TEMOIGNAGE D’UN OFFICIER MALGACHE AUTOUR DE L’APPEL DU 18 JUIN 1940

bâton d'honneur

« Bâton d’honneur » (jpra)


    TEMOIGNAGE D’UN OFFICIER MALGACHE AUTOUR DE L’APPEL DU 18 JUIN 1940

Les générations actuelle et future se rappelleront pour longtemps encore de ce fameux Appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle qui jaillit comme une soudaine lumière au milieu du désespoir d’une défaite acceptée.

Pourtant, très peu de personnes l’avaient entendu ce jour-là…

Voici le témoignage du lieutenant d’artillerie lourde Pierre Razafy-Andriamihaingo,que nous avons recueilli.

Mai-juin 1940, il venait de se battre vaillamment mais vainement sur le front de la Somme, notamment à Forges-les-Eaux et sur le Pont-de-l’Arche, et est désormais forcé de battre en retraite avec toute l’armée française.

lieutenant R.A Lieutenant Pierre Razafy-Andriamihaingo à sa sortie de l’Ecole d’Application d’Artillerie Lourde de Fontainebleau (1939).

Voici son récit :

                                                                                  – * –

« …C’est terminé, le front de la Somme est crevé. La Seine est à portée de canon des Allemands et déjà Paris est menacée. ..Mais, que faire quand Pétain et Weygand, les deux chefs militaires auxquels la France venait de confier son destin en ces jours noirs, n’agissent plus en chef de guerre mais en politiciens qui, en fait, veulent mettre à bas la République ?!

« Voilà que, le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris sans avoir eu à livrer un seul combat, tandis qu’après la démission du Gouvernement Reynaud et son remplacement par Pétain, ce dernier se précipite pour demander les conditions d’un armistice. De Gaulle, sous-secrétaire d’Etat, parti en mission à Londres avant la démission de Reynaud, dans l’objectif de travailler au sursaut, entend s’égrener ces terribles développements.

« Le 17 juin, le maréchal Pétain prononce au micro de la Radio les mots de la terrible défaite acceptée : « Français, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur…C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat… » !

« Dans les rangs des combattants, c’est la consternation. Car on constate – Andriamihaingo constate – que la France dispose encore de moyens militaires considérables, des troupes, à terre, sur mer, dans les airs, qui ne demandent qu’à continuer à se battre ! On se serait battus inutilement ?!

« La France éternelle ne doit pas mourir ! Il doit y avoir d’autres théâtres. La Tragédie n’est pas terminée ! Quelle déception ! Ainsi donc est cette armée française si dominatrice chez nous, les soumis des colonies ? Sur les 10.500 soldats malgaches de tous grades ayant participé à cette campagne de France sur les différents fronts, campagne qui n’aura durée que deux mois, le tiers est tombé sous les balles, obus ou mitrailles ennemis. Un lourd tribut trop mal connu et reconnu à sa juste valeur par la suite, tant en France qu’à Madagascar…

« Résister pour la France. Résister pour Madagascar. Tel est le leitmotiv.

« L’appel lancé à Londres par le général de Gaulle le 18 juin 1940 au lendemain des terribles mots de Pétain est cette lumière soudaine qui rend l’espoir !

« Andriamihaingo, toujours sous les drapeaux, ne l’a pas entendu. En fait, très peu de personnes l’ont entendu.

« La retraite est honteuse. La mélancolie gagne Andriamihaingo. En bon soldat, il ne se débande pas, ne cherche pas à se mêler à la foule des soldats-réfugiés qui entendent sauver leur peau et ne plus avoir à se battre. Discipliné, il prend les ordres. On lui dit simplement d’être à disposition de ses chefs.

« Finalement, l’Armée française démobilise ses soldats, ses officiers, qui par plusieurs centaines de milliers, se retrouvent désoeuvrés, désemparés, humiliés, cassés moralement. Le 17 août 1940, cette mesure générale de démobilisation touche Andriamihaingo. He quoi ! plus d’uniforme, plus de combat, on s’abandonne ainsi, on accepte la défaite ? Non ».

Mais, par ordre, il doit se retirer à La Réole dans la région de Bordeaux, vaste camp militaire de regroupement d’une armée française qui s’avoue vaincue.

artisanat malagasy 2

« Bel art malagasy » (jpra)


Une lame de fond monte en lui.

Il ne reconnaît pas la France ni les Français dans cet abandon honteux.

Il voit, il constate que la puissance coloniale qui prétend en imposer aux autres, à Madagascar et ailleurs, signe par cet abandon de soi son arrêt de mort…

A Madagascar non plus la situation n’est pas fameuse, et c’est peu dire.

En effet, immédiatement après l’instauration du régime de Vichy, le gouverneur général de Coppet, qui avait fermement engagé Madagascar dans le camp allié est relevé de ses fonctions. Il est remplacé par Cayla, un fidèle de Pétain.

Le nouveau gouverneur général suspend immédiatement les libertés syndicales durement acquises en 1938. Le beau-frère de Andriamihaingo, Emmanuel Razafindrakaoto, leader syndicaliste respecté, est interné à Moramanga.

« Fermeture et régression donc, à Madagascar aussi… », se dit avec amertume le lieutenant pierre Razafy-Andriamihaingo.

Dès octobre 1940, il s’engage dans la Résistance, en particulier au sein du fameux réseau « Musée de l’Homme », où lui et sa future épouse, Suzanne, s’activent avec Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz-De Gaulle, dans le premier réseau de Résistance à s’être constitué en France.

Lui et son épouse, Suzanne, également Malgache, font partie des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), et en août 1944 ensemble ils participent à la Libération de Paris.

Par la grâce de Dieu, mais surtout de par lui-même, auparavant De Gaulle avait su s’imposer aux Alliés et put ainsi se présenter en triomphateur aux Parisiens en liesse !

La voie s’ouvre alors pour la Libération de la France.

Or, jadis depuis 1940 beaucoup trop de Français étaient, jusqu’à il y a seulement quelques mois avant la Libération de Paris, soit complices de l’Allemagne nazie, soit soumis sans vouloir résister, et découvrent soudain à l’été 1944 les vertus de la Résistance et de l’engagement armé…tandis qu’à leur place des combattants étaient venus – et continuent de venir – en masse de tout l’ancien Empire pour libérer la France et contribuer de façon décisive à la victoire finale.

Cette réalité historique doit être rappelée.

In fine, comme un petit clin d’oeil à l’Histoire qui se nourrit de petites histoires et de coïncidences qui n’en sont pas si on les replace dans un certain contexte, on sait que les hazards n’existent pas face aux nécessités.

Geoffroy Chodron de Courcel, jeune lieutenant accompagnait alors le Général de Gaulle en sa qualité de fidèle aide-de-camp durant tout cet épisode crucial autour du 18 juin 1940 à Londres. Pour sa part, le jeune lieutenant Andriamihaingo vivait ce que nous relatons ci-dessus de l’autre côté de la Manche.

Eh bien, un peu plus de vingt ans plus tard en 1962 les deux protagonistes se retrouvaient avec joie à Londres, devenant de grands amis après s’être raconté leurs « aventures » de guerre, l’un – Geoffroy Chodron de Courcel – étant Ambassadeur de France près la Cour de Saint-James, l’autre – Andriamihaingo – étant Ambassadeur de Madagascar également près la Cour de Saint-James.

Ils sont devenus inséparables…

Quelle belle rencontre !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des illustrations et textes.
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Cet extrait de témoignage est tiré de notre ouvrage « Madagascar, la marche des siècles », inédit, 2001.

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MORIHEI UESHIBA: LA PAIX PAR L’AIKIDO – AIKIDO, THE ART OF PEACE

Ueshiba, le Sage

Morihei Ueshiba, le Sage


                                        MORIHEI UESHIBA : FAISEUR DE PAIX PAR L’AIKIDO

« Ecrits sur les cinq roues » – Gorin-no-sho – et « Bushido » (cf. articles parus sur http://www.labodiplo.worpress.com, datés respectivement 27/1/2014, 11/1/2014, 12/1/2014 et 13/1/2014) sont les deux monuments référentiels classiques que tout pratiquant des arts martiaux digne de la vraie tradition martiale extrême orientale se doit d’assimiler.

Mais, dans et pour nos temps modernes un autre enseignement tout aussi profond et plein de sagesse, résultant de toute une riche vie d’expériences les plus inédites, s’impose : les écrits, poèmes, réflexions et calligraphies de Morihei Ueshiba, le génial et inégalé créateur de l’Aïkido, art martial moderne s’il en est, hérité d’une longue tradition qui puise au plus profond des arts guerriers du pays du Soleil Levant, dont le Japon a le génie de la conservation, de l’affûtage et de la sublimation pour en faire un Art et une référence philosophique.

John Stevens, un chercheur en Zen, un expert en Aïkido, philosophe et sociologue universitaire américain, a eu l’excellente initiative de compiler et de traduire dans un ouvrage, « The art of peace, teachings of the founder of Aïkido » (Shambhala, Boston & London, 1992), les pensées de Morihei Ueshiba pour notre plus grand bonheur.

                                                                                – * –

Afin de conserver l’authenticité des textes, nous choisissons d’en garder la traduction anglaise.

D’autre part, nous ne reproduisons ici qu’une sélection qui n’a bien entendu pas la prétention d’être représentative ni exhaustive, mais à travers laquelle apparaissent suffisamment la profondeur et la portée universelles des pensées de Morihei Ueshiba sur la Paix, dont déjà la maxime donne le ton :

« The divine beauty
Of heaven and earth !
All creation,
Members of
One family”.

montagnes rouges (4)

« Rouges montagnes immuables » (jpra) – Reproduction interdite –


                                                                              – ** –

« The Art Of Peace begins with you. Work on yourself and your appointed task in the Art Of Peace. Every one has a spirit that can be refined, a body that can be trained in some manner, a suitable path to follow. You are here for no other purpose than to realize your inner divinity and manifest your innate enlightenment. Foster peace in your own life and then apply the Art to all that you encounter”.

“All Things, material and spiritual, originate from one source and are related as if they were one family. The past, present, and future are all contained in the life force. The universe emerged and developed from one source, and we evolved through the optimal process of unification and harmonization”.

“If you have not
Linked yourself
To true emptiness,
You will never understand
The Art of Peace”.

Now and again, it is necessary to seclude yourself among deep mountains and hidden valleys to restore your link to the source of life. Breathe in and let yourself soar to the ends of the universe; breathe out and bring the cosmos nack inside. Next, breathe out all the fecundity and vibrancy of the earth. Finally, blen the breath of heaven and the breath of earth with that of your own, becoming the breath of Life itself”.

                                                                            – *** –

“Peace originates with the flow of things – its heart is like the movement of the wind and waves. The Way is like the veins that circulate blood through our bodies, following the natural flow of the life force. If you are separated in the slightest from that devine essence, you are far off the path”.

“The Way of a Warrior is based on humanity, love, and sincerety; the heart of martial valor is true bravery, wisdom, love, and friendship. Emphasis on the physical aspects of warriorship is futile, for the power of the body is always limited”.

“Life itself is always a trial. In training, you must test and polish yourself in order to face the great challenges of life. Transcend the realm of life and death, and then you will be able to make your way calmly, and safely through any crisis that confronts you”.

“Failure is the key to success;
Each mistake teaches us something”.

“In the Art of Peace we never attack. An attack is proof that one is out of control. Never run away from any kind of challenge, but do not try to suppress or control an opponent unnaturally. Let attackers come any way they like and then blend with them. Never chase after opponents. Redirect each attack and get firmly behind it”.

                                                                           – **** –

paravent 3

« Paravent » – Acrylique sur papier doré – JPRA – Reproduction interdite –


“When attacked, unify the upper, middle, and lower parts of your body. Enter, turn, and blend with your opponent, front and back, right and left”.

“Seeing me before him,
The enemy attacks,
But by that time
I am already standing
Safely behind him”.

“In extreme situations, the entire universe becomes our foe; at such critical times, unity of mind and technique is essential – do not let your heart wver ! “.

“At the instant
A warrior
Confronts a foe,
All things
Come into focus”.

“Be grateful even for hardship, setbacks, and bad people. Dealing with such obstacles is an essential part of training in the Art of Peace”.

                                                                             – ***** –

paravent 5

« Paravent 2  » – Acrylique sur papier doré – JPRA – Reproduction interdite – 


“Master the divine techniques
Of the Art of Peace,
And no enemy
Will dare to
Challenge you”.

“In your training, do not be in a hurry, for it takes a minimum of ten years to master the basics and advance to the first rung. Never think of yoursel as an allknowing, perfected master, you must continue to train daily with your freinds and students and progress together in the Art of Peace”.

“To truly implement the Art of Peace, you must be able to sport freely in the manifest, hidden, and divine realms”.

“You cannot see or touch the Divine with your gross senses. The Divine is within you, not somewhere eslse. Unite yourself to the Divine, and you will be able to perceive gods wherever you are, but do not try to grasp or cling to them”.

“The path is exceedingly vast. From ancient times to the present day, even the greatest sages were unable to perceive and comprehend the entire truths; the explanation and teachings of masters and saints express only part of the whole. It is not possible for anyone to speak of such things in their entirety. Just head for the light and heat, learn from the gods, and through the virtue of devoted practice of the Art of Peace, become one with the Divine”.

                                                                        – * – * – * – * – * –

Sur le plan pédagogique, nous renvoyons à notre série d’articles intitulée « Dissuasion, préservation de la vie, leadership et Aïkido » sur ce même Blog (http://www.labodiplo.wordpress.com, articles datés 5/2/2014, 7/2/2014 et 8/2/2014).

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien président de la commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido, ancien conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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