RADAMA 1er LE GRAND (dernière partie)

                                                            RADAMA 1er LE GRAND

                                                                   (dernière partie)

visage de radama

Visage de Radama 1er, tiré de son portait exécuté par André Coppalle en janvier 1826


Quel homme !

Oui, Radama 1er nous a fait parcourir aux pas de course une page passionnante de l’histoire de Madagascar, ce sur une voie de crêtes.

Résumons, tel que nous l’exposions dans les deux premières parties de notre série d’articles: désigné comme héritier du trône dès 1809 par son père, le Grand Roi Andrianampoinimerina, le voici une fois installé sur le trône très rapidement engagé sur une pente ascendante pour imprimer à son règne un rythme soutenu, avec une apogée diplomatique à son actif qui aboutit à établir en Océan Indien occidental une sorte de « Pax Malgachica » qui fait de Madagascar un phare. S’y ajoutent des avancées jamais connues en matière d’éducation, de progrès matériels et sociaux.

Si Andrianampoinimerina avait les traits d’un Roi-Soleil, son fils Radama 1er , lui, empruntait à Napoléon 1er sa vision des choses publiques.

Il a réalisé en un temps record l’émaillage d’une fédération de peuples, lesquels bientôt se découvriront, malgré eux, les richesses communes dont il s’agissait en cette étape du moment de travailler l’étoffe.

C’est cette œuvre d’engendrement d’une nation en devenir à laquelle, au fond de lui-même, le roi Radama 1er voulait se consacrer.

En cela, il fut à des années lumières en avance sur son temps et, en particulier, sur les hommes de son époque et de son entourage…

Ce qui, comme en pareilles circonstances, avait immanquablement provoqué chez ces retardataires patentés les réactions épidermiques que leur inspirait la haine passionnelle…

En effet, Radama avait une réelle vision économique et sociale pour son pays, pour son peuple.

LE TITRE NON USURPE DE « RADAMA LE GRAND »

Après les élans vus précédemment, c’est une autre préoccupation majeure qui saisit le roi malagasy à ce stade avancé de sa gouvernance d’un pays aussi vaste et diversifié que Madagascar :

. son économie, et par conséquent ses finances publiques.

La maîtrise territoriale doit bien entendu s’étendre aux accès maritimes de la Grande Ile, où s’activent les échanges commerciaux.

Ceci le décide à prendre un décret royal autorisant l’entrée de tous les navires anglais dans tous les ports de Madagascar et les Anglais à résider dans l’Ile,facilités refusées pour l’heure aux Français afin de ne pas risquer de créer des brèches revanchardes françaises.

Dans la foulée, il établit aussi les douanes dans les ports et les rades de Madagascar, imposant des droits tant à l’importation qu’à l’exportation.

Sur ce, c’est mi- janvier 1826 que André Coppalle termine enfin le portrait que le roi Radama 1er lui avait commandé. Le tableau, de 1,92m x 1,5m est d’une dimension imposante. Le roi est dans sa posture la plus avantageuse qui puisse se faire (voir : « Radama 1er le Grand, 2ème partie » sur ce même blog, daté du 10 novembre 2015).

Dans le récit de son séjour à Madagascar dans « Voyage dans l’intérieur de Madagascar et à la capitale du roi Radama pendant les années 1825 et 1826 », Coppalle avoue qu’il ne lui était pas facile de réaliser son œuvre en ces termes :

. « J’ai commencé le portrait de Radama, qui vient poser le matin lorsque les plaisirs de la nuit ne le retiennent pas trop longtemps au lit »… !

C’est tout dire…C’est que Radama, en effet, croquait la vie à belle dent et, de façon assidue, la gente féminine, lui « l’homme de 30 ans, écrit encore Coppalle, petit mais bien proportionné…Ses yeux annoncent de l’esprit, il est d’une vivacité extraordinaire », ce que ne dément pas un autre observateur étranger, l’officier français Carayon qui dit :

. « Vif et enjoué dans le commerce ordinaire de la vie, il savait, dans l’occasion, prendre l’air imposant que donne l’habitude du commandement ».

Mais quant au titre non usurpé de « Radama le Grand », ce sont les Anglais, missionnaires et officiers ayant côtoyé Radama 1er qui, en dépit des réserves de l’historien, l’homme d’Etat et biographe Raombana, finalement écrit :

. « … au total, il fut reconnu comme un bon souverain, aimé de ses sujets, un grand souverain », le lui décernèrent bien volontiers.

Ce, sur différents sujets.

Tout d’abord à propos de l’ambition d’unité du roi, qu’il réalisa de toute son énergie qualifiée d’ « exceptionnellement puissante », et avec un « courage personnel » sans égal.

C’est aussi parce que Radama faisait preuve d’une « soif de connaître » et d’éducation de son peuple, ceci avec une « liberté d’esprit » dans un pays encore sous l’empire de Sampy (« esprits »), tels Imanjakatsiroa, Rakilimalaza ou Rafantaka, auxquels les souverains précédents vouaient un respect total.

UNE REELLE VISION SOCIO-ECONOMIQUE HOLISTIQUE

Puis, en 1826, le roi passe une convention avec la Compagnie Blancard, une société prospère de négoces de l’Ile Maurice, ce pour une durée de cinq ans.

Cependant, cette convention établit un tel monopole commercial et de navigation qu’il ne plut ni aux Anglais ni bien entendu aux Français, ni non plus aux traitants étrangers, qui tous y virent une atteinte intolérable à la sacro-sainte liberté du commerce.

piastres

Piastres espagnoles (en bas à droite : pièce à l’effigie de Radama 1er). Ces pièces figuraient dans la salle réservée à Radama 1er au Palais Manampisoa du Rova d’Antananarivo, où notre regrettée mère, conservateur en chef du musée national, les avait placées et exposées sous verre pour le public. – Reproduction interdite –


Cette ambition de Radama va de pair avec le développement d’une économie monétarisée, relevée et soulignée par des connaisseurs de Madagascar qu’étaient notamment Mayeur, le découvreur français de l’Imerina qui y pénétra pour la première fois à la fin du XVIIIème siècle, et du lieutenant de vaisseau Frappaz.

Il est vrai que les droits de douane précédemment instaurés par Radama dès 1822 y conduisirent, et les commerçants étrangers arabes, français, anglais, hollandais ou américains, y avaient recours.

Mais, de plus en plus sur les marchés intérieurs du pays le troc, qui recula progressivement depuis la fin du XVIIème siècle, fut rapidement remplacé par la monnaie, la piastre (dite « piastre d’Espagne », mais certains, comme Raombana, parlaient même de « dollar »…), comme l’a constaté le traitant Blancard.

Et c’est Radama 1er qui amplifia le mouvement, là aussi dans un élan inspiré par son souci de moderniser l’économie malagasy.

La piastre espagnole devenait l’unité monétaire, qui se subdivisait en la découpant en portions égales (les « vaky vaky ») pesées scrupuleusement. On les pesait ainsi sur de petites balances (les « mizana tsy mandainga » – « balances qui ne mentent pas » -), de cette façon les portions de piastre étaient évaluées uniformément leur valeur de poids.

Mais, quant à elle, la « Convention Blancard » signée en 1826 provoquera de graves difficultés diplomatiques.

Car en définitive, l’audace du roi malagasy le plaça tout d’un coup dans un rapport de force avec l’Angleterre qui n’en démordait pas de considérer la geste royale malagasy comme une entrave inadmissible au principe de liberté du commerce et des accès maritimes.

Résistant un temps, durant deux ans, à la tempête anglaise, finalement le 6 juin 1828 Radama s’est lui-même contraint, la mort dans l’âme, à mettre fin à cette Convention Blancard. Non sans grands remous ni conséquences inattendues et graves sur le front intérieur.

En ce début du XIXème siècle, trop de contradictions sèment leur venin dans la marche déterminée d’un monarque aussi volontaire et déterminé que Radama 1er sur tous les fronts, sauf sur le terrain militaire.

A tout cela s’ajoute l’accumulation par le roi des plaisirs immodérés des sens, en particulier l’abus d’alcool, ce qui n’a pas manqué d’attiser les défauts de l’homme devenu irascible, ses facultés pourtant d’ordinaire bien affûtées s’amoindrissant d’autant.

La vieille garde composée des vétérans issus de l’ancienne cour du grand roi Andrianampoinimerina, déjà viscéralement réfractaire aux élans modernistes de Radama, et reléguée pour cette raison à un moindre rôle, ne tarda plus à saisir l’opportunité ainsi offerte pour fourbir ses armes en vue de prendre sa revanche.

UNE FIN TRAGIQUE

Voici Radama 1er qui profite d’une campagne militaire prolongée à Tamatave et dans ses environs, de juin 1826 à novembre 1827, pour s’égayer avec des officiers anglais dont les navires mouillent au large.

Il reçoit le docteur Lyall, représentant britannique nouvellement accrédité auprès de lui en qualité d’Ambassadeur.

Par la magie du charisme du roi malagasy, les deux hommes devinrent très vite des amis.

Cette nouvelle et forte amitié intervenant au milieu d’une série d’épreuves, en particulier celle entourant la convention Blancard, devait sans aucun doute inciter Radama à se relâcher franchement et à abuser des plaisirs de la chair, le tout abondamment arrosé d’alcool fort.

Si bien que quand Radama revient à Antananarivo, c’est un souverain affaibli qui apparaît. La vieille garde n’en demande pas plus pour passer à l’acte et assouvir sa haine, sourde mais tenace, et met à exécution un complot trop longtemps caché, un complot prémédité depuis longtemps.

Au milieu de cette ambiance de plomb, le roi ne peut même pas se consoler de l’achèvement si longtemps attendu de son palais de Soanierana, un bijou de bâtisse d’agrément, implanté au sud-ouest d’Antananarivo, qu’il commanda en 1825 à l’architecte-charpentier Louis Gros, celui-là même qui lui construisit de belle façon le Palais « Tranovola » au Rova d’Antananarivo.

Lui qui en surveillait l’avancement des travaux dès ceux des fondations, avec l’espoir de jouir des beaux jardins botaniques dessinés par des botanistes allemands, se désespère désormais de pouvoir y habiter jamais…

palais soanierana

Plan du Palais inachevé de Soanierana – Archives familiales – Reproduction interdite –


Or, mi-juillet 1828, comble de malheur, Radama 1er commence son agonie dans d’horribles douleurs, totalement isolé des siens et abandonné de tous, sauf de ses fidèles serviteurs qui surent résister aux tentatives d’éloignement exercées par les comploteurs, mais au milieu des regards hostiles et de l’impatience de ses ennemis qui rodent comme des vautours.

Et le 2 août 1828, le grand roi Radama 1er meurt.

Il n’a que trente-six ans.

Avec Radama 1er prend également fin la race de ces rois-guerriers malagasy pourfendeurs de considérations rétrogrades mais inventeurs de voies nouvelles.

Plus tragiquement encore, au nom d’une fallacieuse recherche d’une illusoire « authenticité malgache » conçue à l’aune des seules traditions tournées vers l’arrière, à laquelle un peuple tout entier est et sera contraint avec une méthode inquisitoriale croissante, Madagascar quitte la voie privilégiée de l’Histoire pour emprunter un long, un interminable et si étroit chemin ombrageux à rebours.

C’est une autre ère, un autre cycle faisant intervenir d’autres considérations claniques et ouvrant la voie à des parvenus qui commence : ceux des souverains soumis, en l’occurrence des femmes obligées, à commencer par la reine Ranavalona 1ère, mais à l’exception notoire du règne éphémère du roi Radama II, de 1861 à 1863, toutes tenues par la poigne des « faiseurs de rois » – nous devrions dire : des « faiseurs de reines » ! – et placées tant sous l’influence qu’au service exclusif d’une nouvelle et implacable oligarchie aristo-roturière.

Les dramatiques péripéties de cette fin de règne tragique sont relatées dans nos articles « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar, 4e et 5e parties » sur ce même blog.

