
« Rosasy » – JPRA –
MEMOIRE DU ROVA
Oui ! Cette mémoire doit être portée haut et fort avec grande émotion. Et par nos mots nous espérons en faire saisir le caractère exceptionnel.
LE VIOL D’UNE HISTOIRE REFERENTIELLE
Nous étions au premier quart de l’année 2020.
Les parois en pierres de taille du Palais « Manjakamiadana », l’édifice principal et emblématique du Rova d’Antananarivo, se sont transformées en autant de murs des lamentations, car cet édifice autrefois majestueux du « règne serein » a été transformé en un amas de matériaux soit-disant « modernes » et bétonné confié aux seuls soins d’une grande entreprise du bâtiment qui ignore les subtilités et les exigences d’une réhabilitation d’un bien historique de référence…
Et voici que le pire est survenu peu de temps après.
En effet, pour gagner une course diabolique d’une inauguration programmée pour le 26 juin 2020, puis finalement reportée au 6 novembre, date anniversaire de l’incendie criminel de ce Rova d’Antananarivo survenu en 1995, un hideux « Coliseum », décidé par le fait d’un « prince » présidentiel nourri par les chimères d’un adolescent adepte de bandes dessinées, s’est achevé prestement grâce aux soins « experts » de la même grande entreprise du bâtiment !…
Ainsi, s’agissant d’un site historique exceptionnel ayant officiellement vocation à être inscrit dans la Liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO et voué aux protections que les normes internationales réservent aux biens patrimoniaux de l’Humanité, aucune des règles élémentaires que le Droit et l’entendement prescrivent n’a pourtant été et n’est respectée.
Sciemment.
La lourde responsabilité de celui qui en a décidé ainsi est d’ores et déjà engagée tant en termes juridiques que devant l’Histoire.
Mais comme si cela ne suffisait pas, fin juillet 2022 par le moyen d’une annonce publique parue dans la Presse, les plus hautes instances étatiques malgaches entendent procéder au recrutement d’un « Conservateur » du Musée national du Rova d’Antananarivo en mettant en exergue, non pas les qualifications requises en matière de conservation, de muséographie, d’archéologie, d’histoire de l’art et d’histoire, mais celles d’un professionnel de la communication et de la gestion d’un bien considéré sous son aspect purement promotionnel et commercial…!
Puis, faut-il ajouter les prétendues « réhabilitations » de deux palais tout aussi symboliques : le Tranovola, le « Palais d’Argent », et le Manampisoa, le « Palais Surcroît de Bonheur ». Ces deux palais construits à leur origine en bois précieux, détruits par le feu lors de l’incendie de la nuit du 5 au 6 novembre 1995, vont être remplacés, chacun à son endroit initial, par du bric-et-broc du plus mauvais goût pourvu seulement qu’ils puissent ressembler à quelque chose…
On mesure dans tout cela le niveau de considération…servi par l’ignorance crasse.
De telles dégradations volontaires de tout un site historique de valeur exceptionnelle, et personnifiant l’héritage de toute une nation, sont tout simplement sidérantes…!
Il n’a donc pas suffi qu’il y a exactement vingt sept ans, en cette funeste nuit du 5 au 6 novembre 1995 tout ait brûlé sur la colline sacrée des souverains de Madagascar, le Rova d’Antananarivo !
27 ans, c’est l’âge d’un jeune Malgache d’aujourd’hui qui, avec ses cadets ne connaîtront jamais, mille fois hélas !, les trésors de richesses inestimables du plus haut lieu de l’Histoire de Madagascar, le Rova d’Antananarivo, plus connu des Etrangers sous le nom du « Palais de la Reine » et des Malgaches sous celui de « Manjakamiadana » !
DEMARCHES D’URGENCE…MAIS PATRIMOINE DILAPIDE
Dès après avoir su ce crime, au nom de notre mère, ancien conservateur en chef du Rova (de 1946 à 1961) et initiatrice de ce Musée national (elle avait été, de 1942 à 1946, chargée de mission aux Musées nationaux de Versailles et des Trianons), nous saisissions immédiatement le directeur général du Patrimoine mondial de l’UNESCO en son siège à Paris, l’excellent Monsieur Mounir Bouchenaki, lequel promptement réunissait les délégués de tous les pays membres alors présents pour participer au Conseil exécutif de cette organisation internationale.
Suite à cela, et dans un élan extraordinaire, à l’initiative de la France et du Liban notamment, un fonds spécial pour la réhabilitation du Rova fut rapidement mis en place et dûment approvisionné, suivi de la constitution d’une équipe expertale d’évaluation des besoins (la délégation de Madagascar, présente, pourtant alors consultée au préalable par nos soins, n’avait pris aucune initiative…! , le procès-verbal de la Résolution concernée en attestant…).
Certes aussi, – mais bien plus tard …! – du côté malgache les opérations de reconstruction et de réhabilitation avaient été décidées, mais c’est seulement sous la présidence de Marc Ravalomanana, il y a plus de dix ans, qu’elles avaient réellement débutées, lesquelles étaient jusque là tributaires des crises cycliques de la vie politique malgache et des ténébreuses considérations de certains puissants clans « anti-andriana Merina » (anti-nobles Merina)…

« Rosasy 2 » – JPRA –
Jamais donc, mille fois hélas ! ni le palais embelli autrefois par l’architecte écossais James Cameron, ni le palais historique d’origine en bois précieux construit en 1839 par Jean Laborde sous les instructions de la Reine Ranavalona 1ère seront réhabilités
La perte assumée et revendiquée par les hautes autorités malgaches d’un patrimoine historique aussi majeur est donc définitive pour le malheur de tout un peuple.
Et d’autre part, jamais, c’est certain également, les richesses et reliques qui furent soigneusement mises en valeur et conservées à l’intérieur de ce palais comme des autres bâtisses – notamment des Palais « Tranovola » ou « Manampisoa » – ne pourront être reconstituées.
*

