Madagascar est toujours à la recherche de son redressement après la grave crise politico-socio-économique résultant du coup d’Etat de mars 2009. C’est une réalité qui, certes, donne lieu à maintes interrogations.
Est-ce pour autant qu’il faille toujours s’en lamenter et attendre l’embellie ou un hypothétique signal pour entreprendre ?
La réponse est clairement, non.
En ces temps de crise majeure à Madagascar, pays classé par les instances onusiennes depuis 2015 parmi les cinq pays les plus pauvres du monde, et dont la situation particulière s’aggrave de mois en mois, foin des considérations partisanes aussi puériles qu’irresponsables, et faisons place à un esprit patriotique bien ancré.
Car il s’agit d’oeuvrer en pensant prioritairement au relèvement dans la solidarité et l’abnégation.
« Volana sy lamba » – JPRA –
GENESE
Nous faisons appel à l’esprit pionnier de nos lointains ancêtres comme aux capacités entrepreneuriales actuelles, en particulier émanant de la jeune génération dont nous constatons à l’extérieur mais aussi et surtout sur place à Madagascar l’envie, la volonté et l’impatience de s’activer, d’entreprendre, de ne pas baisser les bras, chacun et chacune dans leurs domaines respectifs de compétences et de vocation.
C’est ainsi que pour notre part, et dans l’esprit positif et de parti pris d’ « optimiste raisonné », avons-nous décidé de concevoir et de mettre en œuvre une plate-forme entrepreunariale consistant à regrouper au sein d’une structure de missions à vocation économique, culturelle et scientifique, une dynamique visant à :
. ouvrir, sous différentes formes entrepreunariales (PPP, création d’entreprises, prise de participation, alliance stratégique, joint-ventures, concessions, etc…), les meilleures perspectives de réalisation de projets pour l’immédiat et pour l’avenir, ce en particulier dans le cadre du plan national de développement de Madagascar et de ses documents d’application aux niveaux sectoriel, régional et local, mais aussi en application des orientations adoptées au niveau des organisations du monde économique et professionnel.
Car, selon une formule consacrée et qui sied particulièrement à la situation présente à Madagascar ou ailleurs, il ne faut pas tout attendre du gouvernement !
La citoyenneté, ce statut universel d’hommes et de femmes libres mais responsables, exige de chacun et de chacune d’affûter capacité et volonté d’ « agir en homme de pensée et de penser en homme d’action », selon une fameuse formule de Bergson que nous faisons entièrement nôtre.
PREMIERE CONCRETISATION
La première version de cette profession de foi se traduit concrètement par la mise en œuvre de la « Mission économique Fandrosoana », qui a effectué sur place à Madagascar du 22 au 29 juin 2016 un séjour plus que fructueux.
Il est significatif que ladite Mission soit sur place à Antananarivo au moment où Madagascar fêtait le 56ème anniversaire de son Indépendance, ses membres ayant souhaité célébrer au cœur de la population malgache cet évènement populaire. Mais on le sait, les festivités populaires furent endeuillées par un lâche attentat à la bombe au stade de Mahamasina, que le Premier ministre avait avec raison qualifié de « terroriste ». Lors de l’entretien que ce dernier nous accorda le 27 juin au Palais de Mahazoarivo, nous n’avons pas manqué de lui exprimer notre ferme condamnation d’un tel acte odieux et criminel, tout en lui assurant de notre solidarité.
La « Mission économique Fandrosoana », perçue à juste titre comme une initiative aussi originale qu’exemplaire a été reçue avec grand intérêt par les plus hautes autorités de l’Etat, du monde diplomatique, de la capitale et du monde économique : Présidence de la République ; Premier ministre ; Ministre auprès de la Présidence en charge des Projets présidentiels, de l’Aménagement du Territoire ; Ministère des Affaites étrangères; Ministre de la Santé publique ; Ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques ; Ambassadeur de l’Union Européenne ; Chargé d’Affaires a.i du Japon ; Représentant permanent de la FAO ; Maire d’Antananarivo ; Directeur général de l’EDBM ; Président de la Chambre de l’Agriculture ; Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Malgache ; PDG d’un établissement bancaire ; opérateurs économiques.