Radama 1er avait de son union avec la princesse Rasalimo une fille prénommée Raketaka*, laquelle en situation normale aurait dû régner à la suite de son père. Or, on sait (voir les articles référencés ci-dessus) dans quelles conditions dramatiques la première épouse du roi, Ramavo (devenue reine Ranavalona 1ère), aidée de ses zélateurs, prit le pouvoir par ce que nous appelons aujourd’hui un coup d’Etat sanglant, bouleversant ainsi la règle normale de dévolution au trône.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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  • Le visage de Radama 1er ainsi que la photo des piastres sont tirés de l’ouvrage consacré à « Raombana – histoires » 2 , édité sous la direction de Simon Ayache et sous le patronage de l’Académie Malgache ; tandis que la photo du plan du palais de Soanierana provient de l’ouvrage « Colline sacrée des souverains de Madagascar, le Rova d’Antananarivo », de Suzanne Razafy-Andriamihaingo, L’Harmattan, 1989.

* NOTA: A PROPOS DE L’ASCENDANCE DE LA PRINCESSE RAKETAKA

Le grand roi Radama 1er, en choisissant d’épouser en secondes noces la princesse Rasalimo, fille du roi Sakalava (du Menabe) Ramitraho qu’il venait de vaincre, connaissait son ascendance Merina et s’en félicitait vivement afin de raviver sa propre descendance.

En effet, il voulut ardemment d’elle un enfant. Ce fut une fille : Raketaka.

En remontant l’ascendance de cette dernière, on constate ceci : sa mère Rasalimo avait donc pour père le roi Ramitraho, lequel descend lui-même, respectivement : de la princesse Ravorikiniandriana, celle-ci procédant du prince Andriamanalina, lui-même étant le fils de la princesse Ramatoafotsindrindravambo, fille du prince Andriampoinandriana, le fils aîné du prince Andriandranando résidant à Ambohimailala.

A PROPOS DES ORGANISATIONS TERRORISTES : NOTIONS ET MOTS JUSTES

mural

« Sanctuaire » – Acrylique – Jipiera – Reproduction interdite


En 2016 à Nice, en France, au soir de la Fête nationale française du 14 juillet 2016, comme à Antananarivo,  à Madagascar, au soir de la Fête nationale malgache du 26 juin 2016, les crimes du terrorisme avaient à nouveau frappé en choisissant des occasions de grandes liesses populaires.

Les actes terroristes, comme également la haine, le mépris et toutes les formes d’incivilité, font partie de la quotidienneté de notre vie, partout dans le monde.

Dans ce contexte d’insécurité généralisée, une opinion dominante considère que les réactions par les armes face aux crimes et agressions violentes contre l’intégrité physique, non seulement se justifient mais sont la seule solution.

Or, il s’agit là,  par un exercice primaire de penchants violents inhérents à la nature humaine, de bien mauvaises et dangereuses réponses quand on sait qu’en lui accordant l’exclusivité l’usage des armes n’a pour effet que d’entretenir un cycle infernal et profond de violences de toutes sortes.

Il est donc urgent d’appeler à la rescousse les intelligences de la conscience, du coeur et de l’esprit.

Et de savoir exactement de quoi l’on parle…

              A PROPOS DES ORGANISATIONS TERRORISTES, LES NOTIONS ET MOTS JUSTES

L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin avait amplement raison le 15 novembre 2015 lors d’une émission télévisée, de dénoncer l’usage trop « facile » du terme « guerre » quand il s’agit, pour être exact, de mener une lutte, même « à outrance », contre l’ « Etat Islamique » alias « Daesh ».

Or, dans la situation dans laquelle nous sommes tous, en France ou ailleurs, les notions et les mots ont leur sens exact qu’il ne faut point galvauder juste pour frapper les esprits ou pour aller dans le sens d’une certaine opinion publique.

Car, en l’occurrence il s’agit d’identifier avec certitude les personnes (physiques, morales, ou simplement regroupées) dans leur nature, de concevoir une stratégie adaptée, de désigner les objectifs précis et d’orienter et cibler dans l’espace et dans le temps les actions.

Sinon, c’est la porte ouverte à l’approximation et au « fourre-tout », mères de toutes les dérives.

feuillages (3)

« Feuillages » – Acrylique – Jipiera – Reproduction interdite


                                            GUERRE CONTRE LES ORGANISATIONS TERRORISTES ?

1. Du droit de belligérance.

On comprend bien qu’il faut, par tous les moyens disponibles et dans le cadre légal, lutter contre le terrorisme et le combattre sur tout le territoire, et même à l’extérieur.

Mais, il ne peut s’agir de lui « mener la guerre », ni a fortiori de lui « déclarer la guerre ».

La guerre est un acte de souveraineté entre Etats constitués, membres de la communauté des nations, auxquels seuls la Charte des Nations Unies reconnaît explicitement et formellement le droit de belligérance selon des conditions précises, en particulier pour se défendre contre une agression extérieure menée par un autre Etat ou un groupe d’Etats.

Le grand paradoxe – avec les conséquences désastreuses en résultant – dans l’usage irréfléchi du mot « guerre », il y a peu de temps contre Daesh, est qu’implicitement, certes sans le vouloir, on lui reconnaît le statut d’un Etat, avec ce que cela comporte comme sources de légitimité et comme attributs de souveraineté.

Et, dans sa perversité « Daesh » avait été amené à exploiter ce vice de forme.

Déjà, souvenons-nous en, le Président Bush – et d’autres avec lui – avait fort maladroitement utilisé le mot « guerre » contre Al-quaïda (groupement terroriste à l’origine de « Daesh » mais qui est dépassé par ce dernier en termes de violence…) et contre d’autres groupes terroristes, avec les résultats que l’on sait en Irak et en Libye.

Ces groupes terroristes, par la seule vertu du verbe ainsi mal utilisé avaient donc saisi la balle au bond pour, en réponse et par vengeance, déclarer la « guerre sainte » que l’on sait et qu’on avait subi.

Car, qu’il s’agisse de « Daesh » ou d’autres organisations terroristes, nous avons affaire à des criminels, au mieux à des voyous patentés, qui ne demandent pas mieux que de réagir par la pire des violences à ce qu’il considèrent comme une provocation.

Or, n’oublions pas que la guerre étant l’apanage des Etats constitués et légitimes au regard du droit international, c’est précisément accorder – même partiellement – de la légitimité aux crimes de ces groupes terroristes que de leur opposer la guerre.

Or, la guerre est codée et cadrée formellement, la convention internationale de Genève sur la guerre, les prises de guerre, les prisonniers de guerre et les crimes de guerre, interdit ce que commettent les groupes terroristes qui, on le sait, en dehors des crimes contre l’humanité détruisent aussi systématiquement les témoins et symboles de l’humanité et de son histoire.

Voudrait-on faire bénéficier de ces droits et normes juridiques des criminels patentés ?…

Donc, retenons comme étant un principe intangible qu’on ne « fait la guerre » qu’entre Etats et avec les Etats, et non à des criminels et contre des criminels. Il ne faut pas céder à la facilité du langage commun…

Le droit international, le droit des gens et les lois fondamentales des Etats sont clairs là-dessus.

Il ne faut donc pas, par méconnaissance ou par imprudence, entretenir une sorte d’ambiguïté ou de mélange des genres.

Dès lors, les termes exacts qu’il convient d’employer et de nourrir d’intentions précises, de faits ciblés et de moyens appropriés sont : la lutte, la défense. Lutte et défense comme on lutte et comme on se défend contre un fléau, un danger, une agression.

2. « Daesh » ou n’importe quelle organisation terroriste n’est pas un Etat.

Rappelons qu’en dépit de son autoproclamation d’ « Etat Islamique » – ISIS ou EI – , « Daesh » ou Daech » (qui est son acronyme arabe) n’était pas un Etat constitué, ni dans le sens juridique (cf. droit des gens et droit international), ni dans le sens sociologique.

Car, d’une part « Daesh » était loin d’émaner d’une nation, mais était né de groupements terroristes auxquels se sont joints d’anciens responsables du régime déchu de Saddam Hussein, lesquels surtout se sont imposés par la permanence de la violence, du crime et de la contrebande sur des populations soumises et réduites à l’esclavage.

C’était donc un conglomérat ou une coalition de criminels.

D’autre part, malgré des implantations parcellaires, notamment en Irak et en Syrie, sa territorialisation n’était absolument pas identifiée ni délimitée par des frontières reconnues ni admises.

La soit disant territorialisation de « Daesh » ne pouvait d’ailleurs s’admettre dès lors que, en dépit de l’existence d’une prétendue « administration décentralisée » là où ses groupes armés avaient conquis des territoires pris à l’autorité légitime, encore une fois celle-ci s’était accompli sous la violence et le crime sur une population qui, loin d’adhérer à l’autorité de « Daesh », était soumise dans les conditions de l’esclavage ou, au mieux, d’une dictature théocratique.

En troisième lieu effectivement, « Daesh » était une émanation de la tentative de domination Sunnite sur le monde musulman – les Chiites étant ainsi bannis – en prétendant l’établissement d’un Califat, donc d’une théocratie, c’est-à-dire l’exact antinomie d’un Etat apte à faire partie de la communauté des nations, laquelle communauté se caractérise par la notion de l’inclusivité et de respectabilité de ses composantes.

Un tel « Etat » autoproclamé qui prônait non seulement la lutte armée et religieuse, mais également et surtout carrément le génocide visant les « impies », les « mécréants » et des communautés entières, et qui avait à sa tête un criminel terroriste évadé des geôles irakiennes, ne pouvait pas non plus faire partie de la communauté internationale, laquelle, en dehors de la respectabilité de ses membres, se devait ad minima de partager des idéaux communs de paix, de bon voisinage, de coexistence pacifique et de considération réciproques.

On relèvera surtout que les hautes autorités religieuses de l’Islam à travers le monde, et tout particulièrement à propos des terribles attentats de Paris, avaient dans un élan unanime condamné sans nuance l’utilisation blasphématoire de l’enseignement du Prophète Mahomet par les « Islamistes » radicaux, en particulier « Daesh ».

Compte tenu de ce qui précède, on se souvient que certains penseurs, par pur « intellectualisme » s’étaient essayé à discuter sur une prétendue qualification de l’ « Etat Islamique » comme d’un « proto-Etat », comme si un tel groupement terroriste nourri par la haine et le crime pouvait avoir vocation à se constituer un jour en un Etat. C’est proprement hallucinant !

Même l’utilisation du mot « pseudo-Etat » est à proscrire en l’occurrence.

fleurs épanouies 6

« Fleurs de l’Espoir » , acrylique – Jipiera – Reproduction interdite


                                                                  QUE FAIRE ?

3. Les angles de réflexion et d’action.

Comme dans toutes les situations où les maux tirent leur origine de sources profondes, eh bien ! il faut agir sur les causes premières.

Celles-ci sont d’ordre sociologique, psychologique et sociétal.

Il faut les identifier en s’aidant notamment de l’Histoire, des politiques passées et en en reconnaissant les erreurs commises. Car, l’homme ou une communauté d’hommes ne réagissent pas « gratuitement », il y a bien eu des moments et des occasions ratées qui expliquent telle ou telle conséquence.

Ce sont là les actions en profondeur à mener, tant dans l’immédiat qu’à long terme.

Et ce, parallèlement au dispositif répressif à la disposition du gouvernement.

4. Le dispositif répressif et de défense nationale.

Sur le très court terme et dans l’urgence du moment, il faut bien entendu réagir et agir, tant avec circonspection qu’avec détermination, mais avec exactitude après une analyse sans concession.

C’est le travail mené actuellement.

Nous ne sommes pas aux commandes, et nous n’avons aucune compétence particulière, par conséquent nous serions bien prétentieux à vouloir émettre quelque avis que ce soit.

Par contre, on observe que la France – pour ne parler que d’elle – s’est tout récemment dotée d’un arsenal législatif et règlementaire (cf. sur ce même blog l’article daté du 26/7/2015 intitulé « Le patriot act à la française ») qui lui permet de faire face avec efficacité à tous les niveaux : le renseignement, la sécurisation, la répression.

