’octroi ou non du permis de construire (actuellement de 45 jours), sachant que par manque de personnel et de moyens l’administration ne parvient pas toujours à respecter ce délai, de sorte que certains requérants interprètent comme une autorisation implicite l’absence de décision administrative dans ce court délai – ce contrairement au principe administratif selon lequel le silence de l’administration sur une demande expresse vaut rejet – ?

                                                                             *

On le voit, Antananarivo n’en a pas fini, bien au contraire, avec ses problèmes multiformes, et les carences récurrentes inhérentes à plus de dix ans de « malgestion » municipale les ont aggravés.

De sorte que, plutôt que de s’attaquer au format de la décentralisation de la capitale, déjà actuellement conséquente, et qui générera à coup sûr un coût financier considérable et déstabilisera les esprits au lieu de les mobiliser, mieux vaudrait s’attaquer sans tarder aux réformes internes dont les grandes lignes sont suggérées ici, et dont l’efficacité à en attendre, si elles sont bien menées, sera aussi réelle qu’immédiate.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

* Expert international en matière de bonne gouvernance et de promotion de la démocratie auprès de l’Union Européenne (« EuropAid »), envoyé en appui institutionnel par la Région Ile-de-France auprès du Maire d’Antananarivo au printemps 2001.

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* Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations.

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REMETTRE NOTRE NAVIRE A FLOT

poisson d'avril 2

« Comme un poisson dans l’eau » (jpra) – Reproduction interdite –


                                               REMETTRE NOTRE NAVIRE A FLOT

A Madagascar, les gouvernements se succèdent et, rien n’y fait, les nombreuses problématiques du redressement tant attendu continuent toujours d’imposer leur récurrence.

L’économie (qui ne se limite pas au monde des affaires), la pratique politique (qui n’est pas l’apanage de la classe politique) et la société malagasy (qui a perdu ses références), sont si déstructurées et si atones qu’il est actuellement vain et illusoire de parler de « relance économique », de rétablissement de l’Etat de droit ou de restauration de la « paix sociale ».

Car, sur aucun de ces terrains le moteur fonctionne correctement, ce qui est singulièrement et particulièrement illustré par notre diplomatie, actuellement totalement en panne avec deux ministres en titre qui en moins de un an ont, successivement, dû être révoqués, alors qu’elle devrait être un des fers de lance de notre développement, redressement interne allant étroitement de pair avec la réactivation diplomatique (voir notre article du 18 mars 2014 sur ce même Blog: « La diplomatie au coeur du développement de Madagascar »).

En effet, les rouages de l’Etat continuent d’être actionnés dans tous les sens avec un aplomb qui sidère parce que l’improvisation tient lieu de méthode ; l’économie va cahin-caha parce que rien n’est envisagé pour préalablement adopter une planification véritable inspirée par une vision globale et intégrant les quatre pôles économique, social, culturel et environnemental, ce avec la définition d’objectifs chiffrés, d’articulations systémiques et de programmation à court, moyen et long termes ; quant à la vie sociale, chacun vivote au bonheur la chance, car de concorde nationale et de politique sociale volontariste, point d’initiative en vue.

En somme, l’exécutif, tout comme l’Assemblée nationale ou les autres pouvoirs, se contentent de gérer une crise récurrente, de se regarder en chiens de faïence au lieu de prendre le zébu par les cornes.

Inévitablement, les urgences se multiplient donc et s’accumulent pour s’incruster dans l’abîme.

Alors, dans l’urgence, mais avec méthode, sur quels leviers agir ?

                                                                               *

LES CAUSES NATIONALES A IMPULSER

Il s’agit de causes nationales à mener en concertation avec tous les acteurs sectoriels concernés.

En premier lieu, – et nous le répéterons inlassablement – il convient prioritairement et avec détermination :

  • d’assurer le remaillage d’un tissu économique déchiré par tant de démantèlements d’industries phares passées aux mains de prédateurs, essentiellement étrangers ;
  • de reconstituer un capital technique défaillant;
  • de remobiliser un système bancaire qui ne joue plus son rôle, ni en faveur de l’épargne, ni pour soutenir les entreprises;
  • de recomposer les structures sociales de base qui ont volé en éclat ;
  • de rattraper le retard considérable dans la course aux objectifs du millénaire onusiens contre la pauvreté;
  • de créer une banque alimentaire couplée avec une revitalisation du milieu rural;
  • de constituer des cordons sanitaires dans les localités touchées par des épidémies;
  • et d’encourager la créativité entrepreunariale et innovatrice, de même que le secteur artisanal.

Parallèlement, il est tout aussi fondamental que les régions et les collectivités locales redécouvrent chacune leur vocation spécifique au moyen d’une valorisation de leurs plans locaux pleinement intégrés au sein d’une planification nationale, ce en termes de pôles de développement économique spécifiques (exemple: technopole à Antsiranana à partir du port et de l’ancienne base navale), la diversité des régions malagasy constituant à cet égard une richesse inégalée qu’il convient de valoriser et d’en optimiser les spécificités.

A de telles conditions ad minima, le relèvement général et la reconstruction de notre Nation, qui s’accompagneront d’une intégration progressive et incitative du secteur dit « informel » dans l’économie globale, ne pourront que prendre un sens réel et non plus incantatoire.

Elles feront également que ces causes nationales du moment soient l’affaire de tous, ce dans le rassemblement des énergies et la liberté d’expression des convictions de chacun.

A ces titres, il y a certainement lieu de relancer le chantier de la création d’un Conseil Economique, Social et Environnemental, non seulement pour se conformer aux recommandations onusiennes mais, surtout, pour donner institutionnellement corps à la revitalisation des forces vives d’une société et d’une nation actuellement désorientées, voire désintégrées.

montagnes-si-belles

« Montagnes lointaines » (JPRA)


                                                                                   **

DE LA CONCORDE NATIONALE

C’est pourquoi aussi, parallèlement il est absolument prioritaire que par des signaux et des engagements sans équivoque ni arrière pensée politicienne, le Président de la République et son gouvernement instaurent un véritable climat de Concorde Nationale, au lieu d’agiter la menace de sanction ou l’intimidation.

