
21 février 2003, Marc Ravalomanana est accueilli à la Fondation Charles-De-Gaulle par Yves Guéna, son président.
MADAGASCAR…LE RECOURS, POUR LE SALUT PUBLIC
Voici, à nouveau, que les Malagasy sont devant une échéance majeure: l’élection présidentielle prévue pour fin 2023. Et à nouveau, la lancinante question se pose: quel Président se choisir puisque, à l’évidence et de façon certaine celui qui occupe actuellement la magistrature suprême a trop largement fait la preuve de son incompétence, inconscience et incapacité.
Car, Madagascar va très mal. Le dire et le redire sonne lourdement comme une vaine incantation. Il faut ajouter que, dans la même veine, les relations franco-malgaches, sans certes vraiment « aller mal », sont cependant devenues d’une fadeur peu porteuses.
C’est pourquoi, au titre des nécessités, il est parfois juste de briser des a-priori par trop tenaces. Tant du côté malgache que du côté français.
Mais je le concède, la question peut paraître à certains quelque peu incongrue, voire choquante ou provocatrice, et en tout cas osée.
Car, le personnage Ravalomanana est clivant, tout comme un certain Nicolas Sarkozy.
Etant conscient du caractère quelque peu provocateur aux yeux de certains – voire hasardeux – de l’exercice, il ne s’agit pourtant pas ici d’une simple hypothèse de réflexion, une sorte d’exercice de style à laquelle toutefois je ressens un plaisir non dissimulé. Car, après tout, le gaulliste que je suis trouve dans le personnage quelque chose de gaullien, même à l’état « brut de décoffrage » , c’est à dire avec ce quelque chose qui n’est pas abouti mais qui est en puissance…
Sachant, bien sûr, que ni la stature, ni le parcours, ni le cheminement, ni les prédispositions morales et mentales de Ravalomanana ne peuvent un seul instant soutenir ceux de De Gaulle.
Sachant aussi que le personnage Ravalomanana que je considère ici est celui que j’avais bien connu : d’abord quand il était ce maire hyper-dynamique d’Antananarivo, la capitale alors renaissante de Madagascar sous son mandat éclairé, moi-même y ayant été envoyé auprès de lui au printemps 2001 par la Région Île-de-France en qualité d’expert en bonne gouvernance ; puis au début de son mandat présidentiel de cette période 2002-2006 qui correspondait à la reconstruction et au relèvement d’un pays, Madagascar, qui auparavant s’acheminait dangereusement dans l’abîme…
Est-il aussi besoin d’indiquer que le gaulliste que je suis considère que la portée universelle des pensées politiques du général De Gaulle, de même que la réelle considération qu’il avait des autres, c’est-à-dire des autres nations, a toujours autorisé certains hauts dirigeants méritants et clairvoyants de ce monde à s’y retrouver.
Certains d’ailleurs, dans le passé, s’y référaient expressément et non sans fierté justifiée.
Or, Madagascar et les Malgaches sont actuellement dans une impasse sans pareille dans leur histoire par trop alourdie de trop longues périodes de crises à répétition.
il faut en sortir. Et qu’un processus de recours soit mis en oeuvre. D’urgence.
Pour le Salut Public. Afin d’éviter à Madagascar et aux Malgaches, au-delà même de la faillite, la déchéance totale.
DES RESSORTS GAULLIENS
A des degrés variables, je prétends retrouver chez Marc Ravalomanana des tendances gaulliennes ou assimilées comme telles… même par approximation.
A commencer par leur patriotisme inné, exigeant et ouvert – et non pas un nationalisme bêta qui anime bien trop d’esprits à Madagascar -. Un patriotisme vrai qui se traduit par cet amour profond de leur pays, de leur peuple, et par un profond souci de leur devenir comme de leur avenir ; tout le contraire du nationalisme obtus, casanier, fauteur de progrès et volontiers bêtement vindicatif. Et on tordra ici le cou à une réputation trop largement répandue selon laquelle il serait francophobe…Non ! il ne l’a jamais été. Tout simplement sa francophilie ne s’est jamais développée telle que certains auraient voulu qu’elle le soit de façon exclusive, ayant lui-même concurremment des attaches anglophiles, germanophiles et scandinaves.
Ensuite, par leur volonté éclairée et globalisante pour le développement de leur pays et l’épanouissement de leurs compatriotes, qui n’a rien à voir avec les vues étriquées d’un politicien ou d’un gestionnaire aptes à la manœuvre et seulement attentifs à des considérations partisanes et chiffrées.
Par ailleurs, par leur capacité naturelle, aidée par leur autorité, à mobiliser et à enthousiasmer pour de grandes causes nationales.
En outre, par leur conception dogmatique mais visionnaire de l’Indépendance de leur pays, qui nécessairement trouve sa réalisation dans une modernité puisée à la source de l’authenticité.
A cela s’ajoute une indéniable popularité qui ne se dément pas au cours des années. Et nul doute qu’à cet égard, leur traversée du désert, durant les années 47 à 58 pour le général de Gaulle, et durant les années 2011 à 2014 pour Ravalomanana, l’ont mûris et renforcés.
Et surtout, il faut souligner la capacité à rassembler. Nul doute que c’est là une condition prioritaire à l’aune de laquelle tout doit se juger. Si cette condition n’est pas remplie, il faut se déporter ou être déporté. Car, nul ne peut se maintenir à la barre et la tenir quand il n’y a plus de répondant.
Je pourrais développer davantage, mais loin d’un plaidoyer qui serait de toute façon vain et hors de propos ici, qu’il me suffise de dire qu’à force d’avoir côtoyé le personnage Ravalomanana et d’avoir eu de maintes discussions avec lui sur la France et les Français, qu’il ne connaissait que peu au début mais qu’au fond de lui-même il admirait, ce sont ces parallèles que je qualifierais de « gaulliens » qui m’ont frappé.
Pour l’anecdote et pour situer le sentiment ravalomananien vis-à-vis de la France et des Français, je paraphraserais volontiers la formule du général De Gaulle qui, à propos d’Israël et des Israëliens, disait d’eux : « …un peuple sûr de lui-même et dominateur »… ! Rien de péjoratif dans cette formule, mais, c’est vrai, une admiration non exempte d’une certaine réserve.
Eh bien, pour imager son point de vue, Ravalomanana pourrait parfaitement faire sienne une telle formule s’agissant de la France et des Français.
C’est aussi le Professeur Jacob qui disait qu’il n’y a pas de hasards mais que des nécessités.
Et il faut se rendre à une évidence: l’intérêt bien compris de Madagascar et des Malgaches est de se choisir à nouveau cet homme de recours !
Eh bien, il semblerait que ce ne soit pas un hasard mais procédant d’une nécessité que Marc Ravalomanana, le nouveau Président de la République de Madagascar d’alors, un an après avoir accédé à la magistrature suprême, d’une façon extraordinaire que ne renierait pas un De Gaulle épris de redressement pour sa France autrefois meurtrie, soit venu à la rencontre du Général, en tout cas de sa mémoire, en se rendant solennellement à la Fondation Charles-De-Gaulle en ce jour mémorable du 21 février 2003.
UNE RENCONTRE HISTORIQUE QUI DOIT PREDISPOSER DE L’AVENIR IMMEDIAT
Tout ceci étant dit, il convient donc de rappeler les circonstances d’une telle rencontre.
Les 20 et 21 février 2003 se tenait à Paris la XXIIème Conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique.
Ce sommet, dit « France-Afrique », réunit outre la France, et avec la participation du Secrétaire général de l’ONU, toutes les aires linguistiques et civilisationnelles de l’Afrique, donc bien au-delà de l’espace francophone.
La thématique générale fut déclinée ainsi :
. « Ensemble pour un nouveau partenariat », déclinée à travers trois sous-thèmes, « Le partenariat politique, sécurité et paix » introduit par les présidents sud-africain et gabonais ;
. « Le partenariat et les priorités pour le développement » introduit par les présidents malien et mauritanien, ainsi que par le roi du Maroc ;
. et « Le partenariat pour répondre aux grands enjeux du monde », introduit par les présidents égyptien et tanzanien.
Mais la participation active du Président Marc Ravalomanana pour Madagascar dans les débats fut si appréciée qu’il fut envisagé que la XXIIIème ou la XXIVème sessions de la Conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique se tiennent à Antananarivo…
Et l’autre moment fort qui survint, distinguant tout particulièrement le Président Marc Ravalomanana des autres chefs d’Etat présents à cette XXIIème Conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique, et conférant à l’occurrence un caractère historique, c’est qu’il fut le seul et unique chef d’Etat étranger parmi tous les autres présents à Paris à cette occasion à avoir été reçu solennellement à la Fondation Charles-De-Gaulle.

Yves Guéna prononce le discours de bienvenu devant la plaque reproduisant l’intégralité de l’Appel du 18 juin 1940 (je suis à la gauche du Président Ravalomanana, un pas derrière, visible seulement sur la photo originale…).
Il fut d’ailleurs tout simplement le premier chef d’Etat étranger à avoir jamais été ainsi reçu à cette Fondation, puisque après lui la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni et le Président de la République de Chine Populaire eurent également l’honneur d’y être reçus à leur tour des mois après, ce à l’occasion de visites d’Etat (c’est-à-dire au plus haut niveau protocolaire) que l’une et l’autre firent successivement en France.
Pour Ravalomanana donc, ce fut dans l’après-midi du 21 février 2003, à 16h30 exactement, après la clôture en fin de matinée de la XXIIème Conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique.
Le Président Chirac le voulait ainsi, sur une proposition conjointe que la Cellule Afrique du Palais de l’Elysée, le Président Guéna et moi-même, en ma qualité d’ambassadeur, avions mûrement conçue, charge à moi de la mettre en oeuvre.
Voici le Président de Madagascar, notamment accompagné de son ministre des Affaires étrangères et de son ambassadeur que je fus, chaleureusement accueilli au seuil du siège de l’Institut Charles-De-Gaulle et de la Fondation Charles-De-Gaulle par Yves Guéna, ancien ministre et compagnon du général De Gaulle, président de ces deux prestigieuses institutions, étant également Président du Conseil Constitutionnel.

Yves Guéna explique à Marc Ravalomanana la signification et la portée de l’Appel du 18 juin 1940.
Des membres éminents du conseil d’administration de ces deux institutions historiques, dont Alain Plantey, ancien ambassadeur de France à Madagascar, sont également présents. Ici, en ce fameux 5, rue de Solférino à Paris 7ème, le général De Gaulle avait installé ses bureaux pendant la seconde guerre mondiale et après la Libération de Paris.
Rapidement conduit dans le hall de la Fondation, Marc Ravalomanana est placé devant la plaque de bronze où s’inscrit en lettres de noblesse le texte de l’Appel du 18 juin 1940, deux gardes républicains sabre au clair et au garde-à-vous l’encadrant.
Yves Guéna prononce alors les mots chaleureux de bienvenu, puis le Président Ravalomanana lui répond en soulignant le profond honneur qu’il ressent à cet instant hautement privilégié d’entrer dans le temple gaullien.

Dans le bureau qu’occupa le général De Gaulle.
Puis, Yves Guéna se fait guide, tout d’abord pour expliquer à Marc Ravalomanana ce que représente l’Appel du 18 juin 1940. Vient ensuite le verre de l’amitié dans la bibliothèque où se retrouvent réunies les délégations française et malgache.

Echanges passionnés avec Yves Guéna et deux membres du conseil d’administration de la Fondation Charles-De-Gaulle (à gauche en arrière plan, Alain Plantey, ancien ambassadeur de France à Madagascar.
Parvenant maintenant au 1er étage, Marc Ravalomanana se fait présenter, toujours par Yves Guéna, les cartes où figurent les multiples endroits de ce monde parcourus par le général De Gaulle, parmi lesquels Madagascar.
