« Regard sur le large » – Pastel et acrylique – (jipiera) – Reproduction interdite –
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LA RECONSTRUCTION SOUHAITEE DE MADAGASCAR SOUS LE REGARD DES INVITES DE LABODIPLO
En novembre 2013, LaboDiplo » avait pris l’initiative de réunir sept invités étrangers de différents horizons professionnels, connaisseurs et amis de Madagascar, afin que dans la perspective de la vitale et nécessaire reconstruction de la Grande Ile ils émettent avis et propositions.
Six ans et demi après, en 2019, il nous est paru intéressant, tout autant qu’utile, de rappeler, d’une part certaines convergences de leurs points de vue respectifs et, d’autre part bien sûr, ce qui nous paraît de plus pertinents de leurs propos, le tout au regard des observations émises par une importante délégation de la Banque Mondiale venue en 2016 s’enquérir de la situation in situ à Madagascar.
Le moins qu’on puisse dire est que, depuis, l’horizon demeure bien sombre, alors que des initiatives – précisément dans le sens des avis et propositions de nos amis étrangers – , qui pouvaient être prises en leur temps n’ont pas été prises. Le seront-elles jamais…?
Or, aujourd’hui, nous nous acheminons vers la fi de l’année 2022…et rien ne pointe à l’horizon, bien au contraire les choses empirent…!
Regardons la réalité en face.
UN ETAT DES LIEUX QUI LAISSE APPARAITRE AU GRAND JOUR UN DELABREMENT GENERAL
L’environnement macroéconomique est très mauvais, c’est une évidence criante.
Il faut certes en chercher les causes dans la brusque détérioration du tissu industriel et social, aggravée depuis plusieurs mois par les déboires des deux entreprises d’Etat que sont « Air Madagascar » et « Jirama », mais aussi due à la dépréciation de la monnaie nationale et aux pertes de marchés à l’exportation, tout ceci en dépit des avantages liés à l’abaissement généralisé des prix sur les marchés internationaux et à l’abaissement – voire à la suppression, dans le cas de l’Agoa – des tarifs douaniers.
Quant aux recettes fiscales, dont les assises ont bénéficié de certaines réformes et de dispositifs allant dans le bon sens, elles tardent à produire leurs effets vertueux sur les finances publiques, car les sources d’imposition se rétractent à vue d’œil au lieu de s’étendre, à cause de l’extension du secteur dit « informel », d’une activité économique atone et de la fermeture d’un nombre incalculable d’activités.
Ce qui en outre incite à un regain d’inquiétude, est qu’aucune programmation budgétaire n’est en vue pour soutenir un quelconque plan de redressement ou de développement, ce qui se traduit notamment par le fait que moins de 20% des dépenses de l’Etat vont aux investissements (lesquels sont d’ailleurs quasi exclusivement financés par des bailleurs étrangers)…
Là donc où, par exemple, un programme de « grands travaux » serait le bienvenu, et où un « new deal » est nécessaire pour restructurer, remobiliser, redynamiser et, sur ces bases, concevoir et faire entrevoir une redistribution de revenus par différentes incitations, on n’enregistre aucune annonce dans ce sens et, par conséquent, on ne voit rien venir.
Ceci étant, l’amélioration de cet environnement macroéconomique ne dépend pas exclusivement des finances publics, loin s’en faut, et heureusement.
A titre principal, c’est l’absence d’une véritable politique de redressement national qui est en cause, et d’autres considérations plus spécifiques interviennent, notamment sectorielles, structurelles, organisationnelles et entrepreneuriales, mais pour démarrer et prospérer ces autres considérants dépendent eux-mêmes d’une politique de redressement national affirmée et soutenue par des lois de programmations économique, de dotations matérielles et financières.
« Ouverture sur le large » – Pastel – (jipiera) – Reproduction interdite –
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LES PISTES A EXPLORER
En novembre 2013 donc, nous proposions à nos sept invités de bien vouloir réfléchir à une « polarisation » de Madagascar, à cette sorte de posture d’attirance à cultiver pour cette grande île aux immenses ressources, certes naturelles mais aussi humaines.
Nous ne les remercierons jamais assez de leur contribution respective.
Tous considèrent, comme nous, que pour parvenir à sa polarisation Madagascar doit mettre en œuvre deux choses : une véritable planification horizontale et verticale (le PND et le PMO actuels ne sont que des exercices parcellaires sans grande cohérence entre eux…), et une attention raisonnée et soutenue sur son environnement géostratégique et géopolitique, interne comme externe.
. C’est notamment ce qui ressort de l’intervention de l’Amiral Laurent Mérer, ancien Commandant de la Zone maritime de l’Océan Indien, zone hautement stratégique si tant est qu’il faille le rappeler, et ancien Préfet maritime de l’Atlantique, dans son article intitulé « Madagascar, l’environnement stratégique » (voir sur ce même site « Labodiplo, l’ouverture à l’international », cet article daté du 20/11/2013). Sa grande expérience de la zone où baigne Madagascar l’autorise à émettre de façon certaine les avis qu’il expose dans son intervention.
. Quant à M. Didier Coulomb, Directeur de l’Institut International du Froid (IIF), une organisation intergouvernementale dont Madagascar est membre (et avec laquelle nous avions conçu en 2004-2005 des programmes de développement…hélas non suivis par le gouvernement !) , il préconise à juste titre dans son article « Chaîne du froid, sécurité alimentaire et développement économique – Le cas de Madagascar » (voir sur ce même site en date du 20/11/2013), ce que ce pays devrait entreprendre dans les meilleurs délais, ce à l’instar de l’Afrique du Sud, pour concrétiser de façon déterminante cette sécurité alimentaire et cette sécurité sanitaire qui constituent des défis majeurs dans ce pays riche en ressources mais si pauvre en dispositifs adéquats.
