JEAN LABORDE, LE « RAMOSE »

5Jean Laborde, Consul

Jean Laborde, Consul de France

(Photo extraite de l’ouvrage « Colline sacrée des souverains de Madagascar, le Rova d’Antananarivo » de Suzanne Razafy-Andriamihaingo, L’Harmattan, 1989) – Reproduction interdite –


                                                  JEAN LABORDE, LE « RAMOSE »

Si l’on devait ne citer qu’un seul Français profondément Malagasy dans l’âme et qui épousa dans la sincérité de son cœur Madagascar, ce fut, assurément, Jean Laborde.

En 2005, étant dans ma fonction d’ambassadeur de Madagascar en France, à l’invitation et en la présence du maire de la ville d’Auch j’y célébrais le bicentenaire de la naissance de Jean Laborde (il naît le 16 octobre 1805), et en particulier déposai au pied de sa statue une gerbe en la mémoire de cet homme qui fut, il faut le souligner, un bienfaiteur de la nation malagasy.

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Cet aventurier – dans le sens noble du terme – , doté d’une ingéniosité sans pareil et doué d’un esprit vif comme l’éclair, marquera pour toujours d’une empreinte déterminante la vie politique, économique, sociale, culturelle et matérielle de Madagascar , de fin 1831, date de sa venue dans ce pays, à 1878, date de sa mort en terre malagasy.

Ce Gascon, fils d‘un riche industriel forgeron établi à Auch, épris de découvertes et d’exotisme, émigre en Inde en ces temps où les fabuleux trésors des Indes et la fréquentation des routes maritimes y conduisant soulevaient l’enthousiasme général parmi les grandes puissances coloniales (Angleterre, Pays-Bas, France) en pleine compétition.

Un jour, il se met en quête de son propre fabuleux trésor quand en 1831, sur la route maritime au large de Madagascar une violente tempête le jette sur les rivages du sud-est de Madagascar à Matitanana. Coïncidence heureuse, le naufragé fut vite recueilli par Napoléon de Lastelle, l’attitré gérant d’affaires de la Reine Ranavalona 1ère.

Logé dans la propriété de ce riche négociant, le jeune Laborde s’éprend d’une de ses filles, établit les plans et le gros-œuvre d’un véritable bateau, qui sera tout simplement le premier bateau de style européen jamais construit à Madagascar, ce avant de pouvoir monter à Antananarivo où de Lastelle l’introduit auprès de la reine malagasy.

Il convient de préciser qu’en ces temps là Madagascar était engagée dans une voie à rebours de sa propre Histoire, c’est-à-dire dans un dramatique rétro pédalage au sortir du décès prématuré de Radama 1er en juillet 1828, ce roi de la modernité malagasy dont les zélés soutiens de Ranavalona 1ère s’en firent l’ennemi …mortel (sur ces faits, voir sur ce même Blog l’article « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », 4ème partie, daté du 10/10/2013).

Ranavalona 1ère était à la recherche d’un homme lige, l’architecte autonome de tous ses rêves de bâtisseur(e) d’une société nouvelle. De Lastelle fut bien inspiré d’y répondre avec adéquation en proposant les services éminemment rares d’un prodige d’ingéniosité dont Jean Laborde fit preuve durant le temps de son séjour chez l’agent d’affaires attitré de la reine malagasy.

C’est donc avec l’enthousiasme d’un candide que Ranavalona accueille Laborde, l’adopte et l’attache à son service quotidien, à condition seulement qu’il mérite sa totale confiance par son utilité !

La reine ne fut jamais déçue, tant les prouesses techniques (et « autres »non avouables ici…) du jeune Jean Laborde ne paraissaient avoir de limites…

De façon précise, il est certain que Ranavalona 1ère et son gouvernement avaient un besoin aussi pressant que stratégique d’être en mesure de soutenir l’effort de guerre dicté par la confrontation armée avec la France (voir sur ce sujet, l’article « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », 5ème partie, daté du 12/10/2013 sur ce même Blog).

Ordre fut donc donné à Laborde de fabriquer des fusils en quantité industrielle, toute la main-d’œuvre désirée et toutes les facilités matérielles et foncières étant mises à sa disposition. Aidé de manuels techniques et de quelques publications scientifiques, Laborde relève le défi en un temps record.

Pour construire son usine, il choisit d’abord comme site Ilafy, non loin d’Antananarivo au nord en territoire Tsimiamboholahy (l’un des principaux clans roturiers au pouvoir), où il produit les premiers fusils fabriqués à Madagascar, puis à Mantasoa où son génie prendra toute sa dimension grâce à la proximité de la forêt, des chutes d’eau et des minerais de fer.

En fait d’usine, c’est en très peu de temps que Laborde fait surgir une impressionnante cité industrielle unique en son genre, composée de hauts fourneaux et de machines diverses, d’un quartier résidentiel, d’un parc, d’un zoo, d’un lac artificiel à partir d’un petit étang…

De ces usines sortent dès 1835, d’abord des fusils de la meilleure qualité, de la poudre, des cartouches, des grenades, des mortiers, des sabres et épées, puis des canons lourds et légers. Bref, un véritable arsenal et une industrie de l’armement malagasy sont nés !

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Bientôt également, sortiront de ces usines et fabriques diverses des produits aussi variés que la brique cuite, les tuiles, la chaux, le ciment, la potasse, l’acide sulfurique, le paratonnerre (grâce auquel Laborde fut considéré comme un véritable faiseur de miracles !) pour des usages industriels ou pour la construction et les travaux publics, secteurs d’activité qui d’ailleurs prirent ainsi naissance à Madagascar.

Certes, les missionnaires qui furent introduits à Madagascar du temps de Radama 1er ont développé l’artisanat et certains métiers d’arts malagasy, mais à travers d’autres produits sortis droit de ses usines et fabriques comme le verre, la faïence, les poteries, la soie ou les rubans, Laborde va impulser un développement économique, industriel et social sans précédent à Madagascar.

Ce fut un des aspects paradoxaux du règne de Ranavalona 1ère…

Sans compter que Laborde fut à l’origine de l’introduction à Madagascar de diverses plantes nouvelles ou de races nouvelles de bovins, de plantations ou de cultures nouvelles (par exemple, la pisciculture et la culture de la vigne…) …et de la mode européenne (danses en vogue, les belles manières, les toilettes et habits à la mode) qu’il répandait avec réussite, aidé en cela de la complicité très active et intéressée de Napoléon de Lastelle et de l’engouement de la reine elle-même et des nombreux courtisans.

Autre aspect paradoxal du règne de Ranavalona 1ère caractérisé par la fermeture hermétique du pays…

Mais, il faut encore citer les autres œuvres de Jean Laborde : construction des premières charrettes malagasy tirées par des boeufs, les canalisations d’eau et les ustensiles divers.