A l’égard de ce dispositif, il ne faut point avoir, dans les circonstances actuelles d’urgence ou de nécessité nationale, celle de la lutte sans merci contre le fléau terroriste, une vision  analytique consistant à distinguer les libertés et opérations de police ou de répression.

Car, il s’agit de considérer que ce sont bien nos libertés qu’il convient de défendre, de protéger et de valoriser.

Or, la sécurité fait partie des libertés, dans le sens d’une liberté collective, car sans sécurité les libertés individuelles ne peuvent s’exercer dans la sérénité. La seule obligation est d’éviter les dérives sécuritaires, c’est à dire réprimer pour réprimer sans discernement ni nécessité, ce qui équivaudrait à des actes liberticides.

Tout est donc question d’opportunité d’emploi des moyens pour lutter le plus efficacement possible contre un fléau désormais bien ancré, et qui pourrait durer si précisément des moyens sont mal employés.

Actuellement, rien ne permet de le mettre en doute au regard de la volonté et de la détermination affichées par les autorités gouvernementales et par les forces militaires et policières, lesquelles agissent fort opportunément en coordination étroite.

A cet égard, faut-il créer une juridiction d’exception spécialisée dans le terrorisme sur le modèle d’une cour de sûreté de l’Etat ?

Une procédure policière, administrative et judiciaire spécialement vouée à la lutte contre le terrorisme, aboutissant à la création d’institutions tout aussi spécialisées à ces trois niveaux, existent déjà.

Dès lors, il serait superflu d’ajouter encore une juridiction d’exception…

Par contre, jamais sans doute la notion de « défense nationale » n’aura pris son vrai sens.

Il s’agit d’assurer et de mettre en oeuvre la combinaison  optimale de tous les dispositifs de protection civile, de défense du territoire et de sanctuarisation de lieux sensibles, afin que la nation vive dans une vigilance certaine et soit apte, à tous les moments, à prévenir, à contenir et à éliminer tout acte attentatoire à sa sécurité, à son intégrité et aux libertés fondamentales.

Les citoyens eux-mêmes doivent-ils en tant que tels se mobiliser ?

Certes oui, mais individuellement, et de son côté il appartient certainement à l’Etat, par ses responsables en exercice, de proposer éventuellement la constitution d’un corps de défense civile rattaché à l’Armée pour la suppléer. L’exemple de la Suisse, où chaque citoyen est appelé à se tenir prêt à défendre le territoire, est peut-être à suivre ou susciter l’inspiration…

campagne (3)

« Horizon » – Acrylique – Jipiera – Reproduction interdite


5. Quel dispositif à l’international ?

On le sait, les opérations militaires à l’extérieur, en particulier dans le cadre d’une coalition préconstituée d’Etats membres des Nations Unies, sont décidées et menées sous mandat spécifique des Nations Unies.

Dans ce sens, il ne s’agit pas d’actes de guerre, mais « simplement » d’opérations militaires et/ou de police ciblées et limitées, soit pour lutter contre une menace extérieure s’exerçant contre l’un des Etats membres, soit pour la préservation de l’intégrité territoriale d’un Etat menacée par des forces extérieures ou par des actes terroristes, soit spécifiquement pour lutter contre le terrorisme international. C’étaient les cas de l’Irak, de la Libye et de la Syrie.

S’agissant tout particulièrement du monde européen et, plus généralement occidental, le traité de Lisbonne (cf. art 42-7) permet de déclencher la solidarité d’action entre les membres de l’Union Européenne pour lutter spécifiquement contre le terrorisme; tandis qu’au sein de l’Otan existent des dispositions permettant, dans le même esprit de solidarité de déclencher des opérations militaires coordonnées ou intégrées sous commandement unique.

Mais, parallèlement à ces opérations bien visibles, d’autres moins visibles mais tout aussi efficaces si l’on s’en donne les moyens et la détermination, sont possibles et il conviendrait sans doute de les actionner.

Elles sont au moins au nombre de trois : l’une d’ordre onusien (a) ; l’autre d’ordre policier international (b) ; et la troisième d’ordre judiciaire international (c) .

Le tout, ici encore, est de savoir les mettre en œuvre avec opportunité pour que leur efficacité se conjugue.

a/. Parmi les organes de l’ONU spécialement dédiés à la lutte contre le terrorisme international, il y a d’une part le Comité du Conseil de Sécurité concernant le Contre Terrorisme (CCT) – a1 – , et d’autre part le Comité Spécial de Lutte Contre le Terrorisme International – a2 – .

a1. Le CCT est en quelque sorte une instance de suivi de l’état du terrorisme international, dont les rapports sont ou pas suivis d’effet par le Conseil de Sécurité en termes d’actions à mener de concert entre les Etats ;

a2. Le Comité Spécial de Lutte Contre le terrorisme international nous paraît plus intéressant. Il a pour tache d’élaborer des conventions internationales pour la répression des attentats terroristes. Une première convention a été élaborée en 1997, immédiatement signée par la France, et une autre convention spécialement consacrée contre le financement du terrorisme, proposée à l’initiative de la France et élaborée en 1999, a été signée par la France en 2000. En outre, la convocation d’une conférence internationale pour définir une réponse commune face au terrorisme international entre dans les prérogatives dudit Comité spécial onusien.

Il serait temps qu’une telle convocation intervienne. Ce d’autant plus que tout récemment, ce 17 décembre 2015, à l’initiative conjointe des Etats-Unis et de la Russie, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté une Résolution invitant prestement les Etats à prendre toutes mesures, y compris législatives, propres à assécher les sources de financement du terrorisme, spécialement celles ayant alimenté Daesh et Al-Qaïda. A ces égards, un Comité spécial était chargé de récolter les rapports que chaque pays devait lui remettre dans les quatre mois, détaillant les mesures qu’il aura prises en application de la Résolution du Conseil de Sécurité.

b/. Dans l’ordre policier international, il y a bien sûr INTERPOL (dans le cas spécifique de l’Europe: EUROPOL; et pour l’Afrique: AFRICAPOL venait fort opportunément d’être créé il y a eu au sein de l’Union Africaine), dont les moyens dédiés à la lutte contre le terrorisme international sont sans aucun doute à renforcer et à mieux se coordonner significativement.

c/. En ce qui concerne la justice pénale internationale (cf. notre article sur ce même blog, intitulé « Droits de l’Homme et justice pénale internationale » daté du 6/6/2014), le dispositif en lien avec les juridictions nationales est bien en place – c1 -. D’autre part, s’agissant plus spécifiquement de la Justice pénale internationale, et sans faire ici un diagnostic dont nous sommes bien incapable, la saisine de la Cour pénale internationale devrait, assurément, être davantage systématisée – c2 -.

c1. Nous n’insisterons pas davantage sur ce plan, car les conventions d’entr’aide judiciaire sont opérationnelles, y compris avec les Etats, grâce auxquelles une bonne coordination des appareils judiciaires peut et doit s’opérer entre Etats signataires sur le plan bilatéral.

c2. La saisine de la Cour pénale internationale devrait, nous semble-t-il, être plus systématisée. Rappelons que des individus ou groupes d’individus – donc « Daesh » et ses dirigeants,  ou d’autres organisations terroristes, pour ne prendre que leur exemple, – et c’est là le résultat inédit de la conférence de Rome, du 17 juillet 1998 ayant instituée la Cour – , peuvent être poursuivis devant cette Cour, ce pour génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre et crime d’agression. Les autorités aptes à engager les poursuites sont non seulement les Etats parties à la convention instituant la Cour, mais également « un procureur indépendant de toute instruction extérieure » (art.46), et le Conseil de Sécurité de l’ONU (chap. VII de la Charte des Nations Unies). Mais, c’est à souligner, la Cour elle-même peut s’auto-saisir, de sorte que face aux circonstances actuelles qui appellent l’urgence on peut s’interroger quant à la volonté réelle de la Cour à se saisir elle-même, son parquet pouvant en particulier en prendre l’initiative.

On le voit, les instruments ne manquent pas, à tous les niveaux; le tout est de vouloir et de savoir les mettre efficacement en oeuvre.

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                                                                                *  *

Le sujet est loin, bien entendu, d’être épuisé.

Mais espérons-nous, à travers cet article quelques bases sont posées afin de bien cadrer le débat et, surtout, les actions à mener au niveau du citoyen, contre le terrorisme d’où qu’il vienne et de quelque nature qu’il est.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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* Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations*

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ERADIQUER LA TERREUR DANS LE GRAND SUD DE MADAGASCAR ET ASSURER SA REINTEGRATION

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« Contemplation » – Acrylique – JPRA


 

ERADIQUER LA TERREUR DANS LE GRAND SUD DE MADAGASCAR ET ASSURER SA REINTEGRATION

Le Grand Sud malgache est terre grandiose, aride et pourtant fascinante, mais où se déroule tant de drames générés par la misère, jusqu’à devenir depuis trop longtemps le terreau malgache d’une forme de détresse humaine.

Récemment encore, sans aucun doute suite aux constatations de Monsieur Ban-Ki Moon, le Secrétaire général de l’ONU qui fit une visite officielle à Madagascar au début de l’année 2016, la Sous-Secrétaire générale de l’ONU chargée de l’Humanitaire alertait gravement sur la catastrophe humanitaire dans ce Grand Sud de Madagascar livré à tous les cassements de la misère.

Face à cela, le tout répressif qui tient lieu de stratégie gouvernementale pour répondre aux exactions des « Dahalo » (bandits de grand chemin) dans le Grand Sud de Madagascar apparaît dans tout son caractère décalé et désastreux, notamment par ses effets dialectiques dans la violence, ce qui au contraire constitue paradoxalement la meilleure façon d’encourager de telles exactions.

BRISER LA DIALECTIQUE DESTRUCTRICE

Désastreux, car l’enchaînement sanglant des exactions de part et d’autre, du côté des forces de l’ordre comme de celui des bandits, tout récemment dénoncé par les organisations du système des Nations Unies et de la société civile, prend des proportions terribles au regard des droits humains et de la morale.

Il mène également à une logique destructrice tant au niveau psychologique qu’à celui sociétal.

A-t-on d’ailleurs jamais su dans quel cadre juridique précis la répression qui s’exerce actuellement dans ce Sud malagasy est menée ?

A cet égard et par exemple, au niveau local l’état d’urgence ou de nécessité a-t-il été décrété ?

Mais, combien même le serait-il que rien, bien sûr, n’excuse les exactions constatées et impunies.

Car, au-delà de ces bandits de grand chemin, combien de pauvres gens dans les villages reculées périssent sous les balles de forces de l’ordre oublieuses de leur propre code d’honneur ?

Et, obéissant à une spirale de violence sans limite, la population elle-même n’est-elle pas implicitement appelée et encouragée à pratiquer cette déplorable « justice populaire » à laquelle certains peuples s’adonnent quand les structures étatiques défaillent ?

Il est d’une urgence signalée et absolue que l’Etat malagasy, dans ses différentes composantes, se reprenne sur cette question extrêmement grave.

Or, que constate-on ?

Tous, de l’exécutif au parlement et ailleurs, se renvoient la balle – sans jeu de mots… – sur l’autre et par contre dans un mouvement entendu chacun se drape dans sa « dignité » atteinte.

Parallèlement à cette question de droit et de morale républicaine, il s’agit fondamentalement dans cette vaste région de mettre en oeuvre la réintégration et la revalorisation territoriales, de même que la restructuration sociale, qu’il faut impérativement assurer.

Et ce, par la valorisation agricole, culturale, culturelle et la réhabilitation du milieu rural du Grand Sud de Madagascar.

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« Contemplation 2  » – Acrylique – JPRA


 

DONNEES DE LA PROBLEMATIQUE ET AXES D’ACTION

1. Ni le Plan National de Développement, ni la politique générale gouvernementale ne prévoient spécifiquement d’actions visant la réinsertion des « Dahalo » et, d’une façon générale d’une population actuellement déshéritée et en errance, en particulier pour trop de jeunes condamnés à survivre ou à émigrer dans d’autres régions, voire même à grossir les rangs des « Dahalo ».

