LE « PATRIOT ACT » A LA FRANCAISE

Bol de cristal entre deux pamplemousses géantes (2)

« Bol de cristal et pamplemousses » (jpra)


 

                                      LE « PATRIOT ACT » A LA FRANCAISE

Souvenons-nous de l’âpreté des débats suscités autour de ce qui était alors, à l’été 2015, la question fondamentale de l’opportunité ou non d’adopter en France, face aux menaces terroristes, une « législation sécuritaire, toute ».

A la suite d’une saisine simultanée du Conseil Constitutionnel le 25 juin 2015 par le Président de la République, par le Président du Sénat et par plus d’une centaine de députés, la haute juridiction avait pris, moins d’un mois après, très exactement le 23 juillet 2015, une décision qui fait désormais incontestablement date.

D’abord dans la forme politico-juridique, car :

– il est exceptionnel que le Conseil Constitutionnel soit saisi simultanément, exactement le même jour du 25 juin 2015, par les deux chefs d’institutions les plus élevées auxquels se sont ajoutés, dans un mouvement unitaire, autant de députés de toutes les tendances politiques (de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par les députés de la majorité et ceux de l’opposition modérée) ;

– ensuite, il est vrai, il s’agissait que la haute juridiction se prononce sur la constitutionnalité du projet de loi très controversée dite « relative au renseignement » ;

– enfin, ce projet de loi se présentait comme un véritable monument juridique dans ce sens où le nombre faramineux d’articles était en soi à remarquer.

Bouclier

« Bouclier de Justice » (jpra)


 

Mais, bien entendu c’est surtout sur le fond que ce projet de loi posait beaucoup de questions, car :

– dès lors que fondamentalement c’étaient les libertés – nos libertés – qui étaient en cause dans un contexte national et international où toutes les formes de terrorisme constituaient autant de menaces sur les biens, sur les personnes et sur la civilisation elle-même, d’autres réponses plus adéquates, raisonnées et efficaces devaient-elles être ainsi tout d’un coup rendues si indispensables par rapport à l’arsenal juridique déjà existant ?

– du point de vue strictement juridique et institutionnel, dès lors que précisément le projet de loi « relative au renseignement » avait , en principe, pour seul objet essentiel de compléter le code de la sécurité intérieure, mais qu’en réalité on assistait à un bouleversement institutionnel – et la création prévue d‘organes nouveaux en témoigne -, le caractère quasi organique dudit projet de loi n’obligeait-il pas à adopter la procédure réservée aux lois organiques et non pas à celle réservée aux lois ordinaires ?

– les garanties qu’en aucune façon les libertés – nos libertés – ne seraient nullement amoindries, voire menacées, étaient-elles suffisantes dès lors que le projet de loi contenait beaucoup de zones d’ombres, de définitions floues et de champs d’application larges, voire trop facilement extensibles ?

Sur tous ces questionnements et sur bien d’autres encore, que nous n’avions pas la prétention d’embrasser tous, il est un fait que par sa décision susvisée du 23 juillet 2015, le Conseil Constitutionnel avait, malgré la censure de dispositions mineures, déclaré les dispositions essentielles de la loi relative au renseignement conformes à la constitution.

Sitôt dit, sitôt fait, dans une célérité là aussi exceptionnelle et certainement à déplorer, – et faisant allègrement l’impasse sur les observations pourtant plus que pertinentes des organisations publiques et privées de défense et de promotion des droits de l’Homme – , l’Assemblée nationale et le Sénat, il est vrai coincés par la procédure d’urgence imposée par le gouvernement, avaient adopté ladite loi dès le 24 juillet 2015 !

Laquelle était, à son tour, prestement publiée au Journal Officiel de la République Française le 26 juillet 2015 !

Ceux qui jusqu’au bout se seront opposés à l’adoption de cette loi relative au renseignement pourront-ils trouver compensation dans les dispositions de l’article 27 qui stipulent : « Les dispositions de la présente loi font l’objet d’une évaluation de leur application par le Parlement dans un délai maximal de cinq ans après son entrée en vigueur » ?