Et puis, surtout, en 1839 il est, en qualité d’architecte autodidacte, le constructeur génial et très inspiré du grand palais en bois de « Manjakamiadana » du Rova d’Antananarivo, démontrant à cette occasion privilégiée un talent sans égal du double point de vue technique et artistique.

L’édifice est construit autour d’un énorme pilier central en bois sur une hauteur impressionnante et dans un style typiquement malagasy qui ravit la Reine Ranavalona 1ère et tous les visiteurs étrangers.

Puis, plus tard en 1852 à la mort de Rainiharo, Premier ministre et amant de la Reine, c’est encore à Laborde qu’on demande de construire un tombeau monumental.

Ingénieur en chef du royaume malagasy, Laborde avait ajouté à son arc la dignité militaire.

Car, il sait aussi être un chef de guerre et un général aussi audacieux que réfléchi. En 1835, le maréchal Rainiharo est empêtré dans le grand-sud malagasy, incapable de se sortir d’une situation plus que délicate.

C’est Jean Laborde qui, précipitamment élevé successivement aux rangs de Général XII puis XIII Honneurs (équivalent actuel de Général de division, mais « Maréchal » dans la nomenclature des « Voninahitra » du moment – voir sur ce même Blog l’article daté du 15/5/2014, « Les ordres royaux de Madagascar »), part à la rescousse de Rainiharo en scindant son corps expéditionnaire en deux, une partie en empruntant la voie terrestre, l’autre progressant par mer.

L’ennemi étant ainsi pris en tenaille, Rainiharo est tiré d’affaire et voici Jean Laborde bardé d’une double et inespérée auréole puisque la Reine l’élève dans la dignité suprême et exceptionnelle de Maréchal XV Honneurs (XV Voninahitra !) suivi de son anoblissement qui l’intègre dans la classe nobiliaire la plus élevée !

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Un tel personnage, véritable bienfaiteur de la nation malagasy, qui par ailleurs n’a jamais renié ses origines ni sa foi chrétienne au milieu du paganisme ambiant du règne de Ranavalona 1ère, a, autant qu’il le pouvait, joué auprès de celle-ci un rôle modérateur, en particulier pour tenter d’adoucir le sort réservé aux chrétiens.

La Reine Ranavalona n’a, dit-on, pas résisté aux multiples charmes de Jean Laborde, l’homme. Ne dit-on pas qu’il fut un amant assidu et apprécié de Ranavalona 1ère, certains dans leur imagination débordante allant même, sans craindre l’anachronisme, jusqu’à prétendre que le Prince Rakoto, futur Roi Radama II, serait un enfant issu des œuvres de la reine et d’avec le séduisant Gascon !

Rappelons que Rakoto est né en 1829 et que Laborde ne met les pieds à Madagascar dans les circonstances qu’on sait, que fin 1831…

Néanmoins et par contre, il n’est pas moins vrai qu’entre le prince Rakoto et Laborde de solides liens d’affection réciproque se sont vite noués et renforcés au fil des années : Laborde éduqua entièrement le jeune prince et lui fit assimiler les valeurs chrétiennes, chose extraordinaire quand on mesure l’opposition farouche de la reine et de son gouvernement à tout apport culturel et spirituel étranger.

Dès lors et de fil en aiguille, Laborde se trouvera rapidement mêlé à une lutte clanique au sein même de la famille royale pour un meilleur positionnement en vue de la succession au trône : les traditionalistes tiennent leur candidat en la personne du Prince Ramboasalama, neveu et fils adoptif de la Reine Ranavalona 1ère, tandis que Laborde et De Lastelle préparent l’avènement, au moins politique, de Rakoto en essayant de susciter autour de la personne du jeune prince une dynamique nouvelle qui ferait en sorte qu’un parti de « rénovateurs » émerge et s’impose finalement en vue de placer Rakoto sur le trône malagasy.

Mais, la mort du Premier ministre Rainiharo en 1852 porte sur le devant de la scène un Rainijohary révigoré, qui va imprimer une ligne politique extrêmement dure et encore plus rétrograde (voir sur ce même Blog l’article daté du 13/10/2013, « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar, 6ème partie).

Raharo, fils de Rainiharo, qui accède à la fonction de Premier ministre, ne parvenant pas à endiguer la trop grande influence de Rainijohary, chef du clan concurrent des Tsimahafotsy, n’a d’autre solution que de se rallier à la cause du prince Rakoto dans la compétition au trône.

Le parti du jeune prince prend ainsi de l’importance et de l’ampleur.

A partir de 1855, à l’un des plus forts moments de la persécution anti-chrétienne et anti-européenne, Laborde n’hésitera plus à pousser la Reine Ranavalona 1ère à prendre certaines initiatives, notamment en invitant Lambert, homme d’affaires politiquement très entreprenant, à monter à Antananarivo pour une mission capitale auprès de l’Empereur Napoléon III (voir sur ce même Blog l’article « Lambert, Ambassadeur Itinérant de Sa Majesté le Roi Radama II » en date du 6/12/2014).

Puis en 1857, c’est un Laborde révolté par la persistance de la barbarie voulue et encouragée par Rainijohary qui, étant par ailleurs assuré de la neutralité bienveillante de Raharo, va jusqu’à concevoir et à mettre en action un complot visant à évincer du trône la vieille reine Ranavalona 1ère et à y placer Rakoto.

Mais, l’ébruitement du projet le fera capoter et conduira un Rainijohary triomphant à accentuer sa politique réactionnaire. Les comploteurs malagasy sont massacrés et leurs familles réduites à l’esclavage, tandis que les Européens (notamment Ida Pfeiffer, le père Jaouen), y compris Jean Laborde, sont chassés de Madagascar.

Laborde parvient alors à se réfugier à l’Ile Bourbon voisine.

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haut fourneau J. Laborde

Haut fourneau construit par Jean Laborde à Mantasoa

Photo extraite de mon ouvrage « La geste éphémère de Ranavalona 1ère », L’Harmattan, 1997. Reproduction interdite –


Néanmoins, étant donnés l’ampleur du soutien dont jouit désormais le Prince Rakoto, l’affection profonde que voue la reine à son fils unique, le peu d’estime qu’a toujours suscité le prince Ramboasalama et l’ascendance renouvelée que le clan roturier des Tsimamboholahy – auquel appartient le Premier ministre Raharo – a finalement pris au détriment de celui des Tsimahafotsy – celui de Rainijohary – , c’est tout naturellement que, avant d’expirer le 18 août 1861, la vieille Reine Ranavalona 1ère a pu désigner son fils Rakoto pour lui succéder sur le trône de Madagascar.

Se considérant comme le fils spirituel du grand Roi Radama 1er et le continuateur de son œuvre, Rakoto choisira de prendre le nom de règne de Radama II, le Grand Radama étant ainsi dans son coeur son père spirituel.

Dès lors, Laborde, l’autre père spirituel, l’ami, le protecteur, le confident du nouveau Roi de Madagascar, est prestement rappelé à Madagascar et revient avec force enthousiasme, pleinement convaincu de pouvoir œuvrer pour longtemps au progrès de son pays d’adoption, Madagascar, et à la prospérité des relations avec son pays d’origine, la France.

Car, ayant été anobli par Ranavalona dès 1835 dans les circonstances vues plus haut, géniteur de nombreux enfants malagasy qui forment une joyeuse cohorte, porté sur un piédestal par une population profondément reconnaissante, Madagascar est le pays de prédilection de Jean Laborde.

Mais, il n’oublie pas pour autant la France qui, d’ailleurs, avec lui, fait une entrée en force à Madagascar. L’action de Laborde se placera donc désormais essentiellement sur le plan politique.

Laborde est incontestablement l’initiateur de la présence française dans la Grande Ile.

Tout naturellement, Jean Laborde devient officiellement Consul de France en ces temps coloniaux où il n’était pas de règle d’envoyer un Ambassadeur en titre et dûment accrédité dans un pays considéré comme n’étant pas au même niveau étatique. Laborde ne perd pas pour autant toute son influence auprès du Roi Radama II lui aussi reconnu, comme l’était Radama 1er, « Roi de Madagascar » par les puissances étrangères et en particulier par la France.

Cependant, l’influence de Laborde ne sera plus exclusive et est tempérée par la présence à la Cour de l’Anglais Ellis, par la forte personnalité du Premier ministre Raharo et par les initiatives des compagnons et zélateurs du Roi, les fameux « Menamaso ».

La liberté d’action de Laborde sur le plan intérieur malgache est par ailleurs singulièrement limitée du fait de sa position officielle dans la défense des intérêts des nationaux français en tant que Consul (seul un ambassadeur étant, au surplus, en charge de la défense et de la promotion des intérêts étatiques).

Mais surtout, une nouvelle donne, le renforcement constant du pouvoir du Premier ministre au détriment de celui du souverain, va progressivement marginaliser Laborde, dont les avis sont cependant toujours recherchés, en particulier par un Rainilaiarivony, le jeune commandant en chef des armées, tôt acquis à la francophilie (attachement qu’il reniera bientôt à la mesure des contradictions grandissantes des intérêts respectifs malagasy et français…).

En effet, tant le développement du nationalisme malagasy que les maladresses françaises à propos des « droits historiques », que la France prétend détenir sur les côtes Est de Madagascar, vont provoquer chez le Premier ministre malagasy dont l’autoritarisme va en s’exacerbant, ainsi que chez les dirigeants malagasy un fort ressentiment anti-français contre lequel Laborde n’y pourra rien.

De fait, quand en 1878 Laborde meurt à Madagascar, laissant derrière lui une fortune imposante et des héritiers désemparés, tous ses biens seront confisqués par les autorités malagasy, et ce fait va, pour longtemps, constituer l’une des principales pommes de discordes franco-malagasy, débouchant inexorablement sur de nouvelles confrontations armées.

Telle fut la vie mouvementée mais ô combien fertile de Ramose* Laborde, qui laisse à Madagascar, gravés dans la pierre et la mémoire, de multiples témoignages de son existence.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

Nota : * « Ramose » est le surnom affectif donné par la population malagasy à Jean Laborde, composé d’une double contraction du suffixe malagasy « Ra », qui désigne respectueusement une personne, et la contraction « mose », qui désigne un « monsieur » avec une connotation familière….

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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REFLEXIONS SUR LA CITOYENNETE MONDIALE

poire

« Poire et cerises » (jipiera) – Reproduction interdite –


                                       REFLEXIONS SUR LA CITOYENNETE DU MONDE

Citoyenneté du monde. L’idée peut paraître utopique. Et même à contre-courant pour certains à l’heure du repli identitaire…

Or, tant les dérèglements climatiques, les catastrophes environnementales et, surtout, les dérèglements à grande vitesse induits par le réchauffement climatique auxquels s’ajoutent les lancinantes crises sanitaires provoquées par le COVID-19 ou d’autres pandémies, dont certaines s’annoncent par leur grande dangerosité, ne commandent-ils pas la mise en oeuvre des mécanismes institutionnels et l’intégration mentale de cette nécessité urgente : la citoyenneté mondiale ?

Notons que le concept n’est pas neuf – du moins en Occident – puisque c’est Socrate qui disait déjà: « Je ne suis ni Athénien, ni Grec, mais un citoyen du Monde » !

LA PROBLEMATIQUE SOUVERAINETE NATIONALE…

Il est pourtant un fait qu’au-delà des frontières nationales, mue par des élans naturels – et maintenant par des phénomènes qui touchent l’Humanité entière – la solidarité humaine s’est manifestée et se doit de se manifester de plus en plus fort à plusieurs reprises dans l’Histoire moderne, présente et, encore plus, celle à venir.

Encore qu’elle ne se soit manifestée, dans la plupart du temps et des cas, que pour des revendications catégorielles et nécessairement contingentes : ici, à travers la lutte des classes pour unir les opprimés et les travailleurs à travers le monde ; là, pour prendre la communauté internationale à témoin de faits jugés graves ; ailleurs, dans le souci de partage d’intérêts communs.

Mais, on observe une prise de conscience croissante sur les problématiques sociétales mondiales qui dépassent donc très largement les contingences nationales ou interrégionales, voire internationales et/ou Onusiennes.

Au nombre de celles-ci figure soudainement les très graves dérèglements climatiques, la destruction massive de la biodiversité et les pandémies mondiales contre lesquels l’illusoire « souveraineté territoriale », prônée par certains, apparaît dans toute sa splendide idiotie.

Ils s’ajoutent désormais, avec leur caractère de dangerosité permanente, au terrorisme, qui n’a pas pour soubassement des considérations de lutte pour un  idéal politique dans un espace délimité (souvenons-nous, pour ne prendre que cet exemple, des « brigades rouges » en Europe et même au Japon dans les années 1970-80), mais se nourrit à la source des crimes les plus abjects sous toutes leurs formes, plus grave encore, pour accomplir une oeuvre apocalyptique à l’échelle universelle et qui, en cela, prend en otage l’onction religieuse alors que les visées des adeptes de cette forme de terrorisme sont proprement maléfiques.

La nature génocidaire et le caractère de crime contre l’humanité de cette forme de terrorisme ne font aucun doute.

