QUID DE LA LEGALITE DES TRANSFERTS INTERNATIONAUX DE DONNEES PERSONNELLES ?

Bouclier

« Bouclier de Justice » (jpra)


QUID DE LA LEGALITE DES TRANSFERTS INTERNATIONAUX DE DONNEES PERSONNELLES ?

Nombreux sont les « Facebookers » à s’interroger – tout à fait légitimement – sur la légalité de l’exploitation et du transfert de leurs données personnelles par Facebook, en l’occurrence vers les Etats-Unis.

Car, ce sont les droits fondamentaux de tout un chacun qui sont en cause, ceux en tout cas relatifs à son image, à son état, et à son identification personnels.

Un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du 6 octobre 2015 vient trancher de façon nette la question.

Faisant incontestablement jurisprudence, ses dispositifs s’imposent à toutes les instances des Etats membres de l’Union Européenne, et ce rétroactivement.

Mais, on peut aussi imaginer que ces dispositifs puissent servir de référence jurisprudentielle à toute autre juridiction hors Union Européenne…

Nous remercions vivement le Cabinet De Gaulle Fleurance & Associés de nous avoir transmis une communication consacrée à cet arrêt important de la Cour de Justice de l’Union Européenne, et de nous autoriser à la publier en intégralité dans « LaboDiplo, l’ouverture à l’international ».

Chacun pourra ainsi mesurer successivement :

. les points majeurs de cet arrêt ;
. les principales conséquences à en retenir ;
. et les recommandations qui s’imposent.

Voici, ci-après, cette communication.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo


rosace-6

« Rosace » (JPRA) – Maquette de vitrail –


Si vous n’arrivez pas à lire ce message, accédez à la version en ligne.

De Gaulle Fleurance & Associés | Safe Harbor : Actualité / News

Actualité / News
Octobre / October 2015
Version française

Le 6 octobre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré invalide la décision de la Commission européenne portant sur le Safe Harbour US adoptée en 2000. Aux termes de cet accord, il était jusqu’à présent considéré que les données personnelles transférées de l’Union Européenne vers les Etats Unis bénéficiaient d’un niveau suffisant de protection.

Voici les principaux points de cet arrêt que nous estimons être intéressants pour votre entreprise.
1. Quels sont les points majeurs de cet arrêt ?

(i) L’ affaire portée devant la plus haute juridiction irlandaise (Irish High Court) par un citoyen autrichien, M. Schrems, concerne le transfert de données personnelles vers les Etats-Unis par une filiale irlandaise de Facebook.

(ii) L’arrêt de la CJUE, saisie dans le cadre d’une question préjudicielle, suit les conclusions de l’avocat général M. Yves Bots rendues le 23 septembre 2015 arguant que le Safe Harbour US devait être annulé.

(iii) Malgré de nombreuses critiques de la part des Etats-Unis, la Cour de justice considère que la Commission européenne ne s’est pas assurée que les Etats-Unis garantissaient effectivement, en raison de leur législation interne ou de leurs engagements internationaux, un niveau de protection des droits fondamentaux substantiellement équivalent à celui garanti au sein de l’Union en vertu de la directive lue à la lumière de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, comme elle était tenue de le faire.

(iv) Selon la Cour de justice, la Commission européenne ne peut priver les autorités nationales du pouvoir de contrôler les transferts des données personnelles dont elles disposent en vertu de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de la directive sur la protection des données personnelles.

(v) La Cour de Justice relève que la Commission européenne s’est limitée à examiner le régime de la sphère de sécurité du Safe Harbour. L’arrêt insiste sur le fait que ce régime est uniquement applicable aux entreprises américaines qui y souscrivent, sans que les autorités publiques des États-Unis y soient elles-mêmes soumises. En outre, le régime du Safe Harbour admet que les exigences relatives à la sécurité nationale, à l’intérêt public et au respect des lois des États-Unis l’emportent sur le régime de la sphère de sécurité et puissent entrainer des ingérences, par les autorités publiques américaines, dans les droits fondamentaux des personnes.

(vi) Enfin, nous remarquons que l’arrêt de la Cour de justice ne fait mention d’aucune période de grâce qui permettrait aux entreprises américaines de mettre en place de nouvelles pratiques avant que le Safe Harbour ne soit plus valide.