Certes, la concorde nationale ne se décrète pas, elle est de la responsabilité politique de tous, responsables politiques comme responsables de la société civile et simples citoyens.

Or, qui dit « concorde nationale » dit d’abord « Paix et harmonisation sociales », c’est-à-dire qu’elle nécessite un engagement collectif qui se traduirait par un « Pacte social » dans un « Esprit de Participation active » des forces vives de la nation, résultant d’un accord généralisé acquis au bout d’un processus de négociations ayant pour objectif de doter Madagascar d’un dispositif social qui ne laisse personne au bord du chemin.

Encore faut-il que le déclic initial vienne de l’Exécutif.

Dans ce contexte global où l’horizon se dégagera clairement, tout naturellement les adeptes de la politique politicienne et de ses délices manœuvriers trouveront à recycler positivement leur énergie débordante et à l’employer dans le plein exercice de la conscience publique, ce pour la « Res publica », à laquelle est appelé tout un chacun.

                                                                               ***

LES FONDAMENTAUX DE LA BONNE GOUVERNANCE

Tout ceci implique rationalité et rigueur dans la pratique institutionnelle.

Car, autant les rouages de l’Etat demandent un mode de fonctionnement clair et méthodique conformément à la norme juridique et à l’essence même de la Démocratie, autant la chaîne de commandement et la transmission des informations ne doivent pas s’embarrasser d’approximations.

La bonne gouvernance l’exige.

Sans revenir sur des débats institutionnels qu’on a eu l’occasion d’aborder par ailleurs, il faut considérer que le mandat présidentiel de cinq ans, qui se confond malencontreusement avec celui de la législature, étant singulièrement court par rapport aux nécessités du redressement et de la reconstruction qui demandent un horizon à long terme, le Président de la République a certainement intérêt à bien séquencer avec précision l’action qu’il entend mener pour mettre en oeuvre ce que nous considérons comme un programme indispensable de gouvernance selon les objectifs définis plus haut.

De plus, une telle clarification, de telles balises, sont plus qu’utiles eu égard à la visibilité et à la crédibilité nécessaires à l’appréciation positive que souhaitent les bailleurs de fonds et nos partenaires de coopération multidimensionnelle.

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UNE STRUCTURE GOUVERNEMENTALE POUR FAIRE FACE A L’ETAT DE NECESSITE

Actuellement, Madagascar se trouve objectivement dans la situation d’un pays en état de nécessité.

Pour assurer les mesures d’urgence, et sans nullement court-circuiter le fonctionnement normal des différentes prérogatives institutionnelles, le Président de la République doit donc pouvoir disposer des moyens politiques nécessaires, avec un Gouvernement capable de réformer en profondeur, de susciter les meilleures vocations et de rassembler de réelles compétences de constructeurs et de « grands serviteurs » de l’Etat.

Un strict resserrement gouvernemental  s’avère donc nécessaire, non pas uniquement pour la forme, mais bien pour concentrer sur l’essentiel, dans un esprit d’un gouvernement de mission, des moyens nécessairement limités.

Le nouveau gouvernement à former doit notamment se traduire par une meilleure concentration au moyen de grands départements ministériels, idéalement pas plus d’une dizaine, afin que ceux-ci soient capables d’assumer avec efficacité et dans la cohérence leurs missions et d’atteindre leurs objectifs.

La répartition des départements ministériels actuels obéit, de par leur nombre et leur éparpillement, moins à l’esprit de mission qu’à un souci circonstanciel motivé par la conjoncture et les contingences politiques du moment.

L’idéal est donc d’avoir un gouvernement dit « de Salut public pour le redressement national » qui se caractérise par la cohérence des missions ministérielles, et qui serait ainsi composé :

Economie, Finances et Commerce extérieur (1); Affaires étrangères, Coopération et Malagasy de l’extérieur (2); Intérieur et Collectivités locales (3); Justice et Libertés publiques (4); Affaires sociales et Jeunesse (5); Culture et Patrimoine (6); Environnement et Développement durable (7); Education, Sciences et Technologie (8); Transports, Equipement et Aménagement du Territoire (9); Agriculture, Monde rural et Pêche (10).

Dans cette configuration, les quatre premiers départements ministériels seraient érigés en Ministères d’Etat, chaque ministre d’Etat étant secondé par deux à trois ministres délégués au maximum.

Quant aux six autres départements ministériels, chacun disposerait d’un ou deux secrétaires d’Etat.

Un tel Gouvernement « de Salut public pour le redressement national » aurait pour mission principale de mettre sur pied les mesures structurelles décrites plus haut.

                                                                                    *****

Remettre notre navire à flot est certes nécessaire, mais ce n’est qu’une étape indispensable.

Car, parallèlement un cap à atteindre doit être défini avant que le « navire Madagascar » ne puisse naviguer et prendre le large.

Le cap à atteindre c’est l’horizon de lumière, c’est à dire une vie politique définitivement normalisée et apaisée, qui est visée comme un objectif majeur.

Ce grâce à un bon tempo, car imprimer un rythme maîtrisé est nécessaire pour asseoir sans heurt la Démocratie, notre Démocratie, surtout si elle doit renaître des cendres actuelles encore fumantes.

Il n’est pas trop tard pour appliquer les principes préconisés.

Par contre, rater l’occasion reviendrait à se priver définitivement des atouts indispensables à notre relèvement.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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MADAGASIKARA MIJORO !

    amethyste-bananes-et-orange-2« Améthyste, bananes et orange » (JPRA) – Reproduction interdite – 


                                             

                                             MADAGASIKARA MIJORO !

L’avenir, l’ambition, la destinée, assurément, se pensent et se formulent rationnellement…même si les comètes jouent leurs influences, ou que si les étoiles s’alignent favorablement.

POSER LA PROBLEMATIQUE

Se donner le temps de l’introspection. Positivement.

Pour un individu, comme pour une Nation.

Surtout pour elle.

Cette évidence, pour certaine qu’elle soit, ne semble pourtant pas s’imposer à ceux qui, hier et aujourd’hui à Madagascar, dans quelque bord où ils se sont trouvés et se trouvent et se sont placés et se placent, se sont destinés et se destinent, avec plus ou moins de conviction et de foi, à gouverner près de vingt-cinq millions d’individus sur une superficie plus grande que la France et l’ancien Benelux réunis.