La citoyenneté mondiale a donc ici vocation certaine à prendre forme par la puissance de sa présence, de son message, de ses manifestations et de ses exigences.

Or, n’oublions pas que l’humanité est une, unique et indivisible.

Cette triple réalité apparaît avec encore plus d’évidence devant les dangers sanitaires, écologiques, climatiques et environnementaux qu’avait notamment mis en exergue la COP21 qui s’était tenue à Paris en décembre 2015, et à sa suite les COP suivantes, dont la COP27 de Charm-El-Cheikh dont les résultats doivent être combinés avec ceux, récents, de la COP15 de Montréal sur la biodiversité.

S’agissant de la COP27, les avancées sont palpables par rapport au Protocole de Tokyo et à l’Accord de Paris. Il en est de même de la COP15 qui marque des progrès signficatifs par rapport aux objectifs fixés dans l’Accord de Kunming. Mais un moment les fragiles avancées de l’Accord de Paris avaient été mises à mal par un Président américain, Donald Trump, qui volontairement les avait torpillées depuis sa folle décision du début 2018 – mais heureusement rétablies par le nouveau Président Biden -. S’agissant de la COP15, les mêmes Etats-Unis n’y sont pas partie prenante.

C’est dire combien les prescriptions édictées par ces deux accords fondamentaux acquis en 2022 – COP27 + COP15 -, qui n’ont aucun caractère obligatoire, sont tributaires de la notion encore bien vivace de souveraineté nationale et peinent – et peineront – à être pleinement appliquées par les Etats signataires.

Or, dans toutes ces considérations sanitaires, environnementales ou sécuritaires, les premiers et seuls concernés ne sont autres que les citoyens du monde que sont les Terriens…!

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raisins

« Grappe de raisins » (jipiera), acrylique – Reproduction interdite –


ETAT-PROVIDENCE ET CONSCIENCE CITOYENNE

Sur le plan formel le Droit lui-même, souveraineté territoriale oblige, cantonne l’individu exclusivement dans ses rattachements nationaux quant à son statut citoyen, c’est-à-dire quant à sa condition responsable en tant qu’individu dans le corps social.

Mais il est un fait qu’avec l’interdépendance croissante des Etats, doublement accentuée par l’adoption au niveau international de standards normatifs et par la multiplication de regroupements régionaux, phénomène notamment soulignée par le Saint-Siège dans ses actions diplomatiques, laquelle interdépendance s’affirme avec l’évidence des faits puisque les problématiques fondamentales de la condition humaine dépassent les frontières, la sacro-sainte souveraineté étatique, qui se traduit dans son aspect strictement territorial, perd nécessairement de sa superbe, en tout cas de son exclusivité et de sa pertinence.

D’un autre côté et de façon insidieuse et perverse, l’œuvre d’uniformisation comportementale voulue par les grands groupes d’entreprises pour imposer de vastes marchés mondiaux et une dépendance à la surconsommation, qui de façon dialectique accentue au passage une paupérisation galopante, provoque des régressions, des replis et plus profondément de brusques ruptures de civilisation.

Et ce phénomène ne semblait pas prêt de faiblir ni même d’être réajusté dans le sens du postulat humain – la centralité de l’Homme – et de la raison.

Sauf qu’avec les nécessités actuelles d’ordre sanitaire et environnemental, un tel réajustement s’impose avec évidence.

Il est certain qu’une telle évolution générale vers plus de mondialisation économique, qui entendait préfigurer un ordre mondial nouveau, se caractérise encore par l’effacement des Etats et l’éclatement de leurs prérogatives régaliennes et d’Etat-providence (cette dernière notion étant d’ailleurs singulièrement oubliée de nos jours, ce qui est symptomatique…).

Mais, devant les nécessités du moment elle doit assurément en contrepoids faire naître l’émergence d’une solide conscience citoyenne mondiale qui ne se limite pas à ce qui est convenu d’appeler l’ « opinion publique internationale » que d’ailleurs manipulent allègrement certains médias.

LA CONDITION DE CITOYEN DU MONDE ET LES QUESTIONS SOCIETALES

En dehors des travers et dérives caractérisés ci-dessus, la conscience citoyenne mondiale doit être renforcée dès lors que se pose une question sociétale à l’échelle mondiale. Or, ces questions sociétales sont largement générées par ce que l’on constate et déplore.

A savoir que :

. aucune société actuelle n’est à l’abri ni de dérèglements climatiques, de pandémies ou de fléaux sanitaires ni d’actes terroristes de nature génocidaire, ainsi que décrits plus haut dans nos propos introductifs;

. la planète Terre et son vaste écosystème, riche de ses innombrables déclinaisons, se détruit à petit feu mais à une allure croissante du fait de l’inconscience de l’être humain qui se croit assis sur une mine inépuisable de ressources et de matières premières ;

. les armes de destructions massives, nucléaires, bactériologiques ou chimiques ne sont plus l’apanage d’Etats supposés responsables mais risquent à court terme d’être contrôlées ou détenues par « Etats voyous » ou par des organisations de terreur sans foi ni loi (voir sur ce même Blog l’article « une paix durable est-elle possible ? » daté du 12/2/2015);

. les compétitions désordonnées auxquelles se livrent les Etats pour s’assurer des ressources énergétiques et autres minerais rares dans les sous-sols et sous les mers, non seulement épuisent à une vitesse exponentielle la planète Terre mais accentuent les dérèglements climatiques, eux-mêmes responsables de multiples catastrophes écologiques (voir sur ce même Blog l’article « Haro sur les catastrophes écologiques d’origine humaine », daté du 11/4/2014);

. la dépendance croissante de l’être humain aux produits de la technologie productrice à l’excès de gadgets lui fait oublier les bases mêmes de sa propre culture, altère jusqu’à sa capacité de se concentrer sur lui-même et aliène ses sens premiers de l’Humanité. Dès lors, le matérialisme érigé en religion se substitue allègrement au peu de spiritualité encore existant, ce sans même parler des dévoiements des valeurs spirituelles et religieuses;

. l' »argent roi », ainsi que le déplorent régulièrement les souverains pontifes depuis Jean-Paul II, crée les scandales les plus abjects sans que les professions de foi en faveur d’un système régulateur puissent prospérer en contre-poids.

Puisqu’il est prouvé que ni les Etats, ni leurs regroupements, ni même les instances onusiennes ne peuvent tout ou qu’ils sont quelque peu défaillants, il faut donc que l’individu où qu’il puisse se trouver sur Terre puisse se prendre en main, et soit en capacité d’agir de façon responsable contre ces phénomènes qui concernent tout le monde sans exclusivité ni sélectivité.

