PANDEMIE COVID-19 ET BONNE GOUVERNANCE

Manampisoa
« Manampisoa » – « Surcroît de Bien » – aquarelle – Jipiera – Reproduction interdite –

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La très grave crise engendrée par la pandémie du Covid-19 ébranle dans ses fondements mêmes le fonctionnement de nos sociétés bâties sur certains acquis dont le caractère obsolète et inadapté saute aux yeux.

Parmi ceux-ci relevons principalement:

1. la conception même d’une économie dont le moteur ne fonctionnerait que par la libre concurrence et le profit, avec sa logique systémique financière et comptable à laquelle la dimension sociale, humaine et environnementale doivent seulement se greffer ;

2. une gouvernance subséquente marquée par un fractionnement structurel de l’Etat, une privatisation accrue et incontrôlée accompagnée d’un démantèlement des services publics au nombre desquels le système de santé, hospitalier, des services sociaux, et de l’introduction généralisée de la notion de rentabilité financière ;

3. un appauvrissement idéologique et de la pensée au profit des techniques de gestion comptable et d’efficience à court terme, y compris dans le débat politique et dans les réflexions qui se trouvent bridées par des considérations pratiques.

Nous n’allons pas théoriser sur ces différents points, qu’il faudra pourtant absolument solutionner dans le sens du changement et de l’innovation en replaçant l’Homme au centre de la réflexion et de l’action.

Par contre, à ce stade posons le plus clairement possible et de façon concise les exigences de cette Centralité de l’Homme afin d’éviter les écueils et dégager des pistes d’action pour une Bonne Gouvernance active.

Car, en ligne de mire, que beaucoup trop de nos dirigeants ne parviennent pas à voir tant leur regard est rivé sur l’immédiat, se profile nettement une déshumanisation galopante.

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HARO SUR LE MALTHUSIANISME ET SES DECLINAISONS

On a vu et entendu certains « grands » journalistes, commentateurs ou même scientifiques et jusqu’à la Présidente actuelle de la Commission européenne, ce avec des formules plus ou moins explicites, prôner avec suffisance et conviction, soit la mise au ban, soit le confinement sélectif plus ou moins perpétuel, soif même une forme d’euthanasie d’une classe désignée comme étant improductif ou comme un poids insupportable que sont les « vieux »…

Quelle que soit leur formulation plus ou moins « nuancée », et au-delà du caractère plus que scandaleux de tels propos et considérations, surtout venant de personnes détenant des charges publiques ou un rôle d' »influenceurs » d’opinion et/ou de lobby, ils révèlent par inadvertance coupable ou par imprégnation idéologique – ce qui est plus grave – une résurgence de la vieille théorie de Malthus appliquée à un grave questionnement éminemment social et politique qui concerne la gouvernance publique elle-même au sens plein du terme.

La contrainte morale ainsi imposée et qui implique l’adoption de solutions visant, au mieux (!) à stigmatiser une couche de la population, mais avec pour conséquence fortement souhaitée (!) qu’elle disparaisse, suggérant que les « vieux » mourront ainsi de leur belle mort, nous font revenir à de douloureux souvenirs d’une époque de souffrances sociales de la fin du XVIIIème/début XIXème siècles pendant lesquels la « révolution industrielle » commençait à broyer les hommes et les femmes au profit de la rentabilité économique, mais aussi à ces cohortes d’inhumanité du XXème siècle vécues par les victimes des internements, ségrégations, campements et autres formules concentrationnaires ou de mises à l’écart de la société.

Que celles et ceux qui osent proposer de telles inepties se reprennent, mais certes nous leur accordons la présomption d’innocence, le bénéfice du doute ou l’inconscience momentanée…

Les « vieux » ne sont pas par définition des « personnes à risques »; les scientifiques auto-patentés qui, à l’instar de gestionnaires épris d’efficacité comptable ou financière ne regardent qu’avec des yeux suffisants les statistiques et autres courbes mathématiques, feraient mieux de creuser davantage leurs méninges pour mieux analyser la réalité des situations avant de conclure péremptoirement à une stigmatisation en tout état de cause condamnable.

Rappelons aussi que c’est par imprégnation – même édulcorée – de la vision malthusienne, traduite de façon « moderne » dans le système ultra-libéral de l’organisation sociale anglo-saxonne qu’aux Etats-unis et au Royaume-Uni le système de la santé publique est si pauvre et sélectif. Et malheureusement, alors même qu’il était si performant et servi en modèle, le système français de la santé publique s’en est peu à peu inspiré pour des objectifs de rentabilité financière, jusqu’à révéler aujourd’hui, à l’occasion de la crise du Covid-19 avec sa cohorte mortuaire, l’absolue nécessité de le remodeler comme avant.

