L' »EMPEREUR DE MADAGASCAR »

approche de madagascar (2)

« L’approche de Madagascar, XVIème siècle », gouache – Jipiera – Reproduction interdite –


                                        L’ « EMPEREUR DE MADAGASCAR »

Hier comme aujourd’hui, c’est dans les méandres et les louvoiements du cours de l’histoire malgache qu’interviennent des personnages d’aventures qui, pour certains d’entre eux, étant pourtant dignes d’intérêt historique, mais pas nécessairement glorieux, méritent cependant d’être contés.

C’est le cas de Benyowski. Nous sommes au début du XVIIIème siècle.

Ce d’autant plus qu’un célèbre écrivain français de notre temps a cru devoir glorifier notre aventurier du titre d' »unificateur de Madagascar »…- Cf. notre Postscriptum en fin d’article -.

Alors, faisons le point sur le « cas Benyowski ».

                                                                                   *

Baron ou Comte, on ne sait plus, Benyowski le polono-hongrois qui cachait bien la source de ses origines, fut un aventurier haut en couleur d’une espèce aussi rare que fascinante, issu d’une classe mondaine saisie par le désoeuvrement mais douée d’une intelligence et d’une verve certaines.

A la suite de quelques méfaits commis ici et là qui lui valurent quelques condamnations carcérales, le voici qui s’évade d’une prison russe au Kamtchatka dans des conditions aussi rocambolesques qu’obscures, comme il se doit…pour finalement parvenir à l’Ile Maurice, alors « Ile de France ».

De là, notre personnage saisit l’occasion des échecs successifs d’implantations françaises à Madagascar, en particulier à Fort-Dauphin et ses environs (cf. sur ce même Blog les articles intitulés « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », 1ère partie, daté du 5/10/2013, et « Ramananolona : la fidélité et la loyauté d’un prince », daté du 10/8/2014), pour présenter au gouvernement français ses services.

Voici donc Benyowski à Versailles en 1773, emportant la conviction des ministres du Roi Louis XV, qui lui confient le soin d’organiser et de mener une expédition armée à Madagascar !

Benyowski n’en attendait pas tant, lui qui avait prétendu bénéficier d’un grand prestige personnel auprès des chefs locaux malgaches, lesquels d’après ses dires pourraient l’aider à conquérir de vastes territoires, et certainement l’île entière de Madagascar !!! Il lui suffirait pour cela de seulement une centaine d’hommes !

En effet, Benyowski avaient sous son influence quelques petits chefs locaux de la côte orientale du nord de Madagascar, lui étant suffisamment naïf et mégalomane pour s’imaginer que tous les autres chefs ou roitelets locaux seraient du même acabit.

Il partit donc pour Madagascar avec un petit corps expéditionnaire d’une centaine d’hommes, les « Volontaires de Benyowski » accompagnés de quelques colons, avec pour mission officielle de créer un poste de traite dans la Baie d’Antongil (dans un triangle compris entre Mananara à l’ouest, le Cap Masoala à l’est et Maroantsetra au nord), avec l’appui des autorités françaises de l’Ile de France (l’Ile deviendra « Ile Maurice » après sa cession aux Anglais en 1810).

Dans ses vues grandioses, et pour emporter cette décision inédite, Benyowski dit avoir créé un bourg baptisé… « Louisbourg » en hommage au Roi Louis XV, et avoir établi plusieurs postes aux alentours, notamment à Mananara et à Foulpointe, et dans sa mégalomanie voulut faire croire qu’à partir de ce tremplin il pourrait étendre notablement son territoire !

Dans ses rapports envoyés à ses ministres en France, Benyowski prétendait avoir conquis rien de moins que l’ïle entière de Madagascar, ce qui, poursuit-il, aurait permis d’ouvrir une route reliant la côte est de Madagascar à sa côte ouest !!!…A l’appui de ses dires il envoya même quelques plans factices de bâtiments et villes qu’il aurait élevés par ses propres moyens !

Cependant, les autorités françaises de l’Ile de France n’y voyaient que pure affabulations et en avertirent leur gouvernement, mais Benyowski avait suffisamment de partisans zélés à la cour de Versailles, si bien que ce n’est seulement qu’en 1776 que deux commissaires-enquêteurs purent constater in situ combien le gouvernement français avait été trompé par les facéties de Benyowski.