2. Quelles sont les principales conséquences de cet arrêt ?

Conformément à la jurisprudence européenne, la décision d’invalidité du Safe Harbour doit être considérée comme immédiate, avec effet rétroactif, sur les transferts de données déjà opérés depuis l’entrée en vigueur du Safe Harbour en 2000. En conséquence, les entreprises ne peuvent plus se fonder sur le Safe Harbour pour poursuivre leurs transferts de données vers les Etats-Unis.

Il sera demandé à la Commission européenne de prendre toutes les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec l’arrêt de la CJUE. L’accord-cadre sur l’échange des données personnelles entre l’Union européenne et les Etats-Unis aux fins de prévention, de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites pénales, notamment pour lutter contre le terrorisme est en cours de finalisation après l’achèvement, début septembre 2015, de la phase de négociation entre la Commission européenne et l’administration américaine. La Commission pourrait renégocier un nouveau « Safe Harbour » avec les Etats-Unis et l’inclure dans cet accord-cadre. Le nouveau « Safe Harbour », s’il est renégocié, devra prendre en considération l’arrêt de la Cour de justice et ses conséquences.

Dans cette optique, l’arrêt de la Cour de Justice rappelle l’obligation d’interpréter la directive de 1995 à la lumière de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cette obligation vaudra également pour le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles en cours de finalisation qui devra entrer en vigueur dans les prochains mois en remplacement de la directive de 1995. Cela limitera les possibilités pour le Parlement et le Conseil d’atténuer les principes et les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2015. Et cela pour longtemps.

En ce qui concerne l’affaire en cause, il reviendra à l’autorité de protection des données irlandaise d’examiner si le transfert des données des abonnés européens de Facebook vers les Etats-Unis doit être suspendu en raison du fait que le pays ne peut assurer un niveau adéquat de protection des données personnelles. Il doit être rappelé que la Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à l’arrêt de la Cour. Cet arrêt lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

3. Quelles sont nos recommandations ?

Se fonder sur les alternatives disponibles offertes par la directive sur la protection des données personnelles afin de poursuivre le transfert de données vers les Etats-Unis, comme des clauses contractuelles contraignantes ou les modèles de clauses de la Commission européenne pour les contrats de transfert de données.

En tant que responsable du traitement ou sous-traitant, conduire un audit de votre portefeuille de contrats de transfert de données et de vos procédures de traitement de données mises en œuvre dans ce domaine, afin d’identifier où et comment les flux de données s’organisent. Mettre à jour vos contrats concernés, à la lumière de l’arrêt du 6 octobre 2015, afin de s’assurer de leur conformité avec le droit de l’Union européenne des données personnelles.

Contacter les autorités de protection des données locales afin d’obtenir leur position et de mettre en œuvre leur recommandations pays par pays. La Commission européenne a annoncé qu’elle allait contacter les autorités nationales de supervision au sein de l’Union européenne afin de mettre en œuvre une action coordonnée à l’aune de l’arrêt de la Cour de Justice et de leur fournir des lignes directrices. Elle s’est également engagée à offrir de l’aide et de l’assistance aux entreprises qui recherchent des réponses sur la manière de faciliter les transferts de données à la lumière de l’arrêt. Ces informations et les personnes à contacter seront publiées sur le site de la Commission prochainement.

Rester concentrés sur les résultats des possibles renégociations du Safe Harbour et le cas échéant, conduire toute action pertinente afin de contribuer à l’orientation des résultats de ces négociations.

Liens :
• Décision de la CJUE
• Communiqué de presse officiel de la CJUE
• Réaction de la Commission européenne
N’hésitez pas à contacter notre équipe pour toute question.

                                                                                    ***

                                                                        English version
On October 6, 2015, the Court of Justice of the European Union (ECJ) has declared invalid the European Commission’s US Safe Harbour Decision rendered in 2000.

This Safe Harbour Framework had for its purpose to consider the US as offering an adequate level of data protection to data coming from the EU subject to compliance with a list of conditions by undertakings transferring the data.

Here are the major points of this new judgment which we thought may be of interest to your activity.

1. What are the major points of the October 6, 2015 judgment?

(i) The ruling relates to a case brought to the Irish High Court by Austrian citizen M. Schrems over the transfer of data to the US by an Irish subsidiary of Facebook.

(ii) The ECJ judgment (i.e. the answer to a question referred for a preliminary ruling), follows a legal opinion from Advocate General Yves Bots of September 23, 2015 arguing that the US Safe Harbour should be struck down.

(iii) Although this has been highly criticized by the United States, the ECJ holds that the European Commission did not make sure that the United States ensures, by reason of its domestic law or its international commitments, a level of protection of fundamental rights essentially equivalent to that guaranteed within the EU under the EU Directive on data protection read in the light of the Charter of Fundamental Rights of the European Union, as it was required to.

(iv) According to the ECJ, the European Commission’s Safe Harbour cannot usurp powers of EU data protection national authorities. It cannot reduce their powers available under the said EU Directive and Charter.

(v) The ECJ criticizes the European Commission for having merely examined the Safe Harbour scheme. The ruling highlights that such Safe Harbour scheme is only applicable to United States undertakings which adhere to it and does not bind United States public authorities. Also, the ECJ alleges that the Safe Harbour scheme enables interference with national security, public interest and law enforcement requirements that prevail over it.

(vi) According to the ECJ, a legislation permitting the public authorities to have access on a generalized basis to the content of electronic communications must be regarded as compromising the essence of the fundamental right to respect for private life. This is allegedly particularly true when such legislation does not provide a possibility for an individual to pursue legal remedies in order to have access to, obtain the rectification or the erasure of personal data relating to him.

(vii) Finally, no reference is made in the ECJ’s ruling to any grace period that would allow US companies to establish their new arrangements before Safe Harbour ceases to be valid.
2. What are the main consequences of this judgment?

Under current EU case law, Safe Harbour framework’s invalidity shall be considered as immediate, with a retroactive effect on data transfers already conducted as of the implementation of the Safe Harbour in 2000. Therefore, companies may no more rely on the Safe Harbour for continuing any transfer of data to the US.

The European Commission is required to take the necessary measures to comply with the judgment of the ECJ considering that the Umbrella Agreement on the exchange of personal data between the EU and the US for the purpose of prevention, detection, investigation and prosecution of criminal offences, including terrorism is in the process of being finalized after achievement of the negotiation phase between the EU and the US early in September 2015. The Commission could negotiate a new “Safe Harbour” agreement with the US. If so renegotiated, it shall take account of the ECJ’s ruling and impact.

In this respect, clear reference is made in ECJ’s ruling to the obligation to read the 1995 EU Directive on data protection in light of the Charter of Fundamental Rights of the European Union. The same will apply to the awaited new EU Regulation on the protection of personal data which is supposed to enter into force in the coming months to replace the 1995 EU Directive. In view of this obligation, EU Parliament and Council, as well as Member States legislatures will be seriously limited, now and in the future, in any efforts to mitigate the effects of the october 6, 2015 Safe Harbour decision. And this shall be true for a long term.

Regarding the specific action of Mr. Schrems, the Irish DPA will have to examine whether the transfer of the data of Facebook’s European subscribers to the United States should be suspended on the ground that the country does not afford an adequate level of protection of personal data. One should remind oneself of the principal that “the Court of Justice does not decide the dispute itself. It is for the national court or tribunal to dispose of the case in accordance with the Court’s judgment, which is similarly binding on other national courts or tribunals before which a similar issue is raised”.

3. What are our recommendations by now ?

Relying on available alternative ways offered by the Directive on data protection to continue transferring data to the US i.e. binding corporate rules or European Commission model clauses for data transfer agreements.

In your capacity as data controller or data processor, auditing your existing data transfer contracts portfolio and data processing procedures implemented in the field, to identify where and how data flows are taking place. Update your relevant contracts in light of October 6, 2015 ECJ’s ruling to ensure compliance with EU law on data protection.

Contacting the competent local supervisory authorities to obtain their position and implement their recommendations on a country by country basis. The European Commission has announced that it will contact the national supervisory authorities in the EU in order to implement a coordinated action in light of the ECJ’s ruling and provide them with practical guidelines. It also commits to offer assistance and help to businesses who are looking for answers on how to facilitate data transfers in light of the decision. Relevant information and contact points will be published on the Commission’s website hopefully soon.

