« Feuillages » (JPRA)
MADAGASCAR DANS L’OIF ET LA FRANCOPHONIE
Le 20 mars de chaque année marque la Journée Mondiale de la Francophonie.
La cause francophone porte naturellement la voix, l’écrit, le son, le goût, les variations et l’éclat de la langue française à travers le monde et véhicule les valeurs générées par les variétés culturelles des régions où se pratique cette langue. Mais paradoxalement c’est en France où cette Francophonie semble se reconnaître le moins…Certes, Paris est le siège de l’Organisation Internationale de la Francophonie et de ses différents organes opérationnels. La Ville-Lumière est aussi le siège de La Renaissance Française, organisation fondée par le Président Raymond Poincarré en 1915 en pleine guerre mondiale, la première du genre, pour porter haut et loin le prestige et l’idéal de Paix que génère la langue française (cf. sur ce même blog notre article intitulé « La Renaissance Française » en date du 11/6/2014).
Et qu’en est-il à Madagascar ?
Avec des réactions réfractaires nées d’un nationalisme ombrageux, Madagascar avait toujours semblé avoir un problème avec la Francophonie…
Avec le tournant socialiste que Madagascar avait connu dans les années 1970 et suivantes, son appartenance à la grande famille francophone avait été écartée puis ré-initiée à la fin des années 1980, pour finalement s’opérer avec difficulté par la suite, jusqu’à ce que, sur le tard, ce pays amorce résolument sa réinsertion dans le concert international au début des années 2000.
Un parcours francophone en dents de scie, donc…
Et en dernier lieu, d’aucuns se posaient encore la question de savoir si oui ou non Antananarivo devait recevoir, en novembre 2016, le Sommet de la Francophonie.
Or, au regard des faits la question ne devait pas se poser – et ne se pose – pas en ces termes ; elle était, par contre, de savoir comment Madagascar et les Malagasy allaient savoir se mobiliser résolument pour désormais être dignes de la confiance et de la considération manifestées par la communauté francophone, et pour récolter les bénéfices à en attendre.
D’autres se posaient la question de savoir ce que la Francophonie pouvait apporter à Madagascar et aux Malagasy …
Ici également, la question ne devait pas se poser en ces termes alimentaires ; elle était, par contre, de se convaincre qu’en partageant les valeurs et les moyens générés par chacun des membres de la Francophonie, ce au-delà du simple partage du français comme langue, c’est un enrichissement mutuel, mais aussi un enrichissement particulier pour chacun des membres, qu’il convenait d’entretenir et d’amplifier.
Or, comme on le verra dans les lignes qui suivent, Madagascar avait eu un rôle précurseur dans la création d’une véritable organisation internationale à vocation universelle qu’est l’Organisation Internationale de la Francophonie actuelle (OIF) avec l’adoption en 2005 à Antananarivo de la nouvelle Charte de la Francophonie qui fait de l’OIF une véritable organisation internationale universelle, c’est à dire ouverte à tous pays et non pas uniquement à ceux où la langue française se pratique habituellement.
RAPPEL DES ACQUIS DIPLOMATIQUES
Afin de se convaincre, s’il en est besoin, de l’obligation morale où Madagascar et les Malagasy se trouvaient que cette mobilisation se devait d’être transformée en une cause nationale, un rappel des acquis diplomatiques malagasy est nécessaire ; des acquis qui étaient – et sont toujours – à capitaliser et à exploiter absolument.
Ainsi :
- Depuis qu’en octobre 2002, le Président Ravalomanana avait réussi, au Sommet de Beyrouth, à capter l’attention des pays membres de la Francophonie grâce à une proposition inédite (la création d’un « Label artisanal francophone »), Madagascar a tracé en Francophonie un destin remarqué. C’est alors qu’au bout d’un travail intense, en particulier avec l’équipe rapprochée du Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, le Représentant personnel du Président Ravalomanana – que j’étais – fut tôt sollicité pour faire partie d’un comité restreint de rédaction de la nouvelle charte devant faire de l’OIF une organisation digne de l’importance croissante des missions que ses membres lui assignaient ;
- Dès lors, dans un élan aussi logique qu’incontournable et pour faire honneur à l’implication signalée de Madagascar pour le développement de la Francophonie, Antananarivo fut choisie pour recevoir en novembre 2005 le Conseil permanent de la Francophonie ainsi que la Conférence ministérielle de la Francophonie, où figurait à l’ordre du jour, à titre principal, l’examen suivi de l’adoption de la nouvelle Charte de la Francophonie. Cette Charte fut adoptée à l’unanimité, de sorte que l’OIF dans sa structure et configuration actuelles, avec sa vocation multidimensionnelle au service de la Francophonie, fut née à Antananarivo, de sorte également que la nouvelle charte de l’OIF porte officiellement et tout naturellement le nom de « Charte d’Antananarivo » ;
Carte commémorative de l’adoption, le 23/11/2005, de la Charte d’Antananarivo, remise au Secrétaire général de l’OIF et aux Représentants personnels des pays membres par le Représentant personnel du Président de Madagascar – Carte que j’avais conçue et illustrée par une de mes peintures (acrylique) -.