Certes, une partie agissante de ces groupes de « Dahalo », prenant avantage de la vocation semi-nomade de leur mode de vie, non seulement est entrée en révolte contre les autorités centrales mais sème la terreur.

2. Il est donc impératif, notamment pour des considérations stratégiques, de sécurité générale et de préservation de l’intégrité territoriale, tout autant que de prévenir tous débordements de type terroriste, que le Gouvernement prenne dans l’urgence les mesures adéquates visant, d’une part à juguler ces risques et, d’autre part à assurer dans l’immédiat et dans la pérennité la sauvegarde et l’évolution, dans le contexte du progrès nécessaire, du mode de vie de la population locale.

Ce au moyen, d’une part, de la valorisation de leurs potentiels culturaux, agricoles et d’élevage, et d’autre part, de leur milieu rural tout autant que de leur habitat et de leur espace de vie.

3. Pour ne citer qu’eux, d’une façon générale la France par son Ministère de l’Agriculture et dans le cadre, soit de l’AFD, soit de la coopération décentralisée, l’année dernière le FIDA et le PNUD, cette année la JICA japonaise, tous ont lancé des programmes, soit spécifiques, soit en partenariat, actuellement opérationnels et visant à assurer la réinsertion de ces populations dont les espaces de vie ont été ou sont le théâtre de violences diverses attentatoires tant aux droits fondamentaux qu’à l’économie locale et nationale.

En outre, en 2017 le Secrétaire Général des Nations Unies a mis en place un dispositif d’actions rapides visant à financer, dans le cadre d’une stratégie globale dans une région déterminée, soit à court terme visant à juguler tout risque de désordre généré par la misère dans la région considérée, soit à long terme visant la consolidation de la Paix dans la même région.

4. S’agissant du cas spécifique des populations déshéritée du sud de Madagascar, et tout spécialement des « Dahalo », les actions visées en point 2. ci-dessus peuvent être éligibles aux programmes visés en points 3. et 4. ci-dessus, à condition d’agir vite et de viser les programmes dédiés, ce au moyen d’un dossier solidement argumenté et constitué et de démarches appropriées.

5. Récemment encore, pour sa part nécessairement modeste mais par un ciblage dédié, au début de l’année 2015 le Groupe Action pour la Bonne Gouvernance (ABG), que nous présidons, avait proposé et communiqué au gouvernement malagasy un plan complet intitulé « Plan Mandrosoa », ciblant parmi quatre régions pilotes malagasy celles de l’Anosy et de l’Androy dans ce Grand-Sud déshérité de Madagascar.

Ce plan préconise, avec l’implication et l’engagement de partenaires publics et privés – organismes et entreprises – , des investissements ciblés de réhabilitation, de promotion et de valorisation de secteurs agricoles, artisanaux et culturels, avec le souci de durabilité, d’intégration sociale et de création d’emplois, notamment en direction de la jeunesse, et le tout à travers une étroite concertation locale comme à celui d’une planification régionale obéissant à une nécessité de coordination locale, régionale et nationale.

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« Contemplation 3 » – Acrylique – JPRA


 

Ici comme d’une façon générale, la planification conçue et difficilement mise en application et en œuvre par les gouvernements malgaches successifs pêche singulièrement par un défaut de clarté, d’efficience systémique, de ciblage coordonné et, surtout, de mobilisation des énergies comme des forces vives de la nation malagasy.

Ce sont les raisons pour lesquelles les grands bailleurs de fonds ont longtemps hésité à débloquer les fonds initialement réservés à Madagascar ; mais même si, comme c’est récemment le cas de l’Union Européenne, de tels fonds sont enfin débloqués (cf. 11ème FED pour la période 2014-2020), reste à savoir – et c’est une étape cruciale –si ces fonds pourront être effectivement décaissés, dès lors que leurs emplois, faute de programmation financière et de projets conformes actuels, ne peuvent pas trouver leur ciblage ?

On constatera en l’occurrence qu’aucune programmation spécifique ne concerne, avec un ciblage affirmé, le Grand Sud malagasy qui, pourtant, doit recevoir une attention particulière et d’une urgence absolue.

Comment, dès lors, pourrait-on prétendre assurer la paix sociale, la sérénité et l’intégration pleine et entière d’une région malagasy actuellement ouverte à tous les risques sanitaires, à tous les dangers sociaux et à la terreur , là où, surtout, sévissent de façon récurrente – malgré les dénégations répétées des autorités gouvernementales – la misère, la famine et, au mieux, une malnutrition, ces catastrophes humaines relevées par les ONG et les organisations internationales ?

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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13 NOVEMBRE 2015 : LE SURSAUT DE LA REPUBLIQUE, DE LA DEMOCRATIE ET DES CITOYENS DU MONDE

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« Fleurs en hommage » – Acrylique sur papier d’or – JPRA


LA SAUVAGERIE A L’OEUVRE

Nous sommes en 2022.

Il y a sept ans, souvenons-nous en : l’horreur des tueries du « Bataclan » à Paris, le 13 novembre 2015, perpétrées par de fanatiques et sauvages terroristes.

Ces tueries ternissent une année 2015 déjà lourdement endeuillée, ici même à Paris, les 7 et 8 janvier par les attentats ayant visé l’hebdomadaire « Charlie Hebdo ».

Le phénomène terroriste d’aujourd’hui n’a rien à voir avec ceux que nos sociétés avaient eu à subir, notamment en Europe durant les années 1960 à 1990 avec, ici les « brigades rouges », là l' »OAS », ailleurs les nationalistes d’Irlande du Nord, et bien d’autres encore, qui se caractérisaient par des objectifs politiques bien ciblés.

Le terrorisme djihadiste d’aujourd’hui, qui se targue de façon éhontée de l’Islam, servi par des rebus de la société, n’a pas cette sélectivité et frappe dans la masse sans distinction d’objectifs et sans limite de moyens pour détruire la société devenue objet de la vengeance de ses adeptes.

De sorte que puisque ce sont nos sociétés qui sont le terreau d’un tel phénomène qui risque de perdurer en dépit de la défaite militaire de l' »Etat islamique » au Moyen-Orient, il est plus que temps qu’au-delà de cette conscience nos modes de fonctionnement changent pour intégrer en profondeur le sens de l’altérité.

L’altérité doit être la nouvelle traduction du sursaut républicain, démocratique et citoyen initié un certain 13 novembre 2015, qui fut beau, généreux et, précisément, porteur de perspectives d’espérance, si l’on veut bien qu’il ne soit pas un simple moment d’émotion qui se sert de la fraternité républicaine.

Mais rappelons-nous ce qui se passa alors ce jour-là…

13 NOVEMBRE 2015 : LE SURSAUT DE LA REPUBLIQUE, DE LA DEMOCRATIE ET DES CITOYENS DU MONDE

Après les tueries du 13 novembre 2015, auxquelles se sont ajoutées celles du Stade de France à la même époque, la réponse citoyenne n’avait pas tardé : forte, imposante, puissante, et lourdement dissuasive à l’adresse des professionnels de la terreur et de la barbarie, parce qu’elle avait pris de l’amplitude ici en France mais aussi, à travers le monde, chez tous les amis des valeurs républicaines et démocratiques.

Les chefs d’Etat et de gouvernement, venus à Paris, avaient tenu à le manifester par leurs prises de position, leur solidarité pour la Liberté, la Fraternité, la Démocratie. Parmi eux, le beau discours du Président Obama des Etats-Unis était à relever. Il avait su trouver les mots justes, en particulier en disant que de telles attaques contre Paris était aussi une attaque contre l’humanité, contre les valeurs partagées.

Quant à l’Europe, celle surtout des 27, il sera rappelé que le Traité de Lisbonne oblige les Etats membres à apporter toutes aides utiles à celui qui subit les affres du terrorisme. Dans l’instant, à l’exception notoire d’une Allemagne qui, décidément démontra sa détermination face aux fléaux du moment, elle se singularisa par la bouche de sa Chancelière par son offre d’aide à la France.

Mais surtout, la réponse vint, spontanée et massive, de la part de la foule compacte des citoyens du monde, fraternelle, rassemblant tout le corps social dans sa diversité et à travers toutes ses générations, du bébé jusqu’au plus vieux. A cette foule était venu et se multiplier les soutiens les plus manifestes.

Par exemple – et d’autres rassemblements étaient prévus – , le 22 novembre 2015, se tenait sous l’Arc de Triomphe à Paris un recueillement œcuménique, dans le sens républicain du terme.

Ce rassemblement républicain s’annonçait comme un évènement sociétal sans précédent, avec une foule réunie et associée dans un élan spontané ! Et, à l’instar de ce qui se produisit 76 ans auparavant quand Paris s’était libérée par elle-même en août 1944, cette fois-ci encore citoyens, soldats et forces de l’ordre se recueillaient ensemble, se célébraient et s’applaudirent dans un élan unitaire.

Tous le méritaient tant !

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« Fleurs en hommage 2 » – Acrylique sur papier d’or – JPRA


La vivacité de toute une nation se mesurait et continuerait de se mesurer à ces aunes.

En tout état de cause, il fallait – et il faut – faire bloc et résister.

Mais, par ailleurs, l’hommage dû à toutes les victimes de ces tueries de ce 13 novembre 2015 et des autres jours à Paris ne nous font pas oublier les autres victimes, trop nombreuses, et tombées pareillement sous les balles de ces maudits terroristes à travers le monde. En particulier, aux mêmes moments et depuis trop d’années, en Afrique, en Asie et au Proche et au Moyen-Orient.

Il faut que la vague d’indignation, la force de la justice , le souffle de la fraternité et le sens de l’altérité, dont la communauté internationale est capable, se répandent également sur ces régions beaucoup trop souvent meurtries.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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RADAMA 1er LE GRAND (2ème PARTIE)

Radama 1er (2)

Radama 1er. Portrait exécuté par André Coppalle commencé en 1825 et terminé plusieurs mois après.


                                                  RADAMA 1er LE GRAND

                                                                (2ème partie)

On l’a vu précédemment (voir l’article « Radama 1er le Grand » daté du 1/11/2015 sur ce même blog), le roi Radama 1er a inscrit la destinée de son royaume et du peuple malagasy dans une ascension sans précédent.

Il mérite plus que tout autre le double qualificatif, dans la juste lignée de son père Andrianampoinimerina, de « réformateur et modernisateur de Madagascar ».

Mettons cela dans la perspective.

Loin de Madagascar mais lui étant proche par diverses affinités civilisationnelles, le Japon de l’époque Edo est secoué par divers troubles en profondeur liés au morcellement de l’Empire en principautés souvent rivales, à son isolement forcé et au carcan d’une société pourtant travaillée par différentes revendications et une crise de croissance provenant du monde du commerce, des usuriers et des intellectuels formés par les Bushi (gens de robe et d’armes : les Samuraï), qui tous réclament ouverture, expansion territoriale (par la colonisation extérieure) et la réintégration du Tennô (Empereur) dans ses droits et prérogatives légitimes au dépens du Shogun.

La France également est traversée par des forces opposées, ce qui instaure une conjoncture politique à bien des égards explosive, d’une part, par une vague réactionnaire ponctuée par l’assassinat du Duc de Berry, fils du futur roi Charles X ; d’autre part, par le mythe de Napoléon 1er mort en 1821 ainsi que par l’idéal bonapartiste retrouvé ; et en troisième lieu, par une vague libérale qui s’insurge contre les lois réactionnaires qu’impose le régime du roi Charles X.

Quant à l’Angleterre, elle se concentre désormais sur ses industries, son commerce et ses finances, ce dans un « splendide isolement » vis-à-vis du continent européen, posture dans laquelle elle se complaît pour travailler au renforcement de sa puissance économique et commerciale à travers le monde !

