REGLES JURIDIQUES ET ARTS MARTIAUX ( 1ère partie)

                               REGLES JURIDIQUES ET ARTS MARTIAUX – 1ère partie –

La pratique des arts martiaux, au-delà des règles de conduite qui ont valeur de charte propre à chacune des disciplines martiales, doit obéir à la règle de Droit.

Pour évident que soit ce rappel, encore faut-il connaître ces règles – or, selon l’adage: « nul n’est censé ignorer la loi » ! – , et au surplus bien en mesurer leur substance au risque d’être dans le vide.

Ceci n’est pas un cours de Droit et toutes les situations ne sont pas exhaustivement évoquées – loin de là – ; il s’agit tout simplement d’évoquer certaines situations concrètes qui peuvent poser question, pour mieux comprendre la portée de certaines notions.

Ainsi en est-il de ce qui suit :

JURIS…PRUDENCE

Sublime repas

« Après un bon repas » – Pastel – JPRA – Reproduction interdite –


LES FEDERATIONS, DELEGATAIRES DE PUISSANCE PUBLIQUE.

C’est ici un rappel, mais la notion n’est pas toujours bien acquise.

Les fédérations sportives – et, sous leur tutelle, les ligues qui leur sont affiliées – étant délégataires de puissance publique, cela signifie qu’elles ont une habilitation générale, des prérogatives de puissance publique, pour régir les conditions organisationnelles et déontologiques de pratique de la ou des disciplines pour lesquelles elles ont, respectivement, reçu délégation de la part de l’Etat (par le truchement du ministère compétent).

Il en résulte que la légalité des actes ou décisions desdites fédérations et/ou ligues est de la compétence exclusive des tribunaux administratifs et, au sommet de la hiérarchie, successivement des Cours d’Appel administratives et du Conseil d’Etat.

QUID DE L’ALCOOL ?

Un Etablissement d’enseignement ou de pratique de la culture physique, de sport ou d’arts martiaux est juridiquement considéré comme un Etablissement de formation ou de loisirs de la Jeunesse au sens de l’article L. 49-4 du code des débits de boissons, ce même s’il est ouvert indifféremment à des mineurs et à des adultes.

C’est ce qui ressort d’une jurisprudence bien établie de la Cour de Cassation (notamment : Aff. Bonal, arrêt de la Chambre criminelle du 20 juin 1973).

Moralité, et pour s’épargner toute interprétation toujours difficile à déterminer, surtout en cas  d’intervention de faits ayant provoqué des préjudices matériels ou corporels : mieux vaut éviter, même pour fêter ou sabler un succès, toute boisson alcoolisée dans l’enceinte même des lieux d’entraînement, de formation, de stage ou de démonstration…ce qui n’interdit pas d’aller au bistro d’à-côté ou de se « replier » dans un espace dédié aux réunions mais hors de l’enceinte desdits lieux d’entraînement, de formation, de stage ou de démonstration !…

-Mon katana et ses pommes 2

« Mon Katana et ses trois pommes », Pastel – JPRA – Reproduction interdite –


AÏKIDOKAS, KARATEKAS, JUDOKAS, ET AUTRES PRATIQUANTS D’ARTS MARTIAUX : DES « ARTISTES DE SPECTACLES » ?

Galas et autres démonstrations sont le lot commun des pratiquants d’arts martiaux, qu’ils se déroulent au sein des clubs ou dans d’autres lieux.

Pour le temps de ces évènements nécessairement ponctuels, ces pratiquants doivent-ils être considérés comme des artistes de spectacle, avec toutes les conséquences de droit, et les organisateurs – clubs, fédérations ou autres – comme des entrepreneurs de spectacles ?

La double question est difficile à trancher. Voici pourquoi.

La Cour d’appel de Paris (Aff. Association des catcheurs professionnels, arrêt du 28 mars 1980) avait eu à considérer que dès lors que dans un gala à entrée payante le but recherché est le divertissement des spectateurs par la mise en scène d’un combat plus ou moins agencé à l’avance, il y a pur spectacle et les participants sont considérés comme des artistes de spectacle et les organisateurs des entrepreneurs de spectacle.

On saisit bien la difficulté d’une nette distinction entre un gala de type « catcheurs » et un gala de type sportif et martial, car dans ce genre de manifestation sport et spectacle se rejoignent au moins sur un point : il y a du spectacle et les entrées sont payantes.

Mais – et le « mais », doit être souligné ! – , les galas de type sportif ou martial n’ont pas pour but premier le divertissement mais bien la promotion d’une discipline, et qu’à cet égard, par le caractère éducatif, et pourquoi pas culturel de la manifestation – cas des arts martiaux, surtout pour une discipline telle que l’Aïkido ou le Iaïdo – , ces galas ou démonstrations ne sauraient être considérés comme des entreprises de spectacle et les participants des « artistes de spectacles ».

La question est difficile à trancher définitivement, surtout qu’ici comme ailleurs en matière d’évaluation jurisprudentielle, les situations ne sont jamais figées…

Surtout que l’administration fiscale et les organismes sociaux, eux, peuvent être tentés d’avoir une autre interprétation en s’attachant davantage aux aspects financiers de la manifestation et au fait qu’elle est ouverte au grand public…tout contentieux à ces égards serait d’ailleurs de la compétence du juge administratif et non du juge judiciaire comme c’est le cas évoqué plus haut !

. 2ème partie à suivre –

 

Jean-Pierre RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO, Professeur d’Aïkido 5ème dan, ancien Président de la Commission juridique de l’Union Nationale d’Aïkido et ancien Conseiller juridique de la Fédération Européenne d’Aïkido