La même évidence ne semble pas non plus s’imposer à ceux qui ont pour mission d’administrer et de gérer, ce dans un environnement international aussi mouvant qu’exigeant, d’immenses richesses qui, dramatiquement, ont échappées et échappent à leur maîtrise.

Penser, oui ! Puis, formuler.

Mais, avec profondeur, jusqu’aux sources des maux récurrents, et à partir des racines authentiques, pour déterminer la voie.

Voir loin, oui ! Et savoir se projeter.

Pour traverser les obstacles de toutes les natures, et afin de se fixer non point de simples objectifs sur un tableau de bord, mais bien un cap identifié, reconnu et visible.

Agir avec détermination, oui ! Mais avec clairvoyance.

Certainement, avec le souffle de la foi, non pas confessionnelle, mais cette foi générée par une connaissance innée ou acquise des réalités passées et présentes, par une conscience aigüe des nécessités et par une disposition d’esprit positive dépassant toutes les contingences.

La réussite promise à ce pays doit d’abord obéir à ces postulats.

Chacun pourra alors dire :

. « Mandroso ny fahaizana ! » (« le savoir-faire progresse ! »).

Ce, dans tous les domaines.

Le reste est question de formulation cohérente et de vigilance active.

DE QUOI S’AGIT-IL ?

Pour notre part, la longue et patiente observation, comme la maturation d’une réflexion, toutes considérations pesées et re-pesées, nous conduisent ainsi à proposer le projet « Madagasikara Mijoro ».

Il consiste en une innovation monarchique – je dis bien innovation, et non pas restauration -, une construction résolument tournée vers un horizon de lumière, qui tire les leçons d’un passé chargé et par trop pesant, et en fait un inventaire sans complaisance, afin de bâtir sur un socle assaini, réformé et pérenne les nouvelles institutions permanentes d’une nation qui avait su, à des moments précis de son histoire, – mais trop fugacement – , poser les balises de son avenir.

Voromahery et trône porté

Le « Voromahery » royal, et le trône à porteurs du souverain, deux symboles de la monarchie malgache initialement inventés par le grand roi Andrianampoinimerina et perpétués jusqu’au règne de Ranavalona III, dernière souveraine de Madagascar. Reproduction interdite – Archives personnelles –


SUR QUELS RESSORTS COMPTER ?

Est-il admissible, pour une nation qui se veut fière d’elle-même, que du XVIème siècle, au cours duquel la conscience d’une destinée commune à l’intérieur d’une nation en devenir s’est formée, jusqu’à notre XXIème siècle où les Malagasy se cherchent toujours, c’est à dire durant plus de six cents ans, au total nos compatriotes n’aient connu en tout et pour tout qu’un siècle et demi de progrès et d’ouverture salutaire ?

Ce n’est pas uniquement notre capacité de résilience qui est en cause ; ce sont les soubassements mêmes de nos ressorts psychiques et psychologiques qu’il convient de re-fonder.

Pour  cela, il faut changer de registre conceptuel au niveau institutionnel afin de se donner le cadre optimal.

C’est ainsi que « Madagasikara Mijoro » se formule, ce à travers les considérations contenues dans nos deux articles parus sur http://www.labodiplo.wordpress.com sous le titre générique « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », respectivement le 21/10/2013 (12ème partie) et le 25/10/2013 (dernière partie).

Ainsi :

1/ – dans cette 12ème partie (21/10/2013), sont abordés deux chapitres :

.  d’une part, sous le titre « Surmonter nos handicaps », qui analyse nos faiblesses et nos atouts pour restituer une trajectoire évolutive;

.  d’autre part, sous le titre « le phare », Madagascar étant conçue comme une vigie, un bastion et un cap incontournables dans l’immensité de l’Océan Indien occidental;

2/ – dans cette dernière partie (25/10/2013), les considérations suivantes sont également abordées en deux chapitres :

. d’une part, sous le titre « Se raccrocher aux fondamentaux et au sacré », pour faire le tri entre celles de nos pratiques rétrogrades et de nos traditions porteuses d’avenir ;

. d’autre part, sous le titre « Distinguer l’intemporel du temporel », le permanent et la haute conscience, de même que la personnification de la Nation devant s’institutionnaliser tout autant que de répartir clairement le pouvoir dans un système distributif démocratique.

En ces temps où la formulation du discours et des projets politiques ressemblent trop à s’y méprendre à la phraséologie du marketing, du packaging et du management, parce que seuls le paraître, l’immédiateté et la supposée efficacité priment, il est certainement temps que la noblesse du politique retrouve, en haut de l’échelle de la conscience, sa sphère privilégiée.

Il faut sortir de la posture dans laquelle beaucoup trop de nos apprentis dirigeants se complaisent, et au contraire savoir épouser les nécessités, affronter les défis et se dépasser.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

 

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et des illustrations ———————————————————

BILLET D’HUMEUR

Bushido (2)

« Bushido » – Trancher avec détachement et confiance – (jpra)

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BILLET D’HUMEUR

C’est sans fard ni parcimonie que nous nous félicitions, en leur temps, de la prise de fonction et des premiers actes du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement à Madagascar.

C’est dans les mêmes dispositions d’esprit que nous saluions et continuons d’approuver les ouvertures pratiquées à l’international.

Il en est de même de la nouvelle considération accordée par la communauté internationale à un pays nécessiteux.

Mais, Bon Dieu, que tout cela est conditionné ; que tout cela est mené avec une prudence de prude qui n’a rien à voir avec la sagesse !

Car, les uns à l’intérieur freinent des quatre fers cette « réconciliation » tant vantée mais remisée aux calendes grecques, par crainte d’on ne sait quel « désordre »… ; les autres de l’extérieur, observant cette réserve politicienne, préfèrent avancer avec circonspection, sinon méfiance.

Il en est ainsi du retour sans condition ni délai des exilés politiques et, spécialement, de l’ancien Président Marc Ravalomanana, prescrit par des décisions pertinentes valant conventions internationales, engageant par conséquent tous les Etats signataires et ceux qui se sont portés garants de leur bonne et immédiate exécution.