Ses penseurs (Adam Smith, David Ricardo, Bacon) sont les inventeurs d’un libéralisme sans concession au regard des considérations sociales : la liberté d’entreprise absolue, la division du travail, le culte du profit par le libéralisme économique, le libre échange, l’organisation du crédit, etc…et pour couronner le tout, Malthus ne veut voir dans la misère des masses qu’une « loi naturelle »…

Plan d'Antananarivo

Plan d’Antananarivo – Reproduction interdite –


Ainsi va le monde au moment où Radama 1er (que plus tard certains auteurs n’hésitent pas à comparer à un certain Mustapha Kemal Atatürk, l’inventeur de la Turquie moderne des années 1930) poursuit sa route dans la modernité à Madagascar.

Suivons-le donc à nouveau par le récit des autres étapes de son passionnant règne.

                                               VERS LA « PAX MALAGACHICA »

La qualification de « Pax Malagachica », bien qu’emprunté par assimilation à une formule bien connue, qui, toutes proportions gardées, fait référence à la « Pax Romana », n’est ici point galvaudée.

Mais pour l’heure et à présent, le roi Radama 1er peut plus que légitimement se faire construire, à l’instar de ses prestigieux aïeux, un palais à sa mesure !

Il charge l’architecte et maître charpentier Louis Gros de concevoir et de construire le Palais Tranovola (le Palais d’Argent). Mais Radama ne saurait pourtant pas se reposer sur ses lauriers, conscient qu’il est d’avoir à poursuivre l’œuvre pacificatrice et unificatrice initiée par son père.

C’est la Pax Malagachica, sur terre comme sur mer, qui constitue au fond de lui-même le grand dessein auquel il veut se vouer.

Méthodiquement le roi Radama 1er réorganise son armée sous la maîtrise d’œuvre de l’Anglais Hastie. Un puissant corps de quinze mille hommes est constitué. Pour galvaniser les hommes et accorder à chacun ses mérites, des grades sous la forme d’honneurs (voninahitra) sont créés, allant du simple soldat (un voninahitra) jusqu’au général (à partir de dix voninahitra) – Voir sur ce même blog l’article daté du 15/3/2014 intitulé « Ordres royaux de Madagascar » – .

Il n’est pas exagéré de considérer que ce système de valeur militaire devait, toutes proportions gardées, équivaloir à l’institution par Bonaparte, dix-huit ans auparavant, de la Légion d’Honneur.

Le même Bonaparte a-t-il encore inspiré Radama 1er quand ce dernier réunit, fin décembre 1820 dans la plaine de Sahafa près d’Ambohimanga, le berceau royal de l’Imerina, tous les soldats méritants d’une deuxième campagne militaire contre les Sakalava et qu’il y érige une pierre commémorative ?

En tout cas, lors d’une troisième campagne, deux ans après le roi malagasy vainc enfin totalement le roi Sakalava Ramitraho.

Radama 1er tombe amoureux de la fille du roi Sakalava, la princesse Rasalimo, et l’épouse de suite pour être sa seconde femme officielle (vadikely), qu’il présente ensuite à la foule d’Antananarivo le 23 janvier 1823, toute fanfare déployée.

Au-delà du sentiment réel qu’il éprouve pour la belle Rasalimo, Radama scelle par cet acte à la fois « traditionnel » (avant lui, son père et maints autres monarques étaient polygames), original (parce qu’il se savait déjà lié par le sang avec sa nouvelle élue) et subtil, l’alliance par le sang renouvelé de deux royaumes initialement rivaux et, grisé par sa nouvelle fortune, c’est dans un élan vital et dynastique qu’il s’empresse de se donner un héritier – qu’il ne pouvait satisfaire avec sa femme principale Ramavo (future Ranavalona 1ère) déjà avancée en âge – et, en l’occurrence, c’est une fille, Raketaka, qui naît rapidement de ses œuvres d’avec Rasalimo, jeune princesse de sang Andriandranando, le père de cette dernière tirant son ascendance de cette maison royale de l’Imerina* (voir ci-dessous en fin d’article le « Nota »).

Ce trait sentimental du caractère du roi malagasy – qu’on ne relève pas suffisamment – se traduit par ailleurs par sa grande sensibilité à la musique et à la danse, et l’incite souvent à se réserver des moments de détente au milieu de ses danseuses et de ses musiciens.

C’est aussi ce roi cultivé qui ordonne à deux botanistes, l’un autrichien (Wenceslas Bojer) et l’autre allemand (C.T Hilsenberg), de créer dans les parcs de la résidence royale à Mahazoarivo (aujourd’hui siège de la Primature) à la périphérie de la capitale royale et à Amparihindrasahala dans l’enceinte du quartier des nobles, des jardins botaniques qui aujourd’hui encore embellissent agréablement Antananarivo.

Tranovola (couleur)

« Tranovola » (Palais d’Argent) – aujourd’hui totalement détruit par l’incendie criminel de la nuit du 5 au 6 novembre 1995. – Reproduction interdite –


Perçu par son peuple comme un Dieu vivant, c’est un souverain qui veille sur tout.

Revenons à l’année 1820.

A la manière de la Grande Armée de Napoléon 1er, l’armée de Radama était devenue l’instrument privilégié et performant de sa vaste ambition. Elle s’était fortement structurée sur les conseils d’un officier et d’un sous-officier britanniques, Hastie et Brady, et d’un autre sous-officier issu des rangs de la prestigieuse armée impériale napoléonienne, le sergent-chef Robin (voir sur ce même blog l’article intitulé « Robin, grand Maréchal de l’armée royale de Madagascar » daté du 24/5/2015).

Tous trois, solidaires et portés par l’enthousiasme de servir un roi exceptionnel, furent tôt faits généraux, X voninahitra !

Une autre considération vient à l’esprit fertile de Radama : Madagascar étant une grande île, n’a-t-elle pas vocation à se doter d’une force maritime ou, tout au moins, ne doit-elle pas être capable de défendre en toute indépendance ses longues côtes et leurs approches par la mer ?

Dès 1821, le roi malagasy fait embarquer cinquante jeunes gens à bord de navires de guerre de la flotte anglaise de l’Océan indien afin qu’ils soient instruits dans l’art de la navigation et des différents métiers de la mer.

Radama a aussi sa petite idée pour faire de Madagascar une puissance maritime régionale, pouvant même éventuellement servir une vaste ambition de type impérialiste de domination de l’Océan indien occidental, ainsi que l’historien Raombana, son contemporain, l’en soupçonnait sérieusement dans ses écrits.

Le Radama stratège militaire n’en oublie pas moins ses devoirs civilisateurs.

La multiplication des contacts avec l’étranger l’y encourage.

Il n’y a pas un domaine qui ne l’intéresse pas. Grand amateur de musique, comme nous le soulignions précédemment, dont il apprécie la force évocatrice des sentiments, sachant la diversité musicale que recèlent les terroirs régionaux malagasy, le roi envoie successivement à l’Ile Maurice et jusqu’en Angleterre des jeunes gens pour y apprendre l’art musical occidental, comme c’est encore le cas pour dix autres heureux élus en 1822.

La même année, c’est avec solennité qu’il reçoit personnellement en son palais quatre maîtres d’arts anglais venus apprendre aux Malagasy, entre autres métiers, la ferronnerie, la fabrication des briques, la mécanique, la maçonnerie…

C’est aussi l’année où Radama 1er reçoit deux botanistes, un autrichien et un allemand qui, au-delà de créer pour le roi malagasy deux jardins botaniques, comme on l’a évoqué précédemment, vont étudier l’immense richesse de la flore malagasy, dont la réputation commence à se répandre dans les milieux scientifiques.

Cahier de Radama

Cahier d’écriture de Radama 1er – Archives familiales – Reproduction interdite –


                                                 L’EMPEREUR DE MADAGASCAR

Quant à la France, qui maintient ses prétentions territoriales sur certaines portions des côtes est, qui ose à peine protester contre la récupération et l’occupation du port de Tamatave par les troupes du souverain malagasy, elle tergiverse et hésite face à la détermination du roi Radama.

Finalement, la France choisit d’envoyer à l’Ile Sainte-Marie une petite garnison censée dissuader Radama d’occuper la baie de Tintingue (au nord-est) et la Pointe-à-Larrée (séparée de l’Ile Sainte-Marie par un bras de mer large d’une petite dizaine de kilomètres) et un lieutenant accompagné de quelques hommes à Fort-Dauphin, autant de mesures dérisoires qui ne firent qu’encourager Radama 1er à persévérer dans son dessein unitaire !

En 1823, après avoir achevé la conquête du pays Sakalava du Menabe, treize mille hommes du corps expéditionnaire de Radama 1er se fendent en vagues successives sur la région de Tintingue et de la baie d’Antongily et jusqu’à Vohemar au nord-est de Madagascar.

Le roi malagasy parachève ainsi et consolide une « pacification » commencée en 1817 par l’ouverture à l’Est avec la soumission du roi Betsimisaraka Jean-René (voir 1ère partie de cette série d’articles sur ce même blog, en date du 1/11/2015).

Tamatave symbolise ce parachèvement.

Rien ne prédestinait la rade de Tamatave à devenir une place forte militaire. Et pourtant, c’est là en grande partie qu’avec Radama 1er le royaume malagasy a entendu défendre son intégrité territoriale et son indépendance face aux puissances coloniales, en particulier la France.

Or, avant que Radama 1er les en déloge, les Français y avaient installé, à la porte de la rade, une place forte munie de canons destinés non pas à défendre son entrée aux navires, mais au contraire à repousser toute attaque pouvant venir de l’intérieur des terres.

Le roi Jean-René, allié de la France, y avait quant à lui installé sa résidence, mais sa défaite suivie de sa soumission à Radama 1er permirent à ce dernier de s’emparer de l’ensemble. Dès lors le grand roi malagasy en fera un véritable fort réputé imprenable, avec : construction d’un corps de bâtiments ; installation d’un fort contingent composé de soldats d’élite et de canonniers ; mise en place d’une batterie de canons, cette fois-ci tournés vers le large.

Grâce à une telle protection, beaucoup de commerçants et de maisons de négoces opérant sur l’ensemble des Mascareignes s’installèrent à Tamatave.

La place forte, désormais connue sous le nom de « La Batterie » où furent également construits des bâtiments servant de résidences pour notables et officiers supérieurs, dont celle dévolue exclusivement au roi Radama 1er, prenait rapidement des allures de site royal de travail, de villégiature, d’observation du large et de vigie (cf. Note « Tamatave et sa batterie » dans notre ouvrage « La geste éphémère de Ranavalona 1ère », L’Harmattan, 1997) .

rade de tamatave

Rade de Tamatave. La fameuse Batterie, tant redoutée par les navires étrangers, se trouve au fond à gauche. Elle se compose de plusieurs corps de bâtiments, dont une résidence où Radama 1er aimait passer du bon temps. – Reproduction interdite –


Le succès appelant le succès, après les conquêtes évoquées plus haut, c’est maintenant le pays Tsimihety, toujours au nord, qui tombe également, de même que la totalité du pays Shihanaka, tandis que l’année suivante trois corps d’armées conduits par Jean-René, l’ancien roi Betsimisaraka rallié à Radama 1er, par le Grec Nikolos et par le prince Ratefinanahary (Ratefy), conquièrent toutes les régions littorales du sud-est.

C’est ce qui permet à Radama 1er de tenir le 14 novembre 1824 à Antananarivo un grand kabary (adresse royale) au cours duquel il proclame sous les vivats : « Aujourd’hui, l’Ile tout entière est à moi ! Elle n’a plus qu’un seul maître ! ».

Face à cette déferlante et dans le contexte du moment et des lieux, l’enclave française de Fort-Dauphin, créée en 1642 par Etienne Flacourt au nom de Richelieu et du Dauphin Louis de France, apparaît comme un abcès.

Radama le crève et, le 14 mars 1825, la France, dépossédée de son enclave malagasy et qui ne trouve aucun moyen pour réagir, est littéralement éjectée du continent malagasy, seule l’Ile Sainte-Marie, au large, demeurant sous son giron (concernant les circonstances de la rivalité franco-malagasy à propos de Fort-Dauphin, lire également sur ce même blog notre article intitulé « Ramananolona, la fidélité et la loyauté d’un prince », daté du 10/8/2014).

