
« Lac d’Ambodiakondro », acrylique- Jipiera – Reproduction interdite
UNITAID, UN DISPOSITIF INTERNATIONAL ORIGINAL POUR L’ACHAT DES MEDICAMENTS A PRIX REDUIT.
PROPOS LIMINAIRES
L’actuelle très grave pandémie du Covid-19, dite Coronavirus, a tout naturellement amené les Nations Unies et son organisation spécialisée, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), mais également l’ensemble des Etats à se mobiliser de toute urgence pour donner à UNITAID les moyens nécessaires pour assurer sa mission, en particulier en direction des pays en développement où cette pandémie se développe tout aussi dangereusement que dans les pays riches.
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C’est l’occasion de parler de UNITAID. Car, qui réellement connaît UNITAID ? Bien peu de monde, en réalité…
Et pourtant…
Avec UNITAID, nous sommes en présence, non pas d’une organisation internationale stricto sensu avec une personnalité juridique formelle, mais d’un dispositif international d’un genre unique oeuvrant dans le domaine de la santé publique.
Plus précisément, pour faciliter l’achat de médicaments au niveau mondial et à en amoindrir les coûts, ce au soutien de campagnes de lutte contre les grandes pandémies.
En effet, loin de la bureaucratie et de la technocratie internationales trop souvent générées par certaines décisions d’Etats souverains en vue de la mise en place d’une organisation publique lourde de ses structures complexes et de son personnel pléthorique, c’est un mécanisme particulier qui a été inventé, renforcé et rendu d’une efficacité remarquée.
C’est ainsi que UNITAID est hébergé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à Genève ; que son fonctionnement et son mode de gestion ont été clairement définis par les Etats fondateurs dans un « Memorandum d’Accord » du 19 septembre 2006 ; que le fonds fiduciaire, le secrétariat et le conseil d’administration sont également hébergés par l’OMS.
* GENESE *
« A grande idée, cheminement certain ».
Telle pourrait être la devise à appliquer à UNITAID, la genèse de sa création le suggérant.
Quand depuis des dizaines et des dizaines d’années la communauté internationale était péniblement à la recherche de nouveaux outils de financement durable pour le développement, la lutte contre la faim et la pauvreté, ainsi que l’éradication des grandes pandémies, et qu’enfin en 2004 plus d’une centaine de pays ont adhéré à la Déclaration de New-York sur l’action contre la faim et la pauvreté, et que 79 pays ont entériné, le 14 septembre 2005, la Déclaration sur les sources innovantes de financement du développement, la voie s’est enfin ouverte pour la tenue à Paris, du 28 février au 1er mars 2006, d’une conférence internationale intitulée : « Solidarité et mondialisation : des financements innovants pour le développement et contre les pandémies ».
C’est le début du cheminement certain, auquel nous faisions allusion.
Car, voici que grâce à cette conférence, non seulement le cercle des pays soutenant ces outils de financements s’est élargi significativement, mais surtout cette conférence de Paris (à laquelle, en ma qualité d’ambassadeur, j’y participais activement en représentation de Madagascar) a permis la création d’un Groupe Pilote de 44 pays qui se sont engagés à travailler en faveur de la mise en œuvre, à court terme, de ces outils de financements innovants.
Au sein de ce Groupe Pilote, j’avais alors le privilège d’inclure Madagascar parmi les 5 premiers pays précurseurs (en compagnie de l’Algérie, de la Corée du Sud, de Chypre et de l’Ile Maurice), faisant partie d’un groupe de 19 pays, qui avaient fait connaître leur intention de mettre en place une contribution de solidarité sur les billets d’avion.
Recevant le feu vert du Président de Madagascar, je confirmais formellement cette intention de Madagascar par la suite, début novembre 2006 lors d’une cérémonie solennelle au Quai d’Orsay au cours de laquelle nous apposions notre signature.
UNITAID était en gestation certaine, avec un développement rapide.
En effet, entre-temps, très vite au constat que les traitements pour éradiquer les grandes pandémies n’attendaient que des financements adéquats, et que la mondialisation constituait une opportunité de créer de nouvelles solidarités fondées sur les sources innovantes de financement que la conférence de Paris de février 2006 avait fort opportunément mis en vedette, la France, le Brésil, le Chili, la Norvège et le Royaume-Uni ont d’un seul élan décidé de lancer une facilité internationale d’achat de médicaments.
Ainsi est né UNITAID, dont la création, fortement encouragée et poussée principalement par les présidents Chirac et Lula da Silva (du Brésil), fut officiellement actée le 19 septembre 2006 à New-York en marge de la session d’ouverture de l’Assemblée annuelle des Nations Unies.
Pour cette création, Kofi Annan, alors Secrétaire général de l’ONU, ainsi que l’ancien Président des Etats-Unis, Bill Clinton, prirent également leur part prépondérante.
L’acte constitutif, matérialisé par un « Memorandum d’Accord », fut signé le même jour successivement par les ministres des Affaires étrangères de la République fédérative du Brésil, de la République française, de la République du Chili, du Royaume de Norvège, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, et par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Aux cinq pays fondateurs d’UNITAID, donateurs principaux, auxquels il faut ajouter des fondations de renom, celles de Bill Clinton et de Bill Gates, se sont donc ajoutés, ainsi qu’indiqué plus haut, 19 autres pays donateurs complémentaires, dont Madagascar, lesquels s’étaient engagés à mettre en œuvre chez eux les procédures devant conduire à l’instauration d’une contribution de solidarité sur les billets d’avion ou d’un mécanisme similaire, et dont le produit est destiné à financer UNITAID.