MENACES CONTRE LES LIBERTES ? ATTENTION A LA CRIMINALISATION ET A LA DESHUMANISATION GALOPANTE

En filigrane de ces considérations idéologiques appliquées à une catégorie de citoyens, auxquelles précisément s’ajoute la place même dudit citoyen dans la société, on doit aussi se poser la question fondamentale : quid de la liberté civile ?

Car, demandons-nous jusqu’à quel point, pour les nécessités et exigences de la lutte contre la pandémie et pour la santé publique, les mesures prises par les autorités publiques sont-elles légales – au sens de la norme juridique et non de la simple forme législative – et légitimes ?

Il nous faut donc, ici aussi, revenir à des notions fondamentales.

La liberté civile se distingue des libertés publiques et des libertés individuelles.

Or, les mesures prônées ou adoptées pour lutter contre la très grave pandémie du covid-19 peuvent empiéter, déborder, contourner, suspendre voire même supprimer chacune ou l’une de ces libertés, plus ou moins temporairement, plus ou moins partout sur un territoire donné.

La vigilance est donc de mise et tant chaque citoyen que les instances publiques et non-gouvernementales doivent, chacune et chacun dans leur rôle propre, l’exercer et pouvoir le faire à tout moment et partout pour pouvoir agir/réagir à tout moment et à bon escient, ce pour le bien public et au nom du Droit.

Pour cela, on se rappellera que:

. la liberté civile consiste à pouvoir faire – ou ne pas faire – tout ce qui n’est pas défendu ou limité par la loi ou le règlement. L’Habeas Corpus en est l’expression primaire. C’est la prérogative même, inconditionnée et de libre exercice, dont jouit l’individu et le citoyen libre;

. les libertés publiques sont celles reconnues à l’Homme – sans distinction entre homme et femme…cela va sans le dire…! – , telles qu’elles sont reconnues et définies dans les textes juridiques, mais aussi, dans un sens plus large, celles qui sont considérées comme étant intrinsèques ou inhérentes à la nature humaine (désignées plus spécifiquement « droits de l’Homme » ou droits humains »);

. les libertés individuelles font partie des libertés publiques, au même titre que le sont les libertés politiques ou les droits sociaux et économiques.

Ici, sans aller plus loin dans ce débat fondamental mais afin de poser de solides balises, tant pour le législateur que pour le gouvernant, il faudra mieux encore qu’hier et qu’aujourd’hui en temps normal, exercer une vigilance accrue contre la tentation, au nom trop facile de l’ordre public, d’inventer des lois et règlements qui aboutissent à criminaliser le citoyen. Car, devant des nécessités qui ne sont pas toujours maîtrisées la tentation est trop grande d’édicter des règles d’ordre public ou de mettre en oeuvre des dispositifs, même provisoires, clairement attentatoire à la liberté civile, laquelle doit pourtant constituer une règle absolue.

Dans le cas contraire, c’est la porte ouverte à la criminalisation du citoyen et, par extension, de la société entière. Ce qui, de proche en proche risque sérieusement de se produire, surtout quand une décision d’ordre politique se prend au seul vu de données statistiques et d’indicateurs mathématiques, comme c’est le cas concernant ce « fameux » traçage des citoyens pour, paraît-il, mieux pister les malades du Coronavirus et prévenir sa propagation. On va, pour cela, jusqu’à créer des brigades de détecteurs qui iront faire la traque desdits citoyens suspects, virtuellement criminalisés et finalement mis en isolement ! C’est ni plus ni moins du néo-nazisme…

Au fond, ce qui se profile c’est une société où la norme comportementale sera la règle, avec ses exigences règlementaires et son système de sanctions. A cet égard, on ferait bien d’observer ce qui s’est mis en place en Chine où, historiquement une certaine interprétation de la branche légaliste du confucianisme nourrie très opportunément la pratique chinoise du communisme. Et, on observera que l’outil informatique est devenu l’instrument privilégié d’un système qui broie et soumet le citoyen à un niveau tel d’aliénation qu’il n’a plus aucune possibilité, sauf à être incriminé des pires qualifications pénales, penser ni se mouvoir librement…

Est-ce cette perspective qu’on veut ?…

Il est de fait que le « tout informatique » renvoie systématiquement le citoyen aux algorithmes informatiques et le rend aliéné mentalement, psychologiquement, matériellement et économiquement puisque de proche en proche il n’est plus possible de s’en passer pour agir et vivre.

