NY TERAK’RAZAFINDRAMANANA – TRADITION ET MODERNITE

A gauche: Pierre Razafindramanana, jeune fonctionnaire (XV honneurs en 1931) des travaux publics       A droite: le couple Pierre Razafindramanana-Félicie Ravaonanahary lors de leurs noces d’or à Andohalo (1953) 

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NY TERAK’RAZAFINDRAMANANA – LES HERITIERS RAZAFINDRAMANANA – TRADITION ET MODERNITE

Ecrire sur sa propre « tribu » n’est pas chose aisée, mais un tel exercice s’abreuve à la source d’un besoin, celui de transmettre.

Pas pour un quelconque exemple qui serait exemplaire, mais tout simplement pour la culture de nos générations, celles en particulier présente et à venir, afin qu’elles se nourrissent de cette mémoire des temps qui est nécessaire à leur identité et au soutien de leurs ambitions respectives.

Or, bien des familles malgaches, où qu’elles se trouvent dans l’immensité de ce fertile territoire malgache, ont de quoi se référer dans leurs propres traditions, si tant est que chacune et chacun de leurs membres veuillent bien y prêter leur meilleure attention afin d’identifier le bon grain leur permettant d’agir et de progresser dans le bon sens de l’histoire dans un pays, Madagascar, où les pesanteurs générées par trop de déviances empêchent les percées attendues.

UN ANCRAGE ANCESTRAL QUI PORTE A RESPECTER L’HERITAGE ET A CULTIVER LE PROGRES

A ce sujet, quelle autre meilleure illustration allégorique que celle de deux arbres, solidement ancrés dans leurs racines terriennes respectives et déployant par tous temps leurs branches feuillues au pied desquelles les aînés pour se bercer du rythme du temps aiment s’abriter du soleil ardent et à l’orée desquelles s’égaient les plus jeunes.

Voici donc pour Pierre Razafy-Andriamihaingo (et sa fratrie), comme héritage du côté de la mère appartenant à la Maison princière des Andrianamboninolona, une grande demeure perchée sur la colline sacrée d’Ambohitromby au milieu d’une végétation luxuriante à quelques encablures au nord d’Antananarivo. Et voici, comme autre héritage venant cette fois-ci du côté du père appartenant, lui, à la Maison princière alliée des Andriandranando, une demeure traditionnelle sise à Ankadindramamy dans la proximité d’Antananarivo.

C’est en la mairie de cette dernière localité qu’en 1903 le couple Félicie Ravaonanahary-Pierre Razafindramanana se sont unis par les liens du mariage, elle ayant 16 ans et lui 21, ce avant que la cérémonie religieuse se déroule en la paroisse de Soamanandrariny, ancien fief du prince Andrianifatsy – fils cadet du prince Andriandranando – , devenu à la fin du XVIIIème siècle capitale de la Maison des Andriandranando et lieu de naissance de Pierre Razafindramanana le 11 novembre 1882. Félicie Ravaonanahary est quant à elle née le 28 août 1887 à Ambohitsiroa

Le couple décide alors en 1907 de s’établir à Antananarivo dans la demeure natale de la jeune mariée perchée sur la colline de Ambohitsiroamanjaka ou Ambohitsiroa (« colline où l’on ne règne pas à deux »), quartier qui du temps de la royauté avait été attribuée par le Roi Andriamasinavalona (1675-1710) en partage entre les maisons princières Andrianamboninolona et Andriandranando (les premiers dans le quartier nord, et les seconds dans le quartier sud). S’agissant de ce quartier sud de Ambohitsiroa attribué à la maison princière Andriandranando, le roi Andriamasinavalona avait dit : « je suis le souverain et que c’est chez vous – les Andriandranando – qu’est née Ratompoindroandriana (sa femme, mère de son fils et futur Roi Andriantsimitoviaminandriana) … ». Ainsi y avait-il fait ériger à Ambohitsiroa-sud une pierre-levée en l’honneur des Andriandanando.