En 1827, plus des trois quarts de l’immense superficie totale de Madagascar, près de 500.000 Km2 donc, sont réunies sous l’unique contrôle et autorité de Radama 1er.

Plus que d’être Roi, il est bien dans les faits l’ « Empereur de Madagascar », titre et condition que, dans sa raison et sa sagesse, il ne caressa et ne revendiqua toutefois jamais !

Ce qui marque en lui, lui l’assoiffé de gloire, la pondération du caractère.

(A suivre : dernière partie)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des txetes et illustrations
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Nota:

I.    Les photographies – droits réservés. Reproduction interdite – sont tirées successivement des ouvrages suivants: « Voyage dans l’intérieur de Madagascar et à la capitale du Roi Radama 1er  » de André Coppalle, Editions La Lanterne Magique; « Colline sacrée des souverains de Madagascar, le Rova d’Antananarivo » de Suzanne Razafy-Andriamihaingo, L’Harmattan, 1989; « La geste éphémère de Ranavalona 1ère, l’expédition diplomatique malgache en Europe de 1836-37 » de Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, L’Harmattan, 1997.

* II.   SUR L’ASCENDANCE DU ROI RAMITRAHO ET DE SA FILLE RASALIMO

La mère du roi Ramitraho est la princesse Ravorikiniandriana ; cette dernière descend du prince Andriamanalina ; ce dernier est le fils de la princesse Ramatoafotsindrindravambo, laquelle est la fille aînée du prince Andriampoinandriana, lui-même fils aîné du prince Andriandranando, l’un des princes de la trinité nobiliaire des Andrianteloray, qui sont la source privilégiée de la lignée royale régnant sur l’Imerina puis sur Madagascar. 

DE GAULLE ET MADAGASCAR

de gaulle au rova

1953 : le Général de Gaulle et son épouse, née Yvonne Vendroux, séjournent à titre privé à Madagascar. Le 10 octobre, ils font une visite complète du Rova d’Antananarivo sous la conduite de notre regrettée mère, Suzanne Razafy-Andriamihaingo, conservateur en chef du musée national. Ici, ils se dirigent vers la sortie. – Reproduction interdite – ** Voir l’avertissement en fin d’article.


                                                               DE GAULLE ET MADAGASCAR

L’année 2020 était officiellement l' »Année de Gaulle », ainsi que l’avait décidé le Président de la République française.

En effet, cette année-là survenaient trois anniversaires:

. le 130ème anniversaire de la naissance de Charles de Gaulle;

. le 80ème anniversaire d son fameux Appel du 18 juin 1940;

. et le 50ème anniversaire de sa disparition le 9 novembre 1970.

Comment ne pas se souvenir du grand personnage ?

Pour notre part, nous voulons en particulier évoquer ce lien qu’il avait voulu et su nouer et entretenir avec Madagascar.

De fait, la première visite officielle du général De Gaulle dans les anciennes colonies françaises d’Afrique au sud du Sahara avait eu lieu à Madagascar le 22 août 1958.

Mais auparavant, à titre privé, il vint avec son épouse à Madagascar en 1953, durant sa « traversée du désert », comme on le rappellera plus loin…

Ce choix est significatif de la haute considération qu’il accorda alors à Madagascar et aux Malagasy, qui le méritaient amplement.

Rappelons brièvement les étapes déterminantes de cette relationnelle.

A l’appel du 18 juin 1940 (cf. sur ce même blog l’article daté du 18 juin 2015 intitulé « Témoignage d’un officier malgache autour de l’Appel du 18 juin 1940 » ), cet acte fondateur tant de la Résistance que de ce qui se formulera plus tard comme étant la posture gaullienne pour la renaissance de la France, y compris dans le domaine de la décolonisation, des éléments malagasy y ont répondu assez prestement, essentiellement sur la terre de France elle-même, là où ils se sont ralliés à la grande cause proposée par le Général De Gaulle pour entrer en résistance dans différents réseaux et en tant que FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) ou FFC (Forces Françaises Combattantes).

Ainsi, des Malagasy de toutes les contrées de la Grande Ile ont participé très activement aux combats pour la Liberté et pour la renaissance de la France éternelle, parmi ceux-là mon père et ma mère, suivant en cela leurs aînés de la Première Grande Guerre.

Mon père, lieutenant d’artillerie lourde engagé sur le front hautement stratégique de la Somme, et en tant qu’officier malagasy alors le plus élevé en grade, décoré de la Croix de guerre avec étoile de vermeil et de la Croix de la Libération, fut chargé à la Libération par le Général De Gaulle et son gouvernement de participer à l’organisation du rapatriement dans l’honneur et dans l’ordre à Madagascar des soldats malagasy engagés sur les différents fronts en France et ailleurs, et dont certains avaient été protégés par lui et son épouse durant la terrible période de la Résistance à Paris, ce jusqu’à la Libération de Paris et après (cf. sur ce même blog l’article daté du 24 août 2014 intitulé « Libération de Paris : la grâce de la Liberté »).

En outre, dès octobre 1945, en tant que président de la Commission de l’Océan Indien de l’Organisation Civile et Militaire, mon père s’était fortement engagé au sein des organisations gaullistes et progressistes dans les nécessaires débats visant à assurer aux anciennes colonies, et tout spécialement à Madagascar, un statut de nations disposant d’elles-mêmes, s’inscrivant ainsi dans le sillage du message du Général De Gaulle fortement exprimé dans son « discours de Brazzaville » de 1944.

Or, Madagascar sortait à peine d’une situation pour le moins confuse, notamment devant l’attitude de certains « nationalistes » malagasy ouvertement peu concernés par les violations des valeurs perpétrées par la barbarie nazie et relayées à Madagascar par les Vichystes, lesquels virent débarquer en 1942 des Anglais prompts à inclure la Grande Ile dans leur stratégie de contrôle des accès maritimes en Océan Indien occidental, ce en mettant en avant la menace nippone.

Cette occupation militaire anglaise ne dura que le temps de la colère du Général De Gaulle qui obtint de Churchill que Madagascar fût finalement « remise » à la France Libre en novembre 1942…

de gaulle au Rova 2

Au sortir de la visite de la Salle du Trône au Palais Manjakamiadana. – Reproduction interdite – .


A l’avènement de la IVème République française en 1946, la République des partis sans De Gaulle, nourrie par les intenses débats tenus dans le sillage de la Libération, parvient à ouvrir une nouvelle ère pour Madagascar, la nouvelle constitution lui accordant une représentation par quatre députés au Palais Bourbon.

Mais, les incertitudes et les mauvaises réponses à l’égard des revendications malagasy, notamment pour « la citoyenneté française pour tous » et une représentation plus adéquate au sein des instances politiques, aggravées par la persistance des tensions sociales sur fond prétendument « ethnique », aboutissent au terrible soulèvement populaire de 1947.

De Gaulle lui-même est contraint à la « traversée du désert » et la vague répressive frappant les nationalistes malagasy et les forces patriotiques malagasy, avec lesquels mon père et ma mère eux-mêmes s’étaient engagés résolument et les avaient défendus sans faille au sein d’une administration française déphasée, fait régner un climat des plus détestables et condamnables.

Mais, très vite, grâce à la ténacité de tous, les thématiques majeures de la reconstruction et de l’Indépendance prennent le dessus et les années 1950 voient se profiler un avenir prometteur.

De Gaulle s’en saisit pour effectuer pour la première fois à l’automne de 1953 une visite privée remarquée à Madagascar et, le 10 octobre, s’imprègne à Antananarivo au Rova de « Manjakamiadana » des faits historiques de la royauté malagasy tels que ma mère, conservateur en chef de ce musée, les lui relatait.

de gaulle au Rova 3

La visite du Rova d’Antananarivo est terminée. Le Général et son épouse descendent les marches glissantes de l’entrée principale par où ils étaient venus deux heures auparavant. Sur la photo, ma mère est à la gauche du général De Gaulle, et à sa gauche se trouve Yvonne De Gaulle. – Reproduction interdite –


L’évolution de la Grande Ile dans le monde moderne apportant tous les gages de la postérité pour les Malagasy, c’est bien volontiers que De Gaulle y effectue pour la seconde fois une visite, cette fois-ci très officielle, en août 1958.

Il entend mettre en œuvre sa doctrine de la décolonisation et sa conception de la Communauté Française.

C’est sa première visite officielle dans les anciennes colonies françaises d’Afrique au sud du Sahara.

A l’Assemblée représentative malagasy, puis à Mahamasina il annonce au milieu des acclamations enthousiastes, et désignant le Rova :

. « Demain vous serez de nouveau un Etat, comme vous l’étiez lorsque ce palais était habité ! ».

Je me souviens qu’étant enfant conscient d’assister à un moment historique et accoudé à la balustrade du Rova surplombant tous les quartiers ouest d’Antananarivo et le stade de Mahamasina où se déroulaient les cérémonies, combien l’onde sonore qui montait irrésistiblement jusqu’au sommet de Rova par cette voix porteuse du Général de Gaulle éclatait dans un tonnerre d’acclamations …! Impressionnant !

L’avenir national des Malagasy était ainsi scellé.

Loin de leur avoir été « octroyé » comme une certaine pensée unique et réductrice entend le marteler, il est le résultat, ainsi que nous l’avons rappelé ci-avant, de luttes constantes et mûries par les épreuves du côté malagasy, autant que de la clairvoyance d’un De Gaulle précurseur.

C’est bien pourquoi, malgré le vote référendaire du 14 octobre 1958, qui à une écrasante majorité inclue Madagascar « Membre de la Communauté française », l’image de relents néocolonialistes qu’offre cette entité convainc De Gaulle et ses membres de laisser se proclamer les indépendances africaines, dont celle recouvrée de Madagascar (rappelons qu’en 1817 Madagascar était reconnue dans sa pleine souveraineté internationale par les plus grandes puissances du moment) le 26 juin 1960, retrouvant ainsi sa pleine souveraineté internationale et ses propres compétences diplomatiques.

Auparavant, en juillet 1959 voici le général De Gaulle à Madagascar pour la troisième fois officiellement, à Antananarivo, cette fois-ci pour y présider le premier Conseil des ministres de la Communauté Française, un grand honneur étant ainsi fait à Madagascar et aux Malagasy.

Il  y est accompagné par son Premier ministre Michel Debré et par son Ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville (deux amis de notre père).

Le Président Philibert Tsiranana, hôte des lieux, était alors ministre de la Défense de la Communauté Française, poste régalien à la hauteur de la confiance alors accordée à Madagascar dans un monde bipolaire dominé par l’adversité Ouest-Est

.

Conseil ministres communauté française.jpg

Le 1er conseil des ministres de la Communauté française se tient à Antananarivo en juillet 1959. – Reproduction interdite – ** Voir l’avertissement en fin d’article.


                                                                            *

                                                                      *          *

La mémoire du Général De Gaulle à Madagascar se pave ainsi de ces trois moments privilégiés pour les Malgaches, ce qui mérite amplement d’être souligné et retenu pour l’Histoire, celle du XXème siècle que ce grand homme a traversé de ses pas de géant.

Le 9 novembre 1970, jour de sa mort, je me souviens que le temps s’est arrêté et la brume épaisse obscurcissait le ciel, comme si ainsi Dieu signalait au monde l’immense peine ressenti par tous.

Trois jours après, à l’enterrement du Général, un petit matin d’automne du 12 novembre 1970 dans la grisaille sur le chemin emprunté par le blindé « Panhar » portant le cercueil du grand homme à Colombey-les-Deux-Eglises, hommes, femmes et enfants étaient murés dans un respectueux silence, et saisi par le poids de la douleur chacun retenait ses larmes comme pour mieux respecter et chérir l’homme qui parlait à l’esprit et au coeur.

J’en faisais partie, étant alors tout jeune étudiant d’à peine 18 ans en 1ère année de Droit à Paris et membre de l’Union des Jeunes pour le Progrès (UJP), un rassemblement de jeunes gaullistes, avec qui quatre ans auparavant, le 30 mai 1968, lors des dramatiques évènements de « Mai 68 » nous défilions fièrement sur les Champs-Elysées, en compagnie de près d’un million de personnes, au soutien du général De Gaulle.