La déshumanisation est ainsi dans une marche galopante dont on n’est plus conscient à force de se soumettre à une forme de diktat informatique, qu’il suffirait pourtant de mieux contrôler et de l’assigner à son rôle premier : aide à la décision et à l’action, et non pas le contraire…!

En tout cas, et sur tous ces sujets, le malheur est qu’on est en présence, non de responsables politiques et de gouvernants mais de simples gestionnaires se contentant de suivre une logique systémique et,au mieux, inconscients des implications et conséquences de leur suffisance.

C’est très grave ! Et il faut se ressaisir absolument !

C’est donc étant armé des notions rappelées ci-dessus qu’en tant que citoyen il nous faut évaluer le degré éventuel de dangerosité des mesures prises ou à prendre par les autorités publiques dans la lutte actuelle contre la pandémie du covid-19.

Montagnes ensoleillées
« Soleil sur les montagnes », aquarelle – Jipiera – Reproduction interdite –

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RÔLE DU SCIENTIFIQUE DANS LA GOUVERNANCE – SALUT PUBLIC POUR UNE SOCIETE NOUVELLE ET UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL –

L’analogie faite par le Président de la République française quant au caractère de la lutte actuelle contre le Covid-19 à une guerre peut surprendre, mais elle est totalement fondée.

Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’une attaque généralisée et frontale contre l’intégrité physique d’une nation entière, et précisément parce qu’elle n’a pas d’identité déclarée, est invisible mais reconnue dans sa nature, individualisée dans sa dangerosité et matérialisée dans son ampleur, la mobilisation générale se devait d’être décrétée, raison pour laquelle subséquemment tous les moyens se devaient d’être mis en oeuvre, civils comme militaires, dans une coordination nécessaire selon une stratégie précise.

Assurément, la permanence des références gaullistes et gaulliennes aide aux prises de décisions et directions d’actions.

Les termes étant ainsi posés, ici comme ailleurs chaque sphère dans cette structure organique doit tenir son rôle dédié, ce sans empiètement. Car, il s’agit d’assurer à la chaîne de commandement son efficacité maximale.

Comme en temps de guerre, la tête du commandement suprême se doit de s’entourer, en plus de son propre état-major, d’un Conseil structuré qui, en l’occurrence, est constitué par le Conseil scientifique composé en particulier des différents professionnels de santé. Mais pas que…Car, le scientisme ne doit pas se concevoir, en l’occurrence, de façon exclusive autour des seules compétences médicales ou para-médicales mais doit inclure ce qui est convenu d’appeler les sciences humaines, les sciences de la Terre et, surtout, l’Ethique qui est une discipline à part entière qu’il convient de privilégier.

Ajoutons que face au Covid-19 la science elle-même est encore dans la phase de recherche. Il s’en déduit que quand certains scientifiques se répandent dans les médias pour dire leurs « vérités », trop souvent dans la plus grande confusion d’une compétition – quelques fois malsaine – entre eux, on est en droit et en légitimité d’exiger d’eux de se taire et de se concentrer sur leurs propres travaux, ne serait-ce que pour qu’ils se conforment à leur propre déontologie.

Autre écueil : voici que les statistiques s’imposent dans certaines conclusions médicales, comme en science économique et en politique économique persistent à s’imposer et à se répandre l’économétrie et la modélisation envahissantes, pour répandre des vérités qui, demain, seront démenties par d’autres faits, analyses et découvertes…Le « tout technologique » donne à l’ensemble un visage et l’apparence de la sophistication pour endormir l’esprit critique. Là aussi, que ces « scientifiques » et autres technologues auto-patentés se taisent et apprennent les vertus de la modestie afin d’éviter qu’ils répandent des vérités versatiles et pourtant bien trop subversives à force de martèlement…

Il s’agit pour les responsables politiques, ici comme ailleurs pour résoudre les problèmes dans leur acuité et relever les défis dans leur interconnexion, d’exercer avec autant d’acuité leur pouvoir d’appréciation, de savoir faire la part des choses et d’avoir une vision et une stratégie d’action holistiques.

Si au cas présent de cette pandémie ledit Conseil scientifique est la tête chercheuse et pensante du système, le pouvoir décisionnel, éclairé par ledit Conseil mais aussi par d’autres instances, appartient au commandant suprême, en l’occurrence ici au Président de la République.