Celui-ci dut rentrer en France, mais curieusement aucune sanction ne lui fut infligée.

                                                                               **

A nouveau donc, le noble slave Benyowski fit jouer ses indéniables qualités de paroles pour tenter de monter une autre expédition, cette fois-ci auprès de son propre souverain l’empereur d’Autriche puis auprès du gouvernement anglais, disant à qui voulait l’entendre que, reconnu par les Malgaches comme un Zafi-Raminia (descendant de Raminia) *, ceux-ci non seulement attendaient impatiemment son retour mais l’avaient déjà reconnu comme un « MpanzakaBe » (empereur) de Madagascar !

C’est finalement l’Américain Benjamin Franklin qui le conseilla d’aller aux Etats-Unis défendre son projet et, de fait, Benyowski y trouva bon accueil auprès d’une compagnie maritime anglo-américaine qui non seulement lui affréta un navire mais dont la plupart des porteurs de parts firent le voyage de Madagascar avec lui.

Fort de ce nouvel appui qui lui donna toute liberté d’action, et déterminé à réaliser ses projets chimériques, Benyowski embarque à Baltimore pour débarquer au bout d’un long périple au cap Saint-Sébastien à Madagascar.

Mais, très vite Benyowski abandonne ses compagnons de route pour aller attaquer les quelques petits postes militaires français établis sur les côtes est de Madagascar et réaliser ses ambitions de « conquête », en particulier en organisant le soulèvement des roitelets et chefs locaux contre les commerçants français.

Les autorités françaises de l’Ile de France, alertées par ces nouvelles incartades benyowskiniennes appuyées, au surplus, par des Anglo-saxons, montèrent très vite une expédition militaire avec pour unique mission de capturer Benyowski.

Celui-ci, qui ne manquait pas de courage et de bravoure au combat, fut finalement tué lors d’une bataille le 24 mai 1786.

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« Montagnes sacrées », acrylique – Jipiera – Reproduction interdite –

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Ainsi prirent fin les aventures malheureuses du prétendu « Empereur de Madagascar » qui, à n’en pas douter, a trompé tout son monde, en France comme à Madagascar et ailleurs.

Mais assurément, grâce à la magie du verbe à laquelle les Malgaches sont extrêmement (trop) sensibles, il réussit à exciter leur imagination et les a fortement impressionnés et, de la sorte, il n’était pas étonnant que beaucoup des roitelets et chefs malgaches des côtes orientales, désireux d’asseoir ou d’étendre leur autorité et leurs territoires face aux traitants français, l’aient, au moins par affection ou par fascination devant un homme aussi volontaire, gratifié du titre mirifique d’ »Empereur de Madagascar » !

D’autre part, il faut tout de même rendre justice à Benyowski. Car, son « oeuvre » n’a pas été négative sur toute la ligne, loin de là…

En effet, il avait envoyé, vers l’intérieur des terres malgaches des hauts-plateaux alors inconnues des Européens, des missions d’exploration grâce auxquelles en particulier Mayeur, le « découvreur » français de l’Imerina et du futur grand-roi Andrianampoinimerina, put décrire ce que ce prospère pays des terres centrales malgaches recelait de richesses en hommes et en réalisations par rapport aux pays des côtes, ce même en dépit des troubles politiques qui s’y déroulaient en ces temps-là.

Enfin, il faut bien reconnaître que les aventures de Benyowski avaient également excité l’imagination d’un public européen épris de récits extraordinaires.

Benyowski a relaté ses aventures dans des « Mémoires », avec la même verve et les mêmes capacités emphatiques que quand il parlait.

Si bien qu’après sa mort la publication de ses Mémoires à Londres en 1790 fut un surprenant succès, à telle enseigne que des traductions en plusieurs langues durent être assurées.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

POSTSCRIPTUM:

Telle est en résumé la vérité historique très contrastée, de laquelle l’académicien et écrivain Jean-Christophe Rufin, dont la qualité d’écriture est par ailleurs indéniablement pénétrante, s’est imprudemment écarté dans son dernier ouvrage « Le tour du monde du roi Zibeline » en affirmant péremptoirement – et en le répétant avec force conviction dans une émission radiophonique de « France Inter » en mai 2017 – que Beniowsky « a unifié Madagascar » et a été « Roi de Madagascar »…!