Puis, il y a la colline sacrée de Ambohipotsy (commune de Ambohimangakely) s’élevant à 1445 mètres face à Antananarivo au nord-est, spécialement réservée aux sépultures des descendants du prince Andrianifatsy et dont le sommet est dominé par le tombeau de style moderne de la Famille Razafindramanana.

L’autre ancrage ancestral est le prolongement en contre-bas des collines jumelles Ambohipotsy-Ambohibe (à Ambohibe sont ensevelis les princes Andrianifatsy et son frère Andriankomahitsy).

Il s’agit du domaine de Manankasina.

A gauche: Colline sacrée de Ambohipotsy, acrylique – Jipiera – Reproduction interdite                     A droite: Le tombeau du clan Razafindramanana à l’emplacement de l’ancienne résidence du prince Andrianifatsy

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C’est toujours le Roi Andriamasinavalona cité plus haut, qui était tellement heureux d’avoir eu de ses oeuvres d’avec sa « vadibe » (épouse principale) citée plus haut, son fils et héritier au trône Andriantsimitoviaminandriana, qu’il ajouta aux monuments commémoratifs attribués aux Andriandranando le creusement d’un vaste étang à Manankasina, baptisé « Ambodiakondro », en donnant comme instruction expresse : « Vous ne changez pas les coutumes et ce sera votre gloire à tout jamais !… ». Sont adossés à cet étang chargé de nénuphars et de plantes gorgées d’eau, par ailleurs agrémenté d’une cascade, toute une étendue de rizières subdivisées entre les fils de Pierre Razafindramanana, auxquels se profile en fond de tableau une petite forêt de verts sapins et pins.

Ces lieux de mémoire vivante amènent à considérer ce que représente notre attachement profond à ces terres ancestrales attribuées par le Roi Andriamasinavalona comme rappelé plus haut.

Et d’une façon générale, il faut se rappeler que pour pérenniser la royauté le Roi Ralambo (1575-1610) prit soin d’instituer pour la postérité la trinité dynastique des Andrianteloray (« Les trois princes unis » ou « Les trois princes d’une seule paternité »). Ainsi avait-il déclaré: « J’établis les Andrianteloray sur ces sommets : Ambohimalazabe revient à Andriantompokoindrindra; Ambohitromby et Kilanjy a Andrianamboninolona; Ambohibe, Manankasina, Ambohimahailala et Ambohipotsy seront la part de Andriandranando ».

Concernant les Andrianteloray, Pierre Razafimbelo, propre père de notre grand-mère paternelle Félicie Ravaonanahary, écrira en 1911 un ouvrage de référence, « Tantaran’Andrianteloray » (« Histoire des Andrianteloray »), lui le gouverneur général témoin privilégié durant le règne de Ranavalona III, la dernière reine, et du début de la colonisation, qui nous donne à comprendre l’ossature de la royauté et les clés de compréhension des traditions royales dont nous nous devons d’en être les gardiens éclairés, sachant que les Andrianteloray avaient été ainsi reconnus comme étant le socle  en forme de tripode et étant à l’origine des dynasties régnantes de l’Imerina dès le XVIème siècle, devenu par la suite Madagascar.

pierre Razafimbelo

Pierre Razafimbelo, Gouverneur général XV honneurs.

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S’agissant de ces dernières collines, se développèrent dans leur dépendance les bourgs de Betsizaraina (devenu l’une des résidences du prince Andriankomahitsy – second fils de Andriandranando – lequel sera ensuite enseveli à Ambohibe), d’Ankadindramamy (devenu un lieu de résidence où vont se mêler des descendants des princes Andrianamboninolona et Andriandranando) et, surtout, Soamanandrariny (ce bourg en pleine extension étant devenu la capitale des Andriandranando et un lieu d’intense activité artisanale, commerciale et spirituelle avec la double présence d’une église et d’un temple et où Pierre Razafindramanana s’activa beaucoup, son propre arrière-grand père, Andriamihaingozaka ayant été, en tant que descendant en ligne directe du prince Andrianifatsy, le seigneur attitré de Soamanandrariny.

