LES DEUX PLUS IMPORTANTES DECORATIONS FRANCAISES

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« Rosasy » – Maquette de vitrail – (jpra)


                    LES DEUX PLUS IMPORTANTES DISTINCTIONS FRANCAISES

En France, le calendrier officiel est ponctué par différentes occasions privilégiés, Noël, Jour de l’An, Pâques, Fête nationale, etc…pour lesquelles sont décidées des promotions civiles (environ cinq cents à chaque occasion !) permettant au Président de la République d’honorer des personnalités méritantes dans les deux ordres les plus prestigieux.

La Légion d’Honneur et le Mérite National sont les deux plus importantes distinctions françaises, désignées familièrement par leur couleur distinctive respective : le « rouge » et le « bleu ».

Toutes deux ont la même graduation :

. deux dignités : grand’croix (avec la croix dorée et la plaque ensemble) et grand officier (avec la croix argentée et la croix d’officier ensemble) ;

. et trois grades : commandeur, officier et chevalier.

                                                        LA LEGION D’HONNEUR

ordre légion d'honneur

Elle fut créée le 19 mai 1802 par Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, pour asseoir son autorité et celle de l’Etat au sortir de la Révolution, ce au même titre que furent institués le Conseil d’Etat, la Cour des Comptes, le corps préfectoral, les grandes écoles (voir sur ce même blog l’article « Saint-Cyr : 213 ans d’histoire », daté du 3 mai 2015) et, bien sûr, le socle qu’est le Code Civil.

Par la reconnaissance et la récompense du mérite individuel, civil comme militaire, à son origine son inventeur voulut que la Légion d’Honneur soit la marque éminente et éclatante de la volonté napoléonienne de réconcilier les Français, les fédérer autour d’un idéal commun où l’honneur individuel se confond avec celui de la Nation, et unir civils et militaires autour du symbole d’un Etat puissant et unifié.

Ce triple objectif demeure et se signale, de tous temps depuis la création de la Légion d’Honneur, comme constituant le creuset républicain par excellence.

Mais devant l’inflation des mérites bien plus complaisamment octroyés que réellement reconnus qu’entraînent certaines motivations, le général De Gaulle instaure en 1962 une réforme visant à rétablir le prestige de la Légion d’Honneur, notamment par l’adoption d’un code où les conditions d’accès à l’Ordre de la Légion d’Honneur sont  strictement définies, avec la fixation d’un quota de décorés vivants ne devant pas dépasser 125.000 personnes le jour considéré, toutes époques confondues.

De plus, la Légion d’Honneur évoluant avec le temps, la parité hommes-femmes fut introduite en 2007, non pas que des femmes ne furent pas distinguées avant cette date, mais que, depuis lors, cette parité est devenue une règle stricte à satisfaire obligatoirement.

D’autre part, le caractère universel de la Légion d’Honneur s’accentue puisque son champ d’octroi concerne tous les domaines d’activités, y compris le Sport, le général De Gaulle à son époque ayant aussi entendu en faire bénéficier des champions français, en particulier ceux revenus médaillés des Jeux Olympiques…On sait que depuis lors, maints présidents de la République française ont usé et continuent d’user de cette habitude.

Faut-il ajouter que dans le prolongement naturel du caractère éminemment républicain de la Légion d’Honneur, désormais loin d’être réservé aux seuls ministres, le pouvoir de proposition à la Légion d’Honneur est permis à tout citoyen français en faveur d’une personne déterminée qu’il estime méritante…charge, bien entendu, au final, au Conseil de l’Ordre de la Légion d’Honneur de vérifier que les conditions requises sont remplies par référence au code de l’Ordre.

Mais, cette option citoyenne s’exerce-t-elle réellement ?…

                                                     LE MERITE NATIONAL

ordre Mérite

Le rétablissement du prestige de la Légion d’Honneur, voulu par le général De Gaulle en 1962 dans les conditions rappelées plus haut était précédé, dès après le retour au pouvoir du grand personnage en1958 par un vaste mouvement de réformes visant à rationaliser, à harmoniser, à revaloriser et, finalement, à hiérarchiser le système des récompenses républicaines.

C’est ainsi que furent supprimés près de soixante-dix décorations et près d’une vingtaine d’ordres institués dans le désordre par divers ministères, pour ne plus retenir qu’une petite douzaine de décorations, correspondant à trois grades (commandeur, officier et chevalier),  inclus dans les quatre ordres suivants :

. ordre des Palmes Académiques, ordre du Mérite Agricole, ordre du Mérite Maritime, et ordre des Arts et des Lettres.

Et pour hiérarchiser le tout, au sommet fut créé par un décret du 3 décembre 1963 l’Ordre National du Mérite avec les décorations correspondantes, adoptant le même système de graduation décroissant que celui de la Légion d’Honneur, c’est-à-dire :

. grand croix, grand officier, commandeur, officier et chevalier.

Le Mérite National, de caractère universel comme la Légion d’Honneur, récompense les « mérites ne présentant pas toutes les qualifications requises par la Légion d’Honneur » ; il récompense des « mérites distingués » et non plus « éminents » comme c’est le cas pour la Légion d’Honneur.

C’est donc par ce distinguo subtil que sera décerné, soit la Légion d’Honneur, soit le Mérite National.

La cohérence en est assurée par le fait que ces deux décorations françaises les plus importantes sont placées sous la haute autorité du même Grand Maître qu’est le Président de la République française, et qu’elles sont régies par le même Grand Chancelier, celui de l’Ordre de la Légion d’Honneur.

Je ressens l’insigne honneur d’appartenir, depuis 2008, à l’Ordre National du Mérite dans la dignité de Grand Officier.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, ancien Ambassadeur de Madagascar, Avocat honoraire au Barreau de Paris

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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* Les photos sont tirées d’un catalogue de la Monnaie de Paris.

AU SERVICE DE L’AÏKIDO, LA VOIE DE L’HARMONIE DES ENERGIES : 3ème et dernière partie – L’ENVOLEE ? –

      AU SERVICE DE L’AIKIDO, LA VOIE DE L’HARMONIE DES ENERGIES

                                           3ème ET DERNIERE PARTIE

                                                         L’ENVOLEE ?

Oui ! Universalité, authenticité !, disions-nous.

– Cf. les 1ère et 2ème parties de notre série d’articles –

Et inversement, disions-nous encore…

Les structures internationales de l’Aïkido étant quasiment parachevées en cette entrée dans les années 1980, l’envolée de la discipline est désormais assurée malgré quelques vagues qui risquaient tout de même de se transformer en houle déstabilisatrice.

Néanmoins, notre diptyque pouvait s’adjoindre l’Union, un troisième principe pour former le triptyque qui caractérise la période nouvelle dans laquelle je maintiens bien volontiers mon insertion  au service de l’Aïkido à mon modeste niveau sur les plans national français, européen et international :

Universalité-Authenticité-Union !

Oui, l’Union. Une exigence devenue réalité fortement souhaitée, même si elle était difficilement vécue, mais finalement promue comme il se devait.

Or, ainsi que je ne l’oublierai jamais il faut se rappeler que le Fondateur de l’Aïkido, Moriheï Ueshiba, O’Senseï, fut pour ses immenses mérites déclaré officiellement par le Gouvernement japonais Trésor Sacré du Japon, titre et dignité suprêmes que doivent honorer tous les aïkidokas à quelque niveau où ils se trouvent.

paravent 2

Maquette de paravent – jpra –


MOUVEMENTS PRECEDANT LE 3ème CONGRES MONDIAL DE L’AÏKIDO

Certes, à ce stade l’union souhaitée est encore bien problématique.

En France, en tant que directeur technique de l’Union Nationale d’Aïkido (UNA) Maître Tamura imposait son emprise et se traduisait notamment, dès la fin des années 1970, par l’adoption d’une « Méthode nationale » d’enseignement technique applicable sur toute l’étendue du territoire français à tous les grades, allant du 6ème Kyu (ceinture jaune) au Yondan (ceinture noire, 4ème Dan).

Les deux autres écoles d’Aïkido reconnues à l’origine par le Aïkikaï So Hombu de Tokyo, celles respectivement de Nocquet et de Mochizuki, adhéraient à cette méthode nationale afin de continuer à exister. Malheureusement, celle de Noro senseï, qui il est vrai évoluait vers son Ki No Michi, fut écartée…

Tout naturellement, en tant qu’enseignant et responsable de club membre de l’UNA je me conformais à cette méthode nationale. De telles références étaient fort utiles, mais tout dépendait de la façon de les enseigner, c’est-à-dire de l’esprit qui devait présider à leur application…

Car, le risque de rigidifier la pratique n’était pas à écarter. Mais Tamura senseï eut l’intelligence de ne point trop figer sa méthode, au contraire malgré les pressions des plus actifs de ses adeptes, lesquels se prévalaient également de la qualité de délégué général de l’Aïkikaï pour l’Europe entière dévolue à Tamura senseï par le Aïkikaï So Hombu de Tokyo, celui-ci manifestait un esprit d’ouverture rassurant à l’égard des autres styles authentiques développés par les grands maîtres japonais formés par O’ Senseï le fondateur de l’Aïkido.

De son côté Christian Tissier, fort de sa formation unique et très poussée au Japon et qui n’entendait pas s’intégrer totalement dans le système français existant alors, préférant garder son autonomie et garder vivaces et permanents ses liens privilégiés avec ses maîtres japonais du Hombu Dojo de Tokyo, parvenait à attirer de plus en plus de pratiquants dans son « Cercle Christian Tissier » situé à Vincennes, moi d’ailleurs y compris, tant il y apportait une certaine fraîcheur de pratique par l’enseignement de techniques « innovantes » mais authentiques.

Par ailleurs, du côté des pratiquants britanniques, écossais et gallois, devenus de plus en plus nombreux grâce aux efforts de Maître Kazuo Chiba, à l’origine directeur technique de la British Aïkido Federation (BAF), désormais devenu cumulativement Secrétaire général adjoint de la Fédération Internationale d’Aïkido et directeur technique de la fédération américaine d’Aïkido pour la Côte Ouest, – efforts amplifiés par Maître Minoru Kanetsuka -, voyaient d’un mauvais œil – non sans raisons – ce qu’ils considéraient comme une volonté d’expansion de l’ « Aïkido français » en Europe et aux dépens des autres fédérations européennes !

Et pour mieux caractériser leur point de vue, ils n’hésitaient pas à appeler à la rescousse les réminiscences de l’Histoire et de la tenace rivalité anglo-française, celles d’un Napoléon « dominateur et vorace »… !

Kanetsuka sensei

Kanetsuka senseï


Ils étaient donc à la fois « contre Tamura » et « contre Tissier » … !

Cette conjoncture générale me gênait puisque mon amitié, ma sympathie et mon positionnement politique se partageaient entre ces protagonistes, mais sur le plan strictement personnel cette gêne s’estompa quelque peu car elle se doublait de conséquences  collatérales plutôt enrichissantes.

En effet, ces protagonistes dans leur volonté respective d’affirmation étaient amenés à nous faire goûter, à nous aïkidokas et enseignants français, auxquels se joignaient des aïkidokas et enseignants venus de l’Europe entière, des styles diversifiés et si instructifs d’autres maîtres japonais qu’ils étaient amenés à inviter pour assurer des stages.

Sans être exhaustif, en voici quelques noms :

. du côté de Maître Tamura et de l’UNA : Yamada et Kanaï senseïs des Etats-Unis ; Sugano senseï de Belgique ; Kobayashi senseï du Japon ; Asaï senseï d’Allemagne ; Tiki Shewan, un spécialiste américain de IaïDo ;

. du côté du « Cercle Christian Tissier » : Yamaguchi, Saotome et Enzo senseïs du Hombu Dojo ;

. du côté de la British Aïkido Federation et de la Fédération néerlandaise d’Aïkido, et compte tenu de mon amitié renforcée à l’égard de Maître Kanetsuka qui rayonnait sur ces deux pays, mais aussi à celui des dirigeants européens de la naissante Fédération Européenne d’Aïkido (FEA), je me déplaçais volontiers en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas (vieille rancœur envers les anglo-saxons et rivalité autour de la FEA obligeant, très peu de Français firent le même chemin) pour bénéficier des enseignements de : Chiba, Kanetsuka, Kitaura, Shibata (qui m’impressionna grandement par son Aïkido à la fois dense et fin) et Fujita senseïs.

Shibata senseï

Shibata senseï


Pour ce qui me concerne, nullement adepte d’une forme quelconque de sectarisme stylistique mais formé à l’universalité de l’Aïkido, et surtout profondément désireux d’œuvrer à cette concorde qui est au cœur de l’Aïkido, je me délectais de fréquenter chacun de ces courants nés d’une source commune, celle de l’Aïkikaï, unis par la recherche constante de l’authenticité de l’Art.

J’étais en cela dans la même ligne et vision que Guy Bonnefond, le très actif et apprécié président de la Fédération Internationale d’Aïkido (FIA) et de l’Union Nationale d’Aïkido (UNA). Il le savait.

C’est pourquoi, considérant également ma qualité d’avocat au Barreau de Paris, il me sollicita afin que je fasse partie de son équipe rapprochée au sein du Comité Directeur de l’instance fédérale française. J’en acceptai l’augure et en ressentais l’honneur. L’augure s’inscrivait dans un proche horizon d’ouverture obligée puisqu’il fallait activement la préparer en vue du 3ème congrès mondial de l’Aïkido devant se tenir à Paris tout début octobre 1980.

LE 3ème CONGRES MONDIAL DE L’AÏKIDO DE PARIS ET SES SUITES

Après Tokyo en 1972 et Hawaï en 1976, voici la troisième édition du Congrès Mondial de l’Aïkido, avec un hommage à la France, tout particulièrement à Paris !

3ème congrès IAF à Paris

C’est Guy Bonnefond, Président de la Fédération Internationale d’Aïkido (FIA) et Président de l’Union Nationale d’Aïkido (UNA) qui en est le chef d’orchestre. Il espérait vivement que cet évènement mondial allait voir s’estomper, au moins pour un temps, les querelles de styles et d’écoles qui devenaient de plus en plus vives.

A un rôle bien modeste et dans l’ombre, je fais partie de son équipe, moi plutôt occupé à contribuer à résoudre l’épineux problème créé par une rivalité extrêmement tendue entre, d’une part, la virulente opposition manifestée par une coalition franco-belge menée par les dirigeants de l’Association Culturelle Européenne d’Aïkido (ACEA) se prévalant de l’exclusive représentativité de l’Aïkido en Europe derrière Maître Tamura, et d’autre part, la non moins farouche résistance d’une seconde coalition nippo-anglo-italo-néerlandaise animée par Maître Chiba lui-même en sa qualité de Secrétaire général adjoint de la Fédération internationale d’Aïkido.

Au centre de la vive polémique : le contrôle de l’Aïkido en Europe, devenu la sempiternelle cause à laquelle tant d’énergies sont dépensées.

Dans la foulée de la création de la Fédération Internationale d’Aïkido en 1976 l’ACEA s’était dissoute en 1978 pour se muer en Fédération Européenne d’Aïkido (FEA) avec les mêmes dirigeants (M. Gonze, Président, M. Chassang, Secrétaire général, Tamura senseï, Directeur technique) .

Mais, très vite en 1980 lesdits président et secrétaire général de la FEA durent se soumettre à un vote de défiance des autres membres lors d’une assemblée générale à Zürich début juin 1980, de sorte qu’une nouvelle direction de la FEA constituée lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue à Paris le 30 septembre 1980 a été mise en place. Aux termes de cette assemblée générale extraordinaire, furent en particulier élus : M. Veneri (Italie) comme Président ; et M. Goldsbury (Grande-Bretagne) comme Secrétaire général.

La FEA nouvelle formule (dont les actes juridiques sont déposés à la Préfecture de Nice) bénéficia immédiatement de l’approbation et des instances de la FIA et, surtout, de l’Aïkikaï So Hombu de Tokyo dès le 29 juin 1980 suite à l’assemblée générale de Zürich. L’UNA quant à elle, devenait membre à part entière de la FEA nouvelle formule deux ans plus tard.

Je devins moi-même le conseiller juridique de la FEA, ce à la demande unanime des membres du Bureau de la FEA.

C’est donc dans une telle ambiance électrique que devait se préparer le 3ème Congrès Mondial de l’Aïkido à Paris des 1er, 2 et 3 octobre 1980 sous la houlette de Guy Bonnefond.

Vinrent à Paris le Doshu (Maître de la Voie) Kisshomaru Ueshiba, le propre fils du fondateur de l’Aïkido, le Waka Senseï (l’héritier désigné) Moriteru Ueshiba, entourés des dirigeants et grands maîtres de l’Aïkikaï So Hombu, des autres maîtres délégués à travers le monde, et des dirigeants et pratiquants des autres nations membres de la FIA.

Le clou de cet évènement fut le Gala du 2 octobre 1980 au Stade Pierre de Coubertin à la Porte d’Orléans… toute proche de mon « Club Sanbu » de la Cité Internationale Universitaire de Paris (CIUP) !

Parmi les grands maîtres présents et démonstrateurs de leur art figuraient successivement : Sugano senseï (de Belgique), avec une prestation classique ; Hosokawa senseï (d’Italie), assez décevant ; Tomita senseï (de Suède), avec une prestation classique ; Ikeda senseï (de Suisse), visiblement peu inspiré ; Kitaura senseï (d’Espagne), avec une bonne prestation ; Lee senseï (de Hong-Kong), très décevant ; Yamada senseï (des Etats-Unis), excellent *; Asaï senseï (d’Allemagne), avec une bonne prestation ; Kanetsuka senseï (de Grande-Gretagne), qui fut plus qu’excellent ; Ichimura senseï (de Suède), qui fut excellent ; Tamura senseï (de France), avec une prestation époustouflante ; Shirata senseï (Président du Conseil supérieur de la FIA), qui présenta un Aïkido très fluide et classique.

Vinrent ensuite, pour clore ce gala exceptionnel, le Doshu et Waka senseï, tous deux très bon !, ce sous les ovations du public nombreux et chaleureux.

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Démonstration de Kisshomaru Ueshiba, alors Doshu, lors du 1er Congrès Mondial de l’Aïkido à Tokyo le 5 octobre 1976.


L’acte final de ce 3ème Congrès mondial fut la réélection de Guy Bonnefond à la présidence de la FIA.

Le succès de ce 3ème Congrès Mondial de l’Aïkido ne cacha cependant pas la dure réalité des choses sur l’échiquier politique et institutionnel de l’Aïkido, toujours aussi perturbé en France comme en Europe.

Mais Guy Bonnefond et son équipe, dont je faisais partie, se trouvaient confortés dans leur assise. En particulier à l’occasion du renouvellement, le 7 décembre 1980, du Comité Directeur de l’Union Nationale d’Aïkido (UNA) pour une nouvelle olympiade dont dépendaient clairement les destinées de l’Aïkido en France, je me présentai aux élections prévues à cette fin où sous les suffrages des délégués des comités régionaux quinze postes étaient à pourvoir. Je suis élu. Guy Bonnefond est, quant à lui, réélu à l’unanimité des voix Président de l’UNA.

C’est une nouvelle consécration pour cet homme de grande valeur, qui venait aussi d’être réélu auparavant à la tête de la FIA. Pour ma part, fort de mon élection je suis nommé par Guy Bonnefond à la tête de la Commission juridique du Comité directeur de l’UNA, poste délicat s’il en fut compte tenu des épineux problèmes pendants. Je ne suis alors que 2ème Dan, grade acquis le 9 mars 1980 avec derrière moi plus de onze ans de pratique régulière et assez intense de l’Aïkido, car j’avoue que la course aux grades ne m’a jamais intéressée et c’est quelque peu « contraint » que j’allais me présenter aux examens…par formalité…

Ceintures noires de France AG UNA déc 80

Composition du Comité directeur de l’Union Nationale d’Aïkido – Article paru dans la Revue « Ceintures noires de France » – N° de janvier-février 1981 –


Dans mes nouvelles fonctions de président de la Commission juridique du comité directeur de l’UNA (Union Nationale d’Aïkido) auxquelles s’ajoutaient celle de conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido (FEA), il me fallait, en ces temps de crise institutionnelle persistante aux niveaux national et européen, faire preuve de diplomatie en même temps que de rigueur juridique…- j’étais donc déjà un diplomate en herbe, une bonne préparation pour la suite de ma carrière plusieurs années après comme ambassadeur de mon propre pays dans un contexte autrement plus difficile mais ô combien palpitant ! …-

Ce qui m’amène à me déplacer beaucoup, notamment en Europe, en Angleterre et aux Pays-Bas où en particulier je participe à diverses réunions en présence de Fujita senseï, le Secrétaire général du Hombu Dojo de Tokyo, de Chiba senseï, Secrétaire général adjoint de la FIA, de Kanetsuka senseï, Directeur technique des fédérations britannique et néerlandaise d’Aïkido, de M. Veneri, Président de la FEA et M. Goldsbury, Secrétaire général de la FEA.

