LE BANNISSEMENT DE L’ARME NUCLEAIRE, UNE ILLUSION

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« Nature » (JPRA)


                     LE BANNISSEMENT DES ARMES NUCLEAIRES, UNE ILLUSION 

Pour ne prendre que ces exemples, car malheureusement tant de foyers de tension nucléaire prolifèrent devant l’émergence de puissances nucléaires à travers le monde, le bras de fer auquel se livrent actuellement la Russie et les pays occidentaux, et s’y ajoutant celui, continu, qui oppose les Etats-Unis d’Amérique et le Japon face à la Corée du Nord, font craindre un embrasement nucléaire qui serait fatal à l’humanité.

Mais, ces arbres-là ne doivent pas cacher la forêt, celle dans laquelle se meuvent Etats-unis et Europe, d’une part, et Russie, d’autre part, dans une ambiance de défis nucléaires réciproques de plus en plus précis et savamment entretenus par la multiplication de manoeuvres militaires qui ne sont pas seulement démonstratives, voire provocatrices, mais qui sont bel et bien des dispositions préparatoires à l’engagement de batailles à venir.

Car, le propre d’un conflit armé est, sur un moindre prétexte, de s’étendre comme un feu de forêt ou un ouragan et de tout anéantir sur leur passage. Avec un effet multiplicateur à puissance mille dès lors qu’il s’agit d’un conflit nucléaire du champ de bataille ou généralisé.

LES DONNEES DE LA QUESTION

Les horribles dévastations nucléaires subies par les Japonais à Hiroshima et à Nagasaki en 1945, causées par de « simples » bombes « A » (atomiques), dont on sait la « faible » puissance par rapport aux bombes de la même catégorie d’aujourd’hui, sont sans commune mesure avec celle des bombes « H » (hydrogènes) d’aujourd’hui, le nec plus ultra militaire, ce qui fait prendre conscience de l’énormité des désastres qui seraient provoqués par un conflit nucléaire, même limité géographiquement (or, on sait que la propagation des particules ignore les frontières, de même que les secousses sismiques et autres phénomènes, notamment  halieutiques et maritimes).

Les Hibakusha, les survivants japonais de ces bombes d’Hiroshima et de Nagasaki sont encore et toujours là pour témoigner devant l’humanité entière, mais pour combien de temps encore, afin qu’ils continuent d’en appeler à la responsabilité des dirigeants de ce monde dont on espère que le niveau de la conscience atteigne celui de la vérité ?…

Prosaïquement et paradoxalement, une telle menace de dévastation nucléaire donne tout son sens à la notion de dissuasion nucléaire, principe auquel adhère maintenant un trop grand nombre d’Etats, super-grands, grands, moyens et petits, riches, aisés, pauvres ou miséreux, peu importe car l’essentiel est de pouvoir brandir une telle menace ! Certains, et non des moindres des dirigeants de certains pays, ne clament-ils pas que la possession de la bombe est une sorte de « garantie du faible contre le fort » ? …

Et c’est bien ce qui survient en ce moment avec les chantages exercés par les protagonistes à travers d’exercices d’intimidation revendiqués et en clamant posséder des panoplies d’armes nucléaires capables d’anéantir l’adversaire.

En dehors de ces données d’actualité, il faut aussi savoir que, selon une estimation divulguée par Monsieur Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, il y a actuellement dans le monde environ quinze mille ogives nucléaires ! De quoi anéantir toute forme de vie sur Terre…!

Car, à n’en pas douter, une guerre nucléaire n’aura aucune limite géographique ni de moyens ; elle sera totale…! Il est illusoire, comme tentait de le faire croire un Donald Trump plus inconscient que jamais, d’imaginer que l’utilisation « limitée » et ciblée d’armes nucléaires tactiques sur les champs de bataille sera circonscrite et contrôlée de telle sorte qu’elle ne déborde pas sur un engrenage fatal…

LA VOLONTE DE DOMINATION DES GRANDS ET L’APPETIT DES « FAIBLES »

On en est arrivé là parce que les Grands, ceux qui furent les vainqueurs de la seconde guerre mondiale dont l’ordre international actuel dépend, ont voulu – et continuent de vouloir – exercer sans partage leur imperium sur le monde, en entendant garder l’exclusivité de la détention de l’armée nucléaire, et que les autres, par ambition particulière rivée à leur pourtour régional, n’entendent nullement les choses de cette manière.

Ceci s’illustre en particulier de façon quasi-cynique par un communiqué conjoint des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France le 7 juillet 2017 lors de l’adoption par les Nations Unies, ce même jour, du Traité tant attendu d’élimination des armes nucléaires.

Ce communiqué déclare : « nous n’avons pas pris part aux négociations devant aboutir au traité…et n’entendons pas le signer, le ratifier ou en faire partie d’aucune façon ». Et d’ajouter : « une telle initiative (celle aboutissant audit traité) méconnaît les réalités de l’environnement sécuritaire international. L’objectif visé par le traité est incompatible avec le principe de la dissuasion nucléaire, qui a été essentiel pour maintenir la Paix en Europe et en Asie du Nord durant plus de 70 ans ».

Une telle position contraste avec celle adoptée par les mêmes protagonistes quand, près de cinquante ans auparavant lors de l’adoption par les mêmes Nations Unies du Traité sur la Non-Prolifération des Armes Nucléaires, il fallait le faire signer et ratifier par le maximum de pays, surtout ceux en mesure de fabriquer l’arme nucléaire. Mais pour autant ledit traité n’eut pas non plus le « succès » attendu auprès de la communauté des Etats…on sait qu’étant adopté en 1968, ce traité, malgré la campagne en sa faveur menée par les cinq grands pays membres permanents du Conseil de sécurité, n’entra en vigueur qu’en 1970.

D’un autre côté, afin de protéger leur leadership, les grandes puissances nucléaires avaient négocié et fait adopter un autre traité, celui de l’interdiction complète des essais nucléaires (connu sous l’acronyme TICE) ouvert à la signature des Etats depuis 1996 et qui, faute d’avoir atteint le nombre requis de signatures, n’est toujours pas entré en vigueur à ce jour…

Le sera-t-il jamais étant données les oppositions d’intérêts entre les puissances nucléaires « établies » et celles « émergentes » ?…Pour tenter d’y remédier, une annexe audit traité avait été adoptée, prévoyant qu’il entrera en vigueur aussitôt que la Chine, l’Egypte, la Corée du Nord, l’Inde, l’Iran, Israël, le Pakistan et les Etats-unis auront apposé leur signature.