Rendez-vous donc, au plus tard, en 2020…

Patience !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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VICTOIRE RASOAMANARIVO, NOTRE SAINTE – 1ère partie –

Sainte Victoire 1

                                        VICTOIRE RASOAMANARIVO, NOTRE SAINTE

                                                                   – 1ère partie –

En 1934, Monseigneur Etienne Fourcadier ne pouvait pas trouver meilleur titre pour son ouvrage biographique sur Victoire que celui-ci : « La vie héroïque de Victoire Rasoamanarivo » (Editions Dillen et Cie, Issoudun, et Procure de la Mission de Madagascar, Paris, 1934).

Pour sa part, notre très regrettée mère voulait tout spécialement honorer la mémoire de notre Sainte nationale en lui consacrant une longue note incluse dans son ouvrage « La colline sacrée des souverains de Madagascar, le Rova d’Antananarivo » (L’Harmattan, Paris, 1989).

Nous reprenons ici, en trois parties successives, les termes de ladite Note, non sans rappeler ceci :

Victoire Rasoamanarivo fut élevée dans la condition de Bienheureuse le dimanche 30 avril 1989 par le Saint Pape Jean-Paul II ; désormais Sainte elle-même au bout d’un procès qui prit fin en 2009, Victoire est la première sainte malgache (de 2002 à 2008 nous fûmes très volontiers mobilisé en en ressentant l’insigne honneur en notre qualité d’ambassadeur près le Saint-Siège).

                                                                                  *
                                                                                * *

Victoire Rasoamanarivo, notre sainte, a été choisie par Dieu pour révéler aux Malgaches la catholicité.

Il l’a choisie aux heures les plus tragiques de notre histoire et au sein de la puissance famille des Andafiavaratra (caste hova des Tsimiamboholahy), celle-là même qui allait gouverner le pays depuis le milieu du règne de Ranavalona 1ère jusqu’à l’abolition du royaume merina en 1895, comme pour placer Victoire, de cette manière, d’emblée en une position où elle pourrait exercer au mieux toute l’influence dont elle aurait besoin.

Son entourage familial ne lui était guère favorable, hormis les souvenirs laissés par son arrière-grand-père, Randriantsilavo.

Celui-ci fut un précieux conseiller et appui pour le roi Andrianampoinimerina, si bien que ce dernier demanda à Dieu de les bénir, lui et sa famille, pour les nobles sentiments dont il fit preuve.

Les fils d’Andriantsilavo furent ainsi préparés aux plus hautes fonctions. L’aîné, Rainiharo, qui n’avait pas les mêmes qualités morales que son père, usa de toute sa ruse pour éliminer Andriamihaja et occuper plus tard auprès de la reine Ranavalona 1ère la fonction de Premier ministre.

Le fils de Rainiharo, Raharo, fut à son tour Premier ministre autoritaire. Le frère de Raharo, Rainilaiarivony, ne l’était pas moins.

Sans les actes héroïques de Victoire Rasoamanarivo, l’Eglise catholique n’aurait sans doute pas acquis sa place actuelle dans le cœur des Malgaches.

Ceux-ci étaient déjà préparés à la précieuse révélation de l’Evangile et à la vie du Christ par l’action constante des pasteurs anglais. Un noyau de Chrétiens, initiés par l’Ancien testament et nourris de la Loi de Dieu, s’était ainsi formé pendant le règne de Radama 1er à partir des années 1820.

Mais la religion catholique ne parvint pas à s’établir à Madagascar. Monseigneur de Solages, premier préfet apostolique de Madagascar, meurt à Andevoranto en 1832 dans des conditions atroces, avant même de pouvoir monter à Antananarivo. Ses successeurs ne parviennent pas non plus à pénétrer les terres intérieures à cause de l’implacable obstination de la reine Ranavalona 1ère à vouloir écarter systématiquement les « religions étrangères ».

Victoire naquit en 1848 de Rambahinoro, fille de Rainiharo (et donc sœur de Rainilaiarivony), et du cousin de cette dernière, nommé Rainandriantsilavo, qui fut un fervent pratiquant protestant. Victoire épouse Radriaka, fils aîné de Rainilaiarivony (et cousin germain de Victoire).

Notre sainte naquit durant une période pendant laquelle Madagascar connaissait, avec la reine Ranavalona 1ère, ses heures les plus sombres : la chasse aux chrétiens et leur liquidation…

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« Fitiavana » (jpra) – Reproduction interdite –


 

L’entourage familial de Victoire était marqué par l’autoritarisme et son éducation se fit au milieu d’un paganisme fort inquiétant, avec ses processions infernales organisées autour des sampy. Ses yeux virent les supplices infligés aux chrétiens et ses oreilles n’entendirent que des témoignages d’horreur.

Quand la reine Ranavalona 1ère mourut, le 16 août 1861, un obstacle majeur à la pénétration des missionnaires catholiques fut levé.

Le nouveau roi, Radama II, et son épouse, Rabodo (future Rasoherina), reçurent à bras ouverts les Pères Weber et Jouen, pionniers du catholicisme à Madagascar. Puis, vint le Père Boy accompagné de deux religieuses : Sœur Gonzague et Sœur Marcelline, qui furent les deux premières maîtresses de Victoire.

Une école de filles fut créée le 14 novembre 1861.

Victoire y fut inscrite à 13 ans. Ainsi commença l’éducation religieuse de Victoire, couronnée par son baptême le 1er novembre 1861 et par sa première communion le 17 janvier 1864.

Le nouveau Premier ministre, Rainilaiarivony, n’avait qu’affection et respect pour sa belle-fille, Victoire, et la constance de ces sentiments ne pouvait qu’ajouter très providentiellement à l’autorité dont Victoire devait avoir besoin pour lutter contre la persécution organisée au nom du protestantisme et de la lutte anti-française, par le pouvoir et les couches élevées de la population.

(A SUIVRE) : 2ème partie.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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UNE DIVINITE DU JAPON: EBISU, LE DIEU-POISSON

Ebisu - divinité de fortune

Ebisu, le Dieu-Poisson


                                               EBISU-MAI, LA DANSE DU DIEU-POISSON

Ebisu, le Dieu-Poisson, reviendra-t-il en France à l’occasion de la coupe du monde de Rugby cette année 2023 ?

Rappelons que la Coupe du Monde de Rugby 2019 s’était déroulée au Japon, pays de Ebisu, le « Dieu-Poisson ».

Et précisément, dans cet archipel qu’est le Japon le fief de Ebisu se situe dans la Préfecture de Hyogo où se trouve le port de Kobe, localité fameuse pour la qualité extraordinaire de son boeuf (le « Wagyu » de Kobe, il faut l’avoir goûté une fois au moins dans sa vie !…).

Là se sont déroulés, au « Kobe Misaki Stadium », certains matchs de la Coupe du Monde de Rugby 2019. Rugbymen et fans de Rugby ont pu, avant de goûter, tout en goûtant, ou après avoir goûté le fameux « Wagyu », déguster du non-moins fameux Saké de la région, plonger dans le bain japonais de la station thermale de Arima Onsen tout en appréciant par ailleurs le Ozashiki (évolutions traditionnelles des Geishas) mais sans oublier de faire un tour par le Mont Rokko à près de 900 mètres d’altitude et ensuite – ou après – par un petit bain romantique en bord de mer…

De quoi nous inspirer, amateurs de Rugby – dont je suis…- ou pas …!

Or le Japon, pays de création divine avec la Déesse Amaterasu, compte sept divinités de la Chance et de la Fortune, l’une d’entre elles est Ebisu, le Dieu-poisson, le plus recherché, dit-on, selon la tradition populaire japonaise.

Eh bien ! , Ebisu était venu en France, près de Paris, très exactement jusqu’au « Pavillon Royal » du Bois-de-Boulogne ce 14 juillet 2015 pour fêter « the Bastille Day », comme disent les Japonais et les Anglo-Saxons. Reviendra-t-il, notamment en 2023 à l’occasion de la Coupe du Monde de Rugby qui se déroulera en France …? Espérons !

Ce fut dans le cadre de la « Diplomatic Garden Party », troisième édition de ce qui constitue désormais un rendez-vous festif de haute volée incontournable du monde diplomatique de Paris, organisée par la « Lettre Diplomatique », revue qui fêtait à cette même occasion son 27ème anniversaire, et dirigée par mon ami, l’excellent Didier Vidal.

C’est que ce jour-là le Japon fut l’invité d’honneur, le Pays du Soleil Levant étant représenté par mon collègue japonais, Son Excellence Monsieur Yoichi Suzuki, Ambassadeur du Japon en France, lequel avait inauguré le Pavillon du Japon.

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« Joyeuses daurade » (JPRA)


Comme il se devait, une cérémonie du Thé japonais et un concert de Koto, instrument traditionnel, avaient agrémenté cette Garden Party très réussie.

Mais, le clou de l’animation culturelle offerte par l’ambassadeur nippon fut une courte mais si agréable représentation de la compagnie de Théâtre de marionnettes Awaji.

La compagnie de Théâtre de marionnettes Awaji, – « Awaji Ningyo Joruri » – , est par excellence une digne représentante des arts traditionnels spécifiques de la Préfecture du Hyogo, une collectivité locale japonaise comprenant en son sein pas moins de cinq régions et des îles, dont celle de Awaji, du centre du Japon.

Elle compte en outre, pour ne citer que ces lieux hautement représentatifs, le port de Kobe avec ses spécialités décrites plus haut, les ruines du château du fameux clan des Takeda (dit « le château du ciel »), le Château d’Himeji, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, ou encore le pont suspendu le plus long du monde appelé « Akashi Kaikyo ».

La tradition dont le « Awaji Ningyo Joruri » est porteur est vieille de cinq cents ans.

Et, selon la légende japonaise cette tradition tire ses sources dans le fait que l’Ile de Awaji, d’où est né le Théâtre de marionnettes Awaji, serait elle-même issue de l’Ile Onokoro considérée comme étant la toute première des îles japonaises à naître dans la nuit des temps.

C’est dire tout le poids historique et mythique (voire mystique) de la tradition des marionnettes Awaji…

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En compagnie de Ebisu


Dans le répertoire du « Awaji Ningyo Joruri », le « Ebisu-Mai » ou la « Danse du Dieu-poisson » est donnée en représentation à des occasions exceptionnelles.

Et c’est bien en mesurant cet insigne honneur que nous avions eu le privilège de seul serrer la main de Ebisu.

Et, par la suite, de goûter au plaisir d’assister à de courtes évolutions de son personnage ce 14 juillet 2015, ce d’autant plus qu’il est la plus recherchée des sept divinités de la Chance et de la Fortune selon la mythologie japonaise !

Et gageons que Ebisu reviendra en France – notamment à Paris – à l’occasion de la Coupe du Monde de Rugby 2023 qui se déroulera en France, sachant notamment que l’Equipe nationale japonaise de Rugby figure maintenant, avec une progression étonnante des dernières années, parmi les meilleures du monde …

Rendez-vous donc, à bientôt, Cher Ebisu …!

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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* La photo de Ebisu avec son gros poisson est tirée d’une brochure éditée par « Hyogo Tourism Association ».

LAUDATO SI : SAUVER LA MAISON COMMUNE !

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« Trèfles » (jpra)


                                                    

Ecologie par-çi, écologie par-là…Qui ne parle d’Ecologie aujourd’hui ? D’autres vont – non sans raison – jusqu’à évoquer l’effondrement annoncé de l’Humanité…

Il fut un temps où, à propos de l’Europe, le Général de Gaulle fustigeait ceux qui en parlaient sans savoir exactement de quoi il parlaient en s’exclamant avec la faconde ironie dont il avait le secret, à peu près de cette façon: « …sursautent comme un cabri en scandant à qui veulent les entendre:  l’Europe, l’Europe, l’Europe…! « .

On pourrait en dire autant de certains aujourd’hui à propos de l’Ecologie…!

Comme si on ne la découvrait que maintenant…! Mais, certes, la question devient d’une urgence lancinante, ce qui notamment a conduit à l’adoption récente en 2022 de deux accords internationaux qui font désormais date: l’Accord de Charm-El-Chekh dans le cadre de la COP27 sur le Climat et l’Accord de Montréal dans celui de la COP15 sur la Biodiversité.

Or, depuis des millénaires, la Chine (Cf. sur ce même blog notre article sur « Aperçu sur l’Ecologie traditionnelle chinoise » daté du 5 mai 2021) ou le Japon célébraient l’Ecologie dans des développements spirituels, philosophiques et artistiques qui continuent de nourrir bien des actions et des oeuvres actuellement malgré le triomphe du matérialisme. Et en France même, on redécouvre sur le tard en Maurice Genevoix le chantre de l’Ecologie à la française à travers ses ouvrages, en particulier son roman autobiographique, « un Jour », publié en 1976.