Quand le corps du Général fut mis en terre au côté de sa fille bien aimée Anne, le Malagasy que je suis songea spontanément au lien charnel, d’ici bas terre et hommes, avec l’au-delà dans le firmament, dans lequel désormais Charles de Gaulle était tenu dans les mains de Dieu.

Un moment intense en émotion, en pensées et en prières.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo,

Membre de la Convention de la Fondation Charles-de-Gaulle

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Droits réservés. Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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En complément de cette évocation, voir également dans « Espoir », revue de la Fondation Charles-de-Gaulle, n° 165 – été 2011 – mon article « De Gaulle et Madagascar : une relation privilégiée », pages 66 à 68.

. P.S : 

NOTA

Les photos illustrant ce court article font revivre de façon privilégiée ce Rova d’Antananarivo qui fut entièrement détruit par un incendie criminel une funeste nuit du 5 au 6 novembre 1995. Aujourd’hui, les prétendues « réhabilitations » des palais « Manjakamiadana », « Tranovola » et « Manampisoa » posent problème. Car, en fait de « réhabilitations », il s’agit, de par l’achèvement des travaux intervenus en novembre 2020 pour « Manjakamiadana » et des reconstructions en cours pour « Tranovola » et « Manampisoa », des tentatives décalées dans un esprit où le clinquant s’est délibérément immiscé pour un parti pris d’approximation et d’apparence trompeuse, car au prétexte d’introduire dans les lieux des procédés et dispositifs « modernes » de construction, d’aménagement et d’exposition, l’esprit des lieux est ignoré et on pêche par légèreté dans une enceinte où l’obligation d’authenticité doit être une règle absolue, la sobriété esthétique une exigence et la norme iconographique et historique des règles élémentaires. 

A n’en pas douter, il faut craindre que jamais fort malheureusement ce Rova d’Antananarivo ne retrouvera donc sa splendeur d’antan…sauf volonté affirmée d’y revenir moyennant une révision drastique de la conception même et de la réfection des travaux de réhabilitation. Car, « réhabilitation » ne veut pas dire reconstitution approximative, comme c’est le cas des travaux livrés en novembre 2020 et ceux actuellement en cours…

. Avertissement :

** Les photographies figurant dans cet article proviennent des archives personnelles de l’auteur. Leur reproduction est interdite. Malgré la mention expresse indiquée au bas de chaque photo, certaines personnes et organisations indélicates (dont j’ai enregistré les noms ,et qui sont répertoriées) reproduisent certaines de ces photos, en particulier sur Facebook, sans même prendre la peine de m’en demander l’autorisation ni de mentionner leur provenance. Mes droits étant ainsi violés, le moment venu justice sera faite…

** Il en est notamment ainsi d’un site sur Facebook, « RAKIBOLANA MALAGASY » ou de « HISTOIRE DE MADAGASCAR », qui omettent volontairement de citer la source de leur publication et ne se privent ainsi pas de reproduire les photos ci-dessus marquées d’un ** dans deux « posts » datés du 26 mai 2020, et ce malgré la mention expresse « Reproduction interdite » au bas desdites photos !…Dans le cas de la 2ème photo, « RAKIBOLANA MALAGASY » aggrave son cas en reproduisant textuellement le commentaire accompagnant ladite photo sans aucunement citer sa source !!!…

QUELS MESSAGES FRANCAIS AUX AFRIQUES ?

 

Plateau de fruits et tasse de thé 4« Plateau d’abondance » – Pastel sur papier canson – (jpra)


                                     QUELS MESSAGES FRANÇAIS AUX AFRIQUES ?

Oui ! D’emblée, en effet, parlons des Afriques et non de l’Afrique, comme si elle était une généralité.

Le vocable pluriel valorise mieux la situation diversifiée de ce vaste continent grand comme trois fois l’Europe, et prépare mieux les esprits à une juste considération des peuples qui le composent avec leur histoire respective.

                                                                                *

Notre réflexion s’était formulée quand le Président Hollande recevait à Paris, fin de l’année 2013, une réunion au sommet de tous les chefs d’Etat africains, ce qui, entre autres considérations, pouvait se présenter pour ce nouveau président français issu des rangs socialistes, à un an de son début de mandat, comme une consécration, en particulier pour celui qui, au Mali, venait d’être célébré comme le sauveur d’un sub-continent en proie à l’emprise terroriste et à la misère.

Pour sa part, le Président français actuel, Emmanuel Macron, s’est placé dans la même ligne avec, cependant, un discours quelque peu maladroit à l’adresse des Africains au début de son propre mandat en l’été 2017, lui qui fustigeait l’incapacité des femmes africaines à limiter leurs grossesses…pour expliquer les difficultés économico-sociales du « continent noir » !  Serait-il sur le tard, ferré dans ses convictions de technocrate condescendant, un adepte de Malthus pour asséner une telle « vérité » ? Certes, depuis lors son discours a quelque peu évolué…

Il est un fait qu’on a du mal à cerner une vision claire de l’action française en direction des Afriques…

Aujourd’hui comme hier, et au-delà de ce rituel France-Afrique et des péripéties politiciennes, ce dans un contexte concurrentiel pourtant géopolitique mondial où l’Afrique est convoitée de partout, on note que les sommets avec ce « Continent Noir » se multiplient autour des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, du Japon, de l’Inde, du Brésil, de la Turquie, de l’Italie, – et on en oublie sûrement – .

Et c’est dans ce contexte que la voie, la voix et l’action de la France, quant à elle, peinent à s’identifier clairement.

On verra si lors du prochain Sommet France-Afrique de ce mois d’octobre 2021 qui se tiendra à Montpellier celles-ci se dégageront avec plus de clarté et de portée.

                                                                               **

CONDITIONNALITES

Or, oui certes, c’est entendu, la France demeure une puissance majeure sur ce continent africain où ses positions stratégiques comme ses intérêts économiques, commerciaux et culturels demeurent importants, alors qu’ils étaient jadis dominants.

Mais, à cela doit s’affirmer davantage encore une volonté d’effacer définitivement les fâcheuses réminiscences suivantes :

. celle de la République laïque mais durement colonialiste de Jules Ferry ;

. celles des réquisitions abusives pour venir au soutien des efforts de guerre de 14-18 et de 39-45 sans que des compensations soient venues les atténuer ;

. celles des dures répressions destinées à empêcher l’autodétermination des territoires colonisés, aujourd’hui encore ces réminiscences persistant en Océan indien occidental, notamment à propos des Iles Eparses ;

. celles des oublis de reconnaissance des sacrifices humains et matériels consentis par l’Afrique et Madagascar pour la libération des Français et de la France, en particulier durant la seconde guerre mondiale ;

. et celles des pratiques persistantes de certains réseaux affairistes héritiers de la « Françafrique ».

A ces conditions, l’héritage tant vanté des Lumières et des Libertés dont la France se déclare porteuse prendra un tout autre visage, celui de l’épanouissement.

C’est dire qu’à tous ces égards ses références et ses preuves doivent être encore plus visibles sur le plan diplomatique en ces temps de quête démocratique et de promotion des droits fondamentaux, un peu comme sur le plan éthique et moral le Saint-Siège s’y attache à sa manière pour ce qui concerne les affaires de la conscience, un peu comme en son temps le Royaume-Uni, dans une vision « à l’Est d’Eden », entendait laisser s’épanouir à nouveau les personnalités respectives de ses anciennes colonies en entretenant avec elles des rapports débarrassés de toute arrière-pensée.

Ce faisant, dans sa vision africaine comme dans le traitement des dossiers africains, la France ne doit pas appliquer des schémas préconçus et systémiques, et doit davantage être en capacité de diagnostic, de thérapeutique et de prospective, sachant que l’Afrique, du Nord au Sud et d’Ouest à l’Est, du Centre ou du Littoral, affirme avec autant de fierté sa diversité que peut le faire l’Europe, l’Asie ou les Amériques à travers les étendues de leurs régions respectives.

le goût des fruits 6

« Fruits de saison » – Pastel – (jpra)


                                                                           ***

UNE NOUVELLE VISION

Les diplomates de l’Elysée comme ceux du Quai d’Orsay doivent être autant fins connaisseurs de ces Afriques que férus dans l’art de pénétrer les réalités complexes de pays et de peuples qui ont, chacun, leur propre histoire, ont un vécu différent et aspirent à des valeurs spécifiques qui souvent n’ont rien à voir avec les vertus supposées de la mondialisation ou de la globalisation telles que conçues sur des critères matérialistes et systémiques venus d’ailleurs et hors contexte africain.

Si, ici dans les hautes sphères on parle volontiers de « diplomatie d’influence », là-bas aux Afriques on perçoit une telle maxime comme une forme déguisée de volonté de domination ou de maintien d’une certaine « relation privilégiée » à consonance néo-coloniale attardée.

Pourquoi la capacité d’influence se traduirait-elle nécessairement par un message qui nie autant la vocation des autres à affirmer leur propre personnalité, ou tout au moins qui s’interprète comme un manque de considération ?

Ce que renferme par exemple la Francophonie, telle que nous l’avons vécu, en termes de dialogue des civilisations, de valeurs partagées et d’interculturalité, constitue une bonne référence de considération réciproque, cette pratique de l’altérité qui, en diplomatie comme dans la vie civilisée, respecte et sait optimiser les différences.

Car, il est révolu ce temps où la République laïque de Jules Ferry et de ses héritiers prônait l’assimilation ou l’intégration comme les valeurs supposées sûres d’une société autoproclamée apaisée et qui serait parvenue à son accomplissement.

Sans verser dans un communautarisme qui, lui, est le berceau de fléaux sectaires, la vie internationale a besoin que les diversités s’épanouissent dans un cadre maîtrisé.

C’est ce rôle promotionnel et d’avant-garde qui sied bien à cette France, qui se conforme à une certaine tradition gaullienne de sa politique étrangère, toujours tournée vers les valeurs et le progrès, comme en son temps le général de Gaulle avait su éveiller les consciences notamment dans ses discours fondateurs prononcés à Brazzaville en 1944 ou à Pnom-Penh en 1966.

Si elles veulent être mieux suivies et comprises, la voie, la voix et l’action de la France se doivent ainsi d’être clairement identifiées par la marque pénétrante de sa grandeur d’esprit et non par les signaux réducteurs de petits calculs de contingences temporelles à visées ciblées d’ordre économique ou culturel.

Comparativement, l’Allemagne a, depuis peu cette année, développé un « Plan Marshall » pour l’Afrique avec une vision et des objectifs ambitieux précisément débarrassés des relents du passé, de même que l’Union Européenne s’apprête à proposer à l’Afrique, à condition que cette dernière sache parler d’une voix cohérente à défaut d’être commune, une version plus adaptée de l’Accord de Cotonou, lequel commence à dater.

On pourrait ainsi multiplier d’autres exemples, pas nécessairement référentiels, mais qui témoignent de visions diversifiées qui font la différence avec une absence de vision française perçue comme innovante.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

Ancien ambassadeur de Madagascar en France et auprès de plusieurs pays européens, ancien Représentant personnel du Président de la République de Madagascar auprès du Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, Ancien Président de l’Organisation Africaine et Malgache du Café. 

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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RADAMA 1er LE GRAND

radama the great

Le Roi sur son cheval blanc (offert par le gouverneur de l’Ile Maurice) , qu’il affectionnait particulièrement. Peinture allégorique de JIPIERA, inspirée d’un portrait de Napoléon Bonaparte. Reproduction interdite (voir Note en fin d’article).


                                                            RADAMA 1er LE GRAND

En introduction d’un entretien radiophonique du 2 mars 1994 qu’il m’avait accordé sur Radio France Internationale (R.F.I) consacré à « la fin de la monarchie à Madagascar », feu le Professeur Ibrahim Baba-Kake avait déclaré :

. « On peut affirmer que le XIXème siècle est celui de Madagascar… ».