Staying focused on results of the possible renegotiation of the Safe Harbour Agreement and as the case may be, conducting any pertinent action to contribute to the orientation of these negotiations’ results.

Links :
• Decision rendered by the ECJ
• Official press release of the ECJ
• Comment by the European Commission
Should you have any question, please do not hesitate to contact our team.

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De Gaulle Fleurance & Associés, société d’avocats d’affaires indépendante full service intégré, compte plus de 100 avocats et juristes et offre à une clientèle française et internationale un service complet en conseil et en contentieux, une expertise basée sur l’expérience internationale de ses avocats et un réseau qualifié de cabinets good friends à l’étranger.
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LA SUCCESSION AU TRONE A MADAGASCAR

Voromahery et trône porté

« Voromahery et trône porté » ( deux symboles de la royauté malagasy – ). Reproduction strictement interdite (jpra). Archives personnelles.


                                         LA SUCCESSION AU TRONE A MADAGASCAR

La question demeure d’une actualité signalée en ces temps présents où chacun à Madagascar spécule bien volontiers, avec force avis qui se veulent définitifs, sur qui ou quel membre de telle ou telle maison princière a le plus de légitimité à accéder au trône malagasy si un jour les étoiles devaient s’ouvrir à cette occurrence d’une monarchie retrouvée.

Nous avons notre idée sur ce sujet, nécessairement rapporté aux nécessités de bonne gouvernance qui s’imposent.

D’où la notion d’ « innovation monarchique » comme postulat de base, avec ses développements démocratiques.

Nous en exposions les contours dans nos articles intitulés « Madagasikara Mijoro » (daté du 20 juillet 2014) et « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », dernière partie (daté du 25 octobre 2013), parus sur ce même blog.

Mais, sans nous projeter dans les perspectives annoncées dans nos articles sus-référencés, qu’en est-il en réalité dans la tradition monarchique malagasy, pour rester dans le cadre du présent sujet ?

Il faut y voir clair et éviter d’entrer dans les entremêlements si affreusement complexes des lignages supposément légitimistes auxquels certains veulent nous entraîner.

Pour notre part, en ayant exploré maints et maints documents, témoignages et autres investigations depuis des années et des années, nous avons pu démêler les écheveaux d’un embrouillamini qui jusqu’ici enfumait inutilement le sujet.

En voici les résultats en distinguant et en ordonnant les différentes considérations.

                                            BREVE SUR LES DONNEES HISTORIQUES

Pour être clair, choisissons d’être didactique.

Dans l’ancienne monarchie merina, le mode de désignation des souverains était pour le moins confus, laissant place à toutes les luttes internes à l’intérieur d’un même lignage ou entre différents clans, ce qui fut souvent le cas au cours de l’histoire (cf. sur ce même blog notre série d’articles intitulée « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar »).

A la base, il y avait les nobles.

Les nobles – Andriana – regroupaient les parents des souverains et chaque famille avait son propre lignage, représenté au sommet par son grand ancêtre et pouvant compter soit des ascendants, soit des descendants ayant régné à une époque ou à plusieurs époques données.

Les nobles étaient répartis en plusieurs maisons : le roi Ralambo avait privilégié ses parents, communément les « trois frères Andrianteloray », terme cependant générique exprimant l’idée que chacun des « Trois frères » porte le nom de son père, d’où le nom littéral et générique Andrian-telo-ray.

Selon le « Tantaran’ny Andriana » (compilation sur les faits et gestes royaux connue sous l’appellation de « Histoire des rois »), immense documentation établie par le Père Callet à partir de sources authentiques malagasy, Ralambo institua ces « Trois frères », « qui forment une touffe unique qui se subdivise ensuite en trois tresses, les Andriantompokoindrindra, les Andrianamboninolona et les Andriandranando » (p. 286 et s.), à Ambatondrafandrana (Antananarivo) .

Tel était le socle de la royauté campée sur ses bases. Mais, beaucoup plus tard, le roi Andriamasinavalona voulut privilégier les siens et imposa une autre classification protocolaire.