Pour sa part, au milieu de la cacophonie ambiante au sujet de l’Ecologie et des questions environnementales, le Saint-Siège ne pouvait pas ne pas faire valoir la conception chrétienne qui intègre, comme il se doit, la dimension humaine et spirituelle par cette formule simple:

. « Sauvons la Maison commune ».

 SAUVER LA MAISON COMMUNE ! – L’ACTUALITE ET LA SUBSTANCE DU MESSAGE – 

C’est la substance de la Lettre Encyclique « Laudato Si' »que le 24 mai 2015 le Pape François développe face à la grave problématique environnementale que connaît la Terre.

Cette assignation est, face à l’inconscience des hommes à exploiter démesurément – que dis-je: à saccager – les ressources de la planète Terre comme si elles étaient inépuisables, devenue de plus en plus pressante.

Les sommets sur le Climat et la Biodiversité qui s’étaient tenus successivement à Charm-El-Chekh et de Montréal à la fin de l’année 2022 se sont signalés comme cruciaux pour la Terre, pour l’Humanité, pour la Nature. Car, il s’était agi de prendre des décisions drastiques et pérennes face auxquelles certains dirigeants étatiques, économiques et financiers, demeurés encore sans conscience réelle, devaient pourtant se montrer plus responsables.

Le sont-ils désormais ?

En tout cas, c’est un monde nouveau, capable de s’affranchir des contraintes matérialistes, de l’immédiateté économique et des injonctions financières qui doit voir le jour (cf. notre article « Le monde nouveau» sur ce même blog http://www.labodiplo.wordpress.com, daté du 13 mai 2014).

Les messages papaux, en particulier à travers les encycliques des souverains pontifes de ces derniers temps, Saint Jean-Paul II, Benoît XVI et François, n’ont désormais de cesse – ô combien avec juste raison ! – d’alerter sur l’aggravation des dangers qui guettent l’humanité tout entière.

verte campagne (2)

« Verte campagne » (jpra)


« Laudato Si, Sauver la Maison commune ! ».

C’est en effet en substance le message universel pressant que de Rome le 24 mai 2015 de la Pentecôte le Pape François, quant à lui, avait adressé à tous, Chrétiens et non Chrétiens, afin que tous, par sa Lettre Encyclique « Laudato Si’ » développée sur six grandes thématiques, nous prenions très sérieusement conscience de la très grave problématique environnementale.

QUELS CONTENUS DU MESSAGE ? LES SIX PRECEPTS.

1 –        Il s’agit tout d’abord de bien savoir ce qui se passe sur Terre, dans notre Maison commune. La pollution et le changement climatique sont des réalités quotidiennes, récurrentes et aggravées par une sorte de « culture du déchet » sans qu’on mesure bien en conscience que le climat, l’eau, la biodiversité sont nos biens communs et que, au surplus, nous détruisons chaque jour davantage le peu de qualité de la vie humaine et du lien social qui nous restent.

Le rythme accéléré de ces phénomènes engendre une inégalité planétaire, elle-même démultipliée par une mondialisation économique envahissante face à laquelle la faiblesse récurrente des réactions est patente.

2 –      Or, l’Evangile de la création, par la lumière qu’Elle offre grâce à la foi et à la sagesse des récits bibliques, révèle le mystère de l’univers manifesté en particulier par les créatures d’une nature généreuse, qui se signale elle-même à nous dans une merveilleuse et authentique harmonie. Elle nous incite à une communion universelle parce que précisément la création est une et indivisible aux hommes et aux femmes, c’est sa sublime caractéristique.

Dès lors, posons-nous la question : mesurons-nous suffisamment la destination commune des biens ? Le pape François dit : « …Dieu est Père…Dans les dialogues avec ses disciples, Jésus les invitait à reconnaître la relation paternelle que Dieu a avec toutes ses créatures… Quand il parcourait chaque coin de sa terre, il s’arrêtait pour contempler la beauté semée par son Père…».