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« Ananas et ses amis », pastel sec – Jipiera – Reproduction interdite –

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C’est globalement tout l’enjeu de la démocratie, qu’elle se signale par son caractère direct avec ses voies appropriées dont il faudra, en dehors de la voie référendaire, en inventer les formes ; ou qu’elle se manifeste de façon participative dont il faudra définir le(s) cadre(s) adéquats (voir sur ce même Blog notre série d’articles « La démocratie participative », datés du 15/12/2014 et du 29/12/2014).

Certes, l’idée de « parlements citoyens » compétents en matière sociétale existe dans les faits au niveau mondial, et l’exemple-type en la matière, comme étant d’ailleurs un pendant du sommet de Davos, en est le Forum Social Mondial dont la première édition eut lieu à Porto Alegre au Brésil en janvier 2001, Forum  auquel nous avions avec bonheur participé au sein de la délégation de l’UNESCO (voir sur ce même Blog l’article « Le monde nouveau » daté du 13/5/2014)…Mais a-t-on entendu parler de la poursuite de cette belle envolée avec d’autres éditions ?….

Il est vrai, sans vouloir en minimiser l’importance et la pertinence, qui sont réelles, qu’il s’agit là d’initiatives privées successives et non d’une institution consacrée par l’onction formelle de la reconnaissance étatique internationale.

Ceci suggère d’ailleurs que dans la logique de notre raisonnement, sans doute faudra-t-il parallèlement redéfinir le format même, et surtout, la fonction même de l’Etat.

Car, si le début du XXème siècle a inventé l’Etat-Providence, la « mondialisation » l’a déconstruit.

Et il faudra donc bien maintenant reconstruire un Etat-Providence sur le fondement d’une nouvelle conscience citoyenne à la fois nationale et mondiale.

Une évolution nécessaire du concept même de l’Etat doit prendre notamment en compte étroit comme étant des éléments structurants, et plus que jamais,  la prévention et la sécurité sanitaires, l’augmentation considérable de la population, la nécessité absolue d’assurer la sécurité alimentaire, le développement anarchique des flux migratoires, la dimension vitale de l’écologique et les dangers inhérents à la frustration sociale.

Car, il n’est pas normal que l’Etat soit incapable d’intégrer ces dimensions fondamentales qui guident désormais l’avenir de l’humanité.

Bref, dans la prise en compte de ces considérations l’institutionnalisation du statut de citoyen du monde n’est certes pas pour aujourd’hui, ni même peut-être jamais, mais du moins est-il utile, voire nécessaire, d’évoluer dans cette perspective.

Mais en tout cas, rien n’interdit de procéder méthodiquement par étapes successives, mais résolument.

printemps (4)

« Printemps » (jipiera), aquarelle – Reproduction interdite –


EN GUISE DE CONCLUSION (PROVISOIRE): LA TERRE EN USUFRUIT

Ce qui sans doute fera davantage prendre à l’être humain et à ses superstructures étatiques une meilleure conscience de leurs droits, devoirs et responsabilités sur Terre en tant que citoyen du monde et détenteur de la puissance publique, est qu’au fond, et devant l’éternité, personne ne saurait prétendre être propriétaire de la Terre; que l’être humain soit le fruit du hasard et des nécessités ou le produit de l’œuvre divine, dans tous les cas sa condition sur Terre est seulement celle d’un usufruitier.

Il en résulte qu’il a un devoir de conservation, d’entretien et de valorisation, avec certes un droit de jouissance et d’en récolter les fruits, mais certainement pas d’en disposer comme bon lui semble… ! Car, la preuve est faite depuis belle lurette que l’Homme spolie, viole et saccage la Nature avec une suffisance criminelle, au seul prétexte, bien paradoxal, de s’assurer sa survie, sa vie et son confort sur Terre…

Quant à l’Etat et ses structures, en tant que gestionnaires du domaine public et garants de l’intégrité des territoires (au sens foncier du terme), ils n’en disposent pas davantage au regard, notamment, des considérations environnementales, climatiques, écologiques et sanitaires, mais ont par contre le devoir de les sauvegarder et de les préserver dans leur intégrité, leur pérennité et dans leur nature.

Ces mêmes considérations environnementales, climatiques, écologiques et sanitaires planétaires obligent les Etats à se concerter et à s’accorder entre eux dans l’esprit d’une solidarité active rendue absolument nécessaire. Ce qui dépasse largement une conception étriquée de la notion de « souveraineté nationale » dont il faudra en redéfinir les contours.

Et à ce point de vue, les « citoyens mondiaux » non seulement ont leur mot à dire mais doivent être entendus, si tant est qu’ils sachent agir avec conscience, adéquation et responsabilité – ce qui n’est pas acquis d’avance…! -.

Précisons enfin comme étant une règle de droit international que sur Terre tout individu doit être rattaché à un Etat déterminé, sans lui interdire d’avoir d’autres citoyennetés, et que nul ne peut être rendu apatride sauf le cas spécifique du statut de réfugié, ce qui dans ce dernier cas très encadré suggère l’idée de transcendance étatique en matière de citoyenneté.

Ainsi, s’ouvre peut-être des pistes de réflexion pour instituer, parallèlement à la citoyenneté nationale et en sus, une citoyenneté mondiale mais limitée à des questions sociétales spécifiques – ce qui n’induit aucunement un caractère limitatif – .

Poussant la réflexion loin devant, le fameux écrivain et penseur argentin Jorge Luis Borges disait fort justement : « Cette idée de frontières et de nations me parait absurde. La seule chose qui peut nous sauver est d’être des citoyens du Monde… ».

Pratiquement et institutionnellement, une telle éventualité ne pourrait s’envisager que dans le cadre des instances onusiennes.

Il appartient donc aux Etats membres de prendre toutes initiatives dans ce sens, mais le Saint-Siège en tant qu’observateur – comme il sait le faire – et toutes les autres entités bénéficiant du même statut devraient exercer le maximum de pression afin que cet idéal de « citoyenneté mondiale » prenne corps et soit formellement reconnu.

Enfin, nous parlons bien de « citoyenneté mondiale » et non de « citoyenneté internationale », ce qui est différent…

Sublime repas

« Après un si bon repas », pastel à l’huile – Jipiera – Reproduction interdite –

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EXPERIENCES PERSONNELLES

Ces réflexions, je les ait mûries au bout d’expériences personnelles de séjours, plus ou moins prolongés, hors de mon pays natal qu’est Madagascar.