Quelle erreur  !

* NOTE : 

La tradition malgache fait venir Raminia (l’ancêtre commun des Zafi-Raminia – Zafi : descendant de…-) et ses compagnons, d’Indonésie en passant par La Mecque puis à travers la côte orientale africaine avant de s’établir à Madagascar sur la côte orientale pour être à l’origine d’au moins une population locale dominante de cette partie de la Grande Ile, les Antemoro (ou Antaimoro). De fait, cette population locale malgache fort cultivée et douée de multiples qualités, qui a enrichi la civilisation malgache d’apports inestimables et dont l’un des représentants les plus illustres, le prince Andriamahazonoro, fut un conseiller très écouté des roi Andriananpoinimerina et Radama 1er, a toujours revendiqué une profonde et ancienne attache à la civilisation arabo-persique.

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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Xème INVITE DE LABODIPLO – RADAMA RASOLOARIVONY

Ambassade (2)

Ambassadeurs itinérants malagasy du temps de la royauté (jpra)


 

Mon 10ème invité est un Malagasy qui, incontestablement, fait partie de ce corps des grands serviteurs de l’Etat et qui, de par son érudition et ses compétences, continue de compter pour l’avenir de Madagascar: Radama Rasoloarivony; ainsi que je le lui ai dit, rien que son prénom, qui rappelle notre Grand Roi Radama 1er, sonne comme une invite à l’espérance de jours meilleurs à Madagascar !…

C’est que l’élève du Collège des Jésuites de Saint-Michel d’Antananarivo qu’il fut, un établissement qui s’enorgueillit de former des têtes bien faites et bien pensantes, a ainsi suivi un parcours aussi rare qu’impressionnant : ancien élève de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de France et diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, il a gravi à Madagascar tous les hauts échelons jusqu’à devenir le conseiller spécial du Premier ministre Pascal Rakotomavo à la fin des années 1990, et par la suite celui du Ministre de l’Industrie, en y étant notamment l’élément focal de la réorganisation des services centraux du gouvernement malgache selon les exigences de la bonne gouvernance. L’étendue de ses compétences ne le retenant point dans les étroites contingences politiques, il fut aussi un conseiller écouté de Marc Ravalomanana alors que ce dernier venait de conquérir la mairie d’Antananarivo. Aujourd’hui, ce haut-fonctionnaire garde un regard attentif sur l’Histoire, les Relations internationales et les politiques publiques.

C’est notamment pourquoi il nous propose un article sur une autre figure emblématique de la diplomatie malgache –  pas toujours connu du grand public – . Il s’agit de Blaise Rabetafika. Ce personnage devenu historique est dans la lignée des grands diplomates malagasy des temps modernes (à l’instar de ses aînés qu’étaient Louis Rakotomalala, Albert Rakoto-Ratsimamanga et Pierre Razafy-Andriamihaingo) qui ont fait grand honneur à leur pays, mais qui au-delà se sont intéressés et investis dans de grandes causes internationales en y faisant valoir et prévaloir le point de vue malagasy mais aussi en y apportant leurs compétences incontestables et pleinement reconnues.

Monsieur Radama Rasoloarivony, merci donc de ce choix, et à vous la parole !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

Lamba et nenuphars (2)

« Lambas et nénuphars » (jpra)


 