3 –       La racine humaine de l’actuelle crise écologique se traduit à travers une technologie débridée qui passe trop souvent à côté de la créativité, celle qui prend étroitement en compte la protection de la nature et la centralité de l’Homme. Cette technologie en devient franchement pernicieuse dès lors que s’y ajoute le rôle dominateur du politique au service de certains intérêts. Et à force d’instrumentaliser ainsi cette technologie dans une vision globalisante, le paradigme technocratique s’identifie dans toute sa négativité et son caractère unidimensionnel contre l’harmonie de la nature et de son rythme biologique.

A ces égards, le pape François rappelle cette vérité dite par Saint Jean-Paul II dans sa Lettre Encyclique « Centesimus annus » du 1er mai 1991 : « Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme, qui doit en faire un usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté ».

volana sy lamba

« Volana sy lamba » (jpra)


4 –       Une « écologie intégrale » doit ainsi se mettre en marche, c’est-à-dire dans une vision holistique, qui donc intègre différentes composantes. Dès lors, il ne doit pas y avoir de contradiction fondamentale entre les visées économiques, sociales et environnementales ; au contraire elles se conjuguent. Puisque « l’écologie étudie les relations entre les organismes vivants et l’environnement où ceux-ci se développent », et l’environnement « désigne en particulier une relation, celle qui existe entre la nature et la société qui l’habite ».

La politique, en tout cas ceux qui sont en charge des affaires publiques se doivent tout spécialement de donner aux recherches sur l’environnement une grande liberté académique, surtout dans la mesure où il s’agit d’appréhender les différentes créatures liées entre elles et qui constituent des unités plus grandes qu’elles et qu’on appelle « écosystèmes ». Il faut assurer la pérennité de ces écosystèmes dans l’espace, dans la durée temporelle mais aussi à travers temps et circonstances.

Car, il faut rappeler que « les écosystèmes interviennent dans la capture du dioxyde de carbone, dans la purification de l’eau, dans le contrôle des maladies et des épidémies, dans la formation du sol, dans la décomposition des déchets et dans beaucoup d’autres services que nous oublions ou ignorons ». A cela il faut ajouter une vérité : il y a nécessairement interaction entre les différents écosystèmes.

Enfin, sous cette considération holistique convient-il de se convaincre qu’au niveau de la gouvernance des sociétés et des nations « toute atteinte à la solidarité et à l’amitié civique provoque des dommages à l’environnement », ainsi que le souligne le pape Benoît XVI dans sa Lettre Encyclique « Caritas in veritae » datée du 29 juin 2013.

5 –        Alors, comment agir efficacement pour sauver notre Maison commune ? Les lignes d’orientation et d’action préconisées par le pape François dans son Encyclique se résument ainsi : dialogue sur l’environnement dans la politique internationale ; dialogue en vue de nouvelles politiques nationales et locales ; dialogue et transparence dans les processus de prise de décisions ; politique et économie en dialogue pour la plénitude humaine ; et les religions dans le dialogue avec les sciences.

Pour nous limiter à l’esprit de ce Blog voué aux questions internationales, arrêtons-nous seulement au « dialogue sur l’environnement dans la politique internationale ». – « l’interdépendance des nations nous oblige à penser à un monde unique, à un projet commun », dit le pape François. Il rappelle tout à fait opportunément l’actualité des résolutions du « Sommet planète terre » réuni à Rio de Janeiro en 1992, qui avait repris les résolutions essentielles de la « Déclaration de Stockholm » de 1972 préconisant une coopération internationale pour, notamment, préserver l’écosystème de la terre entière, stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre, élaborer un agenda avec un programme d’action et un accord sur la diversité biologique.

Sur le second point, force est de constater – et ce, malgré les décisions prises lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable Rio+20 (2012) -, la mauvaise volonté de certaines puissances économiques, imitées en cela par les « puissances émergentes », qui ne jurent que par leurs intérêts nationaux au détriment du bien commun général.

Des solutions concertées sont pourtant à portée de main. Très pratiquement, et pour ne prendre que cet exemple exemplaire, un consensus généralisé entre les nations peut aisément parvenir à promouvoir les technologies au support de la transition énergétique pour s’affranchir définitivement des combustibles fossiles. Mais, trop souvent les stratégies internationales visant l’abaissement des émissions de gaz polluants, maîtrisées par les économies dominantes de ce bas monde, ont pour conséquences – voulues ? – d’imposer aux pays moins riches et pauvres de lourds engagements comparables à ceux des pays riches, engendrant ainsi une nouvelle injustice économique source de nouvelle pauvreté.