Il est un fait que le grand intérêt ainsi manifesté est en rapport étroit avec l’importance et la pertinence des projets portés par les membres de la Mission économique Fandrosoana, puisque ceux-ci se traduisent notamment en ceci :
. mise en place à Madagascar d’une chaîne du froid par l’Institut International du Froid (IIF), une telle réalisation étant un élément stratégique et structurant pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle, mais aussi pour la sécurité sanitaire et de la santé publique. L’IIF est pleinement disposé à faire bénéficier Madagascar non seulement des nombreux outils et technicité dont il a la maîtrise au niveau international, mais également des partenariats et certifications les plus performants ;
. définition d’un schéma directeur national pour le développement de la pêche côtière et de l’aquaculture par le Bureau d’Etudes IOC, impliquant en particulier des plans de développement de la pêche côtière et traditionnelle, l’aquaculture continentale et l’élevage marin, la conservation et la maîtrise de la gouvernance du milieu marin, l’ensemble de ces actions étant accompagné par des programmes spécifiques de formation ;
. ingénieries institutionnelles et financière, et mobilisation de fonds internationaux assurées par le Cabinet De Gaulle-Fleurance & Associés (CDGFA), outre ses compétences juridiques et judiciaires complètes, CDGFA étant en position d’assister à la rédaction de projets de textes législatifs et règlementaires dans le cadre de la bonne gouvernance économique et financière. Une des spécificités fortes de CDGFA, celle qui se signale ici par sa particulière pertinence, est en outre, celle de sa capacité à mobiliser des fonds, notamment souverains, en appui financier aux projets portés par la Mission économique Fandrosoana ;
. conceptions et réalisations architecturales, aménagement urbain et modélisation sociale, dans ce sens où pour un pays comme Madagascar où la dimension sociale et de bien-être se pose en termes d’urgence et d’inclusivité, le Cabinet « ARKHENSPACES », composé d’architectes chevronnés et primés, ainsi que d’ingénieurs des travaux publics, prône une architecture et un urbanisme qui valorisent et redonnent vie à l’environnement local, conciliant activités et agrément de vie, notamment au moyen de la réalisation d’un concept original, la « Smart city » appliquée à une ville à bâtir ou à un quartier à aménager.
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« Nature en fleur » -JPRA-
Les hautes autorités précitées visitées et consultées ont toutes manifesté leur approbation aux projets présentés, ce qui ouvre des perspectives encourageantes pour les suites à donner.
De sorte également que la dynamique souhaitée à l’origine de la conception de la Mission économique Fandrosoana étant ainsi favorablement enclenchée, la concrétisation des projets proposés aura à être séquencée, et non seulement une seconde édition est d’ores et déjà envisageable mais l’orientation prochaine consistera vraisemblablement à booster et/ou à ouvrir des marchés à l’extérieur aux produits et/ou entreprises malgaches qui se vouent à la qualité et à l’innovation.
Jean-Pierre RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO
Ancien Ambassadeur de Madagascar, concepteur et chef de la Mission économique Fandrosoana.
XIIèmes INVITES DE LABODIPLO : Manitra A. RAKOTOARISOA ET CHENG FANG
La reconstruction de Madagascar, un thème récurrent s’il en faut !
Eh oui !, ce pays de potentiels ne parvient toujours pas à les réaliser, ce pour les raisons sur lesquelles d’aucuns se perdent en conjectures, et souvent en lamentations, pour les dénoncer….
Mais rares sont ceux qui misent sur un optimisme raisonné.
C’est là le choix délibéré de Labodiplo qui, à travers ses onze invités de nationalités différentes (voir par ailleurs sur ce blog leurcontribution respective et, en forme de synthèse, les lignes directrices de leur contribution dans l’article « La reconstruction de Madagascar sous le regard des invités étrangers de Labodiplo » daté du 29 septembre 2015) qui lui ont livré leurs réflexions, continue d’ouvrir ses colonnes à des personnalités et experts impliqués à divers titres dans la reconstruction de Madagascar et veulent l’accompagner.
L’intérêt du monde pour Madagascar ne se dément pourtant pas, ce en dépit de l’image trop souvent négative que la Grande Ile offre. Cet intérêt, un pays-continent comme la Chine continue de le manifester à l’égard de Madagascar.
Sans focaliser sur notre pays, il y a près de trois ans nous avons eu l’occasion d’aborder le thème d’actualité de la présence chinoise en Afrique sous la forme d’une série d’articles parue sur ce même blog (« Présence chinoise en Afrique : opportunités et conditionnalités » – 1ère et 2ème parties, datés du 25 septembre 2013).
Ceci, pour soulever ce que nous estimions – et estimons toujours – constituer les données, paramètres et références essentiels d’une bonne relationnelle Chine-Afrique, et par conséquent Chine-Madagascar.
Mais, voici que deux grands spécialistes viennent en renfort pour aborder à nouveau la thématique générale sous un angle plus précis :
. « Le commerce entre la Chine et l’Afrique : comment dépasser la dépendance vis-à-vis des matières premières ? ».
Deux grands spécialistes, disions-nous, et pas des moindres…puisque viennent ici livrer leur réflexion expertale un Malgache et un Chinois, Manitra A. Rakotoarisoa et Cheng Fang, qui sont économistes au sein de la Division du commerce et des marchés de la FAO (ils précisent que les idées exposées dans cet article leur appartiennent personnellement et ne représentent en aucun cas l’opinion officielle de la FAO ni celles des autres institutions du système des Nations Unies).
– Manitra A. Rakotoarisoa est originaire de Madagascar. Avant de travailler à la FAO depuis 2008, il était Chercheur de l’ERS/USDA (Service de Recherche du Ministère de l’Agriculture des Etats-Unis d’Amérique) à Washington DC, puis Professeur en Développement International à l’Université Nationale de Séoul (Corée du Sud), et Chercheur à l’lFPRl (Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires) à Washington DC et à Nairobi Kenya. Il est titulaire d’un Doctorat en Economie Appliquée de l’Université d’Etat d’Oklahoma (Etats-Unis), doublé d’un Master en Ingénierie Industrielle.
– Cheng Fang est originaire de la Chine. Avant d’assumer ses fonctions à la FAO depuis 2003, il était Enseignant-Chercheur à l Université de Nanjing (Chine); puis Enseignant-Chercheur à l’Université d’Arkansas (Etats-Unis); Chercheur à l’ Université d’Etat d’Iowa (Etats-Unis); et Chercheur à l’lFPRl (Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires) à Washington DC. Il est titulaire d’un Doctorat en Economie Agricole de I’Université de Nanjing (Chine).
Messieurs, merci vivement d’être là, et à vous la parole !
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Commerce entre la Chine et l’Afrique subsaharienne: comment dépasser la dépendance vis-à-vis des matières premières ?
Par Manitra A. Rakotoarisoa et Cheng Fang
Le commerce entre la Chine et l’Afrique subsaharienne (ASS) est asymétrique.
Alors que l’ASS importe essentiellement des biens manufacturés de Chine, elle n’y exporte quasiment que des matières premières.
Quelles sont les options pour y remédier ?
Bien que le commerce entre la Chine et l’Afrique subsaharienne (ASS) se soit rapidement accru durant les dernières années, cette dernière reste un partenaire commercial mineur pour la Chine. Seulement 2,4 pourcent des importations chinoises en proviennent, et ces importations sont composées à 90 pourcent de pétrole et de produits miniers. Pour l’ASS en revanche, la Chine représente une importante source d’importations, comptant pour 10 pourcent de ses importations totales. En 2008, par exemple, les importations en provenance de Chine ont totalisé 25 milliards de dollars EU et se composaient principalement de produits textiles et de vêtements (24 pourcent) ainsi que d’autres produits manufacturés (62 pourcent).
L’inquiétude provient du fait qu’avec des prix des matières premières qui fluctuent, une telle structure des échanges pourrait accroître la dépendance de l’ASS vis-à-vis des secteurs minier et extractif en tant que sources de revenu d’exportation, tout en entravant le développement des secteurs agricole et manufacturier, qui constituent pourtant les sources principales de valeur ajoutée et d’emploi. Est-il possible d’inverser cette situation, de sorte que l’ASS exporte vers la Chine moins de matières premières, en particulier de pétrole et de produits miniers, et plus de produits transformés et de produits à haute valeur ajoutée ?
