JAPON: L’ERE « REIWA »

Le Pays du Soleil Levant n’a pas son pareil pour relever les défis majeurs de son existence, démontrant au monde à travers les péripéties de son histoire sa capacité de résilience.

Il en est également ainsi en termes institutionnels avec un évènement majeur.

Ainsi, Sa Majesté Impériale Akihito, l’ancien Empereur du Japon – le Tenno – avait annoncé il y a peu en 2019 son abdication, pour voir son fils, le Prince Impérial Naruhito, lui succéder le 1er mai 2019 sur le Trône du Chrysanthème.

Il est le premier empereur japonais des temps modernes à abdiquer ainsi de son propre gré et à désigner son successeur.

Par voie de conséquence, avec la montée sur le trône de Akihito, l’ère Heisei (1989-2019) s’est achèvée à minuit le 30 avril 2019 et dès la première minute du 1er mai 2019 avait laissé place à l’ère Reiwa.

Le lundi 30 avril 2019, l’encore Empereur Akihito avait délivré un message de paix et de prospérité au peuple japonais lors d’une cérémonie d’abdication, étant entouré de toute la famille impériale.

L’abdication de l’Empereur Akihito a un précédent en cette époque moderne où la monarchie rime parfaitement avec la démocratie : celle le 2 juin 2014 du Roi Juan Carlos d’Espagne (cf. sur ce même blog l’article intitulé « Juan Carlos d’Espagne : un grand roi » daté du 2/6/2014).

Ce 1er mai 2019, lors d’une cérémonie solennelle tenue au palais impérial de Tokyo, au cours de laquelle l’Empereur Naruhito adressa un message aux trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, lui furent remis solennellement les trois symboles du Trône du Chrysanthème : le sabre, le miroir et le joyau impériaux. Quant à la cérémonie durant laquelle l’Empereur devait recevoir l’hommage des chefs d’Etats étrangers, elle eut lieu en octobre de la même année 2019.

                                               REIWA Vs. NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE ?

« Reiwa » fait référence, pour la première fois dans la tradition calendaire impériale japonaise, non plus à la tradition de la littérature chinoise mais à celle du Japon traditionnel, de l’ancienne anthologie de la poésie classique du Manyoshu (de l’époque 600 à 759), laquelle suggère la variation des saisons et de la Nature.

Le caractère calligraphique chinois « Rei » signifie « (bon) auspice » ou « (bon) ordre » tandis que le caractère « wa » fait référence à l' »harmonie » ou à la « paix ».

En d’autres termes, on pourrait traduire l’ère « Reiwa » par l' »ère de l’accomplissement de la Paix ».

Reiwa

Idéogrammes de « Reiwa » (JPRA) – Reproduction interdite –


Tandis que la Chine continentale entend retrouver à travers le développement des « Nouvelles routes de la soie » sa grandeur passée et met à l’évidence sa puissance commerciale et économique, couplée avec ses ambitions stratégiques à l’échelle planétaire pour de nouvelles avancées, le Japon mise sur une régénération, celles de son économie, de la re-vitalité sociale et d’une nouvelle société et couvre le tout d’un voile philosophique pour bien se distinguer de la vision jugée par trop matérialiste qui est à la base des « Nouvelles routes de la soie » chinoises.

De fait, l’économie japonaise reprend vigueur, mais au Japon le renouvellement des générations tend à se fragiliser, en particulier du fait du vieillissement de la population, d’un resserrement de la population active, d’un taux de natalité bien trop faible, de l’insuffisante du rôle accordé aux femmes (cf. sur ce même blog l’article intitulé « Le Japon à l’heure de la femme » daté du 26/2/2017), et d’une politique de l’immigration trop restrictive.

Ce pays a donc à relever l’ensemble de ces défis de façon urgente.

C’est clairement ce qui apparaît comme autant d’objectifs assignés aux générations japonaises présente et à venir par le Premier ministre Shinzo Abe quand, en ayant fait le choix du nom de l’ère « Reiwa », celui-ci avait fixé le cap d’un Japon devant être fier de nouvelles floraisons printanières à assurer après avoir subi les rigueurs de l’hiver.

En quelque sorte, une Renaissance.

Bal des baleinaux

« Le bal des baleines » – JPRA – Reproduction interdite –


Cette saisonnalité affichée dans les valeurs référentielles d’un pays qui a toujours placé haut l’idéal environnemental malgré les affres de la catastrophe environnementale de Fukushima, conforme à la Nature et à la sensibilité du peuple japonais, lui parle assurément.

Elle vient aussi caractériser une succession de cycles bien dans la tradition de cette philosophie proprement extrême-orientale qui veut que la progression cyclique (contrairement à la conception linéaire occidentale) obéit à une évolution dialectique dont il convient d’être pleinement conscient pour comprendre et maîtriser les réalités présentes.

Ainsi, dans ce sens faut-il être « faiseurs d’époque » ! Etre acteur de son devenir. Et non pas subir l’époque.

Et, donc, il faut commencer par la caractériser. Ainsi, dans le passé :

. L’ère Showa (1926-1989) correspondait aux tumultes de la militarisation du Japon suivie de la seconde guerre mondiale, puis à la pénible renaissance d’une nation sur les ruines de la défaite, et enfin à son entrée réussie dans l’économie mondiale ;

. tandis que l’ère Heisei (1989-2019) est connue pour être celle de l’éclatement de la bulle économico-financière qui a généré une période de déflation, a correspondu au terrible tremblement de terre du 11 mars 2011 et à la double catastrophe du tsunami et du désastre nucléaire de Fukushima.

Fort de ces expériences significatives de la vie d’une nation, le Japon, selon l’expression d’un chercheur de l’université de Kyoto, Tetsuji Atsuji, est ainsi invité à se ressaisir pour « vivre l’indicible impression d’apporter la Paix au monde ».

Vaste programme, comme dirait le général de Gaulle…

Mais, blague mise de côté, le message généré par l’ère « Reiwa »  – « Ere de l’accomplissement de la Paix » – est une belle invite qui parle certainement à l’esprit et au coeur dans le sens d’une humanité à vivre, et c’est bien ainsi, dans ce monde par trop baigné dans un matérialisme forcené.

Avec l' »Ere Reiwa », il y a par ailleurs – autre dimension à souligner – convergence certaine avec, d’une part la Constitution pacifiste japonaise (cf. article 9) et, d’autre part, les axes majeurs de la coopération japonaise, telle qu’elle est mise en oeuvre par la JICA (Japan International Cooperation Agency), et qui se caractérise par des choix délibérés dans les domaines environnementaux et de développement durable en direction des pays en développement.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo