
« Trèfles » (jpra)
Ecologie par-çi, écologie par-là…Qui ne parle d’Ecologie aujourd’hui ? D’autres vont – non sans raison – jusqu’à évoquer l’effondrement annoncé de l’Humanité…
Il fut un temps où, à propos de l’Europe, le Général de Gaulle fustigeait ceux qui en parlaient sans savoir exactement de quoi il parlaient en s’exclamant avec la faconde ironie dont il avait le secret, à peu près de cette façon: « …sursautent comme un cabri en scandant à qui veulent les entendre: l’Europe, l’Europe, l’Europe…! « .
On pourrait en dire autant de certains aujourd’hui à propos de l’Ecologie…!
Comme si on ne la découvrait que maintenant…! Mais, certes, la question devient d’une urgence lancinante, ce qui notamment a conduit à l’adoption récente en 2022 de deux accords internationaux qui font désormais date: l’Accord de Charm-El-Chekh dans le cadre de la COP27 sur le Climat et l’Accord de Montréal dans celui de la COP15 sur la Biodiversité.
Or, depuis des millénaires, la Chine (Cf. sur ce même blog notre article sur « Aperçu sur l’Ecologie traditionnelle chinoise » daté du 5 mai 2021) ou le Japon célébraient l’Ecologie dans des développements spirituels, philosophiques et artistiques qui continuent de nourrir bien des actions et des oeuvres actuellement malgré le triomphe du matérialisme. Et en France même, on redécouvre sur le tard en Maurice Genevoix le chantre de l’Ecologie à la française à travers ses ouvrages, en particulier son roman autobiographique, « un Jour », publié en 1976.
Pour sa part, au milieu de la cacophonie ambiante au sujet de l’Ecologie et des questions environnementales, le Saint-Siège ne pouvait pas ne pas faire valoir la conception chrétienne qui intègre, comme il se doit, la dimension humaine et spirituelle par cette formule simple:
. « Sauvons la Maison commune ».
SAUVER LA MAISON COMMUNE ! – L’ACTUALITE ET LA SUBSTANCE DU MESSAGE –
C’est la substance de la Lettre Encyclique « Laudato Si' »que le 24 mai 2015 le Pape François développe face à la grave problématique environnementale que connaît la Terre.
Cette assignation est, face à l’inconscience des hommes à exploiter démesurément – que dis-je: à saccager – les ressources de la planète Terre comme si elles étaient inépuisables, devenue de plus en plus pressante.
Les sommets sur le Climat et la Biodiversité qui s’étaient tenus successivement à Charm-El-Chekh et de Montréal à la fin de l’année 2022 se sont signalés comme cruciaux pour la Terre, pour l’Humanité, pour la Nature. Car, il s’était agi de prendre des décisions drastiques et pérennes face auxquelles certains dirigeants étatiques, économiques et financiers, demeurés encore sans conscience réelle, devaient pourtant se montrer plus responsables.
Le sont-ils désormais ?
En tout cas, c’est un monde nouveau, capable de s’affranchir des contraintes matérialistes, de l’immédiateté économique et des injonctions financières qui doit voir le jour (cf. notre article « Le monde nouveau» sur ce même blog http://www.labodiplo.wordpress.com, daté du 13 mai 2014).
Les messages papaux, en particulier à travers les encycliques des souverains pontifes de ces derniers temps, Saint Jean-Paul II, Benoît XVI et François, n’ont désormais de cesse – ô combien avec juste raison ! – d’alerter sur l’aggravation des dangers qui guettent l’humanité tout entière.

« Verte campagne » (jpra)
« Laudato Si, Sauver la Maison commune ! ».
C’est en effet en substance le message universel pressant que de Rome le 24 mai 2015 de la Pentecôte le Pape François, quant à lui, avait adressé à tous, Chrétiens et non Chrétiens, afin que tous, par sa Lettre Encyclique « Laudato Si’ » développée sur six grandes thématiques, nous prenions très sérieusement conscience de la très grave problématique environnementale.
QUELS CONTENUS DU MESSAGE ? LES SIX PRECEPTS.
1 – Il s’agit tout d’abord de bien savoir ce qui se passe sur Terre, dans notre Maison commune. La pollution et le changement climatique sont des réalités quotidiennes, récurrentes et aggravées par une sorte de « culture du déchet » sans qu’on mesure bien en conscience que le climat, l’eau, la biodiversité sont nos biens communs et que, au surplus, nous détruisons chaque jour davantage le peu de qualité de la vie humaine et du lien social qui nous restent.
Le rythme accéléré de ces phénomènes engendre une inégalité planétaire, elle-même démultipliée par une mondialisation économique envahissante face à laquelle la faiblesse récurrente des réactions est patente.
2 – Or, l’Evangile de la création, par la lumière qu’Elle offre grâce à la foi et à la sagesse des récits bibliques, révèle le mystère de l’univers manifesté en particulier par les créatures d’une nature généreuse, qui se signale elle-même à nous dans une merveilleuse et authentique harmonie. Elle nous incite à une communion universelle parce que précisément la création est une et indivisible aux hommes et aux femmes, c’est sa sublime caractéristique.
Dès lors, posons-nous la question : mesurons-nous suffisamment la destination commune des biens ? Le pape François dit : « …Dieu est Père…Dans les dialogues avec ses disciples, Jésus les invitait à reconnaître la relation paternelle que Dieu a avec toutes ses créatures… Quand il parcourait chaque coin de sa terre, il s’arrêtait pour contempler la beauté semée par son Père…».
3 – La racine humaine de l’actuelle crise écologique se traduit à travers une technologie débridée qui passe trop souvent à côté de la créativité, celle qui prend étroitement en compte la protection de la nature et la centralité de l’Homme. Cette technologie en devient franchement pernicieuse dès lors que s’y ajoute le rôle dominateur du politique au service de certains intérêts. Et à force d’instrumentaliser ainsi cette technologie dans une vision globalisante, le paradigme technocratique s’identifie dans toute sa négativité et son caractère unidimensionnel contre l’harmonie de la nature et de son rythme biologique.
A ces égards, le pape François rappelle cette vérité dite par Saint Jean-Paul II dans sa Lettre Encyclique « Centesimus annus » du 1er mai 1991 : « Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme, qui doit en faire un usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté ».

« Volana sy lamba » (jpra)
4 – Une « écologie intégrale » doit ainsi se mettre en marche, c’est-à-dire dans une vision holistique, qui donc intègre différentes composantes. Dès lors, il ne doit pas y avoir de contradiction fondamentale entre les visées économiques, sociales et environnementales ; au contraire elles se conjuguent. Puisque « l’écologie étudie les relations entre les organismes vivants et l’environnement où ceux-ci se développent », et l’environnement « désigne en particulier une relation, celle qui existe entre la nature et la société qui l’habite ».
La politique, en tout cas ceux qui sont en charge des affaires publiques se doivent tout spécialement de donner aux recherches sur l’environnement une grande liberté académique, surtout dans la mesure où il s’agit d’appréhender les différentes créatures liées entre elles et qui constituent des unités plus grandes qu’elles et qu’on appelle « écosystèmes ». Il faut assurer la pérennité de ces écosystèmes dans l’espace, dans la durée temporelle mais aussi à travers temps et circonstances.
Car, il faut rappeler que « les écosystèmes interviennent dans la capture du dioxyde de carbone, dans la purification de l’eau, dans le contrôle des maladies et des épidémies, dans la formation du sol, dans la décomposition des déchets et dans beaucoup d’autres services que nous oublions ou ignorons ». A cela il faut ajouter une vérité : il y a nécessairement interaction entre les différents écosystèmes.
Enfin, sous cette considération holistique convient-il de se convaincre qu’au niveau de la gouvernance des sociétés et des nations « toute atteinte à la solidarité et à l’amitié civique provoque des dommages à l’environnement », ainsi que le souligne le pape Benoît XVI dans sa Lettre Encyclique « Caritas in veritae » datée du 29 juin 2013.
5 – Alors, comment agir efficacement pour sauver notre Maison commune ? Les lignes d’orientation et d’action préconisées par le pape François dans son Encyclique se résument ainsi : dialogue sur l’environnement dans la politique internationale ; dialogue en vue de nouvelles politiques nationales et locales ; dialogue et transparence dans les processus de prise de décisions ; politique et économie en dialogue pour la plénitude humaine ; et les religions dans le dialogue avec les sciences.
Pour nous limiter à l’esprit de ce Blog voué aux questions internationales, arrêtons-nous seulement au « dialogue sur l’environnement dans la politique internationale ». – « l’interdépendance des nations nous oblige à penser à un monde unique, à un projet commun », dit le pape François. Il rappelle tout à fait opportunément l’actualité des résolutions du « Sommet planète terre » réuni à Rio de Janeiro en 1992, qui avait repris les résolutions essentielles de la « Déclaration de Stockholm » de 1972 préconisant une coopération internationale pour, notamment, préserver l’écosystème de la terre entière, stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre, élaborer un agenda avec un programme d’action et un accord sur la diversité biologique.
Sur le second point, force est de constater – et ce, malgré les décisions prises lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable Rio+20 (2012) -, la mauvaise volonté de certaines puissances économiques, imitées en cela par les « puissances émergentes », qui ne jurent que par leurs intérêts nationaux au détriment du bien commun général.
