LES PREMIERS SOUVERAINS REFORMATEURS ET MODERNISATEURS DE MADAGASCAR

souveraineté

« Souveraineté » – Acrylique sur toile – Jipiera – Reproduction interdite –


Ma conviction acquise se résume en cette formule:

. connaître l’Histoire et comprendre le passé, c’est savoir ce qu’est la réalité présente, évaluer le devenir, et voir se profiler l’avenir.

C’est ce qui me guide dans cette traversée des siècles à laquelle je me suis décidé à m’attacher dans l’évocation de ces six siècles – du XVIème au XXIème – au cours desquels Madagascar et les Malgaches – Malagasy – ont inscrit leur évolution.

                                                                 EQUARRIR 

S’il fallait synthétiser les choses pour bien saisir les fondements de la royauté malgache, voici ce qu’il conviendrait de retenir.

Durant une longue période s’étalant des XIII-XIVème siècles (règne de Andrianerinerina à Anerinerina – 1300-1320 -) jusqu’à la fin du XVème-début du XVIème siècles (règnes successifs de Rafohy, puis de Rangitatrimovavy – de 1520 à 1540 -), les régions malgaches ont connu plusieurs passages structurels.

Ainsi est-on passé de la chefferie, jadis assurée à l’origine à Madagascar par les « chefs du peuple » (d’extraction roturière) venus des lointaines terres indonésiennes et malaises en précurseurs, puis de la principauté à la royauté (assurées en forme d’héritage par les branches princières et royales), caractérisées d’abord par l’intégrité territoriale pour passer ensuite cumulativement par la souveraineté et par la reconnaissance de la sacralité du monarque.

Cette longue période aboutit ainsi :

  • au début d’une forme d’étatisation ordonnée,
  • qui ajoute à la maîtrise territoriale celle des rouages d’une administration structurée,
  • et se complète par un sentiment d’appartenance collective dépassant le cadre tribal ou de lignage reconnu.

C’est en outre dans ces conditions d’enchaînement dialectique que peuvent s’exercer la capacité réformatrice et les visées assignant le cap qu’ont à assumer ceux qui les ont en charge pour faire avancer ce qui, désormais, doit se profiler comme une nation en devenir…

En somme, équarrir ce qui jusque là était seulement en germes…

En d’autres termes, être l’architecte, le maître d’oeuvre, d’un édifice dressé pour durer dans le temps et l’espace et être ainsi un foyer pour la postérité et la prospérité. 

Oui, et de ces points de vue on peut affirmer que Andriamanelo (qui règne à Alasora – 1540 à 1575 -) et son cousin contemporain Andriandranando furent les premiers souverains réformateurs et modernisateurs de Madagascar, du moins de l’Imerina en devenir en cette fin du XVIème siècle, et de Madagascar en lointaine pointe de mire mais dans une perspective certaine.

                                                                LA MARCHE EN AVANT

Tout spécialement et en pleine conscience d’oeuvrer pour le bien des leurs, les deux cousins surent taire leur rivalité territoriale – ce que le prince Andriandranando fit avec brio – pour se rapprocher et s’allier pour faire naître, grâce à la territorialisation de leur ambition commune, celle de faire émerger une véritable nation Merina devant constituer le socle d’un royaume unitaire, le Royaume de Madagascar en devenir.

Une telle résolution exceptionnelle, à valeur et portée historiques, est à souligner.

Sur les circonstances en justifiant, nous renvoyons le lecteur à notre article « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar », 1ère partie, sur ce même blog (cliquez: « archives d’octobre 2013 »).

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Tout particulièrement ici, s’agissant de l’art militaire dont dépendait ce que nous appellerions aujourd’hui la « bonne gouvernance » dans l’histoire de Madagascar de la fin du XVIème siècle, le roi Andriamanelo se distinguait par son habileté au maniement de la lance et du javelot, armes qu’il perfectionna largement à la faveur du développement de l’industrie de la forge et grâce auxquelles lui et son armée purent combattre victorieusement et assurer la défense et l’intégrité du royaume.

Il faut dire qu’en cela, ce roi précurseur fut épaulé de façon déterminante par son cousin, le prince Andriandranando, qui fut le premier en Imerina à y introduire le fusil et à en faire un usage remarqué lors de batailles décisives, de même qu’il fut un peu plus tard le premier à utiliser le canon.

Le séjour premier du prince Andriandranando dans les régions de l’est de Madagascar lui avait permis d’être en contact avec certains chefs locaux, eux-mêmes en commerce avec des marchands d’armes venus d’Europe ou du monde arabe, mais surtout il put avoir des rapports avec des navigateurs portugais qui lui fournirent des armes à feu et des canons. Et tout naturellement, il fut donc placé à la tête de l’armée du roi Andriamanelo, et de là également est née la tradition séculaire du clan des Andriandranando dans l’art de la guerre .

Sa connaissance des us et coutumes inspirés du monde arabe, notamment de la cosmogonie, lui permit également de faire l’apport en Imerina de valeurs nouvelles, y compris en matière de ce que nous appellerions aujourd’hui la « bonne gouvernance », le rôle assigné au prince Andriandranando étant alors celui de grand devin à la manière des druides. Certaines annales le présentent d’ailleurs comme un « faiseur de miracles » ou tout au moins comme un prédicateur, voire un redoutable jeteur de sort…en ce dernier point ne dit-on pas qu’il avait le pouvoir de jeter des sortilèges pour faire fuir de terreur ses ennemis lors de fameuses batailles, notamment à Ambohipeno ?…

Ce qui fit croître d’autant la position éminente et centrale occupée par ce prince dans le royaume Merina alors naissant, le premier des conseillers,  jusqu’à faire de lui le symbole même de l’art militaire et stratégique, ainsi que de l’art de gouverner de l’époque et de celle du roi Ralambo, en plus d’être l’initiateur d’une tradition militaire séculaire qui fera du clan des Andriandranando, tout au long des règnes suivants, le gardien du talisman des armes en même temps que le détenteur exclusif de l’art de l’argenterie royale.

Et ce qui, sans aucun doute, constituera le legs dynastique et historique fondamental dont il sera à l’origine avec les descendances directes du roi Andriamanelo, c’est que ce « prince au sang nimbé » – traduction littérale de son nom « Andriandranando » – formera, avec le renfort de son alliance matrimoniale avec la fille aînée du roi, la trinité des Andrianteloray – « les trois nobles d’une même parenté » – ,  la source héréditaire commune et référentielle de la royauté merina et, par la suite malgache, tout au long des siècles suivants

C’est donc là où se trouve, de façon permanente, la racine génératrice de la royauté malgache pour, notamment, constituer la référence dynastique nécessaire à toute re-fondation apte à soutenir des projets d’avenir pour Madagascar et son peuple actuellement en perdition et à la recherche d’eux-mêmes.

Une nation, comme une personne, c’est comme un arbre: son épanouissement dépend de ses puissantes racines autant que de ses branches et feuillages; c’est par eux que se font la bonne respiration et les bonnes inspirations dont dépend la vitalité.

Les bases étant ainsi posées, je vous invite donc maintenant à lire et à parcourir avec moi sur ce même blog les évolutions suivies par ce que sera Madagascar au cours des siècles à travers les treize articles formant la série intitulée :

. « Réformateurs et modernisateurs de Madagascar ».

Bonne lecture !

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

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Une réflexion sur “LES PREMIERS SOUVERAINS REFORMATEURS ET MODERNISATEURS DE MADAGASCAR

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