« Souveraineté » (jpra)
Cet article a été écrit il y a deux ans, quasiment date pour date…
Et pourtant, il reste d’actualité.
Car, peu ou prou le contexte et les insuffisances relevés demeurent les mêmes, de sorte que nous ne pouvons que confirmer ici, ci-dessous, notre propos d’alors…
LE NECESSAIRE REDRESSEMENT DIPLOMATIQUE DE MADAGASCAR
En très peu de mots comme en mille, l’évident isolement diplomatique de Madagascar, loin d’être une fatalité résultant des crises qu’elle traverse depuis 2009 et des fléaux climatiques de ces derniers temps, est la conséquence directe d’importantes lacunes dans la gouvernance.
En peu de mots comme en mille également, avec la volonté et de la méthode tout par ailleurs étant possible, redresser la barre en cette matière diplomatique ne demande pas nécessairement des moyens financiers colossaux ni insurmontables.
Les importantes lacunes et incohérences de la gouvernance malagasy en matière diplomatique concerne moins la conception et l’affirmation des orientations, maintes fois portées tous azimuts par le Président de la République, que l’entretien, la maîtrise et la gestion du dispositif, de l’action et du message diplomatiques.
Ainsi :
1. depuis 2009, et alors que le nouveau régime issu d’élections jugées conformes aux standards démocratiques s’est installé début 2014, les ambassades et représentations permanentes malagasy, dont les ambassadeurs avaient été prestement éliminés brutalement et en toute illégalité, sont laissées dans un état de décrépitude signalée, ce au mépris même de la considération due aux autorités d’accréditation, cette situation n’étant à ce jour toujours pas solutionnée. C’est une anomalie sans précédent dans les annales ;
2. conséquemment, les orientations prônées par le Président de la République et mises en œuvre par le Gouvernement ne sont pas relayées, en promotion et en plaidoyer, à l’extérieur du pays au niveau approprié et en toute sûreté comme il se doit. Paradoxalement et de ce fait, ce sont les ambassades et représentations permanentes étrangères accréditées à Madagascar qui assurent ce relais, avec toutes les réserves que cela implique puisque les communications ainsi opérées passent nécessairement par le filtre des considérations contingentes et sélectives, parfois même déviantes, de ces ambassades et représentations permanentes à leurs autorités de tutelle.
MESURES AD MINIMA A PRENDRE
En toute logique et sans qu’il soit nécessaire d’argumenter davantage, le redressement souhaitable aux niveaux évoqués passe donc par des actions à l’exact opposé de la situation décrite supra.
A ces égards, qu’on ne nous oppose pas l’argument financier habituel consistant à dire qu’un redressement de ce dispositif diplomatique est rendu difficile, voire impossible, en l’état actuel des finances publiques.
En effet :
3. d’abord, c’est une question de principe : la diplomatie est un instrument de la souveraineté et de l’action étatique régalienne. Ensuite, une question de bonne gouvernance : l’apathie diplomatique est le contraire même de la nécessité vitale pour une nation d’exister et de participer activement à la vie internationale et au fonctionnement de la communauté des nations ;
4. une planification en la matière est rendue nécessaire, avec la définition d’objectifs chiffrés et séquencés, une programmation tant en dotations matérielles, en réformes structurelles qu’en renforcement des capacités pour le personnel diplomatique, s’inscrivant dans le temps, et une stratégie d’action à ces différents niveaux, le tout devant être soutenue par un projet de lois de programmation financière (chaque loi ayant, par exemple, une durée triennale et reconductible) que le Gouvernement se doit de défendre devant l’Assemblée nationale, ces lois de programmation financière devant être conçues comme étant autant de gages de la permanence d’un dispositif diplomatique performant ;
5. l’Etat malagasy démontrant ainsi sa volonté politique de se donner les moyens structurels de ce redressement diplomatique, pourra avec raison et légitimité se tourner vers ses partenaires internationaux pour solliciter des appuis budgétaires et une coopération ciblée. D’expérience, nous pouvons en parler, car dès notre prise de fonction comme ambassadeur en France en 2002, nous avions obtenu, moyennant un plan de redressement argumenté, de convaincre la France de nous accorder, dans le cadre général de la coopération institutionnelle, un appui budgétaire
Nul doute que dans le secret de leur réflexion et projet – espérons-nous – , le Président de la République et son Ministre des Affaites étrangères s’y consacrent activement afin que Madagascar sorte de l’ornière.
ATTENDRE LE DELUGE ?
Nous l’écrivions à longueur de lignes dans nos précédentes écritures, le redressement général de Madagascar passe aussi par celui de sa diplomatie, laquelle ne saurait se réduire à une « diplomatie du ventre » mais doit au contraire servir à promouvoir et à défendre à l’extérieur la personnalité d’un pays et d’un peuple dont on ne cesse, à juste raison, de souligner les spécificités.
L’urgence est d’autant plus requise que, pour ne se baser que sur ce seul exemple significatif, l’isolement de Madagascar avait été souligné au sein de la SADC lors du Conseil Ministériel des 6 et 7 mars 2015 à Harare (Zimbabwe).
Ledit Conseil avait fait savoir à tous qu’aucun Etat membre, sauf Madagascar, n’a d’arriérés de cotisation dépassant un an au sein de cette organisation régionale. Notre pays n’avait échappé à une sanction, prévue dans les statuts de la SADC, que grâce à un plan de règlement échelonné des importants arriérés, dont l’application stricte par la partie malagasy est placée sous surveillance…
Par ailleurs, si la SADC avait relèvé les difficultés auxquelles Madagascar était confrontée à cause des intempéries et inondations de l’année 2015, les motifs des décisions du dernier Conseil Ministériel de la SADC de mars 2015 relèvent que notre pays n’était pas le seul puisque le Malawi, le Mozambique, la Tanzanie ainsi que le Kenya avaient eu et ont à subir des dévastations d’ampleur équivalente.
Ce constat d’il y a deux ans, non remédié, n’est qu’une triste illustration de l’état lamentable où se trouve notre diplomatie.
Ainsi donc, la bonne gouvernance tant prônée, jamais mise en oeuvre, concerne aussi de façon affligeante le domaine diplomatique, comme pour le reste.
Il ne suffit pas, bien entendu, de nommer des ambassadeurs ici et là comme pour conjurer le sort.
Car, il est évident que si les mesures minimum préconisées plus haut ne sont pas prises, de telles nominations – d’ailleurs maintes et maintes fois annoncées et jamais rendues effectives…- ressembleront à autant d’opérations désespérantes d’inanité.
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
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