HOMMAGE A BLAISE RABETAFIKA (1932-2000)
Un serviteur de l’Etat malgache

– * –
par RASOLOARIVONY Radama (*)
Cet article est un hommage à Blaise Rabetafika, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Madagascar auprès de l’O.N.U. de 1969 à 1992 (fonction à laquelle il fut identifié). Je l’ai fréquenté, pendant les 7 dernières années de sa vie ; c’est une des personnes qui m’a le plus impressionné : une noble figure difficilement oubliable.
– * –  UNE FAMILLE MEMORABLE
Né le 03 Février 1932 à Antananarivo, il est le second fils d’Albert Joseph Rabetafika, instituteur et de Ramboahangimalala Hélène, tisserande. Du côté paternel, il est le petit-fils du pasteur Joseph Rabetafika et l’arrière-petit-fils de Josefa Andrianaivoravelona, pasteur de la Reine Ranavalona III qui fut exilé à la Réunion avec cette dernière. Du côté maternel, il est le petit-fils du docteur René Rahoërson, premier docteur malgache de l’Institut Pasteur de Madagascar.
Ne roulant point sur l’or, les parents surent transmettre à leurs enfants les vertus de l’honnêteté, de la dignité, du travail, de la discipline…et le sens du service de l’Etat. Les caractères des deux frères, Roland et Blaise, seront ainsi marqués par une double influence : à la rigueur et à l’austérité protestantes se superposera l’excellence aristocratique.
Etudes secondaires au Lycée Galliéni où il obtint le Bac ès Sciences à 17 ans (1949) et le Bac ès Lettres à 18 ans (1950). Départ pour Toulouse : Licence ès Lettres classiques (1953), diplôme d’Etudes Supérieures de littérature anglaise (1955) et CAPES (1956). Vaste culture et intelligence précoce pourraient qualifier son parcours académique. C’est cette même année (1956) qu’il convola en noces avec Rasoazanantsalama Jeanne ; de ce mariage naquirent un fils et deux filles.
– * –  UN PARCOURS ADMIRABLE
Après une carrière professorale en France, en Angleterre et au Lycée Galliéni, Blaise Rabetafika fut le plus jeune membre de la délégation malgache pour négocier le retour de la souveraineté nationale malgache et ce, à 28 ans (1960). Jusqu’en 1967, parcours classique du haut-fonctionnaire : Conseiller chargé des affaires culturelles et de l’information à la Haute Représentation de Madagascar en France (1960-63), Délégué permanent de Madagascar auprès de l’UNESCO (1961-63), Conseiller technique à la présidence de la République chargé des affaires de l’Afrique de l’Est (1963), Directeur de cabinet du ministre des affaires étrangères (1964-67), chargé de mission à la présidence de la République (1967).
En 1967, il entra dans la diplomatie qu’il ne quittera plus : Représentant permanent adjoint de Madagascar auprès de l’ONU ; Consul Général à New-York (1968), Représentant permanent intérimaire (1968-69), Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, Représentant permanent auprès de l’ONU, Ambassadeur au Canada, Ambassadeur à Cuba, Ministre plénipotentiaire (1969),
Rares étaient et sont encore les personnes qui pouvaient prétendre connaître aussi bien le monde des Nations Unies comme Blaise RABETAFIKA … A New-York, il était le maître sollicité pour ses conseils mais également redouté pour sa perspicacité. A plusieurs reprises, son savoir-faire pour redresser une situation désespérée a été reconnu (**).
Le « grand-frère », surnom affectueux donné par ses pairs, aurait dû succéder à Perez de Cuellar ou à B. Boutros-Ghali comme SG de l’ONU, selon les confidences de plusieurs anciens représentants permanents d’autres pays. Les ambitions de Madagascar étant ce qu’elles furent, le destin en a décidé autrement pour Blaise Rabetafika.
– * –  UNE AURA INCONTESTABLE