Les options de politiques commerciales ont des effets limités
Il semble que la politique commerciale n’offre qu’une faible marge de manœuvre. L’élimination bilatérale des droits de douane n’apportera que des gains limités car la Chine constitue d’ores et déjà l’un des marchés les plus ouverts pour l’ASS. Les tarifs douaniers moyens appliqués par la Chine à l’égard des pays les moins avancés (PMA), et de l’ASS en particulier, sont déjà bas : entre 2005 et 2010, le tarif moyen pondéré est tombé de 2 à 0,5 pourcent (le tarif moyen est tombé de 7,14 à 2,83 pourcent). En raison du faible volume d’exportation de l’ASS vers la Chine, la réduction des droits de douane a des effets limités en matière de bien-être et de modification des termes de l’échange.
De même, subventionner l’agriculture et la production manufacturière domestiques ne constitue pas une solution viable, car nombre de pays d’ASS ne dispose que de peu de ressources ; et même si elle était subventionnée, la production manufacturière d’ASS aurait de la peine à concurrencer une production chinoise hautement compétitive, que ce soit sur les marchés domestiques ou internationaux.
Il pourrait sembler attractif pour les pays d’ASS d’en revenir au protectionnisme et à la substitution des importations, en restreignant l’importation de bien chinois pour protéger les secteurs domestiques. Mais là encore, une augmentation soudaine de la production manufacturière et un accroissement durable du bien-être sont loin d’être garantis. De telles restrictions auraient des impacts négatifs sur le bien-être, car les ménages et les entreprises africaines dépendent lourdement de l’importation de biens manufacturés et de biens intermédiaires bon marché en provenance de Chine.
Maquette de paravent, façon chinoise 2 – JPRA
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Les seuls secteurs qui pourraient bénéficier d’une telle protection sont les secteurs intensifs en main d’œuvre peu qualifiée, comme le textile, mais même cela ne pourra ni absorber l’intégralité de la force de travail libérée par les secteurs en déclin, ni d’offrir des emplois plus qualifiés permettant d’améliorer l’efficience de l’allocation des ressources. De plus, de telles restrictions des importations annuleraient tous les effets de spillover du commerce sur la productivité de l’ASS.
En outre, les résultats de nos simulations démontrent que le libre-commerce à l’intérieur des différents accords commerciaux régionaux (ACR), et entre ces derniers, accroît l’emploi et le bien-être de l’ASS en tant que région. Cette libéralisation au sein des ACR, et entre eux, va certes permettre d’accroître les échanges intra-régionaux en ASS avec des pertes minimes (en termes de reorientation des échanges) pour la Chine, mais elle ne suffira pas à inverser une structure des exportations lourdement dépendante des secteurs extractif et minier.
Dans l’ensemble, une combinaison entre l’élimination des droits de douanes sur les exportations de l’ASS vers la Chine et le libre-commerce au sein des ACR, ainsi qu’entre ces derniers, n’a pas d’impact significatif sur la structure du commerce entre la Chine et l’ASS.
La production manufacturière peut être la clé, et la Chine a un rôle à jouer…
À l’heure d’explorer les alternatives qui pourraient améliorer le bien-être de l’ASS significativement grâce à son commerce avec la Chine, et réduire sa dépendance vis-à-vis des exportations de matières premières, il est important d’examiner de près la structure du commerce de l’ASS en général. Le commerce de l’ASS est caractérisé par de faibles niveaux d’exportation de biens manufacturés : 60 pourcent de son revenu d’exportation total proviennent des secteurs extractif et minier et seulement, alors que les biens manufacturés – autres qu’alimentaires – ne représentent que 13,5 pourcent.
Cette structure est encore plus marquée dans son commerce avec la Chine : 90 pourcent des exportations vers la Chine sont concentrés dans les secteurs minier et extractif, et les biens manufacturés ne dépassent pas les 5 pourcent. Dans la recherche de stratégies visant à accroître l’impact du commerce sur le bien- être en ASS, une option toute trouvée serait d’inverser cette tendance, en enclenchant une diversification qui permettrait d’accroître la part de biens transformés et manufacturés.