En effet, depuis qu’en 1792 un certain Andrianampoinimerina avait restauré le prestige du trône de l’Imerina à Madagascar et s’y était installé dix-huit ans durant à l’entrée du XIXème siècle, une période faste s’était ouverte pour la Grande Ile avec les meilleurs auspices (voir sur ce même blog l’article daté du 6 octobre 2013, intitulé « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar, 2ème partie »).

C’est une ère nouvelle qui s’inaugure, plus accueillante au monde extérieur et suggérant la formulation de l’idée unitaire avec une valorisation sans précédent d’une indépendance de destinée.

                                                   UN DEBUT DE REGNE BRILLANT

Oui, Radama 1er est le premier souverain malagasy que les puissances étrangères dominantes aient reconnu sous le titre de « Roi de Madagascar ».

Sa geste est digne des personnages historiques de Bonaparte mué ensuite en Napoléon 1er.

Il s’appelait encore Lahidama quand, en 1809, son père Andrianampoinimerina le désigne comme héritier du trône.

« Pétulant avec des yeux mobiles et pleins de feu », comme le remarque le Français Leguevel, Lahidama devenu Radama 1er a son portrait en pied vêtu d’un bel uniforme anglais, tenant son épée dans sa main gauche, peint plus tard par André Copalle en janvier 1826.

Il laisse apparaître les qualités d’un « grand et bon souverain » selon les termes repris dans les mémoires du prince et historien Raombana, contemporain du roi.

Le souverain malagasy déplore que son royaume soit privé des accès maritimes à l’Est et à l’Ouest, le faisant ainsi dépendre de l’intermédiation des chefs locaux de ces façades maritimes pour pouvoir traiter avec les négoces étrangers.

Il entend réaliser pleinement comme un leitmotiv l’assignation paternelle : « Le mer sera la limite de ma rizière ! ». Son œuvre a été considérable dans cette région du globe dont le contrôle est devenu un enjeu stratégique à l’échelle mondiale.

La colonisation européenne aux Indes se poursuit avec un redoublement de la compétition anglo-française : l’Angleterre, à travers la Compagnie des Indes-Orientales, déjà solidement implantée à Madras au Sud-Est, Bombay au Nord-Ouest et Calcutta au Nord-Est, venant d’ajouter à son lot l’Ile Maurice en 1814 aux dépens de la France pour sécuriser ses routes maritimes ; la France qui, à cette même fin, avait renforcé pour sa part ses positions militaires précédemment acquises à Fort-Dauphin (Madagascar) et sur l’Ile Bourbon (La Réunion actuelle).

L’Angleterre, par le gouverneur de l’Ile Maurice, Sir Robert Farquhar, comprend vite l’intérêt qu’il y a à aider le jeune souverain malagasy dans sa politique d’unification de Madagascar. En août 1816, il envoie auprès de Radama 1er le traitant Chardenaux pour engager le roi malagasy à conclure un traité de commerce avec l’Angleterre. A son tour, le roi comprend très vite le parti à tirer de l’établissement de relations officielles avec les puissances européennes dominantes.

Dès lors, les choses s’accélèrent.

En décembre 1816, Radama 1er reçoit en son palais Besakana au Rova d’Antananarivo un autre envoyé du gouverneur Farquhar, en la personne du capitaine Lesage, celui-ci étant accompagné de trente soldats et de riches présents.

Très vite, s’en est suivie la signature le 4 février 1817, date mémorable, d’un traité d’amitié et de commerce anglo-malagasy. Pour Madagascar, cette avancée diplomatique va de pair avec une nouvelle extension territoriale qui intervient dès août 1817.

A la tête d’une armée de 5.000 hommes, Radama 1er s’offre l’ouverture sur le large à l’Est et, par voie de conséquence, sur un espace maritime ô combien stratégique en occupant le port de Tamatave et en obtenant la soumission du roi local Betsimisaraka Jean-René, le protégé des Français.

Ce fut donc une victoire indirecte sur la France, qui est elle-même contrainte par les armes et les stipulations du traité de Vienne de juin 1815 de revenir en Europe dans ses frontières de 1791.

Sur le continent malagasy, la France avait, à partir de sa base à Fort-Dauphin, tenté de créer des établissements permanents tout au long de la côte orientale et continue d’y avoir des visées.

Son protégé Betsimisaraka, le roi Jean-rené, a certes du se soumettre à Radama 1er, mais ce dernier, fin politique et n’ignorant rien du contexte géostratégique local par rapport à la France, joue de la diplomatie et fait du neveu du roi Jean-René, un dénommé Coroller, un de ses principaux ministres et, plus tard, le fera même gouverneur de Tamatave.

Dans la foulée, Radama reçoit avec solennité le troisième envoyé du gouverneur Farquhar, le major James Hastie, qui offre au roi, entre autres présents, des chevaux de prix. Puis, ce dernier décide d’envoyer à Maurice des musiciens malagasy qui, bientôt de retour au pays, formeront le noyau d’une fanfare militaire qui l’accompagnera dans ses déplacements à travers l’île malagasy.

approche de madagascar (2)

« Les approches de Madagascar » (jipiera). Reproduction interdite .


                                                     L’APOTHEOSE DIPLOMATIQUE

Mais l’acte le plus significatif des prédispositions du roi Radama 1er dans le sens du progrès et de sa prise de conscience des valeurs humanistes universelles vient avec la signature, le 23 octobre 1817, d’un troisième traité anglo-malagasy.

En effet, le souverain malagasy s’interdit, moyennant une compensation financière et matérielle, en particulier en armes, la traite des esclaves (rappelons qu’alors qu’en 1796 la France abolissait la traite des esclaves, l’Empereur Napoléon 1er rétablissait prestement l’esclavage et la traite des esclaves dès 1802…! Aux yeux de l’Histoire Madagascar apparaissant ainsi à la pointe du progrès civilisationnel…).

Or, à Madagascar la traite des esclaves constituait, surtout depuis le règne d’Andrianampoinimerina, la principale source d’exportation du royaume – grâce à laquelle il pouvait se procurer des armes en quantité et de la meilleure qualité auprès des traitants européens – et la principale source d’enrichissement de certains dignitaires.

En y renonçant, Radama 1er fit preuve d’un grand courage politique.

Ce traité permet également à Radama de réaliser l’un de ses projets phares : assurer à son peuple un haut niveau d’instruction. Il obtient de Londres, mais aussi d’autres capitales européennes, l’envoi de missionnaires, de techniciens, d’artisans, de maîtres d’art et de scientifiques.

Et, sur le plan diplomatique, par ce nouveau traité Radama 1er est expressément reconnu de jure comme le Roi de Madagascar, une reconnaissance non seulement de sa légitimité mais également de sa souveraineté sur toute l’étendue du continent malagasy.

Une ère nouvelle sans précédent s’ouvre donc pour Madagascar.

Entre-temps, le roi Radama 1er fait une autre heureuse rencontre en la personne de Robin, un ancien sergent-chef des armées napoléoniennes réfugié à l’Ile Bourbon voisine mais qui, ayant eu vent des hautes considérations du « Napoléon malgache », décida de lui offrir ses services (voir sur ce même blog l’article daté du 24 mai 2015 intitulé « Robin, grand maréchal du royaume de Madagascar »).

Radama y a vu une belle occasion de tirer profit des qualités personnelles de ce valeureux soldat sorti droit de l’épopée napoléonienne et des précieux enseignements qu’il lui prodiguerait.

Ainsi, Robin devient tout à la fois le secrétaire particulier et le principal conseiller militaire du roi malagasy.

Mieux, Robin initie le roi aux caractères d’écriture latins et à la langue française. Doué d’un esprit aussi subtil que pénétrant, par un coup de génie Radama 1er décide que la langue malagasy, jusque là s’écrivant très difficilement en caractères arabes, utiliserait simultanément les consonnes anglaises et les voyelles françaises tout en conservant la transcription phonétique malagasy !

Cette méthode révolutionnaire eut pour effet immédiat de rendre la langue malagasy, celle qu’on parle et qu’on écrit de nos jours, accessible à la masse, tant et si bien que l’instruction connut à Madagascar, tout au moins dans la province de l’Imerina, une véritable expansion.

L’engouement du roi pour l’enseignement et l’éducation le conduit, le 24 novembre 1820, à envoyer en Angleterre neuf jeunes gens méritants de la noblesse et de la classe roturière, tous âgés entre sept et neuf ans, pour y accomplir des études classiques complètes dans les meilleurs collèges. Parallèlement, six autres jeunes gens sont envoyés en apprentissage à l’Ile Maurice.

Le mois suivant, le révérend Jones de la puissante « London Missionary Society » ouvre la première école anglaise à Antananarivo, une seconde école étant créée peu de temps après.

L’ordre intérieur et la consolidation de la base politique sont renforcés. Le 23 juin 1820, Radama 1er réunit dans la cour intérieure du Rova d’Antananarivo cinq cents chefs de districts qui lui jurent fidélité et applaudirent tant les victoires militaires que les projets de campagnes expéditionnaires destinées à réunir le pays.

Ces avancées devaient être soutenues par d’autres grands pas dans le domaine diplomatique. Le 17 octobre 1820 le roi Radama 1er se félicite de recevoir en son palais les marques de très haute considération et de témoignage de bon voisinage que lui manifeste, au nom du roi Louis XVIII et de la France, le baron de Millerie, gouverneur de l’île Bourbon.

Mais, c’est à l’Angleterre que le roi continue de réserver ses meilleurs égards. Le 19 octobre 1820, il envoie auprès du roi George IV la première ambassade malagasy dirigée par son beau-frère, le prince Ratefinanahary, et qui est composée du prince Antemoro Andriamahazonoro, un angliciste et un savant qui avait appris l’écriture arabe au roi malagasy, et de Ratsilikanina, un parent proche (voir sur ce même blog l’article daté du 14 septembre 2014 et intitulé « L’ambassade royale malgache de 1820 »).

En fait, ce dernier évènement vient en droite ligne d’un profond sillon creusé fort brillamment à l’occasion des négociations et de la signature du traité du 23 octobre 1817 cité plus haut.

Les circonstances entourant ce traité de 1817, pierre angulaire de l’œuvre diplomatique de Radama 1er dont l’ambassade de 1820 envoyée en Angleterre en est l’illustration privilégiée, sont relatées dans un ouvrage rare réunissant les notes prises à l’époque en caractères arabes par le prince Andriamahazonoro, le « Sorabe ».

A l’époque, c’est Ratsilikanina qui fut le chef des négociateurs soigneusement sélectionnés par Radama 1er, Andriamahazonoro en étant le scribe et secrétaire.

Dans ce document inédit, Andriamahazonoro rapporte combien Radama 1er était conscient de la révolution qu’apporterait pour les fondements mêmes de son royaume la fin de la traite des esclaves.

Il y souligne également combien Radama, parfaitement au fait du contexte géostratégique anglo-français en Océan indien, souhaite ne point provoquer la France mais au contraire chercher avec elle une forme de coexistence pacifique, allant même jusqu’à souhaiter avec l’Ile Bourbon un accord commercial – occasion que la France, pour sa part, pour diverses raisons non encore élucidées, n’avait malheureusement pas saisi … – .

En tout cas, ce « Sorabe » révèle, à travers les instructions qu’il donna à son ambassadeur Ratsilikanina, un roi Radama 1er pondéré, subtil, fin négociateur sachant alterner flexibilité et autorité, manoeuvrant avec ses interlocuteurs étrangers hors de tout complexe, ni d’infériorité ni de supériorité, mais déterminé à faire valoir l’unité, la prospérité et l’indépendance de son pays.

(A suivre : 2ème partie)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo


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  • NOTE :
  • Je regrette vivement, – et lui demande de rectifier son acte -, qu’un site intitulé « Le Club des Monarchistes Malgaches » ait reproduit, sur Facebook, mon tableau ci-dessus représentant le Roi Radama 1er sur son cheval blanc, ce sans prendre la peine de me demander préalablement ma permission ni citer mon nom ou celui de « Labodiplo »
  • De telles pratiques sont condamnables.