. Le Colonel (er) Hughes Lelouvier Aumont de Bazouge, ancien attaché de Défense auprès de différentes ambassades françaises en Afrique, et récemment auprès de la SADC, abonde dans les approches de l’Amiral Mérer. Mais ce spécialiste de Madagascar et de l’Afrique, qui eut dans les années 2000 à réfléchir sur les choix stratégiques de développement de Madagascar, considère non sans raison évidente qu’une véritable « révolution verte » doit s’opérer à Madagascar par une riziculture extensive doublée d’un développement systématique du réseau hydraulique. Par ailleurs, il préconise la création d’une Académie du Développement, une proposition aussi originale qu’intéressante afin, précisément, de polariser les voies et moyens d’une politique et des choix à long terme en la matière (son article « Madagascar : perspectives de développement » est visible sur ce site à la date du 24/11/2013).
. Le point de vue d’un natif de La Réunion, cette « France de proximité », exprimée par M. René-Paul Victoria, ex Député-Maire de Saint-Denis de La Réunion et ex Président du Groupe d’Amitié France-Madagascar de l’Assemblée nationale française, acquiert de ces faits une résonance particulière. En évoquant « Le retour du géant » (sur ce site à la date du 26/11/2013), il se fonde sur la mythologie malagasy pour affirmer une vocation au réveil de tout un peuple, actuellement peu connue et que les Malagasy eux-mêmes semblent d’ailleurs oublier, car c’est de cette prédisposition psychologique que viendra le ressort. Et ceci n’est pas sans rappeler, ainsi que nous l’affirmions dans nos propres écrits (cf. « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar, 12ème et dernière parties » sur http://www.labodiplo.wordpress.com), le caractère de pionnier du peuple malagasy…du moins dans ses débuts, mais qu’il faut absolument retrouver.
. En arrivant à notre 5ème invité, on se dit que les Malagasy devraient mesurer à quel point leur pays et eux-mêmes se doivent d’être à la hauteur de l’intérêt – de l’amour – que leur portent nos amis étrangers venus des antipodes…puisqu’il s’agit ici de la Suède. En l’occurrence du Professeur Per-Sigrud Agrell, un spécialiste suédois de géopolitique, Professeur aux universités de Stockholm et de Londres, Directeur de recherches à l’Ecole des Mines de Paris. Ses propositions (« Quel choix systémique pour le redressement de Madagascar ? », en date du 28/11/2013 sur ce site) se focalisent sur la nécessité pour un gouvernement d‘un pays aussi vaste et intrinsèquement riche tel que Madagascar, d’assurer dans l’esprit systémique une bonne et efficace articulation de tous les rouages étatiques à tous les niveaux. Il s’agit, en effet, que la chaîne de commandement et d’information fonctionne et circule sans entrave et avec précision, avec une connexion sans faille, ce dans le sens descendant comme ascendant.
. De son côté, et dans une conception qui vient renforcer l’avis précédent, Mme. Annie Favrie, Economiste-urbaniste, Chargée de cours à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sc.Po Paris), Expert plusieurs fois missionné par l’Union Européenne et la Banque Mondiale, en particulier Madagascar où entre 2004 et 2011 elle a développé dans le secteur Textile des clusters qui fonctionnent bien, elle préconise tout naturellement de développer le système du clostering dans deux secteurs porteurs et connexes (voir son article « Ouvrir une fenêtre sur le monde » daté du 19/1/2014 sur ce site) : l’artisanat et le tourisme. En effet, quoi de plus pertinent ! Mais, le tout doit se concevoir dans le contexte de la mondialisation. C’est pourquoi, ceci doit notamment se baser sur deux leviers incontournables : la formation professionnelle et la communication.
. Pour clore ce panel expertal, nous avons bénéficié de la contribution du Docteur Avi Assouline dans un domaine ô combien vital…c’est le cas de le dire : la sécurité sanitaire. Il est Cancérologue-radiothérapeute à Paris, un expert reconnu et membre de la Société américaine de Radiothérapie oncologique, auteur de plusieurs ouvrages qui font autorité, notamment dans le cadre de la formation de jeunes médecins. Dans son article « La santé publique à Madagascar » (daté du 10/11/2014, visible sur ce site), il fait tout d’abord un état succinct des lieux avant d’émettre quelques réflexions sur la « Construction d’un véritable système de soins à Madagascar ». Assurément, ses développements sont à rapprocher de ceux de M. Didier Coulomb qui, lui de son côté, voit la question de la sécurité sanitaire à travers les apports du système du froid en matière d’aliments et de conservation d’outils thérapeutiques et médicamenteux (cf. ci-dessus).
« Perspective infinie » – Acrylique – (jipiera) – Reproduction interdite –
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Bien sûr, Labodiplo à travers ces contributions d’un grand intérêt n’a pas la prétention d’épuiser le vaste sujet de « La reconstruction de Madagascar », ni même d’en couvrir les pans déterminants, mais du moins avons-nous pu émettre des propositions pertinentes et réalistes.
Aux regards de nos invités étrangers, se sont ajoutés ceux, tout aussi essentiels bien évidemment, de nos amis malagasy, dont la collecte des contribution est toujours actuellement en cours. L’ensemble nous donnera une vision convergente, complémentaire ou divergente, en tout cas sur un fond de ressenti nécessairement authentiquement « national »…
Nous y reviendrons.
Et à eux également Labodiplo exprime ses vifs remerciements pour leur contribution respective.
Rendez-vous donc à plus tard pour une restitution des contributions des invités Malagasy.
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
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