Des solutions concertées sont pourtant à portée de main. Très pratiquement, et pour ne prendre que cet exemple exemplaire, un consensus généralisé entre les nations peut aisément parvenir à promouvoir les technologies au support de la transition énergétique pour s’affranchir définitivement des combustibles fossiles. Mais, trop souvent les stratégies internationales visant l’abaissement des émissions de gaz polluants, maîtrisées par les économies dominantes de ce bas monde, ont pour conséquences – voulues ? – d’imposer aux pays moins riches et pauvres de lourds engagements comparables à ceux des pays riches, engendrant ainsi une nouvelle injustice économique source de nouvelle pauvreté.
Il arrive également trop souvent que certains pays et capitaines d’industries transfèrent dans d’autres pays des déchets ou industries polluantes dont leurs pays d’origine ne veulent plus… – Une nouvelle éthique de négociation doit donc se mettre en œuvre pour éviter ces types de dérives.
Et, assurément, ainsi que le préconise le Pape François, « la maturation d’institutions internationales devient indispensable…, avec des autorités désignées équitablement par accord entre les gouvernements nationaux, et dotés de pouvoirs pour sanctionner ».
C’est le Pape Benoît XVI qui, dans son Encyclique précitée « Caritas in veritate » du 29 juin 2009, ne pouvait pas mieux l’expliciter en disant : « Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon prédécesseur, Jean XXIII ».

« Soleil couchant » (jpra)
6 – Tout ceci nécessite assurément Education et Spiritualité si l’on veut atteindre ce niveau supérieur souhaité de haute conscience et de profondeur d’action. Il s’agit tout d’abord de miser sur un autre style de vie, lequel a à se fonder sur une éducation pour l’alliance entre l’humanité et l’environnement. Une « conversion écologique » est ainsi à rechercher. Au-delà de doctrines ou de sciences plus ou moins maîtrisées, elle se fonde sur la foi. Pour les Chrétiens, il s’agit de « vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu » comme étant « une part essentielle d’une existence vertueuse ».
A ces égards, la spiritualité chrétienne « propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu ». Cette vision et cette attitude anti-consumériste, qui est aussi l’antidote de la dynamique de domination et d’accumulation de plaisirs, qui permet d’être à la fois dans la joie et dans la paix intérieure.
Au niveau social, une meilleure prise de conscience du fait que nous avons besoin les uns des autres, que chacun a vis-à-vis des autres une responsabilité particulière, est nécessaire. Sinon, la dégradation morale ira en s’amplifiant en se moquant de l’éthique, de la bonté, de la foi et de l’honnêteté ; et finalement, ceci ne peut qu’empêcher le développement d’une vraie culture de protection de l’environnement. C’est ce que le pape François appelle « l’amour civil et politique ». Mais, il y a aussi et surtout les « signes sacramentaux et le repos pour célébrer ».
Car, il y a la mystique de Dieu dans toutes les créations de la nature, et la spiritualité chrétienne intègre à travers les sacrements la valeur de la joie, du loisir et de la fête. Elle donne son sens au repos contemplatif qui ouvre le regard vers les autres et leurs conditions.
Ce sens est d’autant plus fort et lumineux qu’il émane de la relation divine entre la « Trinité et les créatures ». La Trinité, incarnée par le Père, le Fils et l’Esprit, est présente dans toute la nature. Ainsi, Saint Bonaventure enseigne-t-il que « toute créature porte en soi une structure proprement trinitaire ».
***
L’Encyclique « Laudato Si ‘ » se termine par un vibrant éloge à Marie, « Mère et Reine de toute la création » qui nous aide « à regarder ce monde avec des yeux plus avisés ».
Mais, à côté d’Elle « se détache la figure de saint Joseph », de qui émane une grande tendresse qui est « le propre de ceux qui sont forts, attentifs à la réalité pour aimer et servir humblement ».
En tous les cas et « au-delà du soleil », le Pape François nous invite à l’union « pour prendre en charge cette maison qui nous a été confiée, en sachant que tout ce qui est bon en elle sera assumé dans la fête céleste ».
Et, s’en suivent une « prière pour notre terre » à partager avec tous ceux qui croient en un Dieu Créateur Tout-Puissant ; et une « prière chrétienne avec la création », pour que « nous sachions assumer les engagements que nous propose l’Evangile de Jésus en faveur de la création ».
A bon entendeur…A chacune, à chacun de nourrir sa conscience, de forger sa résolution et d’affûter ses actions !
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

« Printemps » (jpra)
———————————————————–
* Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations.
———————————————————–