REMOBILISATION DANS LA CONCORDE NATIONALE

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« Rising stars » – JPRA – reproduction interdite.


 

                               REMOBILISATION DANS LA CONCORDE NATIONALE 

D’emblée, une évidence doit être rappelée à propos de Madagascar : il n’y avait ni vainqueurs ni vaincus dans la compétition présidentielle aussi frustrante de 2018, parce que s’y était volontairement tenue à l’écart une masse imposante d’une population exsangue qui continue d’endurer de graves souffrances et blessures.

Rendons d’ailleurs hommage aux trois principaux protagonistes. L’un s’est abstenu de triomphalisme qui eût pu le tenter ; l’autre s’est comporté en digne « perdant » sans jamais être tenté par un quelconque désir de contestation, se sachant investi de légitimité dans son combat ; enfin le troisième n’a pas été moins digne en assurant une passation emprunte de respect mutuel.  

Il n’y avait, par contre, pas lieu à réjouissances quant au positionnement d’une certaine communauté internationale qui, au demeurant, aurait dû  être plus attentive à ses propres errements, lesquels, rappelons-le, l’avaient conduite, pour l’élection présidentielle précédente de 2013, à imposer lourdement, indûment et avec les conséquences néfastes que l’on sait sur le long terme, la malheureuse formule fauteuse de trouble du « ni ni » dont on mesure aujourd’hui les conséquences parce qu’elle avait déréglé les pratiques démocratiques et semé le trouble dans les esprits des Malgaches. 

Car, la population malgache, au nom de laquelle chacun se plaît abusivement à parler, n’a en fait jamais cru au caractère démocratique d’aucune des élections conduites depuis 2009 et auxquelles elle s’y était abstenue de participer. Par contre, de façon constante elle a toujours entendu adresser aux professionnels de tous bords de la politique politicienne un message pour dire en particulier que face à ses dramatiques problématiques de survie, l’heure est encore et toujours, hélas !, aux vrais combats sur les problèmes de fond et pour l’indispensable mobilisation de toutes les énergies.  

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Mais, loin de ces apitoiements et récriminations, regardons résolument vers l’avenir. 

Désormais donc, une lourde responsabilité échoit devant le peuple et devant l’Histoire à tous ceux qui, s’étant heureusement tenus éloignés des fanfaronnades indécentes de vainqueurs déclarés, sont avertis des risques d’aggraver davantage encore, par des comportements qui seraient nourri de suffisance, le sort d’un peuple déjà meurtri et d’un pays ô combien ravagé, dont les trésors ont été si lourdement saccagés. 

Or, cette majorité silencieuse de la population malgache, s’élevant à environ 55% du corps électoral, a un droit inaliénable à revendiquer les prérogatives et les bénéfices de l’exercice de la souveraineté populaire, laquelle est indivisible.  

Il faut ainsi rappeler clairement, qu’en République tout citoyen doit être traité et respecté de façon égale quelle que soit sa condition, sa personne et ses biens, de même que sa liberté d’expression doit non seulement être respectée mais protégée, non sans rappeler également que, devant trop d’exactions commises par des forces de l’ordre parfois oublieuses de leur code d’honneur, les prescriptions de l’habeas corpus dictent aux autorités de les appliquer avec rigueur.

Pour ceux qui, à quelque moment de cette vie politique malencontreusement trop souvent dévoyée, se destinent à tenir la barre gouvernementale, la Démocratie qui les interpelle en permanence est à ces prix premiers et élémentaires. Autrement dit, la cohésion, la fraternité et le respect des droits doivent trouver leur traduction concrète dans la quotidienneté et l’immédiateté, les prescriptions de l’Etat de droit – si ce n’est de l’état de droit, avec un petit « e » – le dictent ici également avec une pareille force.    

Ce n’est qu’à ces conditions – et à telles seulement – qu’il conviendrait de larguer les amarres du navire « Madagascar » manifestement demeuré à quai, et ce pour une destination qui doit être connue d’avance; et un cap intermédiaire doit en conséquence être défini et être en vue, car l’horizon doit se présenter avec le doux souffle de l’alizé sans que, une fois de plus et de trop, la rudesse des éléments prélude aux bourrasques des lendemains.  