Oui, car après les dix premières années de ma petite vie dans ce paradis, qui cependant tangue dangereusement ces derniers temps, j’ai ensuite vécu trois ans en Italie, cinq ans au Royaume-Uni, six mois durant en Grèce, à présent enraciné en France, étant à jamais marqué par ces pays de naissance (Madagascar où, en bon Malgache fidèle à ses traditions séculaires, à la fin de mes jours je reviendrai définitivement dans mes terres ancestrales, c’est sûr !) et de résidences successives, mais aussi sans jamais oublier mes déplacements et courts séjours, plus ou moins fréquents, aux Etats-Unis, en Suisse, en Espagne, au Portugal, en Roumanie, à Monaco, en Allemagne, au Maroc, en Tunisie, au Liban, au Burkina-Faso, au Sénégal, au Mali, à La Réunion …

Bref, dans tous ces pays où j’ai mis les pieds, le sentiment d’appartenance à une et unique citoyenneté du monde m’a animé, vaguement au début, puis avec certitude dans les derniers temps. Celui du partage des préoccupations sur la condition humaine qui dépasse les frontières, celui de la rencontre des émotions et des affinités avec des femmes et des hommes en dehors des craintes identitaires et des réflexes de retrait, celui de l’altérité vraie qui se réfère à la considération d’autrui, celui de l’intérêt et de l’attirance réciproques que provoquent le constat d’affinités, de complicité, ou la différence et l’attrait des contraires…

Or, tout ceci n’efface nullement le confort et la satisfaction d’être soi-même parce que chacun garde – se doit de garder – vivantes ses propres racines, références et personnalité.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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LES CONDITIONS D’UNE PAIX DURABLE

volana-sy-lamba

« Volana sy lamba – Lune et lamba » – Jipiera – Reproduction interdite 


Le 24 février 2023 l’Assemblée générale de l’ONU a voté une résolution appelant à la Paix durable en Ukraine et conditionnée notamment par le retrait des troupes russes. On sait qu’une résolution de ce type n’a aucun caractère contraignant, mais du moins l’on enregistre que les nations, unies par l’idéal de paix, même si sept autres pays aient opposé un vote contraire et trente-deux autres se soient abstenus, ont voulu l’imposer.

On se souvient que la prise de fonction de Monsieur Antonio Guterres, le nouveau Secrétaire général des Nations Unies, au mois de janvier 2017 avait fondé quelque espoir pour un changement pleinement ressenti dans le sens d’une ferme et déterminante volonté pour imposer la paix internationale. Lui qui dans son discours inaugural a fixé, à fort juste raison, comme objectif majeur la prévention des conflits.

Poser la question n’est, dans notre entendement, pas pour dénier à son prédécesseur, Monsieur Ban Ky Moon, un manque de volonté en la matière – au contraire – , car il n’avait eu de cesse de déployer tous les efforts qu’on attendait de lui.

Elle vise plutôt certains travers – que dis-je : certains actes criminogènes et criminels – de certaines grandes ou moyennes ou petites puissances, agissantes, dominatrices et fières d’elles-mêmes, et de certains groupes également, prenant leurs ordres auprès de puissances obscures, qui tous au prétexte d’intérêts « vitaux »  ou au nom de valeurs qui s’avèrent fallacieuses, n’hésitent pas à ébranler l’ordre international et la conscience humaine.

A cela s’ajoute que par une exploitation de la mémoire à laquelle les nations s’adonnent volontiers, celles qui se considèrent les plus puissantes puisent dans leurs histoires respectives des raisons de (re)constituer leurs empires d’antan avec cette certitude que leur procure la conviction de servir une certaine grandeur civilisationnelle…Et bien entendu, le tout se doit d’être couvert par la (re)constitution d’un instrument militaire à la hauteur de leurs ambitions grandioses de conquête multiforme alliant « soft ware » et « hard ware »…

La problématique de la Paix internationale revêt ainsi un caractère complexe croissant et a ses ressorts et ses leviers qu’il convient d’identifier afin de pouvoir mettre en oeuvre et en marche une sorte de machinerie apte à engager tout le monde dans une visée commune.

C’est ce que nous essayons de considérer ici.

                                           LES CONDITIONS D’UNE PAIX DURABLE

La Charte des Nations Unies reconnaît à chaque Etat, en son article 51, la légitime défense et donc le droit de belligérance en cas d’agression de la part d’un autre Etat ou d’une autre nature.

De son côté, pour protéger les populations, la Convention de Genève du 10 juin 1977, en son Protocole additionnel n° 1, définit l’état de conflit armé à caractère international quand il implique des Etats entre eux ou des peuples en lutte contre la domination coloniale ou contre des régimes racistes.

Dans tous les cas, c’est la Paix durable internationale qui est donc en jeu.

reines-claudes sur lamba

« Reines-claudes sur lamba » – Roberta Faulhaber et Jipiera – Reproduction interdite 


A l’heure actuelle et depuis 1946, le seul exemple d’un pays ayant formellement renoncé aux droits de belligérance et de légitime défense, devançant ainsi les dispositions de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, est fourni par le Japon, cette renonciation étant formalisée en l’article 9 de sa constitution.

Mais, devant les menaces engendrées par la guerre froide en Asie extrême orientale, ce sont les Etats-Unis qui en 1951 décident du réarmement japonais.

Et tout récemment en 2015 et sur trois années successives, en prévention, tant de possibles conflits armés avec la Chine à propos du contentieux territorial autour des îles Senkaku, qu’en vue d’opérations spéciales éventuelles à mener contre l’ « Etat Islamique », ou en prévision d’opérations-éclair contre la Corée du Nord dans le cadre de son alliance avec des Etats-Unis volontiers guerriers avec son nouveau Président Trump, le Japon a considérablement augmenté son budget militaire et les entraînements des forces d’«auto défense japonaises » (tel étant son nom officiel) n’ont jamais été aussi intenses.

L’ETAT ACTUEL DE LA SITUATION

Ainsi, depuis la fin de la guerre froide la réalité de la paix durable tend de plus en plus à apparaître sous sa facette illusoire.

Pour leur part, les Nations Unies dont deux des missions premières sont la sauvegarde et le maintien de la Paix dans le monde ont, on le sait, la capacité de mobiliser à chaque fois que nécessaire une force de maintien de la Paix aux fins de cessez-le-feu et de séparation des belligérants pour faire place à un processus de recherche de solutions pacifiques.

Mais, tant la multiplication et la permanence des conflits que leur complexité croissante et les échecs enregistrés ont décidé le Secrétaire général des Nations Unies à prendre l’initiative en janvier 2013 de proposer au Conseil de Sécurité des missions plus globales et précises à la fois, sans doute plus innovantes également, pour les forces de maintien de la Paix opérant à travers le monde, ce qui a effectivement été adopté par une « Résolution 2086 » du 21 janvier 2013 sous la présidence du ministre pakistanais des affaires étrangères dont le pays continue de fournir régulièrement des contingents de militaires et de policiers au service de la Paix dans le monde.