Il en est ainsi et doit le demeurer. Parce que c’est à lui de décider à la fois en opportunité en prenant en compte les différents paramètres non-exclusivement scientifiques, et parce qu’il est de sa haute responsabilité e tenir étroitement compte des différentes dimensions d’une vie et existence nationales, notamment celles évoquées plus haut dans cet exposé.

C’est pourquoi également, il est sans doute dans le bon ordre des choses, et se plaçant dans l’exigence d’une Bonne gouvernance responsable, que dans un esprit de Salut public le Président de la République décide de la formation d’un gouvernement de cette nature.

Car, il s’agit que la mobilisation générale prônée ait un visage identifié.

Il ne peut s’agir d’un simple gouvernement dite d' »union nationale » qui consisterait en une sorte d’auberge espagnole où cohabiteraient dans un désordre hétéroclite diverses formations politiques qui aurait pour résultat d’introduire au sommet de l’Etat des chamailleries interminables.

Il s’agit au contraire d’appeler des hommes et des femmes représentatifs de l’engagement plein et entier d’une nation soudée autour d’un impératif commun: vaincre l’ennemi d’aujourd’hui pour reconstruire demain autour d’une seule considération, celle d’une Société Nouvelle plus humaine et fraternelle !

En d’autres termes, il faudra aller à la source d’un nouveau pacte républicain qui puisse se traduire par un nouveau contrat social, valeur d’action dans laquelle se retrouvera unie et mobilisée la nation entière.

Pour cela, l’Etat doit reconquérir ses prérogatives premières, c’est à dire : prioritairement reconstituer et revitaliser les services publics, au premier rang desquels le système hospitalier et de santé qui depuis trop longtemps a été illégitimement démantelé (introduction de la gestion privée des établissements hospitaliers, tarification des actes médicaux à l’acte, démaillage des implantations médicales dans les territoires, etc…); rétablir les secteurs d’économie mixte pour assurer la permanence de la production et de la disponibilité de produits de première nécessité; etc…

EN GUISE DE CONCLUSION: A LA RECHERCHE DE L’HOMME OU DE LA FEMME DE LA SITUATION ET DU SALUT – LE CONSEIL NATIONAL DU SALUT PUBLIC (CNSP)

Selon le dicton, « les circonstances font les hommes…et,à situation exceptionnelle, homme exceptionnel » – la formule, cela va de soi, s’applique bien entendu indistinctement au genre masculin comme au genre féminin ! -.

Nul n’en doute, en tout cas nous en sommes pleinement convaincu, la situation actuelle, dont les effets, conséquences et relents s’étendront sur le long terme, réclame et commande qu’hommes et femmes à la conscience aiguisée sur l’ensemble des nécessités évoquées ci-dessus, émergent et s’imposent.

Car, il faut non seulement mettre un terme aux recettes à la petite considération matérialiste d’hier et d’aujourd’hui dans la direction des affaires publiques, mais laisser d’urgence et résolument place, non à des « leaders » illuminés mais à de hautes consciences responsables mues par un sens humain véritable.

S’agissant spécifiquement de la France, et pour rester dans l’époque contemporaine, durant les deux conflagrations guerrières de la première et de la seconde guerres mondiales, Clemenceau « le Républicain exigeant » et de Gaulle « le Héraut du Salut » surent chacun en son temps incarner le sursaut et l’Espérance recherchés…

Aujourd’hui et très prochainement, qui seront l’homme et/ou la femme qui incarneront notre quête ?

Mais, ce n’est pas tout. Car, un seul homme, une seule femme ne suffisent pas à redresser une situation aussi bouleversante que celle provoquée par les secousses déstructurantes de la pandémie du Covid-19.

Comme ce fut le cas lors de la Résistance et des promesses de la France Libre durant la seconde guerre mondiale, il faudra certainement s’inspirer des principes développés au sein du Conseil National de la Résistance, le fameux CNR qui avait su poser les bases de la Reconstruction dans un esprit de Salut Public mais avec les projections nécessaires aptes à baliser la voie du Renouveau.

Bref, formuler le nouveau pacte social et républicain pour ranger dans les oubliettes de l’Histoire les erreurs du passé et sonner l’heure de l’Espoir.

Il faudra donc mettre en place un Conseil National du Salut Public – CNSP – concomitamment à l’émergence de l’homme ou de la femme de la situation et du salut.

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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REPRODUCTION INTERDITE DES TEXTES ET ILLUSTRATIONS
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