C’est dire aussi que le gouvernail, dont pour l’instant on ne connaît que les apparences avec la profession de foi contenu dans l’ »Initiative Emergence Madagascar » – IEM – , risque ainsi de lâcher plus gravement si ces conditions ni celles induites ne sont pas réunies.  

Or, que ce soit dans l’exercice du pouvoir ou dans la force de proposition de tout acteur politique agissant sur la place publique, le service de l’intérêt général doit être l’exigeant leitmotiv commun, tout comme chacun a le devoir d’entretenir l’espoir pour autrui.  

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Ainsi, d’un côté l’abattement est donc interdit ; de l’autre, aucune auto-satisfaction ne doit être de mise.  

Par contre, pour tous, doit venir le moment de se ressaisir et de se mobiliser à nouveau, chacun selon ses capacités et ses convictions, pour faire face aux défis de la Démocratie et du Développement, ces deux exigences fondamentales étant indissociablement liées afin que s’accomplisse l’esprit de confiance réciproque. 

Il sera rappelé à ces égards que ce n’est que dans l’apaisement et la confiance réciproque, c’est-à-dire dans la concorde nationale, que cela deviendra possible. Pas autrement.  

C’est à dire, non pas au moyen d’une « réconciliation » factice, principe largement galvaudé dont les faits prouvent qu’elle n’est que de la poudre aux yeux, mais bien dans le cadre d’une authentique politique de concorde nationale afin de donner tout son sens à la notion de rassemblement.  

Un rassemblement des forces vives, fondé sur un acte de foi commune, qui devient alors une cause nationale, transcendant les clivages partisans mais respectant l’expression des divergences, de sorte que chacun puisse avoir le sentiment vrai de participer à une œuvre commune de reconstruction nationale pleinement vécue et partagée.  

C’est, au niveau fonctionnel, tout le sens à donner à l’urgente mise en œuvre d’une véritable planification organique et intégrée qui a fait ici, sur ce même blog, l’objet d’un article (voir l’article «planification organique pour le salut de Madagascar » daté du 31 octobre 2016). 

Dans ce sens également, sera corrigée une situation politique et sociale hyper fractionnée dans un contexte institutionnel anormal, où les structures sociologiques et les mécanismes démocratiques sont déréglés ou ignorés, ce qui actuellement est singulièrement contre-productif et trompeur.  

C’est pourquoi, in fine,  tant une indispensable nouvelle culture politique qu’une clarification institutionnelle devront s’imposer pour lever toutes les ambiguïtés référentielles, juridiques et institutionnelles actuelles, où l’on a une fâcheuse tendance à galvauder les valeurs, à instrumentaliser le droit et à se contenter d’un certain conformisme « bien-pensant » et d’une certaine et improbable légalité formelle, sans se soucier de la primauté due à la substance des principes, à la norme juridique, et à la hiérarchie des valeurs. 

Dans ce même registre, on sait que la morale de façade, trop souvent placée sous le couvert de la foi, est un exercice auquel tout un chacun excelle sans même pratiquer une once d’éthique personnelle ou collective dans la quotidienneté de ses actes. Il est sûrement temps que chacun opère ici également sa mue avec la sincérité voulue. 

Si donc renouveau malgache il devrait y avoir à très court terme, ce devrait être au moins autour de ces critères qu’il aura à s’opérer, sinon les récurrences rétroactives dont l’histoire de Madagascar abonde (cf. la série d’article « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar » sur ce même blog), ne manqueront pas de jouer et rejouer à l’infini leur éternelle partition pour une cadence à rebours du progrès. 

A chacun donc, au nom d’une rupture nécessaire, d’un renouveau indispensable, et d’une ouverture souhaitée, de s’interroger et de dialoguer avec sa conscience…et non, toujours et encore, de s’arranger complaisamment avec elle.  

 

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

 

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