On attend toujours…

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« Aube » (JPRA)


Une telle attente a des chances de durer indéfiniment quand on sait que tout récemment en octobre 2018 les Etats-Unis ont soudainement décidé de se retirer unilatéralement d’un accord de limitation et de contrôle des armes nucléaires à moyenne portée précédemment signé avec l’Union Soviétique dans les années 1980.

UNE ETAPE DECISIVE ?

Avant l’intervention de ce dernier fait significatif d’une tension consciemment entretenue par la première puissance nucléaire, il fallait donc contourner les difficultés du contexte international ambiant. L’Assemble générale des Nations unies s’y est employée avec une constance à mettre à son crédit.

C’est dans ce contexte que le 7 juillet 2017 donc à New York, à la Conférence des Nations Unies sur l’Interdiction des Armes Nucléaires, les pays participants ont adopté le Traité du même nom.

Le traité a été adopté par le vote favorable de cent vingt pays contre un vote négatif (les Pays-Bas) et une abstention (Singapour). Bien étonnamment, le Japon, seul pays au monde qui a inscrit dans sa constitution (cf. article 9) l’interdiction de posséder, de fabriquer ou d’abriter une arme nucléaire quelconque, n’a ni participé aux négociations ni pris part au vote ; avec lui, ont adopté la même position tous les pays détenteurs de l’arme atomique auxquels se sont ajoutés les pays membres de l’OTAN, l’Australie, plusieurs pays africains et d’Asie centrale…

Le Traité vise à interdire non seulement la possession de l’arme nucléaire, mais surtout d’empêcher sa production puisqu’est prohibée toute la chaîne y aboutissant, tels que la recherche et la technologie nucléaire appliquée à des fins militaires, les essais, la fabrication, l’acquisition de matériaux, etc…de même que l’utilisation ou la menace d’utilisation d’une telle arme.

On espère ainsi que les armes nucléaires ainsi que leurs vecteurs seront frappés d’illégalité, comme le sont les armes biologiques et les armes chimiques, successivement depuis 1972 et 1993.

Un tel aboutissement est donc à mettre au crédit de l’Assemblée générale des Nations unies qui avait mandaté l’Ambassadeur du Costa Rica pour présider la Conférence dans le cadre de laquelle les négociations furent menées à bien.

Pour autant, comme ce fut l’ambition déclarée des promoteurs de ce traité dont la portée est grande, est-on réellement « aux portes » d’une élimination totale des armes nucléaires ?

La réponse, malheureusement évidente, n’a pas besoin d’être formulée…Car, ainsi que nous le disions plus haut, l’opposition des grands pays membres permanents du Conseil de Sécurité, auxquels se sont joints leurs alliés respectifs, s’étaient ostensiblement manifestés par leur absence aux négociations, et il en fut de même de la Corée du Nord. Qui s’en serait étonné ?…

Ledit traité était ouvert, depuis le 20 septembre 2017, à la signature de tous les Etats membres des Nations Unies en leur siège à New York.

Au final, le traité est enfin entré en vigueur après qu’au moins cinquante pays l’aient signé…ce qui n’intervint que le 22 janvier 2021. Précision étant faite – et elle est d’importance – qu’aucune puissance nucléaire ne l’a ni signé ni, bien entendu et par conséquence, ratifié.

A vrai dire, qu’il puisse ainsi entrer en vigueur, cela ne va malheureusement changer en rien une réalité internationale de plus en plus tendue et menaçante, par la faute même des principales puissances nucléaires du moment…,sachant également qu’un tel traité ne contient que des dispositions à caractère déclaratif et non-contraignantes…qui ne lie personne ni aucun Etat signataire ou ratifiant.

Ainsi va le monde…en mal !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

 

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations


DE GAULLE, GOUVERNEUR DE MADAGASCAR ?!…

                               DE GAULLE, GOUVERNEUR DE MADAGASCAR ?!…

PURE FICTION OU FAIT AVERE…?

A chacune, à chacun de se forger sa conviction.

Durant les moments cruciaux précédant le débarquement allié de juin 1944 en Normandie, jamais sans doute l’affrontement de deux caractères aussi résolus que ceux de Churchill et de De Gaulle n’aura été porté à un si dramatique paroxysme digne d’une tragédie grecque, quand on sait que c’est de l’avenir de l’Europe, de la France, de l’Angleterre et du monde libre dont dépendra leur querelle !

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Photo de Bernard d’Oultrement, tirée du flyer du Petit Montparnasse pour la pièce « Meilleurs alliés ».


L’auteur et le metteur en scène de la merveilleuse pièce de théâtre « Meilleurs alliés », Hervé Bentégat et Jean-Claude Idée, qui s’était jouée au Petit Montparnasse à Paris en septembre 2017, avaient choisi les trois jours du 4 au 7 juin 1944 pour nous faire revivre ces moments, et ceci avec des acteurs, Pascal Racan, alias De Gaulle, et Michel de Warzée, alias Churchill, qui incarnent si bien les deux monstres historiques.

Voici que le 4 juin, De Gaulle apprend de Churchill que la France Libre est écartée de la plus importante opération militaire devant se dérouler sur le sol de France !

La fureur de De Gaulle se passe de tous les commentaires, elle est à la mesure de l’obstination de Churchill.

L’affrontement des deux hommes, qui frise le corps-à-corps, qui s’estiment pourtant mutuellement jusqu’à la fascination, et qui en même temps s’agacent et s’exaspèrent profondément, nous tient en haleine.

Mais, tout ceci se ponctue de rires aux éclats car l’un et l’autre ne sont point avares de bons mots bien à propos, Churchill se pavanant notamment d’expressions françaises apprises lors de sa propre campagne de France durant la première guerre mondiale, et De Gaulle assénant ses sentences argotiques dignes de ceux du capitaine Haddock !

Lors de ces affrontements verbaux orageux, on apprend de Churchill qu’il voulait sérieusement enfermer De Gaulle sous bonne garde quelque part en Angleterre pour l’empêcher absolument de fouler le sol de France … !

Et c’est là où une autre option se serait offerte à Churchill : nommer le général De Gaulle « Gouverneur de Madagascar » !…

Notre surprise fut grande en entendant cette sentence sans appel !