Aucun autre changement n’est intervenu depuis lors, et cette classification est demeurée jusqu’à l’abolition de la royauté à Madagascar : dans l’ordre protocolaire les maisons nobiliaires les plus élevées, les Zazamarolahy et les Andriamasinavalona étaient apparentées aux souverains les plus récents, tandis que les suivantes, les Andrianteloray et les Zanadralambo, descendaient des souverains les plus anciens.

On voit bien ainsi qu’à la racine, la classification des différentes maisons nobiliaires obéissait moins à une tradition établie en termes de légitimité qu’à des considérations purement politiques du moment, traduites par un dispositif protocolaire, que venait renforcer, par la suite, l’ascension au pouvoir des roturiers – les Hova – , lesquels étaient soucieux de consolider leur position en tant que « faiseurs de rois et de reines », jusqu’au point, ardemment souhaité par le clan des Tsimiamboholahy, où ils pourraient se substituer, le moment venu et le fruit étant mûr, à la dynastie régnante, selon le voeu quasi-formellement exprimé par l’ambitieux Rainilaiarivony, époux officiel morganatique des reines Rasoherina, Ranavalona II et Ranavalona III.

Ce qui fait, qu’au fond, par rapport à cette classification, la question de la légitimation des souverains à Madagascar, qui s’est d’ailleurs posée à plusieurs reprises, n’a jamais été évidente parce-qu’enfumée par maintes intrigues politico-claniques.

Pour en revenir aux sources, la tradition semble avoir clairement établi une loi générale visant à préserver la légitimation filiale, selon laquelle la femme principale – Vadibe – du souverain régnant doit obligatoirement descendre d’une des maisons des Andrianteloray, ses fils étant seuls aptes à régner.

Cette tradition semble ainsi consacrer, en outre, la primauté de la lignée féminine dans la désignation du souverain.

Mais cette règle ne fut pas toujours strictement suivie.

Car en fait, le souverain reste toujours libre de choisir celui ou celle qui doit régner après lui et, de plus, certains grands souverains, dont Andriamasinavalona, Andrianampoinimerina et Ranavalona 1ère sont des exemples précis de souverains qui sont parvenus au pouvoir par la force, soit armée pour le second, soit à la faveur d’un coup de force politique pour le premier, soit procédant des deux voies pour la troisième.

La description des successions décrites dans les lignes qui suivent, synthétisée et résumée, est donnée à titre illustratif, avec toutes les réserves historiques d’usage, tant la détermination exacte des liens de parenté est affreusement complexe, ce qui est dû notamment au fait que les souverains avaient plusieurs femmes après la vadibe (femme principale), et que ces femmes elles-mêmes pouvaient provenir de la famille plus ou moins immédiate du souverain (tante, nièce, cousine ou cousine issue de germain ou germaine…) ; mais certains anachronismes peuvent également apparaître car un souverain a pu laisser son successeur régner, soit à sa suite, soit sur un autre fief, alors que lui-même était encore vivant.

volana sy lamba

« Volana sy lamba  » (jpra)


                                                    LA SUCCESSION DES LIGNEES

On considère que l’ancêtre commun des Andriana (nobles) est Andriantomara, qui serait venu sur les côtes nord-est de Madagascar, près de Maroantsetra, au XIIIème siècle.

Des lignées sont ensuite très vite apparues, qui conduisirent le peuple Merina à la conquête des hauts plateaux pour s’établir en différents points.

La lignée royale principale Merina commence traditionnellement avec Rafohy et Rangita.

La reine d’Imerina avait notamment donné naissance à Andriamanelo et à Andriamananitany, son frère cadet, et avait réglé sa succession en choisissant Andriamanelo comme roi, à sa suite.

Mais, pour autant, Andriamananitany n’était pas exclu du trône puisque sa mère, la reine, inventant la prescription du « Fanjakana arindra » (« royaume bien ordonné ») pour régler la succession au trône, lui réservait implicitement le trône à la suite d’Andriamanelo, sans que l’on sache si cela signifiait que Andriamananitany règnerait, quoi qu’il arrivât, à la mort de son frère Andriamanelo.