UNITAID est, depuis sa création, présidé par le Docteur Douste-Blazy, le signataire pour la France de ses étapes fondatrices, en particulier du « Memorandum d’Accord » du 19 septembre 2006, qui est de façon formelle l’Acte fondateur d’UNITAID, tandis que son texte constitutif a été adopté le 10 octobre 2006.
Actuellement, UNITAID est présidé par Madame Marisol Touraine, ancienne ministre française de la Santé, élue le 29 mai 2019 pour un mandat de trois ans.

« Lac d’Ambodiakondro 2 » , acrylique – Jipiera – Reproduction interdite –
** CHAMP D’ACTION **
Dès le départ, UNITAID s’est attaqué aux trois grands fléaux que sont le Sida, le paludisme et la tuberculose, et en poursuit actuellement ses actions, principalement en Afrique et en Asie.
Il est heureux que UNITAID ait intégré l’actuelle grave crise de la Covid-19 dans ses actions prioritaire.
Ces actions visent à intensifier les efforts conjugués des différentes organisations, publiques et privées, internationales, régionales et nationales, en particulier par des apports financiers spécifiques permettant de fournir, de manière prévisible et durable, des médicaments et des moyens de diagnostic, ceci en réduisant les prix et en élargissant l’accès aux médicaments, le tout, en faisant en sorte de ne pas rendre plus complexes les mécanismes existants.
Le caractère pérenne et prévisible de ces actions est assuré grâce à la nature des financements, provenant de contributions générées par les mécanismes de financements innovants (exemples : contributions de solidarité sur les billets d’avion ; contributions budgétaires pluriannuelles).
De façon plus explicite, et tenant compte des mécanismes du marché de la santé au niveau mondial, UNITAID vise à les influencer selon les objectifs suivants :
. baisse des prix des médicaments et des diagnostics ;
. amélioration de la disponibilité de l’offre de médicaments et des moyens de diagnostic, et renforcement de l’offre ;
. susciter la concurrence dans le sens d’une baisse des prix (au cas où des obstacles liés à la propriété intellectuelle entraveraient cette concurrence et la baisse des prix, UNITAID soutiendra le recours par les différents pays partenaires à des licences obligatoires, conformément à la Déclaration de Doha sur l’Accord concernant les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et sur la santé publique) ;
. recherche de toute autre solution innovante permettant de surmonter les obstacles à la diversification des marchés dans les pays en développement.
Tout ceci doit se traduire dans des programmes concrets qu’UNITAID définit en étroite coordination avec ses partenaires que sont les pays participants, les organisations internationales partenaires (OMS, Fonds Mondial de Lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose, UNICEF, ONUSIDA), les organisations publiques et privées.
Il s’agit, en effet, que ces programmes définis et les procédures suivies correspondent bien, tant aux systèmes de santé nationaux qu’à leur politique de santé publique. Il s’agit aussi d’éviter des doublons et des duplications.
S’agissant des critères d’éligibilité à l’allocation des fonds, UNITAID a adopté deux règles essentielles :
- tous les pays en développement ont tous vocation à bénéficier des conditions tarifaires favorables négociées par UNITAID ;
- d’autre part, au moins 85% des fonds alloués à UNITAID doivent être destinés aux pays à revenu faible (par référence aux indicateurs de revenus définis par la Banque Mondiale).

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Avec UNITAID, Madagascar peut s’enorgueillir de faire partie des pays pionniers, dès le mois de la création en 2006, de ce mécanisme international unique, c’est à dire du Groupe Pilote dont le rôle est d’orienter la mobilisation internationale en faveur de financements innovants dans la lutte contre les grandes pandémies.
Je me félicite, en ma qualité d’ambassadeur représentant de Madagascar dans le processus de création d’UNITAID en 2006, d’avoir eu un rôle moteur et déterminant, notamment en agissant avec détermination pour inclure Madagascar parmi les pays membres du Groupe Pilote.
C’est pourquoi il est à déplorer qu’au moment où le Coronavirus de la Covid-19 avait fait son entrée à Madagascar avec sa cohorte de victimes, cette position privilégiée n’ait pas été préservée, renforcée et, surtout, mise à profit.
Car, dans l’état de nécessité où se trouve actuellement Madagascar en matière de santé publique, et tout spécialement au niveau de cette pandémie, il n’est pas concevable que ce pays ne puisse pas pleinement – ou ne veuille pas – bénéficier du dispositif original mis en place par UNITAID.
Par ailleurs avant cette pandémie de la Covid-19, tout spécialement à propos de la peste, lors d’une « Mission Economique Fandrosoana » que j’avais conduite à Antananarivo en juin 2016, j’avais expressément fait au Ministre de la Santé Publique de Madagascar une proposition en faveur d’une action visant à faire bénéficier Madagascar des avantages décrits plus haut, note spécifique à l’appui. Mais, alors même que l’épidémie de peste sévissait d’une façon dramatique à Madagascar, aucune initiative allant dans le sens préconisé n’avait été prise…
Ici comme ailleurs, dans beaucoup trop de cas, les occasions ratées par défaut de bonne gouvernance ont des conséquences dommageables pour l’ensemble de la population…
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo Ancien ambassadeur de Madagascar en France, avocat honoraire au Barreau de Paris
Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations