
« Jeu de lamba et nénuphars » (jpra)
DEVELOPPER LA CHAINE DU FROID EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET A MADAGASCAR
La chaîne du froid constitue une chance pour l’Afrique.
A tous les points de vue.
Et cette évidence se révèle d’autant plus en ces temps de lutte contre la diffusion des gaz à effet de serre et de pandémie de la Covid-19, les dérèglements climatiques induits et la propagation des bactéries provoquant derrière elles leur cortège de déficits en tous genres en matière alimentaire et nutritionnelle.
Mais pas que…On le constate bien en matière de santé publique et sanitaire, notamment à propos de la nécessaire conservation des vaccins anti-covid qui nécessitent un système performant de chaîne du froid.
Et pourtant, ce vaste continent africain peine à se décider à mettre en place une chaîne du froid de façon planifiée…Et ne parlons pas de Madagascar. Ou plutôt, si ! il faut en parler…à la fin de cet article…
Un pays africain émergent donne l’exemple: en 2022 le Rwanda a lancé un vaste programme de recherche et d’installation de la chaîne du froid combinant adaptation technologique et production énergétique avec pour soucis principaux, d’une part l’adéquation du système du froid aux capacités technologiques actuelles de l’Afrique et, d’autre part, éliminer les pertes de production de denrées agricoles dues à l’absence d’installations de la chaîne du froid pouvant assurer à la fois une bonne conservation des produits et leur distribution à travers le pays, ce jusque dans toutes les localités.
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A partir du très récent exemple du Rwanda, un regain de prise de conscience en la matière semble se manifester désormais en Afrique.
Déjà en juin 2012 s’était tenu à Yaoundé, au Cameroun, un « Atelier régional sur l’utilisation de la chaîne du froid dans le développement de l’agriculture et de l’agro-industrie en Afrique subsaharienne ».
Sur la base des actes de cet important Atelier, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (la FAO) et l’Institut International du Froid (l’IIF) ont conjointement élaboré et publié en 2014 une Note synthétique intitulée « Développer la chaîne du froid dans le secteur agroalimentaire en Afrique subsaharienne », qui constitue un véritable plaidoyer en la matière, et dont nous reprenons la formulation en titre de cet article.
Un déclic salutaire devrait se produire pour l’Afrique.
ETAT DES LIEUX ET DEFIS A RELEVER
De fait, le constat est amer : la chaîne du froid est, soit très peu développée, soit inexistante en Afrique subsaharienne, que ce soit en zone urbaine ou dans le milieu rural, seule l’Afrique du Sud sortant du lot en zone urbaine.
Pour ne parler que de la production et de la distribution alimentaire, de même que de sécurité alimentaire, les fruits, les légumes, les racines et tubercules, les viandes, le lait et le poisson, pour tous des produits de base, il s’agit donc, au moyen du développement d’une chaîne du froid fiable et efficace, qui constitue le cœur des missions de l’Institut International du Froid (IIF), tout à la fois de :
. réduire les pertes alimentaires ; favoriser la production agricole, de poissons et de denrées périssables ;
. renforcer et stabiliser la sécurité alimentaire et nutritionnelle ;
. assurer la conformité des produits aux exigences de qualité ; et améliorer l’accès aux marchés intérieurs et extérieurs.
Or, ne serait-ce qu’en 2011 la FAO a pu estimer à environ 25 à 30% les pertes en produits d’origine animale et entre 40 et 50% celles concernant les racines, tubercules, fruits et légumes !
Le développement de la chaîne du froid se présente ainsi comme « le passage obligé pour atteindre la sécurité alimentaire et nutritionnelle » (cf. Note d’orientation sur l’agro-alimentaire » élaborée en 2014 par la FAO et l’IIF).
Ceci nécessite un certain nombre d’exigences en matière de gouvernance économique et de structuration.
LES EXIGENCES EN MATIERE DE BONNE GOUVERNANCE ECONOMIQUE
Rappelons tout d’abord la définition et les principes généraux d’utilisation de la chaîne du froid, selon les préconisations de l’IIF.
« La chaîne du froid est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour atteindre et maintenir la température de conservation des produits, de la production à la consommation, de façon à préserver leur qualité ».
Une telle maxime s’applique aussi aux médicaments et soins.
Ses maillons essentiels incluent la production, le transport, l’entreposage, la distribution (livraison en magasin, stockage temporaire, exposition/vente) et les interfaces correspondantes, mais aussi la conservation chez le consommateur ».
Selon l’image proposée par l’IIF, ceci se résume au « trépied frigorifique » suivant : « produits sains, froid précoce et froid continu, que l’ont peut vérifier avec des enregistreurs de température ».