IAF- FEA meeting with IAF SG 1982

Réunion de travail avec le Secrétaire général de l’Aïkikaï So Hombu de Tokyo, Fujita senseï (assis à gauche), M. Veneri, Président de la Fédération Européenne d’Aïkido (debout à droite), Kanetsuka senseï (assis à droite). Je suis debout à l’extrême droite. Mai 1982 à La Haye, Pays-Bas.


Fin juillet 1981 me voici en Grande-Bretagne, plus précisément au Pays de Galles à Chester. Y régnait alors une ambiance festive des plus agréables et historiquement unique.

Imaginez !, à la même époque en effet le Prince Charles, Prince de Galles – aujourd’hui, et ce depuis début d’année 2023, le Roi Charles III du Royaume-Uni -, et Lady Diana, les princes des Gallois !, s’unissent par les liens du mariage ! Un moment historique si exceptionnel !

Et bien naturellement le quotidien local, le « Chester Chronicle », en fait sa « une » dans son édition du 31 juillet 1981 avec toute une série de photos à l’appui, qui racontent quelques faits et gestes des jeunes princes. Dans la même édition en page intérieure le même quotidien produit un article illustré par deux photos sous le titre « Learning the point of Aïkido » (voir ci-dessous).

Chester Chronicle 31.7.81

Photo du mariage du couple princier britannique à la une du quotidien « Chester Chronicle » du 31 juillet 1981.


C’est qu’en effet se déroulait à l’Université de Chester un stage d’Aïkido des plus intensifs sous la direction de Kanetsuka senseï et sous l’égide de la British Aïkido Federation. Je suis le seul Français – et Malgache ! – , mais surtout Maître Kanetsuka me choisit comme Uke principal pour la partie des cours essentiellement consacrés aux armes (bokken et jo) se déroulant en plein air sur le gazon de l’Université.

Par la puissance des techniques et mouvements du maître je voltigeais littéralement ! …mais toujours sans violence ni heurts inutiles.

C’est là l’un des secrets de l’Aïkido !

Chester Chronicle 31.7.81 page 13

Article et photo parus dans le quotidien « Chester Chronicle » du 31/7/1981 cité ci-dessus, relatant le stage d’Aïkido à l’Université de Chester. Je suis au premier rang (cf. flèche).


RUPTURE CONSOMMEE ?

Devant la persistance des revendications représentatives de M. Chassang et de son équipe à l’égard à la fois de la FIA et de la FEA, c’est le Président de la Fédération Française de Judo et Disciplines Associées, au sein de laquelle l’UNA est intégrée tout en gardant son autonomie fonctionnelle, qui annonce officiellement au Comité directeur de la FEA par une lettre du 19 octobre 1982 :

. la démission de Maître Tamura de sa fonction de directeur technique de l’UNA ; et sa volonté de renforcer davantage l’autonomie, suivie de l’indépendance totale de l’UNA à l’horizon 1985 pour les destinées de l’Aïkido en France.

Mais un coup de tonnerre intervint en cette même année 1982 : la démission de Guy Bonnefond comme Président de l’UNA !

En fait, ce ne fut qu’une demie surprise pour beaucoup et pour moi-même. Car, l’exaspération de « mon » président devant le comportement enfantin et irresponsable de trop de « hauts responsables » de l’Aïkido en France était à son comble.

Il en fut de même pour moi. Je le suivis sans hésitation dans sa décision et démissionnai moi-même. Mais, à sa demande comme à celle de nos amis européens, je demeure le conseiller juridique de la FEA.

Suite à la démission de Guy Bonnefond comme Président de l’UNA, M. Georges Pfeifer, le Président de la toute puissante FFJDA (Fédération Française de Judo et Disciplines Associées), met en place pour diriger l’Aïkido de France un Comité National Exécutif Provisoire.

En même temps il met en branle un processus devant conduire, à l’horizon 1985, à la fois à l’indépendance complète de l’Aïkido par rapport à la FFJDA et à l’unité de l’Aïkido en France, ceci en accord total avec le Ministère français de la Jeunesse et des Sports.

En troisième lieu, pour « compenser » la sorte de malaise résultant de la position en flèche de Maître Tamura du côté des tenants de la défunte ACEA et de sa démission comme directeur technique de l’UNA (cf. sa lettre du 31 mai 1982), Georges Pfeifer fixe dorénavant comme un objectif majeur et stratégique « la venue de maîtres japonais haut-gradés en France ».

C’est une nouvelle étape décisive dans la (trop) difficile et complexe évolution de l’Aïkido en France pour cet horizon fixé à 1985.

Mais, Mon Dieu comme les mauvais penchants ont trop tendance à perdurer !, car c’est tout le contraire de l’esprit unitaire qui se répand… !

Devant le vide créé à la suite des démissions de 1982, en France deux fédérations concurrentes s’étaient prestement constituées, d’une part la Fédération Française d’Aïkido, AïkiBudo et Affinitaires (FFAAA), incluant le Ki No Michi de Noro senseï, et d’autre part la Fédération Française Libre d’Aïkido et de Budo (FFLAB, peu de temps après devenue Fédération Française d’Aïkido et de Budo – FFAB -).

Toutes deux, autorisées par arrêtés ministériels pour une habilitation fédérative, revendiquent par ailleurs leur affiliation à l’Aïkikaï So Hombu, à très juste titre puisque le directeur technique de la FFAAA est Christian Tissier avec le grade exceptionnel de 6ème Dan parmi les experts français (Yamaguchi senseï, 8ème Dan,  en étant le Conseiller technique), et que c’est Maître Tamura, 8ème Dan, qui du côté de la FFLAB est le directeur technique et le superviseur spirituel.

Le figement ainsi créé ne permet nulle action unitaire, ce d’autant moins que chacune de ces fédérations drapées dans l’authenticité revendiquée de leur Aïkido respectif bloque tour à tour toute tentative unitaire, avec comme témoin impatient et quelque peu agacé le Ministère de la Jeunesse et des Sports pourtant régulièrement appelé à la rescousse…

Cette situation perdure…

Elle a bien sûr ses répercussions aux niveaux européen et international : d’une part, seule la FFAAA est reconnue par la FEA officielle et légitime (laquelle est seule membre de la FIA), tandis que la FFAB est membre d’une « FEA »  libre et privée non reconnue par la FIA ; d’autre part, seule la FFAAA est membre de la FIA en tant que fédération nationale française, tandis que la FFAAA et la FFAB bénéficient toutes deux de la reconnaissance de l’Aïkikaï So Hombu.

Dans la logique de mes engagements au service de l’Aïkido, officiellement je suis du côté de la FEA officielle et légitime, ainsi que de celui de la FFAAA à laquelle j’affilie le « Club Sanbu » de la Cité Internationale Universitaire de Pris (CIUP).

D’ailleurs au sein de la FFAA où je sympathise avec son Président, Jacques Abel, et le rédacteur en chef de la Revue « Aïkido Magazine », Jean-François Douche, j’y collabore bien volontiers, notamment en écrivant dans cette publication des articles sur des thèmes juridiques, assez demandés je dois dire, étant donnés les cas auxquels sont parfois confrontés des responsables de clubs et des professeurs.

jurisprudence aïki

Un de mes articles, ici paru dans la Revue « Aïkido Magazine » de la FFAAA de juillet-août-septembre 1985.


AINSI VA LA VIE…

Cette conjoncture n’est pas la marque exclusivement française…loin de là.

Ainsi va la vie, en Aïkido comme ailleurs…

Car chez mes amis anglais et néerlandais le ciel s’obscurcie également de quelque querelles intestines. Voilà que le torchon brûle autour de l’année 1988 entre Chiba senseï et la British Aïkido Federation.

Est en cause, l’immixtion alléguée de ce dernier dans les affaires intérieures de la BAF, en particulier sur le plan technique ; du côté des Pays-Bas c’est la fédération locale qui depuis des années a maille à partir avec des tentatives d’incursions de la coalition franco-belge acquise à la cause de l’ancienne ACEA…

Bref, j’avoue ma grande lassitude devant tant d’acrimonies des uns et des autres accompagnées de gestes et de décisions peu dignes.

Dès lors, loin d’éprouver un sentiment d’échec, bien au contraire mû par celui d’avoir sincèrement fait de mon mieux à mon modeste niveau, en 1988 j’abandonne toutes fonctions officielles au service de l’Aïkido pour me consacrer à la seule pratique et à l’enseignement de l’Art !

Et c’est à cette époque que mes états de service en faveur de l’Aïkido en France et en Europe parviennent aux oreilles et à la connaissance du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris, Philippe Lafarge.

Il sait aussi mon engagement pour la coopération juridique et judiciaire au sein du Barreau de Paris puisque alors je m’impliquais en cette matière, en tant que avocat-sinisant diplômé supérieur d’études chinoises, au sein de l’Association Franco-Chinoise pour le Droit Economique (AFCDE) en ma qualité de membre fondateur.

Il décide donc de m’accorder la Médaille du Barreau de Paris lors d’une cérémonie organisée le 21 octobre 1988 au prestigieux Automobile Club de Paris, Place de la Concorde, où tous les sportifs méritants du Barreau sont récompensés. L’émotion m’envahit et je ressentis aussi de la fierté. J’ai 32 ans.

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Ma médaille du Barreau de Paris (recto)


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Ma médaille du Barreau de Paris (verso)


Pour en revenir à la situation institutionnelle, je dois dire que par un heureux contraste, la situation française trouve aux Etats-Unis un contre exemple…exemplaire ! Et j’aime à citer cet exemple américain étant donné l’affection qui m’anime eu égard au fait que ma rencontre avec ma tendre épouse américaine, Roberta, s’était nouée grâce à l’Aïkido un jour d’hiver 1978…et qu’elle adhéra à l’Aïkido avec un enthousiasme si touchant et délicieux !

Là-bas aux Etats-Unis, en effet, la sérénité semble régner sous l’égide d’une United States Aïkido Federation née en 1976 sous l’impulsion de Yoshimitsu Yamada senseï *, alors 7ème Dan qui calait ses pas dans le profond sillage tracé par le grand Koïchi Toheï et par la suite par Moriheï Ueshiba en personne accompagné de « notre » Noboyoshi Tamura.

Aux USA, plus d’une centaine de dojos sont répartis dans plus d’une trentaine d’Etats. Et dès les années 1980 tout ce monde d’aïkidokas américains est placé sous l’autorité de cinq senseïs tous Shihan originaires du Hombu Dojo :

. Mistunari Kanaï, 7ème Dan basé à Boston ;

. Akira Toheï, 7ème Dan basé à Chicago ;

. Kazuo Chiba, 7ème Dan basé à San Diego ;

. Yoshimitsu Yamada, 8ème Dan basé à New-York *;

. et Sadao Yoshioka, 6ème Dan basé à HawaÏ.