Cependant, ce dernier régla lui-même sa succession en faveur de Ralambo, son propre fils, tandis que Andrianamboninolona, fils d’Andriamananitany, eut pour fille Ratsitohina, que Ralambo prit, de convention familiale et, pour ainsi dire, pour compenser le fait qu’Andriamananitany n’avait pas pu régner, comme épouse principale (vadibe).

De leur union est né Andrianjaka, devenu par la suite roi d’Antananarivo. Mais, avant de prendre Ratsitohina comme épouse, Ralambo était déjà marié à Ratompokoamandrainy, avec laquelle il eut notamment pour fils Andriantompokoindrindra.

Les descendants de ce dernier régnèrent par leurs enfants.

Andrianjaka eut pour fils Andriantsitakatrandriana, son successeur comme roi d’Antananarivo. Andriantsitakatrandriana eut de sa première épouse (vadibe), dame Ravololontsimitovy de la caste des Andriandranando, un fils, Andriantsimitoviaminandriandehibe, qui régna à son tour à Antananarivo.

Puis, vient le roi Razakatsitakatrandriana, frère aîné d’Andriamasinavalona.

Mais, par un coup de force, ce dernier détrôna son frère et réussit à réunir à nouveau l’Imerina au début de son règne avant de le partager entre ses quatre fils, ce qui sera bientôt source de graves dislocations territoriales et de troubles identitaires.

A cette source royale issue des castes Andrianamboninolona et Andriandranando des origines s’ajoute, par la suite, une autre source constituée concurremment par cette même caste des Andriandranando et celle des Andriantompokoindrindra.

En particulier, l’une de leurs descendantes, Ratompoindroandriana (mais, selon le « Tantaran’ny Andriana » du Père Callet, p. 288 et 290, Ratompoindroandriana descend des seuls Andriandranando, ainsi que le proclament eux-mêmes les rois Andriamasinavalona et Andriantsimitoviaminandriana, qui revendiquent tous deux cette lignée royale), première femme (vadibe), mais déjà âgée, du roi Andriamasinavalona, donna naissance à Andriantsimitoviaminandriana, roi d’Ambohimanga.

Ce dernier fonda la dynastie des rois d’Ambohimanga, dont le roi Andrianampoinimerina tirera plus tard sa légitimité pour réunifier une deuxième fois les Merina après Andriamasinavalona (voir sur ce même blog les articles « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », 2ème et 3ème parties), et rassembler sous son autorité tous les territoires de l’Imerina.

Andriantsimitoviaminandriana eut pour successeur Andriambelomasina, fils de Rangorinimerina, elle-même sœur de Andrianambonimena, lui-même neveu de Andriamasinavalona.

Andriambelomasina eut pour première épouse (vadibe) Rasoherina (à ne point confondre avec la reine du même nom, de 1863 à 1868).

De cette union est né Andrianjafy, également roi, cousin d’Andrianampoinimerina, le grand roi.

Ce dernier avait pour sœur Ralesoka et pour première femme Rabodonimerina, tandis que Rambolamasoandro était sa femme secondaire.

Par rapport à Andrianampoinimerina, son successeur, Radama 1er, est le fils qu’il eut avec sa femme secondaire Rambolamasoandro, tandis que la future Ranavalona 1ère, par ailleurs première femme (vadibe) de Radama 1er, est la fille adoptive de Ralesoka, première femme d’Andrianampoinimerina.

On sait que Radama 1er choisit d’abord son neveu Rakotobe pour lui succéder tant qu’il n’avait pas d’enfant ; mais ayant par la suite eu avec sa seconde épouse (vadikely), la princesse Rasalimo (fille du roi Sakalava Ramitraho du Menabe, ce dernier étant en réalité de sang Andriandranando), une fille prénommée Raketaka * (voir Nota ci-dessous), Radama 1er n’eut aucune hésitation à désigner cette dernière comme son héritière sur le trône de Madagascar…

Cependant, on sait comment fut tragique la fin de règne de Radama 1er (voir sur ce même blog l’article « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », 4ème partie) et l’élévation illégitime de Ramavo sous le nom de règne de Ranavalona 1ère au moyen d’un coup de force sanglant perpétré par les clans roturiers des Tsimahafotsy et des Tsimiamboholahy…