S’agissant plus spécifiquement de la bonne gouvernance économique en matière de froid, les recommandations conjointes de la FAO et de l’IIF sont de quatre ordres :
1. Mieux intégrer la chaîne du froid dans les stratégies de développement agricole et de sécurité alimentaire ;
2. Elaborer des stratégies multisectorielles et multipartites ;
3. Adapter les stratégies d’intervention aux spécificités des produits et aux conditions géographiques et socio-économiques ;
4. Recourir à des études préalables sérieuses avent tout projet d’équipement frigorifique.
A ce dernier titre, la FAO et l’IIF considèrent que « le froid solaire reste actuellement une option coûteuse à l’achat mais qui peut être intéressant en l’absence de réseau électrique.
D’autre part, selon le contexte climatique et le coût de l’énergie, le stockage du froid et le refroidissement évaporatif peuvent présenter un réel intérêt économique ».
Pour sa part, et au surplus, l’IIF considère que « pour le transport, à défaut de véhicules frigorifiques, on peut utiliser sur certains trajets des véhicules isothermes, de préférence avec des plaques eutectiques, dont la grande inertie thermique retarde le réchauffement du chargement ».
Tout ceci suppose d’élaborer et de mettre en œuvre un véritable plan directeur de développement de la chaîne du froid en partenariat avec le secteur privé, de définir des réglementations et des normes de qualité, et de veiller à leur application par des contrôles de conformité effectifs.
Et à l’évidence, une politique soutenue de formation, de professionnalisation du secteur agro-alimentaire et de recherche-développement doit être mise en place parallèlement, soutenue par une mise à niveau des capacités d’investissement.
Enfin, l’implication des organisations professionnelles et le dialogue interprofessionnel autour de la chaîne du froid sont indispensables, à défaut de quoi les relais nécessaires ne pourraient être assurés.
Ajoutons que tout ce qui est dit précédemment peut tout à fait être transposé en faveur de la santé et du dispositif sanitaire en Afrique.
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« Jeu de raisins » (JPRA)
PRIORITE SIGNALEE POUR MADAGASCAR…POUR RATTRAPER LE RETARD
Une politique nationale de développement de la chaîne du froid est assurément plus que jamais nécessaire pour Madagascar où d’une année sur l’autre des régions entières dans le grand sud du pays connaissent la famine.
Déjà, en notre double qualité de Représentant de Madagascar auprès de l’Institut International du Froid (IIF) et de président en exercice de la Commission Internationale des Industries Agro-alimentaires (CIIA) il y a environ dix ans, nous avions obtenu l’accord de principe de ces deux organisations internationales pour développer à Madagascar un programme de formation et d’évaluation des besoins en matière de chaîne du froid.
A ce jour, le projet n’avait pu aboutir faute par les gouvernements malgaches successifs d’y donner la suite attendue…!
Or, rattraper le retard fait partie, ici comme ailleurs, des décisions d’une urgence absolue à prendre…
Du 22 au 29 juin 2016, nous avons conduit à Madagascar une « Mission économique Fandrosoana » précisément composée entre autres participants, de l’Institut International du Froid (IIF) comme entité leader, porteur de propositions précises qui attirèrent un fort intérêt, en particulier des plus hautes autorités étatiques et gouvernementales malgaches, le Conseiller Spécial du Président de la République en charge des projets économiques et le Premier ministre en tête.
Le Représentant permanent de l’Union Européenne, celui de la FAO, ainsi que l’Ambassadeur du Japon furent également consultés et marquèrent leur fort intérêt pour ces propositions.
De son côté, aujourd’hui encore, la pleine disponibilité de l’IIF (Institut International du Froid »), que je continue de représenter à la suite de la « Mission Economique Fandrosoana » pour ce projet particulier pour Madagascar, est toujours d’actualité.
Rappelons à cet égard que l’IIF est une organisation intergouvernementale internationale et agit, en tant que telle, dans l’intérêt général de ses membres, au nombre desquels figure Madagascar.
Même si ce pays peine, depuis trop longtemps, à régler ses cotisations et ses arriérés de cotisations, des négociations adéquates peuvent se mener pour une régularisation . Dans ce cas et dans le cadre de ce processus, je peux en témoigner pour avoir obtenu des assurances à cet égard, la mise en oeuvre de « projets froid » pour Madagascar ne devrait pas être compromise, mais encore faut-il que Madagascar prenne les initiatives idoines et opportunes dans l’urgence requise…
Gageons alors que des mesures concrètes, allant dans le sens des préconisations que j’avais défendues lors des entretiens qui furent accordés en juin 2016, puissent être prises incessamment afin que l’IIF puisse concrètement se mettre à l’oeuvre à Madagascar au bénéfice du redressement du pays et de son développement durable.
En particulier, les financements mobilisés lors de la Conférence des Bailleurs Internationaux de Paris début décembre 2016 auraient parfaitement pu y être affectés en partie.
Il n’en fut rien, et ainsi une importante occasion a été perdue…une fois encore.
De fait, ni dans le Plan National de Développement, ni dans un document quelconque de la « stratégie » actuelle – ou à venir – de développement on n’a vu nulle part une seule ligne consacrée à la chaîne du froid…
C’est, …comment dire ?… regrettable et condamnable ! …Mais, je préfère rester optimiste et croire à une capacité de résilience de nos autorités.
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
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