A ce jour, arguties et phraséologies tiennent lieu d’autant de paravents tenus par des phraseurs de second plan, dont le seul rôle serait-il de parvenir à faire oublier de telles décisions ?

Pourtant, on voudrait croire encore à la hauteur d’esprit et à la capacité décisionnelle des hauts inspirateurs de ces dispositions pertinentes toujours en attente d’exécution, dont les réunions au sommet se multiplient sans effets concrets sur le terrain.

On voudrait croire encore au courage et à la grandeur d’esprit des nouveaux guides du redressement matériel, du relèvement moral et de la concorde nationale, tant indispensables autant que constitutifs d’ardents devoirs, dont on attend d’eux qu’ils se concrétisent avec l’éclatante évidence d’une ferme volonté, ce sans peur ni reproche.

En tout état de cause:

.  il est du devoir moral d’une France éprise de Liberté, jalouse de sa tradition juridique et fière à juste titre de sa tradition républicaine, de ne pas permettre qu’une certaine justice instrumentalisée par les fauteurs de Démocratie, ayant enfanté durant une Transition haïe un honteux verdict, répande encore ses méfaits contre un homme qu’elle avait grandement honoré en 2005 en l’ayant élevé dans la dignité de grand’croix de la Légion d’Honneur, en le recevant solennellement en 2003 à la Fondation Charles de Gaulle, étant alors le premier chef d’Etat étranger à bénéficier d’un tel privilège;

.  pour les mêmes raisons, la communauté francophone, qui devrait saisir l’occasion du sommet de la COI aux Comores ce 27 juillet,  ne saurait accepter que le lauréat 2003 du Prix Louise Michel pour son action en faveur de la Démocratie dans son pays puisse être atteint dans son intégrité physique et morale.

Il est donc temps de trancher dans le vif du sujet, avec le détachement et la confiance requis, pour le retour sans condition ni délai de tous les exilés politiques, y compris Marc Ravalomanana !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

DONNEES GEOPOLITIQUES ET GEOSTRATEGIQUES MALGACHES

Vision maritime 2
« Vision sur le large » (jpra)Aquarelle. 2016 .
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Madagascar est un pays d’une richesse naturelle inégalée mais qui s’appauvrie à vue d’oeil d’année en année sous le regard plus qu’étonné du monde entier.

Aujourd’hui, comme sans doute demain encore, hélas !, tant que les gouvernants successifs malgaches n’auront pas pris l’exacte mesure des lourdes problématiques géostratégiques et géopolitiques qui s’imposent à eux comme autant de défis permanents, les considérations qui suivent demeurent toujours d’une actualité brûlante et doivent servir de balises. 

Et posons la question: sont-ils à la hauteur de la destinée promise de ce pays et de ce peuple ?…

                    

                                  DONNEES GEOPOLITIQUES ET GEOSTRATEGIQUES MALGACHES

En ce début du XXIème siècle, et plus précisément au sortir de la plus grave crise de 2009 qu’elle ait connue depuis son indépendance en 1960, Madagascar, la quatrième plus grande île du monde, est dans la position d’une puissance rendue vulnérable aux menaces tant extérieures qu’intérieures.

                                                                                *****

LA PROBLEMATIQUE DE L’INSULARITE ET LE COMPLEXE DE L’ILEITE

Tout au long de son histoire, Madagascar l’île « au bout du monde » devenue un Etat unitaire au XIXème siècle, n’a jamais cessée de se débattre autour d’un questionnement fondamental : faut-il ou non s’ouvrir sur l’extérieur et, surtout, comment ? guidé par quelle vision ? 

Les données psychologiques récurrentes, que le temps tend à cristalliser, alimentées par un nationalisme aux contours confus, n’ont jusqu’à ce jour pas permis de le résoudre.

Toujours est-il que l’insularité géographique de Madagascar souffre de façon typique, au plan psychologique, du caractère de l’ « iléité » décrite par les géographes comme une propension exagérée du culte de la spécificité pour mieux faire valoir une identité culturelle conçue comme unique.

Ce qu’elle est effectivement, mais ce caractère unique a-t-il besoin d’être autant martelé jusqu’à être porté aux nues ?

Or, cette « iléité », Japonais comme Britanniques, pour ne prendre que leur exemple, dont les îles se situent elles aussi à l’appendice de deux autres continents majeurs, l’ont toujours connue, eux également, et l’ont toujours pratiquée…avec succès.

Bien avant les Malgaches.

Il se trouve en effet que ces deux peuples, après avoir subi, chacun à des époques différentes, les assauts répétés d’agressions extérieures tout au long de leur histoire respective, ont tôt su forger au moyen d’une maîtrise de leur ouverture sur le large leur pleine indépendance, dont elles continuent de s’enorgueillir à juste titre.

Mais, peut-être que la plus grande différence avec Madagascar est-elle que, la Grande Ile, qui recèle des ressources naturelles immenses – contrairement au Japon et à la Grande-Bretagne – , avait par contre trop tôt subi les convoitises agressives des nations et opérateurs extérieurs, en particulier dès le début du XIXème siècle, avant même – et, alors même – qu’elle n’ait eu le temps ou la capacité de se doter d’une structure étatique capable d’exploiter ces ressources et de maîtriser la destiné d’une nation par ailleurs hétérogène.

Maintenant que depuis 1960, la parenthèse coloniale antérieure étant révolue, l’Etat malgache moderne existe, doté de tous les attributs de la souveraineté et bénéficiant de tous les avantages d’un ordre international régi par les conventions internationales, ce déficit de maîtrise demeure pourtant singulièrement récurrent, certes à des degrés variables (les périodes fastes des années 1960 à 1969, puis de 2002 à 2008 le prouvent), mais qui fait apparaître des failles, potentiellement d’autant plus menaçantes, voire dangereuses, dans ce monde hyper mouvant et travaillé par de nouvelles interférences très insidieuses auxquelles les dirigeants de ce pays ‘ont aucune conscience si ce n’est dans leur aptitude à la platitude verbale…

Approche de Madagascar (2)Gouache. 2015 .

« L’approche de Madagascar » (JPRA)


MADAGASCAR, UNE TERRE D’ENJEU VITAL DONT LES MALGACHES SONT PARADOXALEMENT ABSENTS ?