Au-delà des deux types de missions rappelés plus haut, il s’agit que ces forces multinationales placées sous l’autorité et le commandement exclusifs des Nations Unies, tiennent pour objectif principal d’être en mesure de faciliter la mise en oeuvre des fondements d’une paix durable (associant Paix et Développement) entre les parties en conflit armé, et ce en ces termes :

« United Nations peacekeeping activities should be conducted in a manner so as to facilitate post-conflict peacebuilding, prevention of relapse of armed conflict and progress toward sustainable peace and development ».

Ceci veut dire qu’au-delà de ces forces onusiennes et de leurs missions spécifiques, il y aura à accompagner activement et parallèlement :

. la sécurisation d’opérations consistant à réintégrer d’anciens combattants à la vie civile ;
. la mise sur pied de dispositifs de sécurité nationale ;
. le renforcement de l’Etat de droit ;
. la mise en œuvre de processus de réconciliation et d’inclusivité politique ;
. la protection des civils et de leurs droits ;
. la restructuration institutionnelle ;
. l’aide humanitaire.

L’expérience onusienne réussie au Timor-Oriental a incité à cette réforme onusienne. Ce besoin de réforme a également largement bénéficié des dures expériences burundaise, libérienne et de la Sierra Leone.

Il est évident que l’ampleur et la lourdeur de telles missions allant bien au-delà des capacités des seules forces onusiennes et de ce que les Etats ou organisations internationales associées pourraient individuellement ou collectivement offrir, une coordination sans faille de tous les intervenants est rendu plus que nécessaire et demande une direction et une gestion d’une grande rigueur impliquant une répartition claire des tâches.

A cet égard, la mobilisation des capacités onusiennes s’est traduite par le rapprochement opérationnel de l’important Département des opérations de maintien de la Paix de l’ONU et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

D’autre part, afin de permettre aux pays concernés de participer aux décisions onusiennes et de prévenir tout risque de retour au conflit, une « Commission de la Paix » a été mise en place.

Par ailleurs, sur le plan technique, la Banque Mondiale, les organisations régionales, les organisations spécialisées ainsi que les ONG sont également sollicitées.

Les dispositifs sont ainsi en ordre de marche.

Mais, les réalités mouvantes du terrain, on le voit tous les jours, dépassent largement les prévisions.

Car par définition, les conflits actuels n’obéissent plus à des schémas déterminés et inévitablement les états-majors nationaux, internationaux et onusiens sont régulièrement pris de court devant la déferlante des forces d’agression émanant moins des Etats constitués que d’organisations téléguidées de près ou de loin par ces derniers.

Même les Etats dits « voyous » les redoutent à cause de leur capacité destructrice de l’ordre établi, de sorte que par nécessité sécuritaire d’étranges alliances se font désormais jour entre Etats « civilisés » et Etats « voyous » dans certaines régions infestées par la gangrène terroriste.

Par ailleurs, des guerres par procuration ou à visages couverts (cf. l’invasion récente de la Crimée) caractérisent l’époque actuelle ; elles sont ainsi d’autant plus sauvages et meurtrières que ceux qui les couvrent n’ont de compte à rendre à quiconque.

Devant ces phénomènes dévastateurs, les Nations Unies, les Etats et les organisations régionales et spécialisées doivent faire preuve de plus de volonté.

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« Mural » – Jipiera – Reproduction interdite


POUR UNE FORCE PERMANENTE D’INTERVENTION RAPIDE ONUSIENNE – LE FPIRO –

Devant la multiplication fulgurante actuelle des conflits armés de toutes natures, qui voient proliférer dangereusement des groupes armés incontrôlables qui risquent sérieusement de maîtriser les armes les plus terrifiantes, nucléaires, chimiques ou biologiques, l’émergence d’une telle force permanente d’intervention rapide onusienne se justifie avec une urgence absolue.

Or, elle n’existe pas, et n’existera sans doute jamais si les paradigmes ne changent pas et si les insuffisances dues à un manque de volonté ne sont pas comblées.

Actuellement et en répétition de « recettes » désormais éculées, et à l’exception notoire de l’OTAN et son commandement intégré, seules existent des forces constituées occasionnellement avec des effectifs et des moyens dérisoires, qu’elles soient décidées directement par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et placées sous sa responsabilité directe, ou qu’elles soient constituées par des accords spéciaux réunissant des Etats alliés circonstanciellement par des intérêts communs, ou encore qu’elles soient constituées au niveau régional par des organisations régionales.

Dans la forme, tout ceci se conforme aux dispositions des chapitres VII et VIII de la Charte des Nations Unies.

Mais alors, on peut légitimement se demander pourquoi forts de ces dispositifs juridiques les Etats membres des Nations Unies qui, selon le Préambule de la Charte ayant créé l’Organisation du même nom, se sont engagés à « réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la Paix » et, ce faisant, « à unir nos forces pour maintenir la Paix et la Sécurité internationales », ne soient au fond jamais parvenus à utiliser à bon escient les pleines ressources de ces instruments juridiques et institutionnels en résultant ?

En fait la question, loin d’être naïve, pointe du doigt les incohérences et les lourdeurs du système d’intervention rapide des Nations Unies incarné par le Conseil de Sécurité, qui rend tout simplement non opérationnelles maintes initiatives exprimées ou souhaitées du fait de l’incapacité des Etats membres à s’entendre sur un strict minimum.

Et, ce ne sont pas les quelques résolutions ponctuelles décidées, soit par le Conseil de Sécurité, soit par l’Assemblée générale, qui seraient de nature à corriger ce triste constat.

Soulignons d’ailleurs que l’Assemblée générale est institutionnellement privée de toute initiative dès lors que le Conseil de Sécurité s’est saisi prioritairement d’une affaire particulière en matière de maintien de la paix et de sécurité internationales (cf. article 24 de la Charte), ce aux termes de l’article 12 de la Charte des Nations Unies.

Or également, on sait que pour faire adopter au sein du Conseil de Sécurité une quelconque résolution urgente d’intervention rapide (qu’elle soit militaire, civile ou humanitaire…) au sens de l’article 24 précité, un vote unanime ou à une majorité qualifiée est requis, ayant souvent pour caractéristique ou conséquence d’édulcorer quelque peu tout projet de résolution à lui soumettre afin qu’il ait le maximum de chance d’être adopté…

Et pourtant, en cas de mesures ou de solutions jugées « inadéquates » ou qui se sont révélées telles, le Conseil de Sécurité peut bel et bien, de sa propre initiative, entreprendre « toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales », ce « au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres » (article 42 de la Charte).