- La troisième étape de ce qui est désormais considéré comme une avancée diplomatique importante de Madagascar vient en 2006, lors du Sommet de la Francophonie à Bucarest (Roumanie). Toujours à la suite d’un travail intense du Représentant personnel du Président Ravalomanana auprès de l’OIF que j’étais, le principe de la tenue en 2010 du Sommet de la Francophonie à Antananarivo avait été retenu pour être définitivement acquis, entraînant subséquemment la mise à l’écart des candidatures de Phnom-Penh (Cambodge) et du Congo-Kinshasa ;
- Par la suite, cet acquis diplomatique important pour Madagascar marquant le grand intérêt manifesté par l’ensemble du monde Francophone à notre pays, a été formellement acté lors du Sommet de la Francophonie de 2008 à Québec (Canada), la règle étant que la décision formelle concernant le lieu du Sommet intervienne seulement deux ans avant ledit Sommet ;
- Nous savons tous pourquoi malheureusement, dû aux destructions et avatars du coup d’Etat de mars 2009, ce Sommet 2010 de la Francophonie n’a finalement pas pu se tenir à Antananarivo, ce à la grande déception des membres de l’OIF. Le Sommet 2010 s’est donc tenu à Montreux (Suisse). Les Sommets suivants se sont tenus successivement à Kinsasha (2012) et à Dakar (2014).
L’OBLIGATION DE REUSSIR
C’est dire que pour confirmer l’important acquis diplomatique des années considérées, durement mais brillamment obtenu, pour son honneur et pour respecter ses engagements historiques, sans parler des bénéfices de tous ordres attendus, Madagascar se devait de tout mettre en œuvre afin que ce Sommet 2016 se tienne effectivement à Antananarivo.
Au nom de la continuité diplomatique, et pour que Madagascar maintienne son rang au sein de la grande famille francophone, c’est donc une grande responsabilité qui incombait au Chef de l’Etat malagasy et à son gouvernement.
Or, on sait que de sérieuses interrogations sont intervenues devant les retards enregistrés pour le financement du budget, dans la construction du village consacré au Sommet, dans la mise en place du dispositif de communication ou dans la formation des équipes logistiques, pour ne citer que ces aspects, tout cela ayant semé un grand doute à seulement quelques semaines de ce grand rendez-vous diplomatique.
Ni le Chef de l’Etat, ni le gouvernement, n’avaient en effet sérieusement communiqué pour donner concrètement aux Malagasy et à la communauté francophone les assurances attendues. Or, les communications intervenues à ce jour apparaissaient bien trop parcellaires, évasives…et pourtant grandiloquentes.
Il y avait donc urgence à ce que, a minima, certaines initiatives aient été prises. Certes, le Président de la République lui-même avait tenu des propos qui se voulaient rassurants. Mais, cela ne suffisait pas…
Madagascar et les Malagasy avaient donc tout à gagner à réussir cet évènement qu’était la tenue du prochain Sommet de la Francophonie à Antananarivo en Novembre 2016, constituant ainsi un des marqueurs de cette polarisation et de ce redressement que de façon constante nous souhaitions ardemment pour la 4ème plus grande île du monde.
Ledit Sommet s’était effectivement tenu, mais avec un succès mitigé, au résultat duquel Madagascar n’a rien engrangé de particulier en termes de représentativité et de positionnement au sein de la grande famille francophone.
Quant à nous, étant libéré depuis 2008 de notre responsabilité de Représentant personnel du Président de la République de Madagascar mais demeuré défenseur malgache invétéré de la cause francophone, pour marquer dans les esprits l’appartenance sans fard de Madagascar à la francophonie et célébrer à notre façon la Journée Mondiale de la Francophonie le 20 mars, avons-nous organisé avec succès en 2019, dans le cadre de La Renaissance Française où nous présidons la Délégation de Madagascar, un concours de portraitistes talentueux réservé aux jeunes peintres malgaches (cf. notre article intitulé « 20 mars: Madagascar et les Malagasy dans la Francophonie » daté du 20/3/2019).
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
Ancien Représentant personnel du Président de la République de Madagascar auprès de l’OIF et ancien membre du Conseil permanent de la Francophonie (2002-2008).
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