Et ce point mérite pourtant vérification auprès d’éventuels témoins ou par la consultation d’archives…

Mais, à la réflexion l’occurrence et la plausibilité, pour peu probables qu’elles soient, ne sont théoriquement pas si absurdes quand on sait, en retour de rancune, de quelle façon Churchill dut s’incliner face à la fureur de De Gaulle devant l’audace des Britanniques à l’écarter des opérations militaires de 1942 * (voir nota infra) pour soustraire Madagascar à l’administration de Vichy.

On sait que l’Histoire avait finalement fait droit aux exigences de De Gaulle : non seulement, deux ans après cet épisode de l’Opération « Ironclad » des fusilliers-marins de la France Libre purent prendre part au Débarquement de juin 1944 en Normandie malgré les réticences anglo-saxonnes, et De Gaulle à leur suite foula de ses fermes pieds les plages dudit débarquement, mais s’agissant de Madagascar, ainsi que nous le relations par ailleurs notamment dans différents articles sur ce même blog, c’est prestement que Churchill dut « restituer » Madagascar à la France Libre en novembre 1942…évitant ainsi au Premier ministre britannique l’audace ou le ridicule, c’est selon…, de se contraindre d’exiler De Gaulle à la Grande Ile !

Avouons que, en admettant que par une force de conviction « surhumaine » Churchill eût pu contraindre De Gaulle – qui était déjà bien installé dans sa légitimité pour incarner la France en 1944 – à s’exiler à Madagascar, et si contre toute évidence tel eût été effectivement le cas, les destins respectifs de la France, de Madagascar et d’autres contrées, sans compter celui de bien des évènements et des autres choses, eurent été singulièrement bien différents !…

Bref, loin de ces spéculations rétrospectives qui font les délices de l’imaginaire, disons un grand bravo à l’auteur des « Meilleurs alliés » d’avoir réussi à nous entretenir dans cet imaginaire ! Voilà un pan de l’histoire contemporaine qui est d’un intérêt certain.

Je remercie le ministre Jacques Godfrain, le Président de la Fondation Charles De Gaulle, dont j’ai l’honneur d’être membre, de nous avoir permis, ma sœur Laurence et moi, d’assister avec grand plaisir à la représentation en avant-première de cette pièce de théâtre, « Meilleurs alliés ».

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations


NOTA:

Début mai 1942, par l’Opération « Ironclad » décidée par Churchill, la Royal Navy britannique attaque la baie de Diego-Suarez et s’en empare, puis les troupes britanniques débarquent pour progresser rapidement jusqu’à Antananarivo occupée. En novembre 1942 un armistice est signé à la suite duquel l’administration gaulliste se substitue à celle tenue par le gouvernement de Vichy. L’opération « Ironclad » avait un double objectif: chasser les Japonais de l’Océan Indien occidental et les empêcher de s’emparer de la base de Diego-Suarez sur laquelle ils avaient des velléités d’y établir une base sous-marine, et éliminer l’administration vichyste de Madagascar, la Grande Île étant considérée comme un bastion stratégique régional important.

LA MARCHE DU PROGRES

Collines rouges (2)

« Ny Taniko » – Huile sur toile – (JPRA)


 

                                             LA MARCHE DU PROGRES

Un pays en crise aussi grave que celle que connaît Madagascar actuellement demande une rencontre fondamentale : celle d’un homme ou d’une femme qui croise son chemin au carrefour du progrès.

Mais, cet homme ou cette femme doit être porteur (porteuse) d’un projet fort, structuré et qui va aussi loin qu’en profondeur, loin des recettes ou des programmes qui empruntent de trop au marketing.

Il lui faut épouser cette Nation Malagasy dans toute sa diversité parfois turbulente. Bref, être le (la) Président(e) de TOUS les Malagasy sans exclusive. Il faut que cette notion ait du sens et qu’elle se décline à tous les niveaux de la gouvernance publique.

Quatre piliers, pour bien asseoir ce projet, doivent servir de base à des actions à mener de front.

La perspective de la prochaine prise de fonction du (de la) prochain Président (e) de la République issu(e) de l’élection présidentielle de novembre/décembre 2018 donne l’occasion de les valoriser.

I –  S’ANCRER DANS L’HISTOIRE                                                   

Il est nécessaire d’avoir en conscience les durs enseignements de l’histoire de Madagascar, laquelle se caractérise par un trop fort déficit de progrès.

Il est de fait qu’en sept siècles d’histoire connue de notre pays, du XVème au XXIème siècles, seul un total de quelque un siècle et demi, toutes périodes confondues, fut marqué par le progrès spirituel, institutionnel, structurel, économique, social et matériel.

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« Madagascar dans la pierre » (JPRA)


 

Mais, encore faut-il souligner que la dynamique de progrès s’accompagnait elle-même de soubresauts plus ou moins contrôlés, dont les remèdes s’apparentaient plus à du colmatage successif  qu’à des réformes en profondeur. A cet égard, les périodes les plus récentes, celles du XXème et du XXIème siècles, avec le régime de Philibert Tsiranana et celui de Marc Ravalomanana, font apparaître la superficialité des orientations préconisées, dont certaines ne purent d’ailleurs être appliquées. Et aujourd’hui, Madagascar et son peuple sont replongés depuis 2009 dans un abîme sans fond.

Cependant, il est un autre fait que dans leur histoire mouvementée les Malagasy ont eu, durant les périodes de progrès ci-dessus relevées, leurs heures de gloire, prouvant s’il en faut leur capacité à se mobiliser, à se dépasser et à prospérer dans un élan commun.

C’est pourquoi, l’ardent devoir qui échoit maintenant à celui (celle) qui, par sa volonté, sa vision et sa force de caractère, entend épouser le destin de tout un peuple, paver des meilleures intentions et réalisations le droit chemin de toute une nation, et fixer un cap visible, palpable et certain au navire Madagascar, est donc de retrouver cet élan commun et d’entrer de plain pied dans l’Histoire consciente et assumée de son pays.

C’est-à-dire, habiter cette Histoire, la travailler dans le tréfonds mental du peuple qui la façonne, et l’orienter de telle sorte que ses cycles d’évolution se conjuguent et se renforcent dans une profonde démarche dialectique de progrès.                                                                  

Bref, initier une spirale vertueuse qui ancre Madagascar et le peuple malagasy dans les mérites de son histoire trop maintes fois contrariés, une spirale vertueuse qui aille au-delà d’une simple quête mais concrétise une véritable vocation sur le long terme. 