Il arrive également trop souvent que certains pays et capitaines d’industries transfèrent dans d’autres pays des déchets ou industries polluantes dont leurs pays d’origine ne veulent plus… – Une nouvelle éthique de négociation doit donc se mettre en œuvre pour éviter ces types de dérives.

Et, assurément, ainsi que le préconise le Pape François, « la maturation d’institutions internationales devient indispensable…, avec des autorités désignées équitablement par accord entre les gouvernements nationaux, et dotés de pouvoirs pour sanctionner ».

C’est le Pape Benoît XVI qui, dans son Encyclique précitée « Caritas in veritate » du 29 juin 2009, ne pouvait pas mieux l’expliciter en disant : « Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon prédécesseur, Jean XXIII ».

soleil couchant

« Soleil couchant » (jpra)


6 –       Tout ceci nécessite assurément Education et Spiritualité si l’on veut atteindre ce niveau supérieur souhaité de haute conscience et de profondeur d’action. Il s’agit tout d’abord de miser sur un autre style de vie, lequel a à se fonder sur une éducation pour l’alliance entre l’humanité et l’environnement. Une « conversion écologique » est ainsi à rechercher. Au-delà de doctrines ou de sciences plus ou moins maîtrisées, elle se fonde sur la foi. Pour les Chrétiens, il s’agit de « vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu » comme étant « une part essentielle d’une existence vertueuse ».

A ces égards, la spiritualité chrétienne « propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu ». Cette vision et cette attitude anti-consumériste, qui est aussi l’antidote de la dynamique de domination et d’accumulation de plaisirs, qui permet d’être à la fois dans la joie et dans la paix intérieure.

Au niveau social, une meilleure prise de conscience du fait que nous avons besoin les uns des autres, que chacun a vis-à-vis des autres une responsabilité particulière, est nécessaire. Sinon, la dégradation morale ira en s’amplifiant en se moquant de l’éthique, de la bonté, de la foi et de l’honnêteté ; et finalement, ceci ne peut qu’empêcher le développement d’une vraie culture de protection de l’environnement. C’est ce que le pape François appelle « l’amour civil et politique ». Mais, il y a aussi et surtout les « signes sacramentaux et le repos pour célébrer ».

Car, il y a la mystique de Dieu dans toutes les créations de la nature, et la spiritualité chrétienne intègre à travers les sacrements la valeur de la joie, du loisir et de la fête. Elle donne son sens au repos contemplatif qui ouvre le regard vers les autres et leurs conditions.

Ce sens est d’autant plus fort et lumineux qu’il émane de la relation divine entre la « Trinité et les créatures ». La Trinité, incarnée par le Père, le Fils et l’Esprit, est présente dans toute la nature. Ainsi, Saint Bonaventure enseigne-t-il que « toute créature porte en soi une structure proprement trinitaire ».

                                                    ***

L’Encyclique « Laudato Si ‘ » se termine par un vibrant éloge à Marie, « Mère et Reine de toute la création » qui nous aide « à regarder ce monde avec des yeux plus avisés ».

Mais, à côté d’Elle « se détache la figure de saint Joseph », de qui émane une grande tendresse qui est « le propre de ceux qui sont forts, attentifs à la réalité pour aimer et servir humblement ».

En tous les cas et « au-delà du soleil », le Pape François nous invite à l’union « pour prendre en charge cette maison qui nous a été confiée, en sachant que tout ce qui est bon en elle sera assumé dans la fête céleste ».

Et, s’en suivent une « prière pour notre terre » à partager avec tous ceux qui croient en un Dieu Créateur Tout-Puissant ; et une « prière chrétienne avec la création », pour que « nous sachions assumer les engagements que nous propose l’Evangile de Jésus en faveur de la création ».

A bon entendeur…A chacune, à chacun de nourrir sa conscience, de forger sa résolution et d’affûter ses actions !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

printemps

« Printemps » (jpra)

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* Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations.

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