Cette immersion dans l’univers gaullien se termine, non sans être ponctuée par un autre moment émouvant et plein de signification : l’apposition par Marc Ravalomanana des mots de respect, d’admiration et d’espoir à la mémoire du général De Gaulle dans le Livre d’Or de la Fondation Charles-De-Gaulle, l’a assurément marqué en profondeur.
Ce d’autant plus, que c’est étant assis dans le fauteuil et devant le bureau du général De Gaulle qu’il s’adonna à cet émouvant exercice, ce sous nos yeux attendris, à Monsieur le ministre des Affaires étrangères de Madagascar et à moi-même…

La visite se termine avec grande satisfaction. Marc Ravalomanana est accompagné par son ministre des Affaires étrangères, Marcel Ranjeva, et par moi-même.
Et nul doute que d’une façon ou d’une autre, et à sa manière, il s’est alors imprégné d’une certaine idée du grand personnage historique. Je le souhaitais ainsi, et il le fit bien…
En tous les cas, ni lui-même, ni les Malgaches, ni les Français, ne sauraient oublier ce qui restera, dans leur histoire relationnelle, une composante essentielle – et cette dimension sentimentale demeurera,… nous voulons le croire – .
Je suis particulièrement fier en tant qu’ambassadeur, en tant que gaulliste, d’avoir mené à bien l’organisation de cette visite historique, et d’en avoir été à l’initiative, que je voulais, je dois l’avouer, être aussi – et surtout , peut-être – la marque privilégiée du profond respect voué par Madagascar et les Malgaches au Général De Gaulle, ce à travers la visite de leur Président de la République.
Faut-il d’ailleurs rappeler que cette visite officielle et solennelle du Président de la République de Madagascar fut la première jamais effectuée par un chef d’Etat étranger en cette vénérable institution ! Une première, qui par la suite fut suivie par la visite et réception officielles en cette même Fondation Charles-De-Gaulle de Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni quelques années après, puis celles du Président de la République Populaire de Chine un peu plus tard.
Faut-il rappeler également combien – ô jamais – les relations franco-malgaches connurent cette embellie rêvée initiée par cette rencontre inédite du Président Ravalomanana avec cette France d’alors et les Français !
Jugeons-en : à ce jour, il est le seul chef d’Etat malgache à :
. avoir été honoré de la dignité de Grand’Croix de la Légion d’Honneur (dignité qui lui avait été accordée à la suite de sa visite officielle en France en avril 2003 et dont les insignes lui avaient été remis solennellement par le Président Chirac lui-même lors de la visite officielle de ce dernier à Madagascar en juillet 2005) ;
. avoir reçu le Prix Simone weil pour ses actions en faveur de la Démocratie et des droits fondamentaux (haute distinction francophone qui lui avait été remise par le Président du Sénat français, Monsieur Christian Poncelet, à l’occasion de sa visite officielle en France en avril 2003);
. avoir été fait Membre Associé de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (à l’occasion de sa visite officielle en France en avril 2003);
. et une médaille spéciale commémorative a été confectionnée par la Monnaie de Paris en célébration de sa visite officielle en France en avril 2003.
Une telle accumulation d’honneurs exceptionnels au Président Ravalomanana est unique dans les annales…
Tout cela devrait-il être oublié ?
Certes non. Au contraire, tout ceci interpelle et impose à la mémoire qu’elle se mue en une réalité renouvelée afin de porter un destin nourri par l’espoir pour Madagascar et les Malgaches !
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
- Par cet article, je veux aussi rendre un hommage amical, respectueux et ému à Yves Guéna, qui nous a quittés le 3 mars 2016, un homme d’une très grande exemplarité, de par son parcours historique dans la Résistance et au service de la France, au côté du général De Gaulle, aux différents postes ministériels qu’il occupa dans la Vème République, également comme Président du Conseil constitutionnel. C’est toujours à bras ouverts et avec une chaleureuse amitié qu’il m’accueillait à l’Institut et à la Fondation Charles-De-Gaulle. En outre il fait partie, au-delà de la lourdeur des hautes responsabilités qu’ils ont assumées, de ces personnages historiques qui marquent par leur humanité, s’y ajoutant une élégance bien dans cette tradition française qu’on aime tant.
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