C’est cette vision propre aux gens d’Asie et d’Afrique épris de progrès, qui entend s’inscrire également dans une dynamique linéaire propre à la conception chrétienne du progrès humain, qui doit animer le credo de celui (celle) qui se destine en conscience à piloter le navire Madagascar. 

Il (elle) doit savoir également combien complexe est la société malagasy faite de diversité humaine et régionale mais partageant les mêmes valeurs civilisationnelles, les mêmes épreuves et un espoir commun.

II –    UN ETAT FORT, DES INSTITUTIONS EFFICIENTES ET RESPECTEES

Un triste constat saute aux yeux : le dérèglement de l’appareil étatique et la faillite morale et financière de l’Etat malagasy qui, par ailleurs, ne peut s’appuyer sur aucun levier pour y remédier.

Il faut donc y remédier urgemment.

  1. Tout d’abord, il convient de rappeler que ce qui tient actuellement lieu de charte nationale est une Constitution au rabais dite de la « IVème République », adoptée irrégulièrement et dans la précipitation par un pouvoir de Transition non qualifié en la matière, mais finalement acceptée par défaut. De plus, les mécanismes institués par cette constitution sont d’une complexité et d’une confusion aussi notoires qu’incompréhensibles, car à la base cette constitution n’a été conçue que pour affaiblir l’Exécutif.

Sans nul doute, tous les maux de la mauvaise pratique institutionnelle passée et actuelle depuis son adoption en 2012 en tirent leur origine. Ce, notamment en ce qui concerne :

. la répartition des pouvoirs entre l’Exécutif et le Parlement ;

. l’exercice des prérogatives à l’intérieur de ces pouvoirs ;

. le fonctionnement des rouages institutionnels et administratifs ;

. l’exercice par la Justice de son indépendance et de ses prérogatives ;

. la mise en œuvre de l’Etat de droit et la protection des droits fondamentaux.

C’est dire qu’il s’agira, en premier lieu, ce dans un délai raisonnable, de procéder à un recentrage indispensable de la charte fondamentale, de sorte que la mise en pratique des principes d’une Bonne Gouvernance démocratique soit compatible avec le concept d’un Etat fort. Car, il faut une rupture avec l’impasse institutionnelle actuelle.

Ceci doit aller de pair avec leur optimisation, au moyen de leur valeur opérationnelle intrinsèque et leur articulation dans la cohérence afin que l’Exécutif, en charge de conduire dans une vison claire les destinées de la nation puisse s’y consacrer pleinement sans être embarrassé par le jeu stérile des combinaisons politiciennes.

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« Couple d’oiseaux sur fruits » (JPRA)


 

Ceci suppose que le (la) Président(e) de la République puisse choisir librement son Premier ministre sans que ce dernier émane obligatoirement du Parlement ou que le Parlement donne son aval dans l’exercice de ce choix ou sur la personne de l’impétrant.

Ceci passe, soit par une révision constitutionnelle en profondeur équivalent à une refonte de celle existant actuellement, soit par l’adoption d’une nouvelle Constitution. Dans un cas comme dans l’autre, le choix sera entre la voie référendaire et le vote du Parlement réuni en Congrès. Les circonstances dictées par la conjoncture politique du moment le détermineront.

  1. Dans la structuration de l’appareil étatique, et s’agissant tout particulièrement des relations entre l’Exécutif et le Parlement, surtout que ce dernier est dans sa pleine configuration avec le nouveau Sénat, il s’agira de faire en sorte que les trois principaux pôles de compétences du Parlement soient pleinement respectés et fonctionnent effectivement : contrôle des actes du gouvernement, vote des lois, proposition de lois, initiatives diverses dans les limites de ses prérogatives.

Les pouvoirs et prérogatives inhérents à ces pôles de compétences nécessitant des capacités particulièrement aigues si l’on veut que le travail parlementaire soit efficace, des cessions de  formation à la fonction parlementaire s’avèrent indispensables.

  1. De telles cessions de formation doivent concerner également le personnel administratif à tous les niveaux. Car, ce qui caractérise l’administration malagasy actuel est le dévoiement de ses missions d’intérêt général. Pour le politique comme pour le fonctionnaire, le service du peuple ne saurait se résumer à cette notion ambiguë de « redevabilité » mais bien dans l’application quotidienne des principes premiers de l’intérêt général et de la « res publica ».
  2. Quant à l’édifice institutionnel au sommet de l’Etat central, celui-ci ne saurait être complet si l’on ne mettait pas en place, en temps opportun mais sans tarder, un Conseil Economique, Social et Environnemental. Ceci est une préconisation de longue date de l’Organisation des Nations Unies qui, à travers sa Commission Economique et Sociale, incite les Etats membres à se doter d’un organe consultatif dont le rôle est d’associer étroitement les forces vives des nations aux orientations stratégiques et politiques sectorielles dans les domaines économiques, professionnels et sociaux.

Dans un pays aussi vaste que diversifié comme Madagascar, avec ses potentiels énormes et la nécessité de mobiliser ses forces vives, la mise en place d’un tel Conseil s’avère plus qu’opportun. De plus, compte tenu de la riche biodiversité malagasy et de la récurrence des problématiques environnementales et écologiques, la dimension environnementale doit être incluse dans l’érection de ce nouvel organe.

Le Conseil Economique, Social et Environnemental de Madagascar s’inscrit donc en bonne place dans l’architecture institutionnelle à venir.

  1. Un Etat fort et des institutions efficientes et respectées supposent une Justice indépendante, impartiale et disant le Droit in concreto.

L’unicité des procédures doit être la règle pour une Justice accessible à tous, et les procédures spéciales l’exception face aux spécificités de certaines matières. Sans doute y a-t-il à renforcer l’absoluité de l’indépendance des juges et la relativité de celle du parquet, ce afin que le justiciable se reconnaisse pleinement dans une Justice qui est prononcée au nom du Peuple.

Dans l’exercice de la Justice il est par ailleurs important que la garantie des droits de la défense soit réelle et effective, que le respect mutuel entre magistrats et avocats soit une règle bien établie, de même qu’il est une constante à surveiller, celle que l’accès à la Justice soit facilité à tout citoyen.

Quant aux forces de police et de l’ordre public (gendarmes ou, occasionnellement, l’armée), l’absolu respect des droits et libertés fondamentaux, de même que l’habeas corpus, exigent que leurs actes entrant dans le cadre de la police administrative ou de missions répressives soient placés sous contrôle strict.

L’Etat de Droit se doit de réunir ces conditions minimales, l’objectif étant que dans la quotidienneté et concrètement le constat d’un état (avec un petit « e ») de Droit s’impose avec éclat.