D’ailleurs, lors de la soirée de Gala tenue le 2 octobre 1980 à Paris dans le cadre du 3ème Congrès Mondial de l’Aïkido, avec la démonstration personnelle de Yamada senseï * qui fut excellente, l’équipe américaine fit aussi une démonstration remarquable. Pour continuer à être objectif, les équipes de Grande-Bretagne, de Suède et de France furent également excellentes dans l’exécution de leurs techniques et mouvements.

Ainsi allèrent ces jours, mois et années de cette large période de 1970 jusqu’au début des années 1990 à bien des égards agités et cruciaux pour le devenir et l’avenir de l’Aïkido.

Pour ma part, je poursuis mon petit bonhomme de chemin d’aïkidoka et d’enseignant, à mon rythme et libre de mes choix pédagogiques inspirés par les formations et enseignements de grands maîtres japonais et d’experts français et européens.

Demeuré fidèle à mon principe de ne point céder à la fièvre de la course aux grades, considérant vaine une telle attitude pourtant assez répandue, ce n’est qu’au bout de vingt-deux ans de pratique et treize ans d’enseignement continus et enthousiastes de l’Aïkido que j’obtiens mon 3ème Dan en 1991 à 35 ans.

Dans le même esprit voulu de lente progression en grade qui dans mon entendement devait correspondre à une réelle maturation, mon 4ème Dan attendra donc le moment voulu…

Quant à lui, mon « Club Sanbu » attire autant de monde, avec un renouvellement triennal de la base des élèves de toutes nationalités, correspondant à la périodicité de résidence permise aux étudiants à la Cité internationale universitaire de Paris, mais avec un noyau d’ « anciens » allant du 2ème Kyu au 2ème Dan. Parmi ceux-ci, je voudrais citer Didier Fontaine qui fut mon Assistant, puis Philippe Delpech et Patrick Coulon.

Mais, il y avait également les jeunes et talentueux Xavier Pétillon et François Avonde, le médecin Hervé Vallée, Anne-Sophie de Vulpillières, ma femme Roberta bien sûr qui atteignit très vite, dès 1981, le grade de 1er Kyu…

jo avec p. delpech

Attaque avec Jo (bâton). Uke: Philippe Delpech, mon 2ème assistant d’alors.


koshinage

Cours en plein air à la CIUP: Kaïten-Nage et Koshi-Nage. Uke: Patrick Coulon, mon assistant principal d’alors.


Parmi les maîtres japonais visiteurs qui venaient assurer des cours ou stages au « Club Sanbu », en dehors de Kanetsuka senseï figurait en particulier un Assistant du grand Toheï senseï, Maître Suzuki, avec qui d’ailleurs j’allais assurer une démonstration à l’Université de Dijon en compagnie d’un de mes élèves, le Professeur Namekawa de l’Université Catholique de Tokyo, qui commença l’Aïkido sous mon tutorat au « Club Sanbu » alors qu’il avait déjà 5O ans !

Admirable Professeur Namekawa ! J’avais également accueilli au « Club Sanbu », cette fois-ci avec moins de bonheur, je dois l’avouer, maître Tsuchia qui me sollicita pour donner quelques cours de ce style d’Aïkido hérité de Tomiki senseï, c’est-à-dire avec de la compétition. Ce fut frustrant…bien que toujours instructif car mes élèves et moi avions ainsi un aperçu concret de ce style particulier de l’Aïkido…

démonstration dijon

Avec Suzuki senseï, un Assistant du grand Toheï senseï, je fais une démonstration d’Aïkido à l’Université de Dijon. Sur la dernière photo, il s’apprête à exécuter un Koshi-Nage, à droite je suis prêt à enchaîner sur une autre attaque sur lui…Sur les photos du haut, mon Uke est le Professeur Namekawa.


Mais, l’un des moments privilégiés qu’un adepte comme moi de cet Aïkido légendaire du grand Koïchi Toheï, 10ème Dan à cette époque, pouvait éprouver était précisément sa venue en France à Belfort pour donner un stage exceptionnel.

Et dire qu’un stage à Paris ou sa région lui fut interdit à cause du privilège territorial exclusif – à vrai dire stupide – que se réservaient les deux fédérations françaises existantes !…J’allais donc à la rencontre de Toheï senseï à Belfort.

Là sur le tatami durant trois jours, j’eus l’extrême privilège de lui servir occasionnellement de Uke. Quelle puissance naturelle et de bonté il dégageait ! Impressionnant ! Son Aïkido exprimait également la douceur.

Aïki Tohei 2

Je porte une attaque Tsuki sur Toheï senseï…


C’est à ce genre d’expérience, que j’ai également vécu au contact d’autres grands maîtres japonais, qu’on se voit confirmé dans la pratique et la persévérance dans un Art unique !

AU PANTHEON DES GRANDS DE L’AIKIDO ET DES ARTS MARTIAUX

Assurément, avec la disparition de Moriheï Ueshiba O’Senseï au printemps de l’année 1969, le panthéon des Arts martiaux, et pas seulement de l’Aïkido,  avait alors accueilli l’un de ses plus éminents membres.

A ce jour, d’autres l’y ont rejoint: son propre fils Kisshomaru, Koïchi Toheï, Morihiro Saïto, Ozawa Senseï, Noro Senseï, Noboyoshi Tamura, Kazuo Chiba, et bien trop d’autres *.

Tous, Aïkidokas que nous sommes, les vénérons. Quels que soient nos groupes d’appartenance stylistique.

Pour la France, la disparition de Noboyoshi Tamura  en 2010 provoqua un grand choc, considérant le Senseï sensible, cultivé, génial et attentif, mais aussi l’homme, avec son humanité saluée par tous, et je mesure encore aujourd’hui la grande chance qui fut la mienne de l’avoir connu personnellement en des circonstances les plus diverses dans ce monde de l’Aïkido.

D’ailleurs, l’un de mes plus grands regrets est de n’avoir pu réaliser le projet qu’avec lui nous mûrissions début 2009 un an avant sa disparition, avec deux de ses élèves attitrés, mes amis Jacques Bonemaison et Mamy Rahaga, de le faire venir à Madagascar y assurer un stage international.

Dans ma fonction (j’étais alors ambassadeur de Madagascar en Italie), j’en assurais les préparatifs avec Tamura Senseï. Hélas, le sanglant coup d’Etat survenu dans mon pays en mars 2009 fit capoter ce beau projet…Et vint donc l’année 2010, celle de la disparition de ce Maître incontesté de notre Art.

Rétrospectivement, le souvenir de ces grands de l’Aïkido fait prendre conscience de l’immense richesse de leurs enseignements, tant sur le plan technique et philosophique que s’agissant des leçons nécessairement pérennes à en tirer pour chacun des aïkidokas d’aujourd’hui.

A cet égard, je ne peux que noter le sentiment d’apaisement qui, malgré tout, prévaut dans le monde de l’Aïkido après les turbulences passées. La référence au panthéon de l’Aïkido y est, j’en suis persuadé, pour beaucoup.

Et cela, dès le début des années 1990.

                                                                              *

                                                     *                                                 *

SENTIMENT DU SERVICE ACCOMPLI – SERENITE…

Pour ce qui me concerne, à cette époque je  continue d’aller de l’avant, à mon rythme personnel, c’est à dire sans ambition particulière mais pour mon propre plaisir, dans ma pratique et dans mon enseignement de l’Aïkido au « Club Sanbu » de la CIUP.

Puis dans la foulée j’ouvre dès 1997 à l’OCDE (l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique) à son siège à Paris, Porte de La Muette, également à l’UNESCO (United Nations Education, Science and Cultural Organization) à son siège à Paris, Avenue de Suffren, deux autres clubs d’Aïkido pour le plus grand intérêt de nouveaux pratiquants au sein de ces organisations internationales majeures.

J’accentue ainsi mon ancrage international à travers l’Aïkido.

Cette sorte de vocation internationale me poursuit puisque devenu Ambassadeur de Madagascar en France en 2002, j’ouvre dans le milieu diplomatique de Paris et pour les diplomates de tous pays en poste des cours d’Aïkido…

Et voici qu’avec le nouvel ambassadeur du Japon en France, Yutaka Iimura, lui et moi nous nous lions d’une amitié d’autant plus forte que lui-même est un expert en Iaïdo (art du sabre et de dégainer le sabre) au grade de 5ème dan. Tout naturellement, étant donné mon vif intérêt pour cet art auquel je m’exerçais parallèlement à l’Aïkido, nous échangions nos pratiques.

Puis, le 6 avril 2007 nous décidâmes d’organiser en sa belle Résidence officielle de la rue du Faubourg Saint-Honoré, à deux pas du Palais de l’Elysée, une petite réception amicale me permettant de présenter Tamura senseï à mon ami l’ambassadeur Iimura. Tamura Senseï fut accompagné de son épouse ainsi que d’un expert français de Iaïdo, Michel Prouveze, 4ème dan, responsable du Groupe Iaïdo au sein de la FFAB (Fédération Française d’Aïkido et de Budo) dont Tamura Senseï était le directeur technique, parallèlement à sa qualité de Délégué officiel pour la France et pour l’Europe de l’Aïkikaï So Hombu de Tokyo.

Par ailleurs, étant accrédité ensuite ambassadeur à Rome en été 2008, je n’en oublie pas moins de visiter mes amis aïkidokas italiens dans leurs clubs romains, tout en pratiquant moi-même personnellement à ma Résidence essentiellement les armes (sabre, bokken et jo)…

Ainsi va mon service continu pour l’Aïkido, allié au plaisir personnel.

Mais, je ne voudrais pas terminer sans rendre hommage à une femme, une Senseï formée à l’Aïkido par le grand Maître Seigo Yamaguchi, une condisciple de Christian Tissier senseï au Hombu Dojo.

J’ai nommée Maître Yoko Okamoto.

C’est grâce à l’heureuse initiative de Christian Tissier senseï, aujourd’hui 8ème Dan, que je l’ai vue en cet été de 1997. L’énergie et la subtilité de son Aïkido était si agréable à voir et à apprécier ! Elle démontre, avec d’autres femmes parvenues à un  grade élevé, combien l’Aïkido loin d’être l’exclusivité des hommes est un art moderne qui transcende la  notion du genre !