                             CONCLUSION: DE LA NECESSITE DE REVENIR A LA SOURCE PREMIERE

On voit ainsi que malgré la complexité apparente – voulue et entretenue par certains ?…- de la question des successibles au trône de Madagascar, et en dépit des dérivations observées ici et là pour des raisons purement politiques et d’intérêt clanique, une constante s’impose du XIIIème jusqu’à la fin du XVIIIème siècles :

. celle des sources premières à rechercher chez les Andrianamboninolona, Andriandranando et Andriantompokoindrindra, c’est-à-dire les Andrianteloray, dont d’ailleurs on remarquera qu’à partir du règne de Ranavalona 1ère cette référence première est, à dessein et de façon délibérée, quelque peu oubliée dès lors qu’une oligarchie aristo-roturière formée autour des clans roturiers Tsimiamboholahy et Tsimahafotsy dominait désormais à partir du XIXème siècle…pour affaiblir la royauté et ses sources premières et même à chercher à les éliminer progressivement (nous décrivons ce phénomène dans nos écrits « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » à partir de la 4ème partie, sur ce même blog).

viva ! (2)

« Viva ! » (jpra)


Or, l’arbre royal ne saurait ainsi se reconnaître et être reconnu que si l’on remonte jusqu’à ses racines. De sorte que, sans conteste, historiquement celles-ci ne peuvent se trouver que chez les Andrianteloray.

Sinon, l’on se perdrait à rechercher vainement dans les différentes branches et multiples feuillages des sources taries parce que beaucoup trop diluées en s’écartant de plus en plus du tronc commun formé par les Andrianteloray.

Ainsi :

Radama II est, certes fils de Ranavalona 1ère, mais qu’elle eut avec un roturier du nom de Andriamihaja.

Quant aux désignations des reines Rasoherina, Ranavalona II et Ranavalona III, qui sont issues e banches collatérales par rapport au tronc commun des Andrianteloray, elles furent précisément l’oeuvre commune de ces clans roturiers, puis rapidement, celle exclusive du clan Tsimiamboholahy et, en son sein, de la branche dominante des Andafiavaratra avec les « maires du palais » et premiers ministres Rainiharo, Raharo et, surtout, Rainilaiarivony.

De sorte que, en choisissant ces reines au sein des branches royales cadettes et collatérales, les liens de ces souveraines avec les sources premières de la royauté devenaient de plus en plus ténus.

Pour mémoire, on rappellera que Rasoherina était la cousine de Radama II, la mère de la souveraine, Rafaramanjaka, étant une sœur cadette de Ranavalona 1ère.

Quant à Ranavalona II, elle était une autre cousine de Radama II, car sa mère, Ramasindrazana, était une autre sœur cadette de Ranavalona 1ère.

Enfin, Ranavalona III était la petite-nièce de Ranavalona II.

Ces références donnent ainsi la mesure de cette apparente complexité des règles successorales sur le trône de Madagascar ; apparente disions-nous, car en substance et de coutume dynastique royale la source première est établie, admise, reconnue, et par conséquent institutionnalisée, seule les règles protocolaires ont changées, des seules volontés successives de Andriamasinavalona et de Andrianampoinimerina, lesquels avaient pour souci premier de mettre en avant leurs proches au détriment des maisons royales et princières à l’origine de la royauté.

Or – et ceci est fondamental -, il convient de bien distinguer ce qui est constitutif : les sources premières établies par l’Histoire, et ce qui n’est que l’apparence : les règles d’ordre protocolaire mises en place pour des visées d’ordre politique et de simple préséance. Or également, malheureusement, les mauvaises pratiques ayant la vie dure, c’est cette dernière considération qui trop souvent s’impose à l’esprit de certains…d’antan, hier et aujourd’hui encore !

Dès lors, désormais il faut que cela change et que l’on revienne au bon ordre des choses…!