III –        UNE SOCIETE SOLIDAIRE POUR UNE ECONOMIE INTEGREE

                                                  AU NIVEAU LOCAL

  1. Structurellement, il est temps de donner un contenu concret aux valeurs proprement malagasy que sont le « Fihavanana » (sociabilité) et le « Firaisan-kina » (solidarité-entraide).

Certes elles se traduisent institutionnellement par deux collectivités de base que sont les « Fokonolona » (communauté villageoise ou urbaine) et les « Fokontany » (structure administrative de base). Mais, leur pleine intégration dans les rouages administratifs doit être mieux assurée et valorisée, d’abord par la reconnaissance formelle de leur instance décisionnelle, et ensuite par une intégration de leurs décisions dans les normes juridiques existantes au niveau local.

Une société réellement solidaire à sa base constitue une condition première pour une économie intégrée souhaitable pour un pays à redresser, dans lequel la satisfaction des besoins de première nécessité réclame un engagement de tous et de tous les instants. Il y va également du sentiment collectif d’intérêt commun à susciter et à encourager, ce qui ne peut que favoriser la mobilisation nécessaire à toute politique de développement digne d’intérêt.

De la valorisation et de l’optimisation opérationnelle de telles structures dépend également la reconstitution indispensable et vitale du tissu social et économique local, tant il est vrai que chaque localité malagasy recèle ses propres richesses en termes d’activités culturales, artisanales, agricoles ou vivrières, culturelles et artistiques. Pour que ces activités de proximité retrouvent vie et vigueur et nourrissent toute une économie locale, il est en effet nécessaire de redonner leur vraie vocation aux valeurs et structures ci-dessus décrites.

  1. Ce qui est vrai au niveau local l’est, avec une économie d’échelle plus grande et des exigences spécifiques, à hauteur de leurs caractéristiques propres, des communes, communautés de communes, districts et régions. Avec cependant cette dimension incontournable que représente la mise en œuvre d’un plan communal ou régional de développement.

Cette dimension planificatrice à ces niveaux constitue d’ailleurs un des leviers principaux du redressement et du développement de Madagascar.

IV –                        PLANIFICATION ECONOMIQUE ET SOCIALE,

             REDISTRIBUTION DES REVENUS ET MAITRISE DES MARCHES 

Le concept de planification ne procède pas d’un choix idéologique ; c’est une nécessité technique de vision et de cohérence opérationnelles dans un esprit systémique et holistique, dictée par les exigences du redressement, du relèvement et du développement qu’ont connu en leur temps de reconstruction après-guerre les plus grandes puissances (Etats-unis, France, Allemagne, Japon, pour ne prendre que ces exemples historiques), ce à la suite d’une période de crise majeure résultant de la seconde guerre mondiale qui avait mis à bas toute une nation.

C’est, a fortiori, le cas actuel de Madagascar qui, pourtant, ne sort ni d’une guerre ni d’une catastrophe quelconque de grande ampleur, mais souffre dans sa chair d’années de gabegie et de mal gouvernance notoires.

La planification préconisée aura un double caractère : directif pour tout ce qui concerne la politique structurelle à long terme ; incitative en ce qui concerne les objectifs sectoriels de court et moyen termes.

A – ORIENTATIONS DIRECTIVES :

Il est vain de parler de croissance ou de reprise économique si les conditions et structures de base ne sont pas au rendez-vous et si le tissu économique ne s’y prête pas. C’est la raison même d’une planification cohérente, en particulier dans ce qu’elle a d’orientations directives en matière structurelle.

  1. Au titre de la politique structurelle qui doit viser la (re)constitution d’un tissu économico-social cohérent et devant être au soutien de l’émergence d’activités de proximité (voir ci-dessus), sont particulièrement concernés :

– les petites unités industrielles de production locale ;

– les petites et moyennes exploitations agricoles, maraîchères et de la pêche en eau douce ou en mer ;

– les greniers à céréales  pour assurer le stockage;

– les entreprises artisanales.

D’autre part, au niveau communal, du district ou de la région, sont notamment concernés :

– les industries de production ou de transformation liées à leurs spécialités particulières ;

– les structures coopératives agricoles et de la pêche ;

– les groupements d’intérêt économique de mise en commun de matériels et/ou de conquête de marchés ;

– la réactivation des syndicats professionnels sectoriels et des chambres de commerce ;

– la mise en place d’un système de micro-finance ;

– la mise en place de structures associatives d’activités et de sports destinées à la jeunesse locale ;

– le renforcement du réseau de dispensaires et de mise à disposition de médicaments.

Enfin, au niveau national, sont notamment concernés :

– la mise en place d’un système financier dédié au soutien des activités des entreprises (référence au système bancaire japonais fondé sur les banques d’affaires qui s’impliquent au soutien des entreprises de leurs réseaux) ;

– la généralisation de syndicats professionnels et sectoriels ;

– un plan d’urgence en équipement de base  (routes et chemins, ouvrages d’art, bâtiments publics, canalisations, etc…) ;

–  un plan de reconstitution des infrastructures portuaires, aéroportuaires et de chemin de fer, et à ce titre :

.  de redonner à Diego-Suarez sa vocation industrielle autour de son arsenal et de son chantier naval, d’y créer une pépinière d’entreprises à vocation technologique et scientifique (technopôle + clusters);

. s’agissant de Taomasina et de Majunga, de renforcer leur vocation respective, en particulier en matière de liaisons maritimes régionale et internationale, mais aussi en matière de formation aux métiers de la mer et de recherches marines et sous-marines;

. en ce qui concerne Tolagnaro, de renforcer sa vocation industrielle autour de son port dédié à l’extraction minière ;

. s’agissant de Tulear, y développer la pêche artisanale et y créer un centre de la chaîne du froid, destiné à développer l’exportation de produits de la pêche sur les marchés intérieur, européen et d’autres continents ;

. s’agissant d’Antalaha, y développer sa vocation de construction navale spécialisée dans les boutres et petites embarcations destinées à la pêche artisanale et aux liaisons locales par cabotage, et en faire une plaque tournante touristique régionale ;

– la constitution d’un capital technique et technologique par l’encouragement des transferts technologique en input (cf. l’expérience chinoise en la matière), l’appui aux laboratoires universitaires, l’appui au développement des R&D au sein des entreprises, le développement de l’industrie électronique et de l’internet ;

– la généralisation de la chaîne du froid destinée à l’agriculture, à la pêche et à la santé publique, grâce en particulier à une coopération avec l’Institut International du Froid ;

assurer la sécurité alimentaire, nutritionnelle et sanitaire, notamment par la mise en place d’un réseau national en la matière et en utilisant les moyens de UNITAID.

Nature morte dans la nuit 2

« Plateau de fruits dans la nuit » – Pastel – (JPRA)


 

B – OBJECTIFS CHIFFRES ET/OU CIBLES :

Autant il est vain de parler de croissance ou de reprise économique sans la mise en place et en œuvre des conditions structurelles visées plus haut, autant pour amplifier et donner du champ à ces orientations, il est nécessaire de s’appuyer sur ce qui doit être considéré comme les leviers du redressement et de la croissance.

Les objectifs chiffrés et ciblés doivent se concevoir sur trois échéances : l’urgence immédiate, le court terme, le moyen terme et le long terme, le tout avec une articulation dialectique en amont et en aval, l’interaction des objectifs respectifs devant être assurée.

De tels objectifs concernent les secteurs porteurs de l’économie malagasy, tels que :

Ba/. l’agriculture, l’élevage et la pêche. Il s’agit des trois secteurs-clés de l’économie malagasy. Or, dans ces secteurs Madagascar recèle des richesses énormes qu’il convient de valoriser à tous points de vue : développer les petites exploitations, spécialisation par produits, créer des structures aptes à développer les grandes entreprises agricoles, d’élevage et de la pêche, développer un système financier dédié à l’agriculture, à l’élevage et à la pêche, développer et faciliter l’usage de matériels agricoles, d’élevage et de pêche ;

Bb/. les sources d’énergie et le réseau hydraulique : Madagascar recèle des sources d’énergie fossile (pétrole, gaz) qu’il convient de maîtriser (eu égard aux besoins nationaux, mais aussi aux objectifs de l’Accord de Paris de décembre 2015 en matière de changement climatique et de transition énergétique), mais se doit désormais de cibler les sources d’énergie renouvelable, notamment en adoptant des objectifs de transition énergétique. A ce titre, le réseau hydraulique de Madagascar étant énorme, il s’agit de se fixer des objectifs précis pour en développer l’exploitation rationnelle et écologique ;

Bc/. les mines et les richesses en pierres précieuses et semi-précieuses : ici également les richesses de Madagascar sont immenses et demandent à être maîtrisées dans le cadre d’une politique dont l’objectif principal sera de soustraire le pays et son peuple de l’exploitation éhontée d’intérêts opaques et de trouver avec des partenaires honorables des formes d’exploitation profitable à tous;

Bd/. le tourisme, avec un souci sélectif strict, les objectifs principaux étant : de valoriser le potentiel touristique existant ; de développer un tourisme durable, notamment par la création et l’appui pour un réseau hôtelier de bas et de moyen de gammes et mettre en place des services de qualité en termes d’organisation, d’hygiène et de rentabilité ; promouvoir les destinations de tourisme écologique (réserves protégées) et historique (sites et patrimoine).

Be/. les produits culturels, artistiques et des métiers d’art. La diversité culturelle, la création artistique et la maîtrise artisanale sont une des marques qui distinguent Madagascar. Autant il ne s’agit pas d’imposer à la culture et aux arts une politique d’Etat, autant il convient de mettre en place une politique incitative intelligente visant à les appuyer dans l’excellence et la qualité de leurs œuvres, y compris à l’exportation, notamment en mettant en place un système  statutaire comparable au statut de « Trésor vivant » au Japon ou de « Meilleur ouvrier ou artisan» en France.

Bf/. la jeunesse. Il faut la considérer comme étant une des forces de Madagascar. Elle représente environ 60% de la population, et ne serait-ce qu’à ce titre l’Etat se doit de l’appuyer fortement dans ce qu’elle représente comme force vive et d’avenir. La politique à destination de la jeunesse malagasy (de 18 à 30 ans), fondée sur le concept de « Mijoro ny Tanora malagasy » (« La jeunesse malagasy se mobilise »), aura les volets suivants : aide financière à la création d’entreprise, exemption de charges fiscales et sociales pour les deux années de démarrage de l’entreprise, formation aux métiers par l’apprentissage, appui aux organisations professionnelles de la jeunesse, appui aux associations sportives et dédiées aux activités sociales. 

Sur l’ensemble de ces objectifs, un plan « le Plan Mandrosoa », que nous avons conçu et élaboré, et appliqué à quatre régions phares (Bongolava, Itasy, Androy et Anosy), a été élaboré à la demande du ministre malagasy de l’Agriculture en 2015 et est immédiatement prêt à être mis en œuvre.

REDISTRIBUTION DES REVENUS ET MAITRISE DES MARCHES :

Les conditions de base permises par la planification telle que décrite ci-dessus doivent permettre la mise en place d’une politique fiscale qui ne soit pas perçue comme une charge mais entrant dans le cadre positif d’une politique de distribution de revenus.

A ce titre, il convient de combiner les exigences considérées avec des orientations claires visant à réintégrer dans l’économie formelle l’économie dite « informelle » qui prolifère et dont la permanence est source dangereuse de déstabilisation socio-économique et de précarisation permanente.

Instrument de politique économique, l’impôt sert aussi, et surtout dans le cas de Madagascar, la cohésion sociale.

L’impôt, à ce titre, doit servir de moyen privilégié et de catalyseur à une redistribution de revenus pour :

. éradiquer la pauvreté et les situations de précarité ;

. l’appui aux orientations définies ci-dessus concernant particulièrement l’économie dite « informelle », les petites structures , la jeunesse.

Quant à la maîtrise des marchés, il s’agit :

. à la base de redonner vie au système traditionnel des « tsena » (marchés locaux) par leur approvisionnement régulier grâce précisément à la reprise des activités de proximité visées plus haut ;

. d’autre part, pour ce qui concerne les activités et produits de rente, il s’agit ici également de leur assurer tant au niveau national qu’international des débouchés, par le développement et le renforcement  du réseau existant, mais aussi en étant en capacité de conquérir de nouveaux marchés régionaux ;

. enfin, s’agissant des produits phares de Madagascar (vanille, café, girofles, cacao, etc…), des actions précises consistant, d’une part, à assurer la stabilité des prix, et d’autre part, à trouver le juste prix sur les marchés internationaux, sont à mener dans l’immédiat, ce en concertation avec les organisations professionnelles. De plus, à l’international et dans le cadre d’une politique volontariste de promotion de la « Qualité Madagascar », étant donné que nos produits sont intrinsèquement de grande qualité, il conviendra de travailler parallèlement à maîtriser les circuits de distribution et à conquérir des marchés dits « de niche » ;

. en outre, deux produits phares de Madagascar, demeurés en souffrance depuis de trop nombreuses années, le riz et la viande bovine, doivent absolument retrouver leurs débouchés à l’international. Cela dépend prioritairement de la réhabilitation et de l’assainissement des secteurs concernés moyennant des actions drastiques au niveau normatif.