Ce complexe insulaire a toujours entraîné certains paradoxes : de tous temps, Madagascar fut visitée, d’abord par des Arabes (certains historiens évoquent même l’arrivée d’Hébreux), puis par des Indonésiens et des Océaniens, auxquels se sont mêlés des Africains (à moins que ceux-ci aient été entraînés dans le sillage des Arabes), ensuite par des Indo-Pakistanais et des Chinois, et enfin par des découvreurs européens (Portugais, Néerlandais, Anglais et Français), ce qui démontre que beaucoup de routes maritimes convergeaient sur Madagascar.

Mais, plutôt que d’ouvrir la Grande Ile sur le large, comme le firent tôt Japonais et Anglais pour la prospérité de leur île respective, les Malgaches ont en quelque sorte sanctuarisée la leur.

Et aujourd’hui encore, si sur la cartographie géopolitique et géostratégique internationale, l’océan indien occidental compte deux points de passage stratégiques répertoriés que sont le Canal du Mozambique et le Cap de Bonne Espérance, en ce qui concerne le premier son contrôle échappe totalement à Madagascar, la France s’en étant emparé à travers les Iles Eparses et le Mozambique étendant largement sa zone d’exploitation pétrolifère tout au long de ce Canal qui porte son nom…

D’autre part, ce même canal du Mozambique est devenu une route maritime de première importance stratégique avec la circulation de plus en plus fréquente de super-tankers pétroliers ou gaziers qui ne peuvent pas emprunter le Canal de Suez devenu trop exigu.

Or, là aussi, en se refermant sur elle-même Madagascar est dépourvue de toute installation mobile ou fixe d’observation, à défaut de contrôle, ses côtes et terres littorales, mais aussi son écosystème marin et sous-marin, étant en permanence soumis à tous les aléas engendrés par cette circulation accrue qui se déroule hors de son regard.

Une autre illustration de notre propos nous est fournie par l’Histoire qui, comme souvent, se rappelle à nos souvenirs.

Durant la seconde guerre mondiale, 1942 constitue pour la grande Ile, alors sous administration des autorités de Vichy, une date à retenir mais dont les dirigeants malgaches d’hier et d’aujourd’hui n’ont aucune idée.

Pourtant, à cette époque là la position de Madagascar comme vigie de l’Océan Indien occidental prit soudainement une importance stratégique de premier ordre à la suite du verrouillage de la Méditerranée par les puissances de l’Axe.

En effet, de ce fait l’intensification du ravitaillement de l’armée britannique du Moyen-Orient, qui passait par le Cap de Bonne Espérance, rendait à la base de Diego-Suarez sa vocation de place forte et de point de contrôle crucial au moment même  où Britanniques et Japonais (ces derniers menaçant déjà Ceylan et l’Inde) s’affrontaient dans l’Océan Indien.

Dès lors, les Britanniques prirent les devants et débarquèrent en mai 1942 à Diego-Suarez alors défendu par une garnison franco-malgache.

Les troupes du général britannique ne s’arrêtèrent pas à Diego-Suarez mais poursuivirent l’invasion de Madagascar jusqu’à Antananarivo avec la capitulation du gouverneur français de l’île.

Puis, cédant à la fureur du général De Gaulle qui craignait la captation de Madagascar par les Anglais (une vieille rivalité coloniale franco-anglaise qui date du XIXème siècle), Churchill rendit la Grande ile à la France Libre à la fin de l’automne 1942.

Tout ceci s’était déroulé avec une totale absence d’action ou de réaction de la classe politique malgache d’alors, tout spécialement des « nationalistes » patentés comme tels, eux qui par ailleurs et sur d’autres sujets se montraient pourtant d’une virulence signalée…

Vision-maritime-4Aquarelle. 2016 .

« Vision sur le large II » (jpra)Pastel à l’huile. 2016 .


TYPOLOGIE DES DEFICITS ET MENACES

Or, les vulnérabilités dont souffre Madagascar, les défis qu’elle a à relever et les menaces qui la guettent, sont aussi nombreux que variés.

A – Au titre des vulnérabilités, il y a essentiellement le facteur humain et le déficit structurel, ce dernier étant la résultante du premier.

. Tout d’abord, notons le manque patent de compétence de la classe politique et des serviteurs de l’Etat (1);

. puis, l’absence récurrente d’hommes et de structures capables de relever le défi économico-stratégique régional (2);

. ensuite, les handicaps de la communication, accentuant l’enclavement géographique, la non-valorisation du capital humain et le culte des particularismes (3).

(1) Les relents de la féodalité persistent à Madagascar.

Au niveau de l’action publique, ils se traduisent par la course effrénée à la conquête de fiefs institutionnels de toutes natures, au résultat de laquelle chaque « titulaire de fief » (ce qui se traduit, entre autre, par la notion galvaudée de « chef d’institution ») est amené à le circonscrire, peut-être à le valoriser, mais en tout cas à des fins purement catégorielles, claniques ou partisanes.

Dès lors, les notions même d’intérêt public, de mission de service public, de bien public ou de la res publica sont loin d’être au cœur de l’action, cette fois-ci politique.

Ceci est vrai tant de la part des membres de la classe politique que des serviteurs de l’Etat, dont d’ailleurs la frontière des compétences et prérogatives respectives reste volontairement floue, ce qui ne peut que nourrir – à dessein –  la confusion des genres en toutes circonstances.

(2) Au plan régional de cet océan indien occidental où la place et le rôle de Madagascar et des Malgaches devraient être déterminants, on constate au contraire que la Grande Ile et ses habitants sont cernés par leurs voisins immédiats.

Cette réalité géopolitique est ignorée à tous les niveaux de l’Etat comme des forces vives d’une nation malgache ayant trop tendance au fatalisme et à vivre en vase clos. De plus, sur le plan des affaires et de la vision économique, à Madagascar la culture d’entreprise fait singulièrement défaut.

S’il y a pléthore de rentiers, autre traduction des relents féodaux, il n’y a par contre aucun capitaine d’industrie malgache digne de ce nom (le cas de Marc Ravalomanana faisant à cet égard figure d’exception, et qui ne fait que confirmer la « règle »), capable d’investir et de gagner des marchés, ce qui rend par ailleurs très difficile toute politique économique de « préférence nationale ».