Au-delà d’une carrière riche et bien remplie (conférence générale de l’UNESCO à Paris, en 1961, conférence constitutive des Etats africains et malgaches à Lagos, conférence des chefs d’Etat constitutive de O.U.A. à Addis-Abeba, en 1963, présidence du « Groupe des 77 », en 1977, réunions au sein du Conseil de sécurité de l’ONU qu’il a présidées…), une constante se dégage : celle d’un professionnalisme indiscutable et indiscuté. « Peu de nos compatriotes savent qu’il a assumé avec brio et intelligence la présidence du Conseil de sécurité en 1985 ; ce fut l’unique période où Madagascar y a siégé » (**).
L’élection du professeur Raymond Ranjeva à la CIJ de la Haye en 1990, dont il fut la cheville ouvrière, est une des nombreuses illustrations de l’extraordinaire influence qu’il exerça auprès de ses pairs à New-York. La réélection du juge malgache en 1999, à laquelle il apporta de nouveau tout son concours, est inédite dans l’histoire de l’ONU : c’est l’unique fois où un représentant d’un pays du Sud a été réélu à ce niveau.
Lors de son passage au Palais de Manhattan, à la session de l’Assemblée générale de 1999, il a suffi d’une allusion à sa présence pour que les ambassadeurs des grands comme des nouveaux Etats aient tenu à rencontrer et à saluer celui qui fut le « Doyen ». Nous ne savions pas alors que ce serait son chant de cygne. Au fil des ans, il était devenu non seulement le « raiamandreny » mais également un mythe vivant. Il était déjà ambassadeur lorsque les actuels représentants permanents étaient encore jeunes conseillers ou parfois secrétaires de mission et n’avaient pas accès à la personne de l’ambassadeur et encore moins au « Doyen » (**)
Hormis ses innombrables distinctions honorifiques, il reçut le « Mercure d’or international », en 1985, distinction réservée aux hommes d’Etat éminents pour leur action en faveur de la paix (comme Gerald Ford, le roi Baudouin de Belgique, le président Pompidou, le président égyptien Anouar El-Sadate, le S.G. des Nations-Unies Kurt Waldheim…).
– * –  UN SERVITEUR DE L’ETAT
Avec succès, il a su négocier les différents virages sur le parcours de la diplomatie malgache. En effet, seul payait, à son avis, le langage de la vérité même s’il s’agit d’un exercice difficile (**)
Ayant horreur des initiatives brouillonnes, guidé par le souci du travail bien fait, d’une exigence et d’une rigueur reconnues, il ne cessait de répéter à ceux qui sont tentés par la poltronnerie en diplomatie : « Mentir en diplomatie coûte très cher à terme ; c’est sans intérêt car tout est connu ou le sera »… « Un de ses mérites et non des moindres, a été son souci de veiller à la promotion et à la réussite de ceux qui avaient mérité sa confiance pour la qualité de leurs prestations, quitte à s’effacer par la suite. Il avait l’intelligence des hommes, des problèmes et des situations»…Ces qualités et compétences hors pair, Blaise RABETAFIKA les a mises en œuvre entièrement au service de l’Etat malgache (**)
J’ai été impressionné par la grandeur des sentiments qui le guidaient, la fermeté de ses convictions, sa quête de l’excellence, sa rigueur intellectuelle, son aimable disponibilité, sa simplicité, sa conscience aigüe du service de l’Etat… qui expliquent son esprit de discernement, sa subtilité ainsi que son efficience opérationnelle.
Courtois et policé, mélomane de musique classique et de jazz (il est cousin germain du jazzman Serge Rahoerson)…, il peut néanmoins avoir des attitudes claires et tranchées. Attaché à ses racines, peu disert sur ce qu’il a accompli, tourné vers l’avenir, sa jeunesse d’esprit est captivante et il irradie le dynamisme sur ce qui reste à faire pour l’Avaradrano, pour l’Imerina, pour Madagascar.
SERVICE et DIGNITE : c’est le message qu’il a su transmettre à ses collaborateurs, à son entourage et à tous ceux qui l’ont fréquenté.