J’ajoute qu’au bout de 47 ans de pratique de l’Aïkido sans jamais chercher à me valoriser par le passage de grades élevés après mon « vieux » 3ème dan acquis en 1991, tout récemment le 20 décembre 2016 – en plein âge de la retraite…mais pas celle de l’Aïkido ! – j’ai l’heureuse surprise et l’honneur d’être nommé 5ème Dan Taijutsu de la Fundamental Aïkido Association (FAA), l’Ecole héritière de la tradition de l’Aïkido développée par le Grand Maître Morihiro Saïto (le regretté conservateur du Temple de l’Aïkido à Iwama, désigné dans cette fonction par Ueshiba Morihei, Fondateur de l’Aïkio, dès l’achèvement de la construction dudit temple).

Diplome 5ème dan
Mon diplôme de 5ème dan Aïkido
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L’actuel chef instructeur de la FAA est l’excellent Daniel Toutain, 7ème Dan, sans doute avec Christian Tissier l’un des senseï français les plus doués et ayant bénéficié – et continuent de bénéficier – des meilleurs enseignements tirés des plus grands senseï japonais pour les transmettre avec force authenticité.

Je me dis que mon devoir renforcé est donc de poursuivre, autant que possible, de façon encore plus exigeante la pratique de l’Aïkido, l’Art de ma vie…en l’adaptant toutefois à mes capacités physiques qui ne sont plus celles de mes vingt ans !

L’Aïkido, la Voie de l’Union des Energies, la Voie de l’Harmonie des Energies.

Médaille Jubilé

C’est cette philosophie d’action et de pratique que Madame le Maire du 16ème Arrondissement de Paris a bien voulu honorer à travers ma petite personne lors de mon « Jubilé d’Aïkido » qui fut organisé en sa mairie le 23 novembre 2019.

A cette occasion, où j’avais tenu à exposer le Katana de ma défunte et très chère épouse Roberta,deux médailles, celle du « Jubilé d’Aïkido » et celle de la Mairie du 16ème, me furent remises.

Roberta avait répondu au rappel de Dieu le 10 juin 2018 et lors de mon Jubilé d’Aïkido je tenais à lui rendre cet hommage particulier avec l’exposition de son Katana posé sur la tablette où figurait également le portrait de Morihei Ueshiba, le Fondateur de l’Aïkido.

De tels souvenirs me vont droit au coeur !

Aujourd’hui, les expériences acquises au service de cet extraordinaire art martial qu’est l’Aïkido continuent de m’entretenir dans cet enthousiasme de la Vie qui me maintient dans la confiance en soi et dans autrui, mais avec l’humilité nécessaire et la considération de l’autre. Deux valeurs que je considère éminemment cardinales.

Car, à défaut il est vain de rechercher la voie qui mène à cette harmonie des énergies qui, avec l’Amour, est la loi suprême qui régit la Vie.

C’est pourquoi, in fine, oui l’Aïkido est bien au-delà de la technique à laquelle bien trop de pratiquants, y compris des experts patentés, s’y attachent exagérément, croyant y puiser leur voie.

Or, comme en matière d’Art, qu’est avant tout l’Aïkido, il faut aller au coeur de l’art, à la source de l’authenticité, pour en récolter les fruits et en goûter la saveur infinie. Je ne suis pas convaincu qu’au vu de certaines « évolutions » récentes dans la pratique de certains enseignants un peu trop regardants sur leur propre valeur, ce souci de rester aux sources demeure central…Que dire aussi du nombre si impressionnant de très hauts gradés et shihans qui depuis quelques années peuplent le monde de l’Aïkido de leur supposée maîtrise de l’Art…?! Cela me fascine…! Malheureusement, ici comme ailleurs, l’inflation à laquelle on assiste n’est pas pour nous rassurer quant à la bonne pérennité de notre Art…

Mais, laissons cette réflexion en suspens…

Et terminons bien plus positivement par une autre réflexion d’ordre éminemment philosophique qui me ramène, d’une part à l’ode à l’Aïkido que nous a servi le génial Fondateur de notre Art, Morihei Ueshiba rapportée ainsi en anglais par notre traducteur patenté John Stevens :

« The divine beauty

Of heaven and earth !

All creation

Members of 

One family« ,

d’autre part, m’amène à une profonde réflexion de mon excellente amie Ying Xu, Bouddhiste avérée, pénétrée de philosophie taoïste et nouvelle admiratrice de l’Aïkido, qui préconise à juste titre et pertinemment qu’ici-bas sur Terre l’on s’efforce d’observer et d’appliquer les  » Valeurs du Ciel « .

Quelle belle formule !

Que j’adopte très volontiers !

Ce, d’autant plus qu’elle rejoint parfaitement l’ode à l’Aïkido formulée ci-dessus par Morihei Ueshiba. Et qu’au surplus, elle correspond, presque mot pour mot, à un principe de vie issu de la spiritualité malgache !

Le Fondateur de l’Aïkido, qui nous avait quittés un 26 avril 1969 s’y reconnaît assurément.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien président de la commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido, ancien conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido

* P.S:

Nous sommes le 15 janvier 2023. Nous apprenons avec grande tristesse le décès aux Etats-Unis de Yoshimitsu Yamada senseï, 8ème dan. Incontestablement, à la suite du Fondateur même de l’Aïkido, Morihei Ueshiba et du grand Toheï senseï qui tous deux avaient introduit l’Aïkido aux Etats-Unis, Yamada senseï incarnait parfaitement l' »Aïkido américain ». Sa mémoire restera vivante dans le monde de l’Aïkido !

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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AU SERVICE DE L’AÏKIDO, LA VOIE DE L’HARMONIE DES ENERGIES – 2ème PARTIE : UNIVERSALITE, AUTHENTICITE –

                         AU SERVICE DE L’AIKIDO, LA VOIE DE L’HARMONIE DES ENERGIES

                                                                               2ème PARTIE

                                                        UNIVERSALITE, AUTHENTICITE

Oui ! Universalité, authenticité !

Et inversement…

Ce diptyque constituait – et constitue toujours, doit constituer ! – en résumé et en substance la voie nécessaire à suivre sur le plan politique et institutionnel au service de l’Aïkido.

C’était – c’est – mon credo.

LA PROBLEMATIQUE DE L’EPARPILLEMENT

Car, en ces temps des années 1970 de désorientation organisationnelle après la disparition du fondateur Moriheï Ueshiba en avril 1969, et d’éparpillement référentiel où, semblait-il,  l’autorité même du Doshu (Maître de la Voie) n’allait pas de soi pour certains grands maîtres de l’Art, l’Aïkido risquait de prendre des chemins hasardeux en termes politique et institutionnels, au Japon comme à l’extérieur.

ueshiba juku

Ueshiba Juku – Le premier Dojo du Fondateur attitré exclusivement à l’Aïkido


Pour ne considérer que certains très grands maîtres du moment autrefois formés « à la dure » par le fondateur Moriheï Ueshiba notamment du temps de l’ « Enfer d’Ushigome » (du nom du premier grand dojo créé en 1931 par le fondateur de l’Aïkido, devenu le Kobukan puis le Kobukaï, ce avant de devenir l’Aïkikaï actuel), la situation, en effet, était la suivante :

.   au sommet de la gouvernance suprême de l’Aïkido la mésentente entre, d’une part Kisshomaru Ueshiba, héritier naturel du Fondateur en tant que son fils et directeur du Hombu Dojo du vivant même de Moriheï Ueshiba, et d’autre part Koïchi Toheï, 9ème et bientôt 10ème Dan et directeur technique autant que chef instructeur du même Hombu Dojo, et non moins beau-frère de Kisshomaru, en déroutait certains ; et non des moindres, tant parmi les Ushi-deshi (élèves-maîtres pensionnaires permanents du Hombu Dojo) que des simples pratiquants de l’Aïkido. Ce d’autant plus que Koïchi Toheï avait tôt fait de quitter le Hombu Dojo, certes en concluant préalablement un accord amiable et amical avec le Doshu, pour créer sa propre école : le Ki No Ken Kyu Kaï, consacrée au développement du Ki dans la pratique de l’Aïkido ;

.   maîtres Shiota, Mochizuki et Tomiki, tous trois 8ème Dan, prenaient eux aussi leur envol respectif, le premier pour un Aïkido qu’il se voulait plus conforme à l’esprit de l’ « enfer d’Ushigome » du début des années 1930, ce qui l’a conduit à créer une fois aguerri l’Ecole Yoshinkan ; le second, envoyé par le fondateur du Judo, Jigoro Kano Senseï, dès 1930 étudier l’Aïkido de Ueshiba, devenu chef de l’Aïkido à Shizuoka, avait en particulier eu la bonne idée d’introduire « son » Aïkido – le Yoseikan – en France à Paris dès les années 1960 à travers son fils ; et le troisième, devenu chef de l’Aïkido à la fameuse Université Waseda où il fut lui-même Professeur en Droit, tôt y développa un Aïkido comportant des compétitions, style qui perdure encore aujourd’hui mais de façon assez marginale ;

.   maître Saïto lui-même, le conservateur du Temple de l’Aïkido à Iwama et, à ce titre, chef du Dojo d’Ibaraki, adepte de la formule chère à Moriheï Ueshiba lui-même, « Aïkido et fermage », bien que continuant à donner régulièrement des cours au Hombu Dojo, en prenait déjà quelque distance et développa un style d’Aïkido très didactique, en répertoriant en particulier des séries impressionnantes de katas – exercices imposés –  avec ou sans armes, bien utiles à tous niveaux de pratique de l’Art.

tohei

Le phénoménal Toheï Senseï


Devant une telle situation où cependant le foisonnement créatif de l’Aïkido impressionnait, il y avait tout de même de quoi être désorienté sur le plan organisationnel et institutionnel, surtout pour des pratiquants d’Aïkido, débutant ou déjà aguerris comme ce fut mon cas après plus de cinq ans de pratique au milieu des années 1970.

Car, beaucoup d’entre les maîtres délégués à l’extérieur, qui autrefois furent placés sous le tutorat de certains de ces très grands experts, en ressentaient quelque gêne, ce sans se l’avouer ou en nous l’avouant à demi-mot à certaines occasions d’intimité autour d’une bonne table ou de discussions à bâtons rompus…

D’autre part à une échelle inférieure, ce contexte instable favorisait naturellement des reclassements ou positionnements de la part de certains professeurs ambitieux.

Et pour ne parler que de la France, certains de ceux-ci étaient tentés, pour mieux exister et sauvegarder leur clientèle respective, de s’affilier ou de se raccrocher stylistiquement à telle ou telle école de l’un ou l’autre de ces très grands maîtres, ou tout simplement, pourquoi pas puisque « mille fleurs éclosent » en Aïkido comme ailleurs, de créer leur propre style en dehors de toute accroche référentielle !