Seuls des étrangers résidents à Madagascar, tels les Indo-Pakistanais (qui, malgré la longévité relative de leur établissement à Madagascar, ont volontairement renié la nationalité malgache au moment de l’Indépendance recouvrée de Madagascar, au profit de demeurer Français…), s’adonnent à l’acte d’investissement.

D’ailleurs avec d’autant plus de succès qu’ils savent se solidariser et que partout, dans ce vaste bassin de l’océan indien occidental qui leur est quasiment dédié, ils sont « chez eux » puisque dans tous les pays du pourtour de Madagascar en Océan indien, en Afrique australe et orientale (voir ci-dessous) ils y sont également présents dans tous les secteurs économiques.

L’autre donnée géopolitique ramène à la stratégie, Madagascar étant géographiquement « cernée » par des intérêts qui souvent lui sont divergents :

. à l’Ouest elle est face à la puissante Afrique du Sud sur son flanc méridional, dont la vocation de leader naturel du continent africain et de place forte économique s’affirment d’année en année au plan mondial, ce qui incite ce grand pays à composer avec les puissances dominantes et à se tourner vers eux plutôt que de considérer son voisinage immédiat;

. au Mozambique de façon frontale, dont la croissance économique le place parmi les pays africains les plus attractifs et qui se passe de Madagascar pour le contrôle du canal du même nom ainsi que l’exploitation des ressources pétrolières, énergétiques et halieutiques qui s’y trouvent ;

. à la Tanzanie et au Kenya sur son flanc septentrional, pays dont la vocation touristique et le décollage économique sont compromis par un activisme islamique intégriste croissant, cet aspect étant accentué par une extension géographique de la piraterie maritime en océan indien occidental, et la proximité avec l’archipel des Comores, terre d’Islam, constitue un autre facteur à évaluer.

A l’Est Madagascar est face :

. à la France avec l’île de La Réunion, dont les intérêts économiques sur la Grande Ile sont multiples (même s’ils ont connu une régression par rapport aux années 1960), s’y ajoutant que la présence française enserre en fait Madagascar dans une sorte d’étau stratégique, puisque qu’au Nord-ouest c’est encore la France à travers Mayotte qui garde un œil plongeant et que de façon éparse – le mot est de circonstance – cette même France marque une présence insistante, sur fond de considérations économico-stratégiques grandissantes, en renforçant son contrôle des Iles Eparses dont la souveraineté est disputée.

Au total, toutes ces forces externes agissent comme un faisceau insidieux sur tout le système névralgique malgache, et il est certainement temps que les hauts responsables comme le simple citoyen ouvrent leurs yeux sur cette réalité.

(3) Le défaut de communication interne, quant à lui, constitue un autre handicap majeur.

Hormis les manifestations psychologiques et comportementales relevées plus haut (voir : «La problématique de l’insularité »), les phénomènes de l’enclavement sont de deux ordres à Madagascar :

. tout d’abord, une géographie physique et humaine contraignante, qui interdit notamment toute extension du réseau ferroviaire et des grands axes routiers (pourtant planifiés, initiés et exécutés durant la colonisation et partiellement poursuivis dans les années 1950-1960 et 2002-2009), sauf à entreprendre des travaux colossaux à large échelle;

. ensuite une hétérogénéité étendue et une dispersion importante de la localisation humaine (laquelle est d’ailleurs parfois mouvante dans certaines régions reculées), rendant difficile la mise en place de connexions de proximité et inter-communales ;

. en troisième lieu, et se superposant au handicap géographique pour en accentuer la lourde pesanteur, intervient une conception totalement erronée et malheureusement persistante de la nature même de la population malgache, politiciens et savants continuant (paraît-il, par « commodité de langage ») d’user trop facilement du terme « ethnie » pourtant lourd de conséquences, s’inscrivant ainsi – certes involontairement – dans la ligne idéologique du général Galliéni, le « pacificateur de Madagascar », et du pouvoir colonial d’antan, lesquels entendaient diviser pour mieux régner en désignant, artificiellement et à dessein, « dix-huit ethnies »…!

Or, cette sorte de « mosaïque des peuples malgaches » est unique en son genre, ce qui la caractérise avant tout et singulièrement au-delà de l’apparence des particularités régionales, c’est que la population malgache jouit d’une unité de langue et d’un fonds civilisationnel commun.

Ce, contrairement à la réalité africaine, voire même de beaucoup de pays européens.

Notamment :

. quoi de commun entre un Breton et un Savoyard ?, entre un Milanais et un Vénitien ?, entre un Rhénan et un Prussien ?, entre un Ecossais et un Anglais ? , entre un Catalan et un Galicien ?, pour ne donner que ces quelques exemples, ne sont-ce pas sémantiquement de véritables ethnies ?….

Une telle erreur d’appréciation et de qualification s’agissant de la population malgache, dépasse le simple niveau sémantique, et a ses traductions tout aussi erronées en matière de conception politique et de disposition communicative interne.

Assurément, cette erreur empêche toute valorisation nationale du capital humain malgache, sauf à savoir valoriser et optimiser les bienfaits de la diversité culturelle malgache dans ce qu’elle génère comme immense potentiel de créativité , et explique à bien des égards ce phénomène de particularismes locaux si pesant, le tout formant autant de facteurs de régression en termes de cohésion sociale, de conception unitaire et de dynamisme économique.

osmose 1
« Osmose » (jpra)Acrylique sur toile. 2010.
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B – Tant que Madagascar et les Malgaches ne sauront pas prendre la mesure exacte des trois types de vulnérabilités ci-dessus, ils ne pourront que difficilement concevoir un dispositif suffisamment réactif, curatif et porteur pour affronter les défis qu’ils se doivent de relever au plus vite, et écarter les menaces qui les guettent.