« Rosasy 3 » – JPRA –
Reprenons ici les termes que notre regrettée mère, emplie de larmes, avait alors employés en ayant appris l’incendie criminel du 6 novembre 1995. Nous la citons :
« Le Rova entièrement détruit, c’est comme une tragédie grecque. De celle qui dépasse l’échelle de nos sentiments.
Ce Rova, objet de tous nos soins et de toutes nos peines, de toutes nos espérances également, était forcément immortel, car sa modeste majesté, sa force cachée et l’ardeur de ses traits ont toujours été pour nous la traduction des lignes caractéristiques du génie malgache, de la civilisation malgache.
Dans le même profond désarroi qui saisit jadis Valéry en d’autres circonstances, nous savons maintenant que nous autres civilisations, nous sommes mortelles, que l’abîme de l’Histoire, celle à laquelle nous croyions échapper, est hélas assez grand pour tout le monde, nous y compris.
La tragédie est plus complète encore puisque dans cette catastrophe, le spirituel n’est pas moins ravagé que le matériel ; les édifices et les reliques ne sont pas perdus, ils ont péri à jamais ; les criminels ou les mauvais esprits ne se sont pas contenté de détruire, ils ont voulu signifier que le Malgache devait perdre sa conscience acquise au cours des siècles, rejeter le legs du passé comme un fardeau encombrant.
Non, ne nous laissons aller ni à ce chantage, ni à la fatalité. Ressaisissons-nous.
Car en définitive, savent-ils ce qu’ils ont fait ? Savent-ils que la conscience réfléchie dont nous sommes capables, nourrie aux meilleures sources du passé et génératrice d’élan vital, va nous permettre de rebondir solidairement et de reconstruire l’avenir ?
Notre destin, celui qui relie le passé, le présent et le futur, est en face. C’est à lui qu’il faut s’attacher fermement. »
(fin de citation)
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« Le Rova renaissant », le Rova s’enveloppe du Lambamena, source de vie renouvelée dans l’éternité. Acrylique sur toile – JPRA – Reproduction interdite –
Fin de citation.
Pour revivre ce destin, on rappellera qu’une visite complète, par le récit et par l’image, vous est suggérée sur ce Blog, ainsi qu’indiqué ci-après.
Depuis sa fondation en 1610 par le roi Andrianjaka, Antananarivo, cette « cité dont l’apparence est véritablement grandiose » avec son Rova et ses composantes, pour reprendre une expression du voyageur A. Bruggeman, n’avait jamais cessé d’exercer son charme.
Tant de hautes personnalités étrangères, Charles de Gaulle et son épouse Yvonne, François Mitterrand, le roi Mohammed V et le futur roi Hassan II, l’Aga Khan, Michel Debré, Albert Sarraut, pour ne citer qu’eux, en avaient été saisies…
A votre tour de l’être, surtout si tant est que vous n’ayiez jamais eu le privilège de connaître le Rova du temps de sa splendeur en tant que Musée.
J’ai personnellement eu cet immense privilège, grâce à mes très regrettés parents, à ma mère surtout (elle qui, étant nantie de son expérience rare comme chargée de mission aux musées de Versailles et des Trianons de 1942 à 1946, fit ce musée du Rova en sa qualité de conservateur en chef de 1946 à 1961), d’y avoir vécu les dix premières années de mon enfance au début des années 1950 pour, aujourd’hui, pouvoir vous restituer une petite part de mon vécu dans ces lieux grandioses et pleins de profondeur historique.
En effet, je suis né au Palais Tranovola (« Palais d’Argent »), dans un appartement qui fut le lieu de résidence principale de ma famille, et c’est également là que le petit garçon que j’étais fut circoncis en suivant les traditions malgaches, là également où se sont succédés les principaux évènements familiaux qui marquent toute une vie…
Bref, se sont formulées au sein du Rova d’Antananarivo tant d’étapes constitutives de ma vie et celle de ma famille !
Je voudrais donc, pour vous , me faire guide.
Votre visite s’effectuera selon les cinq étapes suivantes dans une série d’articles intitulée « Le Rova d’Antananarivo » (sur ce même blog, allez dans « Archives » et cliquez sur « Novembre 2013 », puis sur les dates correspondantes) :
. « Le Rova d’Antananarivo », 1ère partie (initialement publié le 6 novembre 2013, « mystérieusement » effacé depuis lors, mais heureusement rétabli le 19 juillet 2018, où vous pourrez le consulter …! )
. « Le Rova d’Antananarivo », 2ème partie (8 novembre 2013)
. « Le Rova d’Antananarivo », 3ème partie (12 novembre 2013)
. « Le Rova d’Antananarivo », 4ème partie (15 novembre 2013)
. « Le Rova d’Antananarivo », dernière partie (17 novembre 2013).
Bonne visite !…virtuelle désormais, et hélas !, puisque tout ce que vous aurez appris et vus à travers ces articles ont physiquement disparus.
A cela s’ajoute, à titre de précision, que tout ce que vous aurez appris et vus à travers ces articles s’inspire principalement de l’ouvrage de notre très regrettée mère datant de 1989 : « Colline sacrée des souverains de Madagascar, le Rova d’Antananarivo », que voici:


Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations
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