D’ailleurs, il dispose en permanence pour cela et afin de définir concrètement la stratégie d’action, y compris pour mettre en œuvre la combinaison des moyens, l’assistance et les facilités à fournir par les Etats pour l’emploi de ces forces, d’un Comité d’Etat-Major composé des chefs d’Etat-Major des membres permanents du Conseil de Sécurité (article 46 et suivants de la Charte).

Alors, comment se fait-il, pour ne prendre que ces exemples criants, qu’en tant que telles les Nations Unies soient si absentes dans les nécessaires luttes pour éradiquer les terribles crimes commis par Al Quaïda, l’Etat Islamique, Daesh ou Boko Haram, qui se propagent partout, à telle enseigne qu’aucun Etat ne peut plus se considérer comme à l’abri ?

LA PRIORITE DES PRIORITES DANS LE CONTEXTE ACTUEL

Les nations unies, c’est à dire les nations membres de l’organisation du même nom unies autour de la charte dont elles ont doté ladite organisation universelle, ne peuvent plus s’abriter derrière la sacro-sainte souveraineté des Etats, ni se contenter d’invoquer la responsabilité de ces Etats dans les prises de décision.

Car, de par la Charte elle-même les Nations Unies ont un mandat général et permanent qui leur permet de prendre toutes les initiatives adéquates et de directement s’arroger le droit d’intervention rapide sans se sentir obligées d’agir par le truchement des Etats ni de dépendre de leur initiative.

C’est, au-delà du « droit d’ingérence » humanitaire jusqu’ici admis, l’édiction normative de « la légitime intervention pour autrui et pour la sauvegarde de l’humanité ».

Or, si l’Habeas Corpus existe pour l’individu, désormais pour soutenir l’avancement de l’Humanité il doit pareillement exister au profit du corps social un corpus juridique et statutaire équivalent.

En l’état actuel de la situation mondiale et pour que les récurrences détestables de l’Histoire n’imposent pas leur loi, ceci doit se traduire concrètement et urgemment par la constitution d’une Force Permanente d’Intervention Rapide Onusienne (FPIRO), capable de se déployer immédiatement sur ordre du Secrétaire Général des Nations Unies, qui aura ainsi compétence liée et sous le contrôle combiné du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale.

Ce qui implique que de façon permanente et sous l’autorité du Secrétaire Général le Comité d’Etat-Major des Nations Unies soit en mesure d’élaborer, comme le font les Etats-majors nationaux au niveau de chaque Etat, les scenarii de conflits prévisibles et en cours pour être en mesure de conseiller en temps utile le Secrétaire Général, le Conseil de Sécurité et l’Assemblée générale, chacun étant dans ses prérogatives propres, en vue des décisions à prendre.

Si l’on veut s’attaquer aux problèmes mobilisateurs de fond, il nous semble – et nous sommes convaincus – que la priorité des priorités des Nations Unies est celle-là. Celle de la représentativité qu’est la réforme de la composition du Conseil de Sécurité, qui intéresse en particulier l’Allemagne, le Japon et l’Afrique, pour légitime qu’elle soit, apparaît ainsi secondaire.

Cette dernière est d’ailleurs émaillée de réflexions et de tractations diverses qui perdurent maintenant depuis tant d’années sans qu’on ait même avancé d’un iota !…

Une paix durable a ses exigences.

Vœu illusoire ?

En la matière, rien n’est illusoire dès lors qu’il s’agit avant tout de volonté dans la défense et la promotion des valeurs que les civilisations et l’humanité partagent.

Deux faits très récents démontrent, s’il en était besoin, une volonté désormais palpable: La Ligue Arabe, par la voix de son secrétaire général qui s’est exprimé ce 9 mars 2015, faisant ainsi écho à une initiative évoquée par l’Egypte, préconise la constitution d’une force d’intervention rapide pour « lutter contre le terrorisme »; et dans la lutte contre Boko Haram, le Nigeria et le Tchad se liguent pour combattre, avec quelques succès, cette organisation terroriste.

Il reste donc à faire en sorte que de telles initiatives non seulement ne demeurent pas isolées et circonstancielles mais constituent les premières pierres d’un édifice d’un système d’intervention rapide coordonnée et obéissant à un schéma opérationnel précis.

Profusion florale 3

« Profusion florale » – Jipiera – Reproduction interdite


IN FINE : POUR UNE DECLARATION UNIVERSELLE DE DEFENSE ET DE PROMOTION DES IDEAUX DEMOCRATIQUES

S’il est pourtant vrai que là ne devrait pas, en principe, résider le coeur des efforts des nations unies, alors il faut se concentrer davantage, sérieusement et dans un esprit déterminé, sur les initiatives les plus efficaces tendant à renforcer les instances de dialogue, tant dans la prévention des conflits que dans la recherche, le maintien et la promotion de la paix.

A cet égard, le 24 janvier 2017 s’est ouvert le « Dialogue de haut niveau pour la recherche de la Paix durable et du développement durable », un diptyque indispensable que nous avons évoqué plus haut.

Précisément, il s’agit de trouver toutes les synergies autour de l’Agenda 2030 de l’ONU « Pour le développement durable et la paix durable ».

Etats, organisations non-gouvernementales, entités publiques et privées, ainsi que tous les citoyens du monde sont invités à y participer activement.

Ceci, afin que les nations unies retrouvent les idéaux qui constituent leur raison d’être…

Et notamment pour inculquer un esprit universel de défense de ces idéaux.

A l’instar de la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme » de 1948 adoptée par des Nations Unies fraichement nées au sortir de la seconde guerre mondiale, il y aurait certainement lieu à faire de même pour une « Déclaration Universelle de Défense et de Promotion des Idéaux Démocratiques ».

Rappelons que la Déclaration de 1948 sur les droits de l’Homme avait acquis son caractère universel parce qu’elle avait été adoptée unanimement par les représentants des Nations Unies naissantes, mais substantiellement parce que, au préalable, sa rédaction était l’oeuvre commune de grands juristes occidentaux, asiatiques et arabes, représentatifs des pensées juridiques de ce monde.

Aujourd’hui en ce début du XXIème siècle, les peuples se sont suffisamment imprégné des normes, valeurs et principes générés par l’immense édifice normatif et référentiel bâti par leurs représentants, en les faisant leurs, pour que, franchissant une étape supplémentaire ils en ajoutent un étage de plus par l’adoption de cette Déclaration Universelle de Défense et de Promotion des Idéaux Démocratiques qu’on appelle de nos voeux.

De la sorte, peut-être pourra-t-on définitivement tordre son cou à cet adage semble-t-il cher au coeur des dirigeants de ce bas monde et qui dit : « si tu veux la Paix, fais la guerre ».

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

Reflexions soutenues par « FOCUS CHINE – YING & JP ASSOCIES »

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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