1 – Sur le plan économique, il convient de choisir l’image d’un édifice qui doit reposer sur un solide quadrilatère :

. une nécessaire vision globale pour dégager un horizon clair, identifié et mobilisateur parce qu’elle doit parler à l’esprit et au cœur ;

. elle doit se traduire par une conception doctrinale d’ensemble englobant l’état actuel et prévisible de l’économie mondiale, régionale et nationale, ce qui suppose une capacité prospective, de prévision et d’anticipation ;

. concrètement, tout ceci doit se décliner en une stratégie d’action définie sur le long terme afin d’organiser nos forces et atouts, et compenser nos faiblesses ;

. et, enfin, l’ensemble a à s’appliquer, dans le tempo et dans l’espace nationaux, à travers une planification rigoureuse comportant un caractère directif affirmé (et non pas simplement incitatif), notamment à travers des dispositions normatives pour tout ce qui concerne les domaines structurels, et des chiffrages incitatifs s’agissant des objectifs à atteindre pour le court, le moyen et le long termes.

La mobilisation nationale indispensable des forces vives, de la force de travail, de l’épargne et de l’investissement, ainsi que la constitution tout aussi indispensable d’un minimum de capital technique et une valorisation du capital humain, sans parler de la cohésion sociale recherchée, toutes ces conditions préalables à tout redressement pérenne n’auront de sens réel et ne pourront se concrétiser qu’au moyen d’un édifice conceptuel et concret de planification reposant sur un quadrilatère tel qu’exposé ci-dessus.

2 – La diplomatie malgache se doit, quant à elle, de tenir étroitement compte des réalités relevées et des nécessités préconisées, non pas pour se contenter d’accompagner le relèvement de Madagascar, mais bien afin de lui ouvrir en amont comme en aval, dans un volontarisme politique et un esprit de patriotisme économique et culturel, toutes les portes et les opportunités sur le plan international (cf. nos développements in « La diplomatie au coeur du développement de Madagascar», en date du 18 mars 2014 sur ce même Blog – archives de mars 2014 ).

A ce titre, si la coopération et l’aide internationales sont nécessaires, il ne faut point s’en contenter au risque d’accentuer pour des générations et des générations un statut de « pays assisté », le but ultime à atteindre est, à terme, d’être en mesure de s’en passer pour leur supplanter une stratégie internationale basée sur un partenariat équilibré et, progressivement, sur une concurrence maîtrisée, au moins sur des secteurs où Madagascar dispose d’atouts avérés.

D’autre part, quant à son positionnement face aux défis mondiaux et à un système mondial désormais fondé sur un multilatéralisme mouvant, l’illusion d’une prétendue « neutralité » prônée par certains de nos politiciens attardés doit être écartée. Car, les principes tiers-mondistes développés lors de la Conférence de Bandoeng ne sont plus de mise depuis fort longtemps…Il s’agit d’observer et d’analyser de près l’évolution du monde et de savoir « qui est qui » et « qui fait quoi » pour se fixer un positionnement raisonné et conforme à sa propre conception de politique étrangère.

A défaut, ainsi qu’on le constate de trop ces derniers temps, la diplomatie malgache est vouée, soit à la paralysie, soit à des actions qui procèdent de la pratique du lance-pierres (on l’a vu avec les positions contradictoires de Madagascar à propos des annexions russes en Ukraine, et qui avaient causé la risée du monde entier…).

3 – S’agissant du système institutionnel, tant qu’on n’aura pas résolu les problématiques exposées dans les considérations ci-dessus, il est vain de se perdre en conjectures, et à bien des égards dans des discussions vides d’arguments, pour savoir lequel d’un « Etat unitaire » ou d’un « Etat fédéral » serait le mieux à même d’assurer le développement de Madagascar.

Par contre, une double évidence s’impose :

. d’une part, l’Etat central, quel que soit le degré d’avancement de l’autonomie régionale et locale, doit impérativement maîtriser l’immensité de l’espace malgache, et la vocation correspondant aux spécificités de chaque région ou localité doit obéir à un principe de répartition et de subsidiarité des compétences ;

. d’autre part, le Parlement doit certainement contribuer à servir le redressement national, en particulier par le vote, sur projets gouvernementaux, de lois de programmation économiques et structurelles (en adéquation avec les objectifs quantitatifs et financiers, autant que dans le temps, définis par le plan national), afin de mobiliser les ressources financières et techniques sur le long terme et créer une dynamique structurelle.

st-jacut-bretagnePastel à l’huile. 2012.

« Vision maritime III » (JPRA)Pastel à l’huile. 2013.


Le parlement doit aussi savoir jouer son rôle actif d’acteur et d’initiateur de propositions, et ne pas se cantonner à son rôle « facile » et à bien des égards improductif de censeur ou de contrôle.

Ce sera son honneur et sa contribution réelle au relèvement d’un pays actuellement exsangue.

Mais à Madagascar, pour compléter l’édifice de la représentativité du peuple dans sa diversité et ses racines, sans doute – nous en sommes convaincus – faudra-t-il instituer deux organes de nature consultative: le Conseil Economique, Social et environnemental (a) et le Conseil des Pairs (b).

(a) Qui pourrait prétendre qu’une telle institution serait « inutile » dans le cas d’un pays et d’un peuple aussi divers dans son unité promise et à consolider ?

(b) de même, l’ancrage patrimonial humain forgé par l’Histoire tant régionale que nationale exige que la tradition d’ici, de là-bas et d’ailleurs, dans ses racines, porte à soutenir la modernité dans une nation en capacité de syncrétiser et conjuguer les particularités qui doivent continuer de nourrir la destiné unitaire.

4 – Compte tenu des vulnérabilités géopolitiques régionales évoquées plus haut, notamment au regard de l’expansion de la menace islamiste radicale, les considérations et interactions internationales, régionales, inter-régionales et nationales doivent être vues avec un souci sécuritaire suffisamment aiguisé, de façon à prévenir toute éventualité.