C’est ainsi que pour pérenniser la tradition, ce nom « Andriamihaingo » (nom amputé pour la circonstance de la terminaison « Zaka », contraction de « Manjaka » = régner) sera celui choisi à la naissance de Pierre, notre propre père, le fils aîné du couple Razafindramanana/Ravaonanahary. C’est dire la charge héréditaire qui nous oblige, dont nous sommes porteurs, nous les enfants, petits-enfants et descendants en ligne directe de Pierre Razafy-Andriamihaingo .

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Armoiries de la famille Razafy-Andriamihaingo – Reproduction interdite –

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On se souviendra qu’eurent lieu en ces différentes localités, tout spécialement à Ambohitromby, Manankasina et Ambodiakondro, de grandes réunions familiales autour du couple Félicie Ravaonanahary-Pierre Razafindramanana, et que leur fils aîné, Pierre Razafy-Andriamihaingo, Président-fondateur en 1951 du rassemblement des « Terak’Andriandranando » (« Les descendants de Andriandranando ») avec son beau-frère Emmanuel Razafindrakoto (celui-ci étant descendant du fils aîné du prince Andriandranando) comme vice-président, avait saisi toutes les occasions de réunir en ces endroits privilégiés les membres du clan d’où qu’ils venaient, sachant que depuis le XVIIIème siècle des Andriandranando s’étaient répartis dans de lointaines provinces (notamment chez les Sakalava, les Betsileao, les Antemoro) pour y constituer la noblesse locale ou pour s’intégrer à celle déjà établie. Ceci, pour que tous se souviennent et ressentent, au moment où Madagascar et les Malgaches avaient à relever les défis du progrès dans les années 1950-60, la nécessité de renforcer dans la fraternité leurs racines communes.

Enfin, après celles successivement de Ankaidndramamy, de Ambohitsiroa (cette maison ayant disparue maintenant), de Ambohidahy (par la suite habitée par les enfants de la troisième soeur aînée Rasoahaingo) et de Amparibe (pour un court temps), il faut bien sûr citer la résidence d’Andohalo, en cette haute ville d’Antananarivo non loin du Rova, où le couple Félicie Ravaonanahary-Pierre Razafindramana élira définitivement domicile.

Cette belle demeure de style typiquement malgache avec sa véranda donnant plein ouest et dominant le jardin d’Andohalo, était auparavant celle du Pasteur Andrianaivoravelona, le précepteur de Ranavalona III, la dernière reine de Madagascar, la parenté de Félicie Ravaonanahary avec cet influent pasteur ayant aidé à l’acquisition de cette maison très vite devenue le lieu de rassemblement de toute la « tribu » Razafindramanana (actuellement, la famille Randriantsoa, issue du couple Augustin Randriantsoa-Geneviève Raharimanana – fille cadette du couple Razafindramanana-Ravaonanahary – en hérite. On rappellera que Augustin Randriantsoa était cousin de notre grand-mère maternelle Christine Razanamalala, de la branche de la Maison des Andriamasonavalona  d’Antsirabe).

UNE NOMBREUSE FRATRIE DE DIX ENFANTS

La foi en l’avenir et la volonté, ici aussi d’ancrer sa progéniture pour la postérité et dans la foi de Dieu, amènent par vocation le couple Félicie Ravaonanahary-Pierre Razafindramanana à s’engager résolument dans les oeuvres caritatives, essentiellement en faveur de l’Eglise catholique qui est leur appartenance religieuse, Pierre Razafindramanana, ancien élève des Frères de la Compagnie de la Sainte-Famille, dont le Saint Patron est Saint Jean-Baptiste de La Salle, se dévouant tout particulièrement dans le domaine éducatif et caritatif, étant dans ce dernier type d’engagement imprégné des enseignements de Saint-Thomas d’Aquin. Félicie Ravaonanahary n’est pas en reste, car de son côté en tant qu’ancienne élève des Soeurs de la paroisse catholique d’Andohalo elle s’engage pleinement dans les oeuvres sociales. La cathédrale d’Andohalo est devenue le lieu privilégiée des célébrations claniques dans l’observance des rites et pratiques catholiques, tels que baptême, première communion, communion solennelle, mariage, funérailles ou autres célébrations que rythme une vie catholique vécue avec ferveur…