Ceci ne servait pas la cause de l’Aïkido, notamment au regard des autorités publiques.

Et il fallait donc réagir.

L’INTERNATIONALISATION DE D’AÏKIDO

Le Doshu et son équipe ont tôt repris les choses en main, et de la meilleure façon dans le double esprit de l’universalité et de l’authenticité dans l’Aïkido, par agrégation et dans le respect mutuel, ce dans un mouvement d’ensemble où le dynamisme vers l’internationalisation est le maître mot.

La maturation aboutit notamment et rapidement à la création et la mise en opération dès 1972 d’un ensemble fédératif autour du tandem constitué, d’une part du Doshu Ueshiba et du chef instructeur Ozawa Senseï, et d’autre part de l’Aïkikaï Hombu Dojo de Tokyo devenu le Centre Mondial de l’Aïkido et de l’Aïkikaï Foundation, se traduisant également dans la foulée sur le plan strictement international par la création de la Fédération Internationale d’Aïkido (FIA ou IAF dans son acronyme anglais) dont le premier congrès eut lieu à Tokyo en 1976.

En France, pays comptant alors le plus grand nombre d’Aïkidokas dans le monde après le Japon, un homme de grande valeur et de culture prit de son côté les choses en main dans ce sillage fédérateur : Guy Bonnefond.

Avec Georges Pfeifer, le Président de la puissante Fédération Française de Judo et Disciplines Affinitaires (FFJDA), Guy Bonnefond comme pour reprendre en écho la dynamique internationale amorcée par Tokyo, crée en 1975 la première instance fédérative et fédératrice de l’Aïkido en France : l’Union Nationale d’Aïkido (UNA) qui par délégation du Ministre des Sports devient la seule habilitée à régir l’Aïkido en France.

Tout naturellement au sein de l’UNA c’est Maître Noboyoshi Tamura, 8ème Dan Aïkikaï, qui se trouve être également le nouveau Délégué général pour l’Europe de l’Aïkikaï so Hombu, ainsi spécialement nommé par le Doshu, qui est le directeur technique de l’instance fédérale française.

Tout semble ainsi pleinement maîtrisé.

Pour ma part, m’insérant dans ce vaste mouvement universel de l’Aïkido, poursuivant ma formation toujours sous la double coupe des maîtres Noro et Tamura et sous le tutorat de mon professeur Michel Drapeau qui me laisse cependant toute liberté pour bénéficier des enseignements des autres experts français fidèles à l’Aïkikaï,  et « mon » Club de LOAM des Langues O’ fonctionnant de façon satisfaisante, l’horizon m’est apparu serein.

Dès cette époque située autour de l’année 1975 les visites en France de plus en plus fréquentes d’autres maîtres japonais venus du Japon ou d’autres pays européens ou américains, de même que nos déplacements à l’étranger pour participer à des stages internationaux, tout cela participait d’une intensification du rythme de la formation d’un honnête aïkidoka que j’avais plaisir à suivre assidûment.

LA PERIODE CHARNIERE 1975-1980

Mais 1975 commença par la fin d’une belle aventure, celle de LOAM.

J’y étais en effet acculé à contre coeur, car ayant obtenu l’année précédente mon Diplôme supérieur d’Etudes chinoises des Langues O’ avec une spécialisation en « Echanges internationaux » et entamant le cycle devant bientôt me conduire au Diplôme d’Etudes Supérieures (DES) de Droit international public de l’Université Paris I (avec un Mémoire de 180 pages consacré au « Contrôle des investissements étrangers au Japon » ! ), je devais quitter les locaux de l’Université Paris-Dauphine qui hébergeaient LOAM, mais surtout parce que personne ne me succédait à la direction du Club…non pas pour insuccès de LOAM, bien au contraire, mais dû à un défaut d’ambition en faveur des arts martiaux orientaux au sein des Langues O’…

Mais dès l’année suivante, en 1976, une autre destination m’était réservée avec mon intégration à la Cité Internationale Universitaire de Paris (CIUP), cet unique et vaste campus international dont la résidence est réservée, après sélection, aux étudiants et chercheurs étrangers inscrits en 3ème cycle universitaire. Dans le cadre verdoyant de la CIUP, et logé successivement à la Maison du Japon, puis à la Fondation des Etats-Unis, j’y préparais mon Doctorat de 3ème Cycle de Droit international sur un sujet de thèse alors inédit là aussi après mon mémoire de D.E.S sur « Le contrôle des investissements étrangers au Japon » de l’année précédente, et cette fois-ci sur « La conception chinoise du droit international ». Et parallèlement, je préparais le diplôme du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) en vue de mon entrée au Barreau de Paris en m’inscrivant à l’Institut d’Etudes Judiciaires de la même Université Paris I.

Mais fidèle à mon engagement en Aïkido, à la CIUP je me précipitai à intégrer le club d’Aïkido alors tenu par Gérard Porcher, un professeur 3ème Dan ancien élève de Maître Noro. Il m’y accueillit à bras ouverts en me faisant immédiatement son Assistant. A son départ peu de temps après, je prends les rênes de l’Aïkido à la Cité Internationale Universitaire de Paris (CIUP).

Voici que le nombre des élèves inscrits aux cours d’Aïkido allait croissant, et fort de ce succès la direction des sports de la CIUP me confia la pleine responsabilité de ces cours en m’attribuant des horaires élargis me permettant d’utiliser également la salle de Basket pour les séances consacrées aux armes (bokken et jo).

Ainsi débuta une autre aventure, plus décisive celle-là, celle du « Club Sanbu » (San Bu = trois composants, sous entendu en rapport avec les trois caractères chinois composant la terminologie composée de : Ai, Ki, Do), nom que j’attribuai au Club d’Aïkido de la CIUP.

Je ne dépendais plus que de moi pour l’orientation pédagogique de « mes » cours et pour la gestion et l’animation du Club où venaient s’inscrire des élèves de toutes nationalités (j’avais des Français, des Américains, des Anglais, des Japonais, des Iraniens, des Malgaches, etc…), parmi lesquels un éminent Professeur à l’Université catholique de Tokyo. Surtout, j’ai pu convaincre l’une de mes camarades, Américaine et résidente de la Fondation des Etats-Unis comme moi, préparant son diplôme de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts après avoir été diplômée de Philosophie aux Etats-Unis, à suivre mes cours d’Aïkido, celle-ci – Roberta ! – deviendra une aïkidoka émérite et c’est sur les tatamis que notre amour réciproque naissant deviendra or et diamant !…

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Affiche de mes Cours au « Club Sanbu » – dessin de Roberta Faulhaber –


Ceci ne fit que m’encourager plus fortement encore à développer mes activités aïkidoiennes dans le sens du diptyque Universalité-Authenticité cher aux plus hautes instances de l’Aïkido.

Car en vérité, au fond de moi-même les querelles d’écoles m’ennuyaient autant qu’elles m’exaspéraient profondément en me disant – et en disant à qui voulait m’entendre – que puisque la chance nous est donnée de pouvoir bénéficier des enseignements diversifiés d’authentiques maîtres japonais formés par le Fondateur lui-même et dont la proximité est à portée de main, pourquoi Bon Dieu s’en priver au nom d’une illusoire fidélité d’appartenance à telle ou telle organisation ?

En effet, souci clientéliste à l’appui, confinant pour certains à un sectarisme de mauvais aloi, pour ceux-ci il était clairement malvenu de fréquenter tel maître, untel ou tel club…J’outrepassais de telles préventions improductives et sottes…Heureusement, car encore une fois cela me permettait de m’initier ou de me perfectionner aux contacts de maîtres, experts et professeurs patentés, et aujourd’hui encore je ne peux que m’en féliciter, remerciant d’ailleurs au passage ceux qui me l’ont permis.

Le « Club Sanbu » est en plein essor.

J’avais abandonné la fréquentation régulière des cours de Maître Noro dont l’Aïkido ne correspondait plus à mes attentes ni recherches puisqu’il évoluait résolument vers ce qu’il appelle le Ki No Michi, une forme très épurée – trop à mon goût…- de notre Art dans laquelle je ne retrouvais plus la substance originelle, tout en ayant pour lui et son enseignement le genre de profonde et vive reconnaissance que peut éprouver un amateur admirateur.

Et, toujours dans le souci de l’universalité-authenticité, je ne manquais pour rien au monde la fréquentation désormais régulière du nouveau dojo de Christian Tissier, de retour d’un long séjour au Japon, nanti de cette notoriété amplement méritée de la solide formation à la japonaise dont il pouvait se targuer. Une belle ambiance régnait au « Cercle Christian Tissier » à Vincennes. Son Aïkido respire « moderne » et pourtant puisé aux meilleures sources des grands senseïs traditionnels tels que Yamaguchi ou Saotome.

Puis immédiatement, fin 1976 j’ajoute à mes rapports renforcés avec Maître Tamura la fréquentation plus soutenue des experts japonais établis en Europe et ailleurs. Parmi ceux-ci Maître Sugano, alors délégué de l’Aïkikaï en Belgique après l’avoir été en Australie, et surtout Maître Kanetsuka, un jeune 5ème Dan, le tout nouveau directeur technique de la Fédération britannique d’Aïkido. Je lie amitié avec lui, et ceci cimente entre nous des tas de projets communs pour le développement de l’Aïkido…

Kanetsuka sensei

Minoru Kanetsuka Senseï


De fait, deux années après, durant les trois premiers jours du mois de juin 1979, à mon invitation et sous l’égide du « Club Sanbu » Maître Kanetsuka vient assurer un stage international d’Aïkido à la Cité Internationale Universitaire de Paris, en salle dans le dojo mais aussi au Stade du Parc Ouest de la CIUP face à la Maison des Provinces de France.

Le succès et l’intensité du stage, bien dans le tempérament de cet ancien Assistant de Maître Kazuo Chiba, furent couronnés à la fin où, sur place et sans attendre, on sabra joyeusement le champagne, littéralement…et métaphoriquement, puisque pratiquement chaque stagiaire avait droit à vider une bouteille d’un excellent champagne offert par la direction des sports de la CIUP ; quant à Maître Kanetsuka et moi, nous ne nous en privions pas, l’augure en valait bien la peine…!

C’est que, plusieurs mois auparavant, début février 1979, Roberta et moi allions fêter nos noces de lune de miel à Londres…pour pratiquer l’Aïkido au dojo de Maître Kanetsuka ! C’est dire notre passion commune pour cet Art ! Afin de marquer le coup, dans un élan malicieux Maître Kanetsuka me céda soudainement sa place pour que je dirige une partie du cours !…

Consternation de ma part, désemparé devant tant d’honneur immérité, mais je m’en suis sorti honorablement, paraît-il.. ! C’est certain, dans ce coup-là tout le monde sur le tatami joua un jeu complice pour me mettre à mon aise…C’est certain aussi, cette expérience unique m’a secoué gaillardement…Sacré Kanetsuka senseï, toujours d’une humeur plaisante !

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Affiche du stage avec Kanetsuka Senseï au « Club Sanbu » de la Cité Internationale Universitaire de Paris


C’est aussi l’époque où, me référant au cursus de Maître Chiba qui durant ses années passées au Hombu Dojo comme Ushideshi il consacra une année entière à pratiquer la méditation dans un monastère Zen, j’ai l’occasion de m’initier à Paris quelque peu au Zen de Maître Taisen Deshimaru, la référence du moment en France pour cette discipline, l’impressionnant personnage étant par ailleurs un expert en arts martiaux japonais. Il me sollicite également en ma qualité d’avocat, ce qui me permit d’être dans sa proximité…

Ainsi va le service de l’Aïkido.

Avec une disponibilité exigeante et un devoir d’ouverture sur l’apprentissage le plus diversifié auprès de différents maîtres japonais, ceci afin d’embrasser le plus large éventail d’expériences tout en évitant l’éparpillement pour toujours demeurer au coeur du sujet.

Cette période de cinq années de quasi olympiade de 1975 à 1980 est couronnée par la tenue à Paris début octobre 1980, sous l’impulsion de Guy Bonnefond, cumulativement Président de la Fédération internationale d’Aïkido et Président de l’Union Nationale d’Aïkido (UNA), du 2ème Congrès Mondial de la Fédération Internationale d’Aïkido.

Les portes de l’Aïkido s’ouvrent alors sur une ère nouvelle.

Mon engagement à son service, de même. J’ai alors 26 ans en cette année 1980.

Car, Guy Bonnefond me fait l’honneur de me solliciter pour l’aider dans ses hautes responsabilités au service de l’Aïkido, tant en France qu’au niveau international, ce eu égard à ma qualité d’avocat et à mes ouvertures sur les réalités internationales.

Un nouveau et déterminant chapitre s’ouvre donc pour moi au service enthousiaste de cet art martial exceptionnel qu’est l’Aïkido.

(A suivre : 3ème partie)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien président de la commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido, ancien conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido 

  • Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations.

AU SERVICE DE L’AÏKIDO, LA VOIE DE L’HARMONIE DES ENERGIES

Tachi

Tachi – Sabre très long (ici type Itomaki, période Momoyama, XVème siècle, tiré de la collection Le Dauphin) – Photo tirée de l’exposition « Les Samuraï, armes et armures du 16ème au 19ème siècles »


                   AU SERVICE DE L’AIKIDO, LA VOIE DE L’HARMONIE DES ENERGIES

Un Art aussi complet que profond comme l’Aïkido demande toute une vie de pratique, de réflexion et d’abnégation.

Il faut dire que sa révélation par son fondateur, Moriheï Ueshiba, correspondit pour lui aux oins de Dieu la Nature.

C’est bien ainsi qu’il y consacra son ode à l’Aïkido et qu’il y consacrait sa vie durant tant de poèmes. Parmi ceux-ci, en voici un très court extrait  :

« Adosse-toi au Trône

« Du seigneur assis

« Qui dicte la Loi

« Puis avance, bravement

*

« Dieux du ciel et de la Terre

« Guidez-moi, j’implore !

« Vers la source qui

« Force l’âme et purifie

(…)        (…)

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Moriheï Ueshiba, le Sage


                                                                               _    *   _

Plus prosaïquement, Ueshiba considérait son Aïkido comme étant la « Voie du sabre sans le sabre » !

Son enseignement en découlait naturellement.

Cinquante cinq ans après sa disparition le 26 avril 1969, nous gardons et préservons cet esprit de pratique.

musashi

Miyamoto Musashi, « La pie-Grièche », encre sur papier, en illustration de l’ouvrage « Ecrits sur les cinq roues », traduction de « Gorin-no-Sho » assurée par M. et M. Shibata. Miyamoto Musashi est ce personnage historique considéré comme étant le plus grand sabreur japonais, contemporain de d’Artagnan (XVIème siècle).


Le sabre, celui du Samuraï, classe, condition morale et tradition séculaire dont Moriheï Ueshiba s’enorgueillissait légitimement puisque sa lignée clanique y appartenait.

Au soir de sa vie, comme pour remonter le temps et dominer l’espace de là-haut, muni de son sabre Moriheï Ueshiba arpentait les cimes montagneuses pour prier, méditer, humer le doux parfum de la nature apporté par le vent, et en même temps être au plus près du ciel qui sera sa destination finale.

Mont fleuri

« Mont fleuri » , acrylique – Jipiera – Reproduction interdite –


PREMIERS PAS…

C’est dire l’attrait intrinsèque de notre Art.

Mais au tout début, je ne le compris pas ainsi instantanément…

Car, en fait j’y suis venu par un certain hasard. En réalité, par un truchement particulier puisque débutant en 1969 l’apprentissage de la langue et de la civilisation chinoises à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris, les Langues O’, c’est avec bonheur que j’y liai amitié avec Franck Noël, lui qui était déjà avancé dans la pratique de l’Aïkido en tant que Nidan (2ème Dan) dans cet art martial.

A cette époque, j’étais un modeste pratiquant de Judo, ceinture marron, qui avais de cette discipline – l’Aïkido – , dont je n’avais d’ailleurs jamais entendu parler, un sentiment mitigé car au sein de mon Club, le fameux ACBB (Athletic Club de Boulogne-Billancourt) qui comptait – et continue de compter – de grands champions de Judo tant au niveau national qu’international, la culture de la compétition, qui ne m’intéressait franchement pas s’agissant d’arts martiaux, était érigée en système…que dis-je, « en religion » ! Dommage pour un art martial aussi authentique réduit à cette seule dimension…Le Judo que son fondateur, Jigoro Kano, voyait sans doute évoluer à la manière de l’Aïkido alors naissant de Ueshiba vers qui il avait dirigé certains de ses experts, comme Mochizuki, pour y être formé…

M’en ouvrant à Franck Noël, celui-ci comprit tout de suite mes attentes et m’invita, lui le disciple attitré d’un grand maître japonais d’Aïkido tôt établi en France, Nakazono senseï, à participer aux cours d’Aïkido qu’il essayait de développer dans les sous-sol de l’Université Paris-Dauphine dans les locaux de laquelle se déroulait une partie des cours des Langues O’. Franck Noël étendait sa culture du Japon au-delà de la seule pratique de l’Aïkido en s’intéressant à ses traditions musicales, notamment la flûte traditionnelle.

De la part d’un tel homme de culture, j’acceptai bien volontiers l’augure, mais c’était avec une certaine pointe d’appréhension que je le vis évoluer si harmonieusement avec son partenaire Patrick Delmas, lui aussi Nidan (2ème Dan) dans la même école de Nakazono Senseï – car, insista Franck Noël, il n’y a point d’adversaire ni de chocs en Aïkido -.

Cette conception qui me fut étrange s’agissant d’un art de combat excita paradoxalement ma grande curiosité, si bien qu’après quelques séances durant lesquelles je pataugeais devant la subtilité et l’infinie variété des enchaînements du corps, des jambes, des bras, la conviction rapidement muée en enthousiasme me gagna irrésistiblement.

PAS DECISIFS…

soleil couchant

« Soleil Levant », acrylique – Jipiera – Reproduction interdite –


Me voici mordu par l’Aïkido ! J’ai trouvé ma voie.

Moi l’admirateur de la civilisation chinoise qui façonna et affina des siècles durant l’immense richesse civilisatrice de l’Asie, en vins rapidement à une forme de tropisme pour le Japon et sa civilisation en y prenant sa source dans l’Aïkido, car bien entendu les bases philosophiques de cet art martial dont désormais j’en dévorais les rares ouvrages existants alors me firent naturellement m’intéresser grandement à cette merveilleuse civilisation du Pays du Soleil Levant.

Trouver sa voie ! C’était bien le cas de le dire ! La Voie de l’harmonie des énergies ! A cet âge – au soir de mes 19 ans en 1972 – auquel je suis parvenu à cette époque, quoi de plus satisfaisant ? De plus morphologiquement, ainsi que Franck Noël le soulignait malicieusement, car lui et Patrick Delmas n’avaient rien à envier aux plus costauds des judokas, cette discipline qui n’accorde que peu de cas à la force physique brutale me convenait parfaitement.

Dès lors, dès l’année 1971-72 les choses prirent un tout autre tour.

Car mon enthousiasme gagna également l’un de mes camarades d’études de chinois, le nommé Hervé Schaffhauser, un grand gaillard plutôt taillé pour pratiquer le Judo. Nous étions inséparables dans nos débuts de la pratique de l’Aïkido.

Puis, face à notre passion – moi 1er Kyu, équivalent à la ceinture marron, lui déjà 2ème Kyu, équivalent de la ceinture bleue – vint rapidement le moment où Franck Noël décida de nous entraîner dans un autre dojo, celui du Centre Bullier « Jean Sarrail » en plein Quartier Latin, tout près du Jardin du Luxembourg,  où en réalité se retrouvait sur le tatami le cercle restreint des hauts gradés français de l’Aïkido de l’époque formés par des maîtres japonais (tel fut notamment le cas du fameux Christian Tissier, aujourd’hui une référence française et mondiale de l’Aïkido au grade exceptionnel de 8ème dan).

Un autre ami, Alain du Boispéan, alors étudiant de japonais aux Langues O’, rejoignit  notre groupe d’aïkidokas de la grande école d’études orientales, puis plus tard Michel Shauffhauser, un autre étudiant japonisant, tous deux devenus de grands diplomates, le premier comme ambassadeur, le second comme consul général…

Parmi les grands experts français de l’époque précités, j’ai nommé en particulier : les Méchard, Bécard, Blaize, Drapeau, en sus bien sûr de Noël et de Delmas, quant à Christian Tissier qui faisait partie de ce groupe d’élite, il partit tôt au Japon pour une immersion totale…

Ces experts, riches de leurs expériences aïkidoiennes puisées aux meilleures sources nous apportaient, chacun à sa manière et en fonction  de sa personnalité propre, le meilleur d’eux-mêmes, car à tour de rôle l’un ou l’autre prenaient les commandes des cours.