Or, sur le plan interne malgache certains faits sont non seulement à surveiller de près, mais surtout à évaluer et à interpréter avec le maximum d’exactitude:

. 1./  la persistance des graves troubles à l’ordre public que provoquent les « dahalo » dans le grand sud aride, pauvre et vulnérable aux tentations criminelles, constitue un terreau potentiellement favorable à un possible maillage, dans un premier temps « dormant », de groupes terroristes dont les visées peuvent être en lien avec le terrorisme et le banditisme internationaux ;

. 2./  d’autres poches d’infiltration possible de cette menace extérieure sont constituées par l’extension inquiétante des champs d’exploitation sauvage ou tolérée de minerais de pierres précieuses et semi-précieuses, où l’insécurité est déjà patente, où toutes les dérives engendrées par la misère s’ouvrent à toutes les éventualités, et où les négociants étrangers venus d’horizons lointains avec des activités non-traçables, sans aucune attache avec le tissu économique malgache, règnent en maîtres ;

. 3./  l’hypothèque islamique radicale doit désormais constituer une question permanente à considérer avec sérieux. Les données de la question peuvent se résumer ainsi : l’Islam à Madagascar était jusqu’à récemment confiné dans son rôle confessionnel traditionnel éloigné des connexions économico-religieuses internationales. Or, désormais cette dernière dimension, qui s’accompagne d’une vision rigoriste, existe à Madagascar, notamment avec la venue des différentes branches de l’Islam, qui développent parallèlement à leurs investissements des activités caritatives et de prosélytisme.

Certes, la prédominance à Madagascar des Eglises chrétiennes traditionnelles est une réalité, mais dans sa conception de la spiritualité et de la religiosité, le Malgache est loin d’être dogmatique, ce qui explique aujourd’hui sa nette propension au syncrétisme et à l’œcuménisme religieux (le FFKM en est la traduction institutionnelle), et son pragmatisme naturel le conduit aussi à intégrer facilement les enseignements de certaines sectes religieuses, en particulier venues d’Amérique.

Théoriquement, l’acceptation d’une extension possible de l’Islam (confortée aujourd’hui par la multiplication de mosquées dans les grandes villes malgaches), aidée par les connexions économico-religieuses évoquées ci-dessus, n’est donc plus à écarter, avec cette réserve,  qui au final ne serait qu’apparente, celle d’un Islam intégriste et rigoriste qui ne tolèrerait aucune ouverture mais qui, on le voit un peu partout en Afrique, saura de toute façon l’imposer par la violence le moment venu.

Madagascar, à la faveur d’implantations d’organisations ouvertement d’obédience concurrentielle sunnite, chiite, ismaëlienne ou autres, lesquelles s’adonnent volontiers à des activités prosélytiques, se doit d’exercer une vigilance accrue et systématique pour ne pas s’ouvrir aux menaces ni aux actes, ni à certaines visées potentiellement déstabilisantes.

En effet, il n’est plus exclu que Madagascar connaisse sur son sol les effets directs ou collatéraux de la compétition planétaire que se livrent, par exemple Sunnites et Chiites, sachant que l’Iran est un nouveau venu à Madagascar (attiré par nos ressources énergétiques, notamment l’uranium) comme aux Comores, et que parmi la puissante diaspora indo-pakistanaise à Madagascar se trouve une obédience islamique de plus en plus active…Mais, s’y ajoute aussi, dans le sillage de la visite d’Etat du Président Erdogan début 2017,  la percée inattendue de la Turquie qui, ouvertement, considère Madagascar comme une terre d’expansion en Afrique. Que dire aussi de la venue fracassante des Emirats Arabes Unis, ouvertement conquérants par le fait d’une invite du chef de l’Etat malgache lui-même en 2021 ?…

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On le voit, les enjeux géopolitiques et géostratégiques, très loin d’être épuisés dans leur évaluation avec ce modeste exposé qui n’a d’autre ambition que d’attirer l’attention des uns et des autres sur leur dimension et pesanteur s’agissant de Madagascar, sont multiples et appellent pour ce grand pays doté d’énormes potentiels, un renforcement structurel et mental plus que significatif, tant au niveau des serviteurs de l’Etat qu’au niveau de l’individu, ceux-ci pêchant bien trop constamment par un excès de suffisance sur leur capacité, semble-t-il innée, à vouloir se distinguer par rapport aux autres sans réellement pouvoir en justifier…

Malagasy ! Réveillons-nous ! 

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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4TH OF JULY ! AT THE OCCASION OF THE AMERICAN INDEPENDENCE DAY, LET’S CELEBRATE OUR MALAGASY RELATION WITH OUR AMERICAN FRIENDS !

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« Améthyste, bananes et orange » (JPRA) – Reproduction interdite –


 

 

Indeed, each 4th of july we do celebrate with pleasure the American national Independence Day celebration, and this year 2022 is for the 248th anniversary of the birth of the U.S.A !

Let’s have a short and a quick idea of the history of the Malagasy-American relations.

While the American nation was achieving its unity, the American government officially soon established the first official tie with the King Radama II and the Kingdom of Madagascar by appointing, in 1862, Jules Xaver as the US Consular Agent in Madagascar, with a permanent residence in Tamatave.

Further more, one must notice that on the 24th of february 1863 te Malagasy King Radama II appointed an American citizen, Marks, at the crucial job of « Principal Secretary of State for Foreign Affairs »  to boost the international relations of the Kingdom with the anglo-saxon world ! – Cf. our article « Un Américain, éphémère ministre du Roi Radama II », in this Labodiplo, 12th february 2017) – .

It is true that this very special situation ended immediately after the death of the King Radama II few months after. But the consular relations with the United States of America were maintained during the entire  period of the kingdom of Madagascar.

Further more, a special and high ranking malagasy diplomatic mission have being sent to the United States of America in 1883 by the Queen Ranavalona II.The Malagasy ambassadors arrived in New-York on march 3, 1883, and have been received in Washington by the American President A. Arthur; a friendship treaty was signed between the United States of America and Madagascar on march 12, 1883.

However, in spite of that special and high ranking diplomatic mission which has not been followed by any exchange of ambassadors or an appointment of an american ambassador to the Kingdom of Madagascar, beyond the consular relations the full diplomatic relations with exchange of permanent resident ambassadors by both parties took place only just after Madagascar recovered its independence as a Republic in 1960.

During the two periods of 1960-1969 and 2002-2009, the diplomatic relations between the United States of America and Madagascar where at their highest level.

Today, these relations are renewed on concret basis and mutual engagements. In terms of bilateral basis, but also because in the west side of Indian ocean, in which Madagascar is the main base, many geostrategic concerns (many forms of terrorism, control of the sea, strategic and economic balance with China, Russia,…) have to be seriously considered.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo