DESESPOIR – FAMOIZAM-PO

Rova (vue facade principale)
Le Rova d’Antananarivo du temps de sa splendeur comme Musée national de référence (années 1950-60) – Archives personnelles – Reproduction interdite – *** Voir P.P.S en fin d’article.

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LE DESESPOIR – FAMOIZAM-PO – SACCAGE D’UN PATRIMOINE – FANIMBANA NY HARENA

A Antananarivo et, tout particulièrement au ROVA, c’est la DESESPERANCE à marche forcée depuis deux ans maintenant…

C’était au jour de l’Ascension de l’année 2020 au mois de mai, celle de l’ascension miraculeuse de Jésus aux cieux, celle de la joie qui devait nous saisir, me saisir, que j’avais écrit la première version du présent article.

Et le 30 octobre 2020 j’apprenais avec consternation à l’unisson avec mes compatriotes l’inauguration très prochaine du « Coliseum » du Rova d’Antananarivo pour le 6 novembre 2020, et toujours à l’unisson avec tous mes compatriotes malgaches mon coeur chavirait sans jamais pouvoir se consoler par la suite puisque l’hideuse bâtisse continue de hanter la mémoire des lieux sacrés de ce Rova dans cette partie Sud précisément vouée à la sacralité du site historique.

Et ce n’est pas la pensée de Saint Benoît qui pourra en atténuer les effets, lui qui disait et avait prescrit dans ses pensées de ce jour d’ascension : « Gardes la mesure en toute chose: ni trop, ni trop peu ».

En lieu et place, je ne peux que clamer haut et fort ma désolation, ma désespérance dans toute sa dimension, celle en l’occurrence de l’ignominie d’un saccage en règle du patrimoine mémoriel le plus important, le plus symbolique et le plus cher au cœur de tout un peuple qui continue de se dérouler sous nos yeux éberlués.

J’ai nommé : le ROVA d’ANTANANARIVO.

Et vous avez osé bâtir sur le site, à deux pas du Palais Manjakamiadana, en insultant au passage la sacralité que représente la Case « Besakana » du Grand Roi Andrianampoinimerina, et face au Temple royal, un COLISEUM non seulement aux dimensions démesurées mais nommément voué, dites-vous, aux loisirs populaires ?

A peine avions-nous eu le temps d’exprimer notre profonde inquiétude, notamment depuis plusieurs années au moyen de maintes démarches ciblées auprès de hautes autorités supposément « responsables » et à travers maints articles, qu’avec la violence d’une armada destructrice pelles et autres machines infernales de bâtisseurs de chimères se sont prestement emparés des lieux sacrés de la Royauté malgache pour commettre ce qui en esprit s’apparente à un crime.

Car, n’ayons pas peur des mots, en référence aux principes normatifs désormais admis par les instances internationales idoines, celles en particulier de l’ICCROM, du Centre du Patrimoine Mondial et de l’UNESCO, toute destruction volontaire d’un patrimoine culturel et historique exceptionnel est constitutive de crime contre l’humanité.

En l’occurrence, il est vrai qu’une once de circonstance atténuante pourrait éventuellement être retenue du fait que la dénaturation, suivie d’un début de saccage des lieux, se sont succédés tout au long de la dizaine d’années durant laquelle le ROVA d’ANTANANARIVO a subi tous les outrages inimaginables.

Mais, jamais pouvait-on imaginer ce qui s’était commis et continue de se commettre actuellement… !

Or, le ROVA d’ANTANANARIVO, même s’il n’a pas encore été officiellement sacré par le Centre Mondial du Patrimoine de l’UNESCO n’est-il pas depuis quelques années inscrit sur la Liste des sites éligibles ?

Mais, là n’est pas l’essentiel. Il est dans le cœur, dans l’âme, dans la culture, dans le système de croyance de tout un peuple, toutes générations et toutes catégories sociales et confessionnelles confondues.

Un patrimoine de cette importance se mesure ici à Madagascar à l’aune du respect sacré de l’héritage issu de nos ancêtres. Le devoir de le conserver, de l’entretenir, de le valoriser est tout aussi exigeant et sacré.

Respectez leurs œuvres ! Ils sont notre patrimoine commun, et par extension celui du genre humain, car elles sont entrées dans l’Histoire partagée.

Le ROVA n’est pas seulement l’âme d’Antananarivo, il l’est de Madagascar.

En lieu et place, par sa masse hideuse digne des pires reconstitutions hollywoodiennes du plus mauvais goût, par son caractère proclamé haut et fort de lucre, ludique et festif pour attirer la populace, le Coliseum dont les contours en construction narguent déjà outrageusement le Palais de Manjakamiadana, qu’il cache d’ailleurs à la vue de tous dans le paysage, qui était prévu d’être inauguré le 26 juin 2020, jour anniversaire de l’Indépendance de Madagascar, ne l’était finalement que le 6 novembre 2020.