Dans la haute noblesse traditionnelle, les enfants, surtout les mâles, devant convoler et construire leur propre destinée, sont dotés à leur naissance de leur propre patronyme. Quant au dernier né, il hérite du patronyme de son père, c’est là une façon de lui assigner tout particulièrement d’assurer pour la génération suivante la permanence du patronyme paternel. Cette tradition fut bien suivie. Et puisqu’on est chrétien, on ajoute au nom malgache le prénom de baptême (le « fanampin’anarana »).

automne

« Feuillages », aquarelle – Jipiera – Reproduction interdite –

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Ainsi, s’agissant des sept filles, l’aînée Rasoanirina est prénommée Victorine,  et viennent ensuite Ravaomihanta Germaine, Rasoahaingo Justine, Ravaomanana Victoire, Raharimanana Geneviève, Rafarandriana Aimée, et Razanadrasoa Jeanne. Quant aux trois garçons, l’aîné Andriamihaingo est prénommé Pierre, Randrianome Paul et le cadet Razafindramanana Jean-Robert.

La tribu s’agrandie naturellement, tout d’abord avec la venue dans le sérail des maris des soeurs aînées :  Pierre Ralambo pour Victorine Rasoanirina, le docteur Rakotomaniraka pour Germaine Ravaomihanta, Ratsimanohatra pour Justine Rasoahaingo…pour ne citer qu’eux.  Ensuite, s’y intégraient en dernier lieu …Marceline pour Jean-Robert Razafindramamana, le dernier-né des enfants du couple Razafindramanana.

Fratrie Razafindramanana

La fratrie Razafindramanana – les dix enfants du couple Razafindramanana/Ravaonanahary, par ordre d’aînesse de droite à gauche – Notre père au 4ème rang à partir de la droite – 

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Ainsi se présentent les branches d’un arbre bien enraciné et qui vont donner par la suite en successions prolifiques une descendance se traduisant en autant de généreux feuillages.

Et à l’ombre d’un tel arbre peut s’asseoir et s’abriter qui veut, pour formuler dans la sérénité en pensées actives et imaginer en actions réfléchies son devenir et son avenir.

« Mamy ny aina ! » – « La vie est douce ! ».

Il faut qu’elle le soit dans un pays, Madagascar, pourvu des meilleures sèves de la vie et béni des dieux avec une nature si généreuse et unique au monde de par sa diversité si diverse !…

Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo

4 réflexions sur “NY TERAK’RAZAFINDRAMANANA – TRADITION ET MODERNITE

  1. Cher Ami, Un grand merci pour ce partage éminemment noble. Je suis en phase dans cette historique, et moi-même je suis un grand défenseur de notre origine humblement.
    Misaotra Tompoko.
    José Solofoharijao

    • Cher Ami, c’est moi qui vous remercie pour votre intérêt. Les bonnes traditions, pourvues que l’on sache les perpétuer, les respecter et les faire vivre dans leur authenticité, sont le socle de la modernité. Mirary soa ô !

      • Très beau billet comme toujours. En grand passionné de l’histoire de l’Imerina, je ne peux qu’être admiratif devant une telle volonté de préserver et de perpétuer de si belles valeurs, merci.
        Il me tarde de montrer l’article à un très cher ami d’Ambohimailala (de chez les TAVA), il porte encore plus l’Imerina et son histoire dans son cœur, autant que moi.
        Pour finir, il est essentiel de transmettre les nobles valeurs familiales, car elles dont à la fois une richesse et un outil pour « comprendre l’ossature de la royauté et les clés de compréhension des traditions royales dont nous nous devons d’en être les gardiens éclairés ».
        Trêve de bla bla et au plaisir de vous lire très cher.

      • Cher ami, je vous remercie chaleureusement pour de tels propos si encourageants. Oui, nos traditions sont belles et il faut les faire vivre. Bonne poursuite de lecture à vous et bonnes fêtes de fin et de début d’années !

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