Vint alors une troisième étape décisive dans ce cursus par lequel je caressais l’idée de parvenir rapidement à la maîtrise d’une discipline si riche en enseignements. C’est ma décision de m’inscrire à l’Institut Noro, du nom de cet autre grand maître japonais établi à Paris, et dont notamment les Drapeau et Méchard susnommés, deux de ses anciens élèves, m’en vantaient tant les qualités athlétiques, l’aura de sa personnalité que la grande énergie – le fameux Ki ! – .

La fréquentation de Maître Noro à son Institut parisien, mais aussi à l’occasion de stages qu’il organisait, me permit par ailleurs de faire la connaissance de son assistant principal, l’excellent Daniel Toutain, dont je conserve aujourd’hui encore l’amitié, lui qui étant passé par le moule respectif des senseïs Noro, Tamura et Saïto, en combine les riches enseignements (Daniel Toutain est aujourd’hui une autre grande référence française et internationale de l’Aïkido au grade de 7ème dan).

Bien entendu, mon vif souhait était également de bénéficier de façon permanente de l’enseignement de Maître Noboyoshi Tamura, le nouveau délégué officiel du Hombu Dojo (Centre mondial de l’Aïkido dont le siège est à Tokyo) pour la France, mais celui-ci résidait dans le sud de la France…

Qu’à cela ne tienne, je le suivais également à travers les différents stages qu’il organisait à Paris mais aussi en province.

Tamura senseï.jpg

Tamura senseï


C’est ainsi que dès le début de ces années 1970, par ailleurs fertiles en évènements sur l’échiquier politique dans le monde restreint de l’Aïkido en France mais aussi en Europe, – sur lesquels je reviendrai par la suite, car je décidai alors de m’y impliquer personnellement au service de l’Aïkido ! -,  je me partageais en cours et en stages entre maîtres Noro et Tamura, ceux-ci étant alors engagés mutuellement dans des bisbilles de représentativité compétitive du « vrai » Aïkido en France et en Europe…qui les incitaient par ailleurs à inviter en France, pour notre plus grand bénéfice, d’autres maîtres japonais répartis en Europe ou en Amérique, comme ce fut le cas de Maître Asaï (Allemagne) du côté de Noro, ou de Maître Yamada (Etats-Unis) du côté de Tamura.

Dans les faits, de façon opportune je bénéficiais ainsi d’un enseignement diversifié satisfaisant largement mon désir de cette universalité de l’Aïkido qui me fascinait, tous ces maîtres s’étant abreuvés à la source unique du fondateur de l’Aïkido, Morihei Ueshiba qui venait de quitter ce monde en avril 1969.

LES ETAPES SUIVANTES EN CRESCENDO…

Bref, pris par le virus je pratiquais avec un enthousiasme déraisonnable l’Aïkido, ce jusqu’à y consacrer dix heures hebdomadaires de mon précieux temps partagé par ailleurs entre mes études de droit (à la Faculté d’Assas), de chinois (Aux langues O’) et de sociologie (à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes) !

Aujourd’hui encore je m’interroge : où trouvais-je l’énergie pour mener tout cela de front ?

Dans l’Aïkido pardi !…

C’est ainsi que mon engagement dans l’Aïkido dépassa alors le caractère strictement personnel.

C’EST DECIDE ! DE FACON RESOLUE, JE VOULAIS ME METTRE AU SERVICE DE CET ART MARTIAL UNIQUE, PORTEUR DE TANT DE VALEURS HUMAINES ET DONT LA PRATIQUE ASSIDUE  M’A ETE UN SOUTIEN INDEFECTIBLE POUR AFFRONTER LES DURES EPREUVES DE MA VIE D’ETUDIANT !

Comment ? D’abord, au sein des Langues O’, cette Ecole unique au monde créée en 1669 en pleine gloire du Roi Soleil Louis XIV qui entendait ouvrir son rayonnement à travers l’enseignement des langues et civilisations orientales, en ces années 1970 il n’y a point de cours d’arts martiaux orientaux ?!…C’est en réaction à cette forme d’étonnement que se formula ma décision de créer au sein des Langues O’ de tels cours.

Mais, hélas tant la lourdeur administrative inhérente à une telle  institution que le fort peu d’intérêt manifesté par le corps respectable de la direction et des professeurs de cette noble grande école eurent rapidement raison de mon enthousiasme que je pensais naïvement suffisamment communicatif…

Qu’à cela ne tienne, puisque au sein de l’ « AIGLON », la dynamique association des Etudiants des Langues O’ je pouvais compter sur mes amis Alain Schneider, président, et Bernard Loubet, vice-président, l’un étant sinisant et l’autre japonisant,  ce qui fit bien mon affaire, dès la rentrée de l’année 1972 nous décidâmes rapidement, sous mon entière responsabilité, de créer LOAM : Langues O’ Arts Martiaux !

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Affiche de LOAM, Langues O’ Arts Martiaux


J’entendais par là promouvoir, grâce au rayonnement des Langues O’, prioritairement l’Aïkido. Ce fut là une autre concrétisation marquante de mon engagement résolu au service de « mon » art martial !

Mais, pour ne pas faire dans une forme d’ostracisme qui eût été malvenu et de toute façon aurait procédé d’une considération idiote puisque je m’intéressais aussi aux arts martiaux chinois tels que le Kung Fu, tant magnifié par la figure de proue de l’époque qui se nommait Bruce Lee, dont je n’ignorais rien des magnifiques évolutions cinématographiques, et le Taï Qi Quan, j’incluais avec plaisir ces deux disciplines majeures et authentiques.

Mais, pour faire bonne mesure, j’y ajoutais le Shorinji Kempo, discipline martiale japonaise qui à cette époque faisait ses timides débuts en France. Dans le même esprit, je mis un point d’honneur à m’initier à chacune de ces disciplines dans la salle d’entrainement, ne serait-ce que pour en assurer le bon lancement au sein de LOAM.

Bien entendu, je pris soin de choisir les meilleurs professeurs. Mon ami Franck Noël n’ayant pas souhaité s’établir à Paris pour préférer sa région toulousaine, pour l’Aïkido je fis donc choix en la personne de Michel Drapeau, alors 3ème dan, ancien élève de Maître Noro et alors élève de Maître Tamura ; pour le Kung Fu ce fut un maître chinois, incontesté de la discipline en France ; pour le Taï Qi Quan un maître brésilien ; et pour le Shorinji Kempo le professeur attitré de la Fédération Française de Shorinji Kempo qui venait de se créer.

Michel Drapeau, pour qui j’ai une grande reconnaissance car non seulement il a  supervisé et suivi ma formation à l’Aïkido avec une attention particulière, a fait de LOAM un club d’Aïkido de référence à Paris, mais m’a ouvert à d’autres horizons dans la pratique, et notamment en m’emmenant avec lui à des stages d’autres maîtres japonais en visite en France.

Et parmi ceux-ci, voici Maître Kazuo Chiba, le fameux, le redouté, l’énergique ancien élève de Moriheï Ueshiba, directeur technique de la Fédération britannique d’Aïkido, que Maître Tamura, son camarade de chambrée au Hombu Dojo de Tokyo, eut l’excellente initiative de faire venir régulièrement en France.

Maître Chiba remarqua immédiatement les qualités physiques et morales de Michel Drapeau, ce qui décida ce grand expert japonais à l’inviter personnellement à le suivre en Angleterre, chez lui à Londres dans son dojo personnel, pour y perfectionner sa pratique de l’Aïkido, un privilège unique qui permit à « mon » professeur d’être initié – « à la dure » ! – aux techniques spéciales de ce grand Maître qu’était Kazuo Chiba, Drapeau me racontant tout cela avec une gourmande faconde, mais surtout il m’en faisait bénéficier quelques « secrets » techniques…

Par la suite, ma rencontre personnelle avec Kazuo Chiba, un maître impressionnant tant pour sa personnalité que, bien sûr, pour la puissance de ses mouvements qui firent sa grande réputation,- et, il faut bien le dire, Chiba était littéralement redouté par certains pour, paraît-il, sa rudesse…-, me détermina dans d’autres démarches au service de l’Aïkido.

Dans ce contexte où mes préoccupations principales et légitimes furent, d’une part l’avancement dans mes études de droit (j’obtins ma licence à la Faculté de Droit de Paris II à Assas et me préparais pour la maîtrise en m’inscrivant à la Faculté de Droit de Paris au Panthéon), de chinois (j’obtins mon diplôme et me préparais pour le diplôme supérieur), de japonais (j’assistais aux cours sans chercher à obtenir un quelconque diplôme), d’indonésien (idem que pour le japonais, mais avec la grande curiosité de constater des racines linguistiques communes avec le malgache !) et de sociologie (séminaires du Professeur Vernant à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes), et d’autre part la meilleure façon de m’impliquer dans la promotion de l’Aïkido, au « désespoir » de Michel Drapeau, mon professeur d’Aïkido, je tardais quelque peu à vouloir passer mon grade de Shodan 1er Dan…ce qui tout de même intervint le 8 juin 1975 seulement, à l’âge de 22 ans, après six ans de pratique assidue au plus haut niveau moyennant une bonne dizaine d’heure de pratique hebdomadaire !

Au moment où l’Aïkido se développait très significativement hors du Japon, avec notamment une France qui abritait pas moins de trois grands experts formés à l’école de Morihei Ueshiba, les Nakazono, Noro et Tamura senseïs, sans compter le nombre croissant d’experts visiteurs provenant du Hombu Dojo de Tokyo mais porteurs de différents styles hérités d’autres traditions authentiques, et pouvait se prévaloir d’avoir le plus grand nombre d’aïkidokas après le Japon, la situation « politique » et institutionnelle n’était pas brillante et, pour ainsi dire, quelque peu confuse, voire désolante au regard de la destinée promise de l’Aïkido après la disparition de son fondateur qui remontait déjà à avril 1969.

Or, Moriheï Ueshiba, en étant exigeant quant à l’authenticité de l’enseignement qui allait se développer en son absence, misait également, à travers son fils Kisshomaru et son petit-fils Moriteru, sur ce qu’il considérait comme étant l’universalité de son Art, faite de mille fleurs écloses de son vivant même et qui ne devaient rien dévier de la racine commune.

Tout ceci ne fit qu’accentuer mon implication au service de l’Aïkido à mon petit niveau…, mais avec un enthousiasme croissant, et sans doute avec une justesse de vue, qui se firent remarquer auprès des dirigeants de cet art martial au niveau français et européen.

(A suivre : 2ème partie)

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien président de la commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido, ancien conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido

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