La Chine pourrait jouer un grand rôle dans la diversification des exportations de l’ASS, pour trois raisons. En premier lieu, la Chine constitue un grand marché d’exportation pour le reste du monde; avec un revenu par tête en augmentation continue, la demande de biens semitransformés et même transformés fera de même. En second lieu, la Chine représente une source d’emploi potentiel pour le reste du monde: avec l’accroissement du revenu par tête en Chine, le coût d’opportunité de la main d’œuvre grimpe également, amenant les fabricants chinois à délocaliser certaines activités dans de nombreux pays en développement asiatiques (p. ex. le Vietnam), ou même à relocaliser certaines activités aux États-Unis. En troisième lieu, un commerce de biens manufacturés accrus avec la Chine augmentera les chances de spillover en matière de technologie et de recherche et développement.
Après tout, comme nous l’avons déjà mentionné, les importations de l’ASS en provenance de Chine proviennent principalement du textile et des vêtements (22 pourcent) ainsi que des autres secteurs manufacturiers (64 pourcent). Dans l’ensemble, le rôle de la Chine en tant que marché d’exportation, fournisseur d’emploi et source de spillover en termes de technologie et de recherche et développement a été négligé, et il mériterait désormais d’être sérieusement examiné.
4 … Mais il faut renforcer le capital humain, la productivité et la technologie
Si les exportations de produits manufacturés de l’ASS sont à la traîne, c’est en raison de sa faible productivité du travail et de son manque de progrès technique. Les projections de la croissance de la productivité du travail par secteur confirment que l’ASS et la Chine sont situées à l’opposé sur l’échelle de la productivité du travail, en particulier dans le secteur manufacturier. La main d’œuvre qualifiée et spécialisée est rare et peu mobile entre les secteurs.
Pour que l’ASS soit capable de diversifier ses exportations en accroissant la part des produits semi-transformés et transformés, ou de bénéficier d’effets de spillover grâce aux importations de produits manufacturés en provenance de Chine, la productivité du travail et des facteurs de production dans le secteur manufacturier devra s’accroître, et rapidement. À moins que la productivité du travail et la technologie passent rapidement à la vitesse supérieure, l’ASS ne pourra pas tirer profit de la délocalisation des activités manufacturières chinoises.
Quelle est l’ampleur des progrès technologiques et des gains de productivité du travail qui sont nécessaires en vue de stimuler une croissance de la production et des exportations de produits manufacturés et accroître le bien-être ? Les résultats de simulations indiquent que même des améliorations modestes de la productivité du travail et de la technologie, au rythme de 2 ou 3 pourcent par année, peuvent accroître le bien-être de manière significative et booster la production et les exportations de biens manufacturés.
Maquette de paravent, façon chinoise 3 – JPRA
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Cette grande réactivité n’est pas surprenante au vu du niveau de productivité actuel très bas en ASS. De surcroît, un spillover en matière de recherche et développement grâce au commerce avec la Chine industrialisée pourrait aider. Mais est-ce que d’importantes améliorations de la productivité du travail et du progrès technique dans le secteur manufacturier sont susceptibles de réduire la très haute dépendance de l’ASS vis-à-vis des secteurs minier et extractif dans ses exportations vers la Chine ? La réponse est non, ou du moins pas immédiatement. La valeur et la part actuelle de ces secteurs dans les exportations sont trop hautes pour être réduites en quelques années.
Comment donc aller de l’avant ?
Mais alors, que faire? Le libre-commerce, l’accroissement de la productivité du travail et l’amélioration de la technologie contribueront à augmenter le bien-être en ASS et les exportations de la région, mais cela ne sera pas suffisant pour réduire immédiatement la part importante qu’occupent les matières premières dans ses exportations. Des restrictions quantitatives volontaires pourraient s’avérer nécessaires pour altérer cette tendance de manière significative.
Mais de telles restrictions reste controversées et peuvent être contreproductives, car elles réduisent les recettes publiques et amènent souvent au développement d’un marché noir, en particulier dans des pays où les institutions de marché sont faibles. Une autre option consisterait à délocaliser certaines parties des opérations de transformation en ASS, afin de capturer une partie de la valeur ajoutée et offrir des opportunités d’emploi. Pour que cela se produise, les pays d’ASS devraient s’efforcer d’atteindre les niveaux d’infrastructure et de capital humain nécessaires à ce type d’opérations.
Pour l’ASS, il est urgent de poursuivre de hauts taux de croissance en matière de productivité du travail et de technologie, afin de capturer et d’étendre les gains du commerce avec la Chine et avec le reste du monde. Pour stimuler ce progrès technique et ces accroissements de productivité du travail, des politiques efficaces sont nécessaires, afin de favoriser la création et le renforcement d’une main d’œuvre qualifiée, ainsi que d’investir dans la formation et la recherche. La Chine peut aider l’ASS et contribuer à faciliter ce cheminement vers l’industrialisation.
Pour ce faire, la Chine pourrait renforcer le spillover en matière de recherche et développement dans son commerce avec l’ASS par un transfert direct de technologie et un investissement direct dans les secteurs agricole et manufacturier, tout en maintenant son fort soutien (actuellement 34 pourcent des projets mis en œuvre en Afrique) pour le développement des infrastructures africaines. Mais le cheminement sera d’autant plus facile si la Chine et l’ASS commencent d’abord par s’accorder sur le fait que des gains accrus peuvent être récoltés, en se focalisant moins sur le commerce des matières premières et davantage sur le commerce des biens manufacturés et transformés.
Le rova « Mahandrihono », case du roi Andrianampoinimerina à Ambohimanga
AMBOHIMANGA, LE BERCEAU DE LA ROYAUTE DE MADAGASCAR
2ème PARTIE
Ambohimanga, la cité royale berceau de la royauté de Madagascar de l’après période mythique des rois fondateurs de l’Imerina est, disions-nous, lovée au milieu d’une forêt comme un bœuf accroupi (cf. sur ce même blog l’article « Ambohimanga », 1ère partie, datédu 24 mai 2016).
Cette forêt, Andrianampoinimerina en accentua la sacralité et aucun habitant ne pouvait y pénétrer, sauf autorisation expresse du roi lui-même, lui seul pouvant par ailleurs toucher aux arbres.
La symbolique figurée par le bœuf (« omby »), cet animal quasi sacré chez les Malgaches dans les époques passées, qui confère ainsi au lieu « le souffle de l’esprit » avec ce que cela suppose d’inspiration, est, disions-nous aussi, accentuée par les mystères de sa gloire passée du fait que Ambohimanga s’abrite derrière ses hautes murailles et bercé par le doux bruissement des antiques ficus.
Et cela se mesure davantage encore à travers les différents édifices que comporte la cité royale.
LES SEPT PORTES SACREES « VAVAHADY »
Pour mieux défendre son nouveau fief d’Ambohimanga, le nouveau roi Andrianampoinimerina (« le roi désiré de l’Imerina »), installé ici grâce au soutien et au dévouement indéfectibles des trois clans roturiers de l’Avaradrano (« ceux au nord de l’eau ») que sont les Tsimahafosty (originaires d’Ambohimanga), les Tsimiamboholahy (originaires d’Ilafy) et les Mandiavato (originaires d’Ambohitrabiby), ordonna tout d’abord que des fossés fortifs fussent creusés.
Cette tache d’envergure fut ainsi entreprise et menée grâce au système des corvées de solidarité (le « Fanompoana » – en nos temps modernes on appellerait cela les travaux d’intérêt général) auxquelles se soumirent bien volontiers les membres des trois clans précités, et auxquels se joignirent par la suite quatre autres clans (les Marovatana, les Vakinisisaony, les Ambodirano et les Vonizongo), au total ces sept clans formant ainsi les différentes composantes du nouveau et fier peuple d’Ambohimanga.
Porte antique « Miandravahiny » (avec son disque de pierre et les deux pierres levées de coulissement), ici envahie par la végétation luxuriante.
Mais, pour que de tels fossés soient infranchissables tant de l’intérieur vers l’extérieur que dans le sens inverse, le roi ordonna la construction de sept portes « Vavahady », ce nombre sacré pour respecter les rites du « Fanandroana » (points cardinaux et cycle calendaire annuel) et pour répliquer les sept premières portes (dont les deux portes sacrées « Ambavahadimasina » et «Ambavahaditsiombiomby ») qu’avaient créé le roi Andriantsimitoviaminandriana à son époque, à peu près aux mêmes emplacements.
Ainsi, à ces sept points cardinaux furent posés d’énormes disques de pierre devant coulisser entre deux pierres allongées plantées dans le sol, le tout étant gardé par une petite escouade d’hommes attachés à l’ouverture et à la fermeture de ces portes :
Ambatomitsangana à l’est ;
Amboara au nord ;
Miandravahiny au nord-ouest ;
Andakaka à l’ouest ;
Ampitsaharana au sud-ouest ;
Andranomatsatso au sud
Et Antsolatra au sud-est.
Les deux portes officielles « Ambatomitsangana (à gauche) et « Andakana » (à droite)
Parmi ces portes de l’antique cité, se distinguent tout particulièrement : Ambatomitsangana la majestueuse ; Amboara qui se cache sous les arbres ; Andranomatsatso avec sa grosse pierre ronde ; et Andakana qui se pare d’un chemin fièrement empierré, toutes ces portes signifiant la solennité qui prévaut au-delà de leur seuil.
Puis là, les différents pavillons des reines, les cases « Mahandrihono » et « Manjakamiadana » du grand Roi Andrianampoinimerina, la Porte intérieure du Rova, les bassins, le grand escalier de pierre et l’ancienne fosse à bœufs semblent se jouer des dédales de couloirs et de chemins sinueux par lesquels le visiteur se plaît à inscrire ses pas.
Au flanc de la colline se trouve l’étang sacré des souverains (voir ci-dessous), où de jeunes femmes venaient puiser de l’eau. La forêt elle-même renferme notamment de vieux tombeaux de princes et de nobles, la case de bois où fut gardée l’idole Rakelimalaza…
LES ORIGINES URBANISTIQUES DE LA CITE ROYALE
Ainsi que nous le rappelions (cf. l’article « Ambohimanga », 1ère partie précité), c’est Andriamborona, un prince détrôné de l’Imamo, un royaume situé à l’ouest de l’Imerina, qui vint s’installer le premier à Ambohimanga et commença à y créer une cité, déjà en y créant différents quartiers.
Nous sommes au début du XVIIIème siècle à l’époque où, moins d’une trentaine de kilomètre au sud, le roi Andriamasinavalona régnait à Antananarivo.
La distribution des quartiers d’Ambohimanga ne changea pas du temps de la cohabitation de Andriamborona et de Andriantsimitoviaminandriana …sauf que peu à peu Andriantsimitoviaminandriana étendit son emprise territoriale, ce jusqu’à ce qu’il s’y installa comme premier Roi d’Ambohimanga.
A cette prise territoriale correspondit naturellement une réorganisation urbaine d’Ambohimanga, d’autant plus nécessaire que le nouveau roi Andriantsimitiviaminandriana, pétri d’ambitions nouvelles, entreprit de peupler significativement son nouveau royaume en faisant prêter serment de fidélité à ses nouveaux sujets selon des rites très précis et empreints de solennités si profondes et implacables que le peuple n’avait d’autre choix qu’y adhérer avec ferveur, et de sorte que les premiers sujets du roi formèrent un clan très solidaire sous le nom de « Tsimadilo ».
Ainsi donc débuta l’essor de Ambohimanga sous la férule d’un roi qui s’imposera progressivement au-delà même de sa cité puisqu’il étendit son emprise sur tout l’Imerina et y créera une dynastie royale qui, bientôt au-delà même de Ambohimanga s’imposera à Madagascar (cf. par ailleurs nos articles « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » précités + les articles consacrés aux « Dynasties royales et princières de Madagascar » sur ce même blog).