Comparaison n’est pas raison. Certes, mais en l’occurrence il convient de se donner des références établies pour savoir situer les choses. Elles nous sont en l’occurrence données par une rétrospective historique comparative avec les genèses de la royauté en France. Or, précisément cette « France éternelle » qui est volontiers donnée en exemple prend ses sources dynastiques premières chez la trinité des Mérovingiens, des Carolingiens et des Capétiens (voir sur ce même blog notre article « Les rois de France et leurs dynasties – 1ère partie – daté du 4 août 2017) :

. des Mérovingiens (481- 751), avec la figure emblématique de Clovis de qui la France est qualifiée de « Fille aînée de l’Eglise » et qui précisément se donne comme emblème la « Fleur de Lys », deux références toujours en cours aujourd’hui;

. des Carolingiens (751 – 987), d’où émerge le très fameux Charlemagne, qui assure l’apogée de la France et invente l’Europe en succession de l’Empire romain, de même qu’il généralise ce que nous appellerions aujourd’hui l’Education nationale;

. et des Capétiens (987 – 1328), avec un Hugues 1er Capet et surtout un Louis IX dit Saint-Louis inventeur éclairé de l’idée de Justice dans sa plénitude moderniste dont nous héritons aujourd’hui des principes fondamentaux.

Eh bien ! Pour Madagascar à la recherche de ses sources royales authentiques, cette trinité se trouve chez les Andrianteloray !  C’est à dire chez les Andrianamboninolona, Andriandranando et Andriantompokoindrindra.

Nous le répétons : il faut qu’un jour les étoiles sourient au projet monarchique à Madagascar. Au diable les replâtrages institutionnels et autres réformes ou changement de constitution qui ne sont que des constructions hors-les-murs.

Cette question de la règle successorale étant réglée, il reste à tenir compte d’une autre réalité historique et civilisationnelle malagasy: les particularités régionales qui sont, ici également, constitutives de la Nation Malagasy. Car, s’y sont développées de véritables dynasties indépendantes de celles de la région centrale d’Imerina qu’il convient de considérer à leur juste place en introduisant un système équitable de répartition dans l’édifice monarchique nouveau au niveau national et devant satisfaire le sentiment identitaire régional. 

L’ensemble ne saurait être dans l’esprit d’une vaine Restauration, mais dans celui d’une Réincarnation – d’une Renaissance – de la Nation Malagasy, d’une marche en avant vers une réelle démocratie impliquant la notion, – que nous avons théorisée -, d’une « innovation monarchique malagasy » puisée à la source première évoquée précédemment mais nourrie par les exigences démocratiques qu’il appartiendra aux Malagasy – et à eux seuls – de définir, de formuler et d’institutionnaliser.

Dans cet édifice, il convient de distinguer l’Intemporel (nécessité de se raccrocher au spirituel, et dans le cas de Madagascar comme c’est le cas, par exemple, du Japon avec Amaterasu, Déesse-Créatrice du Pays du Soleil Levant, d’avoir l’accroche permanente de Zanahary, Dieu-Créateur de Madagascar) du Temporel (l’exercice sur Terre de la gouvernance des hommes et des femmes).

C’est notre projet « Madagasikara Mijoro » (cf. notre série d’article sur ce même blog, sous le titre générique « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », 12ème et dernière parties, datés du 21 et 25 octobre 2013 + l’article « Madagasikara Mijoro », daté du 20 juillet 2014 : http://www.labodiplo.wordpress.com ).

Comme une personne physique, une Nation a besoin de trouver son âme, d’aiguiser son esprit, de fortifier son corps et de se fixer son destin pour avoir sa personnalité propre et en jouir pour elle-même ainsi que pour autrui, pour intégrer le monde « in the right place ».

Qui en douterait ?…

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, Ancien Ambassadeur, Avocat honoraire au Barreau de Paris, Membre des Maisons princières Andrianamboninolona et Andriandranando

  • * NOTA: Au sujet de la princesse Raketaka

L’ascendance de la princesse Raketaka s’établit comme suit:

Elle est fille  du roi Radama 1er et de la reine Rasalimo. Le père de Rasalimo était le roi Ramitraho du Menabe (royaume Sakalava). Celui-ci descend de la princesse Ravorikiniandriana, cette dernière précédant du prince Andriamanalina , lui-même étant fils de la princesse Ramatoafotsindrindravambo, laquelle était fille du prince Andriampoinandriana, fils aîné du prince Andriandranando.