Tels sont la vision, les orientations principales et les leviers principaux à mettre résolument en œuvre si l’on veut que Madagascar retrouve la voie du progrès.

Non seulement en y préparant dès maintenant l’ensemble des Malagasy, mais surtout en les concrétisant avec méthode, volonté et vigueur, ce dans un esprit de mobilisation nationale et de concertation permanente.

Qui sera, actuellement – et non pas demain – l’homme ou la femme à même de porter haut de telles exigences ?

  

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo,

Expert international en Bonne gouvernance.

 

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 Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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NY TAFIKA MALAGASY : QUELLE(S) MISSION(S) POUR LES FORCES ARMEES MALGACHES ?

-Mon katana et ses pommes 2

« Mon Katana et ses trois pommes », pastel sec – Jipiera – Reproduction interdite –


Une Nation se doit de se reconnaître en fierté dans ses forces armées.

La Nation Malagasy ne saurait y échapper et le peuple malagasy n’y échappe pas, mais il faut bien reconnaître que cette fierté trouve actuellement très difficilement à se satisfaire dans les faits et gestes de leurs forces armées trop souvent à l’écart de la vocation à laquelle on aimerait qu’elles s’y consacrent pleinement : la défense nationale, dans sa pleine dimension !

C’est à dire, la défense, la protection et le renforcement de l’intégrité physique, matérielle et mentale du territoire comme de la nation en tant que corps constitués et constitutifs.

Il est donc urgent de revoir la doctrine d’emploi de nos forces armées.

Les graves crises que traverse le pays, sa paupérisation galopante, sa désintégration progressive en corps et en âme, le tout particulièrement attisé par la COVID-19, doit y amener.

Posons les termes de la question.

   TAFIKA MALAGASY : QUELLE(S) MISSION(S) POUR LES ARMEES MALGACHES ?

Une récurrente et devenue rituelle promotion de généraux de tous grades à la fin de chaque année provoque en nous maintes interrogations quant à sa pertinence eu égard à une certaine banalisation de l’exercice, mais qui se veut pourtant ostensiblement solennel avec force decorum.

Car, objectivement la pléthore de généraux ainsi entretenue porte d’autant plus atteinte à la nécessaire valorisation des fonts baptismaux militaires, que les impétrants trop souvent ne peuvent se prévaloir que de leur ancienneté acquise à défaut de réels faits méritants signalés…

Madagascar est, a priori, une grande île sanctuarisée du fait de la géographie, mais les réalités géopolitique et géostratégique internationales, de même que les mouvements en profondeur des données historico-sociologiques intérieures, toutes considérations maintes fois évoquées dans les publications de LaboDiplo, incitent à une profonde réflexion quant aux missions à assigner à ses forces armées.

Celles-ci sont, au demeurant, d’un effectif insignifiant avec un total d’à peine trois dizaines de milliers d’hommes et affublées d’une physionomie pyramidale inversée et déséquilibrée avec une pléthore de généraux multi-étoilés, reflétant leur incapacité opérationnelle face aux missions de défense que la nation attend d’elles.

Or, la notion de défense nationale, en particulier dans un pays en développement comme Madagascar, intègre nécessairement, au-delà des aspects purement sécuritaires armés, les dimensions de sauvegarde, de protection, de sécurité, certes territoriales et du corps national, mais doit tout autant être humaines et de développement.

La Chine avec son Armée Populaire, pour ne prendre que son exemple, intègre toutes ces dimensions et l’on ne peut que constater qu’historiquement son développement a été acquis grâce au rôle déterminant – d’ailleurs renforcé actuellement – joué par ses forces armées dans l’accomplissement de leurs missions d’intégration, de cohésion et de développement.

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MISSIONS DE DEFENSE, DE SAUVEGARDE ET DE DEVELOPPEMENT DANS LE SENS PLEIN

Pour ce qui concerne notre Grande Ile, rappelons que sur le papier le cadre institutionnel concernant ces missions des forces armées existe à Madagascar… depuis vingt-cinq ans.

En effet, la loi n° 94-018 du 26 septembre 1995 portant « Organisation générale de la Défense à Madagascar » répond théoriquement, dans les principes généraux, à ces nécessités de développement matériel et humain puisqu’est assigné aux forces armées malgaches la mission globale :

. d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, la sauvegarde du patrimoine national ainsi que la protection de la population dont elle tend à développer la capacité matérielle, intellectuelle et morale de résistance.

C’est dire que le concept de défense, de sécurité et de développement matériel et humain ouvre théoriquement et institutionnellement aux forces armées malgaches un vaste champ d’action, ce qui doit les conduire à diversifier la formation même de leurs cadres et troupes afin qu’ils soient pleinement opérationnels également comme acteurs majeurs et exemplaires dans la gouvernance économique, sociale et entrepreneuriale dans des secteurs stratégiques ou de nécessité nationale qu’il appartient au gouvernement d’identifier et de les y affecter.

Ici comme ailleurs, il appartient donc au gouvernement d’appliquer pleinement la loi – quitte à la faire modifier – et de lui donner plein effet, avec des exigences éthiques de mise en œuvre pour viser l’efficacité des actions, l’efficience des instruments et objectifs, lesquelles exigent la stricte neutralité politique, le respect des citoyens, des droits de l’Homme et de la dignité humaine.

Il s’agit de donner un sens aux notions, trop souvent galvaudées, d’intérêt général et suprême de la nation, ainsi que de protection et de défense des populations, et de ne pas figer les forces armées dans la seule protection et défense des institutions de l’Etat, sachant que dans la réalité des faits et de par une pratique dévoyée lesdites institutions sont l’objet de convoitises partisanes.

C’est pourquoi, les principes généraux étant ainsi posés, il conviendra certainement que dans les meilleurs délais une loi d’orientation, avec ses décrets d’application, viennent rapidement traduire concrètement et en cohérence, non plus en termes organiques mais en programmations successives, tant structurellement qu’en termes d’objectifs, le fonctionnement et les moyens consacrés à la politique de défense nationale du pays.