– * –
(*) RASOLOARIVONY Radama est un ancien élève de l’E.N.A, France et diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Il fut aussi un haut-fonctionnaire malgache.
(**) Cf. « Témoignage d’un ancien élève », par le professeur Raymond Ranjeva, in l’Express de Madagascar du 20/12/2000.

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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IXème INVITE DE LABODIPLO – BERNARD MELY

plateau fruits

« Plateau de fruits » (jpra)


 

                   IXème INVITE DE LABODIPLO – LA CHINE, UN APERCU SUBJECTIF

A nouveau, la Chine est à l’honneur sur LaboDiplo.

La première économie du monde en termes de croissance économique et de PIB demeure une sorte d’énigme tant les interrogations sont nombreuses, en particulier si l’on se réfère à la notion nouvelle de « mieux-vivre » qui constitue désormais, parmi les critères retenus par l’OCDE dans l’évaluation de la performance des pays, la mesure phare qui détermine dans le vécu des individus le degré réel de développement.
Voici l’appréciation experte d’un ami cher, dont les hautes responsabilités scientifiques l’ont conduit à vivre depuis des années en Chine et en Asie du Sud-Est.

Bernard Mély est docteur ès-sciences Physique de l’Université d’Orsay et était dans le laboratoire dirigé par le Professeur de Gennes, Prix Nobel de Physique 1991. Ancien directeur régional de l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie) à Hanoï (Vietnam) et ancien directeur régional « Asie du Sud-Est » du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), ancien conseiller scientifique de la Revue « Futuribles », il est directeur associé de « MAN, Technologie, Environnement », une société mixte franco-canado-vietnamienne de biotechnologie basée à Montréal et à Hanoï. Sa carrière scientifique l’amène aussi à effectuer des recherches à travers le monde, notamment au « Roche Basel Institute for Immunology » en Suisse. Mais, Bernard Mély est aussi diplomate, puisqu’il a été attaché scientifique à l’Ambassade de France en Chine et qu’à ce titre il a notamment beaucoup œuvré pour le développement de la coopération scientifique et de transferts de technologie Europe-Asie.

Monsieur Bernard Mély, vous avez la parole et merci pour votre contribution !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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litchi

« Litchi » (jpra)


 

                                         LA CHINE (1): UN APERCU SUBJECTIF (2)

Préambule

Les observations qui suivent ne constituent pas un dénigrement ni une critique de ce ‘pays-continent’. C’est plutôt une tentative de déconstruction de sa façade ; de sa ‘face’ macroscopique construite, renforcée & propagée, par la plupart des journalistes et économistes (occidentaux en particulier) qui n’en voient que les chiffres…de son PIB. Ce qui conduit à en occulter des aspects importants bien plus révélateurs d’une chine profonde, vraie, réelle.

« Parce que c’est moins cher » aurait pu être un autre titre, provocateur, de cet essai se voulant original sur ‘la chine réelle’ et sur certains archétypes du comportement chinois pas forcément décelables par le voyageur pressé et, ou pré-conditionné.

Première observation non relevée par les panégyristes de la grande chine : l’économie chinoise n’est ‘moderne’, ‘internationale’ QUE dans l’hyper capitalisme des ‘sociétés conjointes’, multinationales. Comme ‘on ne traite qu’avec les grands groupes’ il n’y a pratiquement pas de véritable ouverture économique ; encore moins de ‘savoir-coopérer’ avec des entreprises étrangères de tailles moyennes (et bien sûr individuelles). En d’autres termes tout ce qui ressemble à du ‘business occidental’ – en incluant dans ce sac les pays asiatiques non communistes : Japon, Taiwan, Corée – n’existe qu’à grande échelle d’investissement .

« Mes visions de la Chine… »
Coté pile donc, un économisme dominant, purement quantitatif ; celui qu’on ne cesse de brosser. Mais quel « économisme » ? Le pire : celui qui réduit la réalité, la complexité humaine sous-jacente à des chiffres ; donc qui exclut tout ce qui n’est pas quantifiable par lesdits experts mais n’en est pas moins important. Exemple des plus réducteurs couramment lu dans la presse occidentale : La Chine aurait (a) dépassé le Japon…en pourcentage de croissance ! N’est il pas normal, logique, même du seul point de vue quantitatif, qu’une société aussi avancée, évoluée que la société japonaise (je ne dis pas ‘économie’) aie un taux de croissance différent de celui d’une société en développement ? A l’instar de tout organisme vivant ayant quasiment tous les retards à rattraper. Mais, si l’on y regarde d’un peu plus près, vers l’intérieur en particulier, on constate qu’il y a au moins deux Chines ignorées de la plupart des auteurs qui s’extasient sur ‘la croissance chinoise’:
– celle des exportations par et pour les pays développées et,
– celle de l’intérieur ; de bien moindre qualité, quantitativement majoritaire et bien plus représentative du pays réel même si elle parait économiquement moins importante.
La première, la seule que voient les étrangers et qui accapare l’attention des journalistes, est ‘sous contrôle’ de sociétés étrangères ayant obligatoirement transféré leurs technologies mais aussi et surtout continuent à assurer le suivi et le contrôle de qualité in-dis-pen-sable sans lesquels leurs productions retomberaient vite dans l’ornière dont elle est sortie.