Il faut savoir également que ce Coliseum est construit sur ce que furent les vestiges des fondations du Palais « Masoandro » de la reine Ranavalona III, lesquelles ont donc disparues, effacées de l’histoire alors que jusque là elles étaient pieusement sauvegardées et signalées à l’attention des visiteurs du Rova d’Antananarivo !…

Or, cette date n’est pas anodine. Car, c’est dans la nuit du 5 au 6 novembre 1995, il y a donc 25 an jour pour jour, qu’eut lieu l’incendie criminel du Rova d’Antananarivo, cet acte sacrilège qui avait détruit tous les édifices de cette Acropole malgache !

Le symbole est terrible !

Cet hideux « Coliseum » ajoute donc avec une folle insolence à l’ignominie et anéantira toute l’histoire et toute la charge mémorielle des lieux.

Les hautes instances de l’UNESCO s’en étaient déjà officiellement émues dès ce mois de février 2020 au moyen d’une lettre officielle adressée par la directrice générale du Patrimoine Mondial aux hautes autorités malgaches via la Représentante permanente de Madagascar auprès de l’UNESCO.

Vous entendez la clameur de désespoir de tout un peuple, mais ferré dans vos vaines certitudes vous ne voulez en prendre garde ni lui accorder la moindre attention.

C’est donc inévitablement l’Histoire qui, tôt ou tard, jugera ! Et avec elle, les mânes des souverains des lieux !

Assurément certes, vous êtes entré dans l’Histoire…et vous en êtes convaincu avec une arrogance insupportable, mais savez-vous au moins que vous y êtes entré du mauvais côté, dans le mauvais sens et avec une suffisance, une insolence défiant tout entendement ?

Vous n’en avez cure, et il nous reste donc à en appeler au destin, car lui, demain et très vite se chargera de la Providence des malheureux que nous sommes aujourd’hui pour nous faire cheminer vers le salut.

Rova renaissant
« Le Rova renaissant », peinture allégorique d’une réhabilitation dans les règles de l’Art souhaitée. Huile sur toile – Jipiera – Reproduction interdite –

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Pour ma part, celle de ma mère qui a fait de ce lieu une enceinte muséale de référence et unique en son genre à Madagascar, celle de mes proches aussi, ayant résidé près de dix ans les lieux au Palais « Tranovola » durant l’époque de la splendeur du Rova d’Antananarivo en tant que musée national de référence, y compris mondialement, en connaissant tous les recoins et s’étant imprégné de leur esprit, j’ai un sentiment de viol

La chair est meurtrie autant que l’âme est blessée au plus profond.

Et ça, c’est pour la vie, car je ne vois pas comment demain ou après-demain une réparation est possible, le mal ici étant coulé dans le béton.

Jean-Pierre Razafy-Andriamhaingo

* NOTA :

Sur ce même site, j’ai relaté en une série d’articles intitulée « Le Rova d’Antananarivo » l’histoire de cette citée royale ainsi que les reliques qui y étaient exposées durant les années de splendeur de ce musée, avant que survienne l’incendie criminel de novembre 1995.

Cette série d’article reprend pour l’essentiel les bonnes feuilles du livre de ma très regrettée mère, premier conservateur en chef de ce Musée du Rova d’Antananarivo de 1946 à 1961. Ancienne Chargée de Mission auprès du Conservateur en chef du Musée de Versailles et des Trianons de 1943 à 1946, c’est elle qui fit ce Musée du Rova d’Antananarivo, dont la splendeur était louée par tous ses visiteurs, y compris les plus célèbres d’entre eux, comme le Général de Gaulle, l’Aga Khan, le Sultan du Maroc Mohammed V, François Mitterrand ou la Princesse Anne du Royaume-Uni.

Livre Rova 2Livre Rova

** POST-SCRIPTUM (22/5/2020):

Certains commentateurs-censeurs – très peu nombreux, heureusement -, nécessairement mieux avisés et documentés que d’autres, n’est-ce pas, se pavanent avec suffisance et prétention en pointant du doigt celles et ceux qui, paraît-il, se contenteraient d’exprimer leur émotion devant cette ignominie. Et ils se posent la question de savoir qu’ont-elles, qu’ont-ils, fait pour empêcher cela et que comptent-elles, que comptent-ils, faire pour y remédier ?

Mesdames et Messieurs les commentateurs-censeurs, avec votre intellectualisme mal digéré, allez farfouiller ailleurs et laissez les gens de bien et de coeur s’exprimer !

Qu’ils sachent tout simplement, pour ce qui me concerne personnellement, combien de façon constante depuis plusieurs années – alors qu’en ces temps-là où étaient-ils ces commentateurs-censeurs ? …- j’avais agi avec constance même en solo puisque personne – surtout pas eux – n’était en position ni en volonté de relayer mes actions…

Allez ! Passez votre chemin…!

*** P.P.S :

Je dois déplorer que certaines personnes et organisations – dont je n’aurai pas la désobligeance de douter du sérieux – ne s’embarrassent d’aucun scrupule pour « piquer » cette photographie qui fait partie de mes archives personnelles (comme expressément indiqué) pour illustrer leurs propos, en particulier sur Facebook, sans aucunement mentionner leur source. Une telle pratique, bien trop répandue, mérite sanction.