Quand nous parlons de programmations, il est évident qu’il s’agira aussi, parallèlement, de faire adopter une (des) loi(s) de programmation financière, l’importance des moyens budgétaires à mobiliser devant être à la mesure des besoins clairement identifiés.

En outre, l’implication ordonnée et institutionnalisée des forces armées dans le développement ne doit absolument pas équivaloir, comme c’est le cas de la mauvaise pratique actuelle hors le champ indiqué plus haut, à une immixtion des militaires dans les prérogatives civiles, ni surtout dans celles de la sphère régalienne de l’Etat.

Autrement dit, aux civils le pouvoir éminemment politique, aux militaires l’honneur d’exécuter et de mettre en oeuvre les orientations dûment ordonnées selon une chaîne de commandement sans faille.

En un mot, il s’agit que les forces armées soient pleinement intégrées dans la bonne gouvernance institutionnelle.

L’adoption d’une Charte d’emploi des forces armées dans leurs missions au service de l’intégration, de la cohésion et du développement s’avère donc d’une grande nécessité. Ses grands principes ont vocation à être inscrits en lettres de noblesse dans la Constitution de la République, et à défaut, qu’ils soient fixés par une loi organique.

Bushido (2)

« Le sabre clair », aquarelle – Jipiera – Reproduction interdite –

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DEFENSE NATIONALE ET COHESION NATIONALE

A défaut d’une telle conception et d’un tel dispositif constitutionnel, légal et réglementaire, le désordre actuel tant dans la vision de la défense nationale que dans l’emploi, trop souvent anarchique, des forces armées risque de perdurer et de gangrener durablement, par conséquent dangereusement, les rouages institutionnels.

D’autre part, la culture de défense qu’il serait hautement souhaitable que chaque citoyen acquière grâce à cette vision claire, surtout face aux menaces de toutes natures actuelles, endogènes comme exogènes, ne serait que vaine en l’absence du dispositif constitutionnel, légal et règlementaire évoqué. Or, cette culture spécifique de défense est indispensable parce que c’est par elle que la cohésion nationale pourra se cimenter davantage encore.

Les menaces et insuffisances actuelles, sont nées de décennies de déficits de traitement. Elles vont en s’amplifiant et mettent à mal, de plus en plus, la sécurité et l’intégrité même de la population et de l’Etat. Rappelons-les, sans que cette évocation soit exhaustive :

. politisation et l’instrumentalisation des forces armées, couplées avec un déficit récurrent des capacités opérationnelles à divers échelons ; ressources humaines déficientes ; structures, infrastructures et équipements inadaptés ou obsolètes ;

. prolifération des crimes organisés, des agressions et des exactions tant en milieux urbain que rural, accompagnés de formation accrue de milices privées ;

. chevauchement entre l’armée de terre et les services de sécurité intérieure chargés de la gestion démocratique des mouvements de foules à travers l’Organe Mixte de Conception (OMC) et l’Etat Major Mixte Opérationnel (EMMO) ;

. l’extrémisme religieux, la corruption, le népotisme, le clientélisme et le corporatisme ;

. terrorisme rampant dans certaines régions ;

. pillage et exploitation abusive, voire mafieuse, des ressources nationales avec écoulements illicites à l’étranger ;

. porosité des frontières maritimes, piraterie maritime, exploitation illicite des ressources marines et sous-marines de nos eaux territoriales et de nos zones économiques exclusives.

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REDONNER DU LUSTRE…

Redonner ainsi du lustre au Tafika Malagasy – nos forces armées – en lui donnant de nobles missions au service du développement de Madagascar, parallèlement à son rôle traditionnel, est une cause nationale majeure et belle, dans laquelle la population et la nation entière ne pourront que se reconnaître et soutenir à fond.

Rappelons-nous, sur un plan strictement combattant durant les conflits mondiaux de 14-18 et de 39-45, les faits qui ont valu tous les honneurs reconnus aux valeureux combattants malgaches sur les différents fronts en Europe et ailleurs. Leurs valeurs morales et physiques, dégageant pour les générations présentes et futures l’exemplarité et l’inspiration, doivent servir de références permanentes pour l’accomplissement de missions adaptées aux nécessités du moment pour le service de la collectivité nationale.

sonnerie aux morts

Stèle (inspirée des « Vatolahy » traditionnels malgaches) érigée au Jardin Tropical du Bois de Vincennes en l’honneur des valeureux combattants malgaches, devant laquelle chaque année durant notre mission d’ambassadeur nous nous inclinions (Ici en novembre 2005, avec le Général de Corps d’Armée Le Pichon). 

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Gageons donc que ceci suscitera à coup sûr maintes vocations enthousiastes.

Last but not least, deux autres dimensions essentielles sont à considérer avec:

. d’une part, la propagation actuelle de la pandémie de la COVID-19, mais aussi face aux nécessités que génère la permanence d’autres pathologies récurrentes; d’autre part, les dégradations accélérées du patrimoine culturel historique à travers toutes les régions de Madagascar.

Or, ne sont-ce pas là des occasions, à ne pas rater, de déployer très largement et systématiquement les forces armées dans des missions ciblées au service de la sécurité sanitaire comme des soins médicaux à assurer, mais aussi au service de la sauvegarde du patrimoine culturel historique ?

Surtout que s’agissant du premier aspect, il existe bel et bien au sein des forces armées des services médicaux et des moyens logistiques dédiés qu’il conviendrait, en urgence, de renforcer, de mobiliser et de déployer sur l’ensemble du territoire !

Quant au second aspect, le gouvernement malgache serait bien avisé de s’inspirer du gouvernement italien qui, suite à des catastrophes naturelles ayant provoqué en Italie du nord des dévastations sur des biens historiques, n’avait pas hésité, à l’instigation d’une ONG, à constituer au sein des forces armées italiennes, une formation spéciale appelée « Casques blues de la Culture » dont la mission est, en coopération avec les organismes spécialisés, de prêter main-forte à des opérations de réhabilitation et de reconstitution des biens historiques détruits ou dégradés.

Ici comme ailleurs, il y a urgence en ces matières à Madagascar !…

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, Expert international en matière de Bonne Gouvernance, Ancien Ambassadeur, Avocat honoraire au Barreau de Paris, Professeur d’Aïkido 5ème dan

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Reproduction, même partielle, interdite des textes et illustrations

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