À preuve, ce que les résidents, un tant soit peu observateurs, peuvent constater :
1/ la quasi-totalité de la production des ‘JV’ (cf. note 6) étant généralement destinée à l’exportation (obligation des débuts de l’ouverture du pays) doit satisfaire aux normes occidentales ; bonnes ou moins bonnes mais normes tout de même !
2/ les produits de marques étrangères (Siemens, Panasonic,…) destinés au marché local sont de qualités inacceptables dans leurs pays d’origine. Exemples :
– aspirateurs Panasonic dégageant une odeur de ‘chimie’ et un bruit insupportable (économies sur les joints ?…) ;
– réfrigérateurs Siemens de bien moindre contenance, à encombrement extérieur semblable aux modèles occidentaux, dont la porte ne ferme pas aussi ‘fermement’ que chez nous (économie sur les aimants, dont la chine est pourtant le 1e producteur mondial ?).

 Tout cela est à replacer dans le contexte de ‘la chine réelle’ que l’on saisit mieux à partir d’exemples concrets tirés du quotidien.

« Les œufs cassés à Jia Le Fu » Cela se voit encore au XXIe siècle en chine ; à Carrefour qui s’est adapté à l’économie locale. On peut même y apercevoir :
– des rats circuler sous les rayons ‘alimentation’, sans inquiéter personne ‘puisque c’est moins cher’ ! Ce qui (me) semble un bon indicateur de l’état réel de développement du pays tout aussi intéressant que ceux des économistes ;
– des jeunes femmes venir y faire les courses…en Rolls Royce avec chauffeur !

« Innovation en chine » Les chinois ont inventé…la ‘confiture au miel’ (si, si) ainsi que le pot de miel ‘à l’envers’ (ainsi le miel, liquide, ne coule pas ?).
« RPC-VN » Deux anciens pays communistes ayant adopté le système de valeurs de leur ex-ennemi américain : l’argent (~ dollar).
Sur la corruption systématique qui imprègne ces deux pays on entend souvent dire par des occidentaux désabusés de leurs propres sociétés mais obnubilés par ce qu’ils n’accepteraient pas chez eux, que : ‘ce n’est pas mieux en France’. Cet amalgame, malheureusement fort répandu, est évidemment incorrect car il ignore l’existence de degrés de développement. Ainsi de la santé par exemple : ce n’est pas parce que les pays occidentaux connaissent aussi la maladie que leur situation sanitaire est aussi désastreuse qu’ailleurs (en Afrique par exemple).

« Déplacements urbains : ‘RPC vs Vietnam’» Pour les déplacements individuels la chine des grandes mégapoles (Pékin, Shanghai, Canton,…) est passée du stade ‘transports en communs & bicyclettes’ au stade hyper-capitaliste avec autoroutes urbaines. Que dire alors du ‘petit voisin vietnamien’ et de ses myriades de vélomoteurs ? Ce type de déplacement individuel serait-il un passage obligé du développement économique ou bien un cheminement spécifique au Vietnam ? Et quels pourraient être les facteurs limitants du passage ‘2 roues vers 4 roues’ : économie individuelle, voies de circulation,…?

La chine sans passé, n’ayant pas hésité à raser ses quartiers historiques pour construire d’horribles autoroutes urbaines, aujourd’hui saturées, n’est évidemment pas le modèle à suivre ! Ce pays apparemment si moderne avec ses tours, ses hôtels internationaux et ses grosses cylindrées s’avère en fait une illustration du meilleur des mondes : ‘travaillez, chacun à sa place, tacitement acceptée, enrichissez-vous mais surtout… ne réfléchissez, ni ne critiquez le gouvernement ! Ce qu’Internet et les réseaux sociaux sont (heureusement ?) en train de remettre en question comme l’illustre l’anecdote suivante en guise de ‘point d’orgue’:

« Un accident inexplicable » Faisant visiter la région à l’acquéreur d’un domaine viticole français – un riche chinois voulant transformer le château en un hôtel de luxe pour compatriotes fortunés – l’hélicoptère s’est écrasé par beau temps , sans raisons explicables, tuant tous ses passagers. Selon les réseaux sociaux chinois (hélas pour la censure gouvernementale) cet acheteur était…un horrible spéculateur n’ayant pas hésité à raser un vieux temple bouddhiste pour des projets immobiliers.
Vous avez dit : ‘coïncidence’ !?

B. MELY