Andrianampoinimerina quant à lui, qui régna d’abord à Ambohimanga à partir de 1787 avant d’enlever Antananarivo au roi Andriamboatsimarofy en 1792 et y résidant sans pour autant délaisser Ambohimanga.- on se rappelle de sa fameuse formule : « Je ne veux point les séparer (Ambohimanga etAntananarivo), car c’est à Ambohimanga que j’ai régné, et c’est à Antananarivo que j’ai formé le royaume de l’Imerina » ! -, prit un soin méticuleux à limiter à l’intérieur de la cité royale intra muros, quartier par quartier, le nombre de cases et de maisonnées pour chacun des sept clans qu’elle comptait, lui-même et sa famille se réservant quatre quartiers (Antsahanadriana, Ambodifarihy, Ampahibe et Ambodinamboara).
Même la conception architecturale devait obéir à des critères précis : case en bois de 5 mètres de long et 4 mètres de largeur environ, et pas plus de 5 mètres de hauteur, avec un toit en chaume et surmonté de grandes cornes pour le décor. Ces dimensions pouvaient éventuellement être augmentées si le maître de la maisonnée possédait plus de cinq esclaves…
Quant à l’hygiène, considération moderne s’il en fût, eh bien dès son époque Andrianampoinimerina imposa à Ambohimanga des règles strictes consistant en particulier en l’aménagement d’un système d’entreposage et de traitement des ordures ménagères de sorte d’assurer un agrément de vie et, tout spécialement, de prévenir toute maladie
Enfin, quand à partir de 1870 la Reine Ranavalona II autorisa à Antananarivo la construction d’édifices en pierre et/ou en briques, la nouvelle mode s’étendit également à Ambohimanga.
S’agissant maintenant des palais (« rova ») de « Nanjakana » et de « Mahadry » que le roi Andrianampoiniomerina décida d’ériger, il entreprit tout d’abord d’en assurer les travaux de terrassement en même temps qu’il ordonna le creusement des fossés fortifs (voir supra : les sept portes sacrées « vavahady »).
Pavillons royaux construits au XIXème siècle (ici: la fosse aux boeufs surplombée d’une balustrade, et au fond les palais « Tranofitaratra » et « Manjakamiadana », cette dernière appellation se retrouvant aussi au Rova d’Antanananrivo – voir sur ce même blog la série d’articles « Le Rova d’Antananarivo »).
On verra dans la suite de la présente série d’articles comment les différents palais se succédèrent depuis l’origine de la cité royale remontant à Andriantsimitoviaminiandriana et descendant jusqu’aux règnes des reines du XIXème siècle, soit sur les mêmes emplacements, soit sur d’autres emplacements (voir : « Ambohimanga », 3ème partie à venir).
LE LAC SACRE
Il est situé à Amparihy.
Du temps du roi Andriantsimitoviaminandriana, ce fut un simple étang marécageux et poissonneux riche en végétaux, pourvu de deux sources.
L’existence de ces sources décida le roi Andrianampoinimerina à transformer l’étang en un lac, et pour ce faire n’hésita pas à compléter le remplissage du lac, à partir de sa conquête d’Antananarivo en 1792, en faisant transporter l’eau pure nécessaire prise à Amparihimasina près d’Alasora au sud d’Antananarivo, à Antsahatsiroa à Antananarivo même, et à Anosibe !…
Une fois le lac achevé, son eau servait au bain royal, à la circoncision et pour inaugurer les travaux royaux.
(A suivre : 3ème partie)
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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Nota :
En sa qualité de conservateur en chef des musées des Rova d’Antananarivo et d’Ambohimanga, de 1946 à 1961, notre très regrettée mère, ainsi qu’à sa suite notre bien regrettée marraine et tante, Jeanne Ramboatsimarofy, eurent à cœur de valoriser à sa juste dimension historique le Rova d’Ambohimanga qui, du point de vue de l’administration coloniale française avant la proclamation de la République malgache en 1958, fut quelque peu délaissé.
D’ailleurs, le Président Tsiranana lui-même, dans un geste qu’il convient de saluer, avait tenu au début de sa prise de fonction à rendre un hommage particulier aux souverains ayant par le passé régné à Ambohimanga en s’y rendant, ce au côté du général de Gaulle à l’occasion de la seconde visite de ce dernier à Madagascar en 1958. Tout naturellement notre mère, en sa qualité de conservateur, les y accompagna.